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CONTES, DITS, FABLIAUX.
IMI'RIMEIUES DE l'ECQUEREAU ET C-
88, ni'i; Di: la harpi:.
"910 l'r**
NOUVEAU BECUEIL
CONTES, DITS, FABLIAUX
ET AUTRES PIÈCES INÉDITES
DES XIII , XIV' ET XV^ SIÈCLES
POtr, FAIRE SlITE AUX
COLLECTIONS DE LEGRA^D D'AUSSY, BARBAZAN ET lÉON
jyiJS AU JOUR POUR LA PREMIÈRE FOIS
PAR
2lcl)tUe îubinal
D'après les Mss. de la Bibliothèque du Roi.
H
PARIS
CHEZ CHALLAMEL, ÉDlTEUli,
RLE DE l'abbaye, A.
1842
.1
«!
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'jr-jfip^
\
'0; 'V
'V
Mon iiiteutioii , on publiant ce Nouveau recueil de
Contes, Dits, Fabliaux, etc., que je travaillais de-
puis plusieurs années à recueillir, était, comme je
l'ai dit en commençant son tome premier, de pousser
cette collection jusqu'à une série de quatre volumes,
c'est-à-dire d'épuiser, ou à peu près , pom* ce genre
d'anciennes compositions , la matière restée manu-
scrite ; mais des devoirs nouveaux imposés par des
fonctions qui, en m'éloignant de Paris, absorbent
tout mon temps , s'opposent à la réalisation du pro-
jet que j'avais formé et m'obligent à rétrécir mon
plan. Ce volume sem donc, à mon grand regret, le
deuxième et dernier.
Mes lecteurs verront que je n'y ai pas apj)orté
moins de soin ni de conscience qu'à mes autres pu-
blications. Toutes les pièces qu'il contient, en effet.
VI
ont été scrupuleusement revues sur les manuscrits in-
diqués en tête de chacune d'elles, et j'ai fait exprès
un voyage à Londres afin de coUationner sur les
textes originaux les petits poëmes que mon ami ,
M. Wright, m'avait envoyés. Ce voyage m'ayant
permis de recueillir moi-même, au Musée britan-
nique, d'autres pièces que nos manuscrits français
ne contiennent pas , je me suis empressé , à mon re-
tour, de les comprendre dans mon recueil ; on les
trouvera vers la fin de ce volume.
Un mot encore sur mon travail. Dans le tome
premier, je m'étais attaché à donner autant que pos-
sible des pièces intéressantes par quelques traits de
mœurs , par des souvenirs légendaires ou des tradi-
tions religieuses. Mon but a été le même encore dans
ce volume, seulement j'ai tâché d'y répandre un peii
plus de variété en choisissant des poëmes de rhythme
différent ou curieux : tels sont, par exemple, un Lay
d'amour, p. 190, le dit de Martin Hapart, p. 202,
Fatrasies, p. 208, etc. J'y ai réuni également un
assez bon nombre de pièces empruntées à un manu-
scrit que personne n'avait encore mentionné , et qui
sont relatives à des métiers, à des jeux, etc., du
moyen âge; ce sont le dit des Paintres, le dit des
Choses qui faillent en ménage, le dit des Dez, etc.
On trouvera aussi , avec ces poëmes, des pièces tirées
de la même source et remarquables à d'autres titres :
telles sont, par exemple, le dit desMoustiers de Paris,
VII
dont l'auteur ne nomme pas moins de quatre-vingt-
huit églises ; le dit de Vérité, qui est une violente cri-
tique de l'esprit politique et religieux de saint Louis;
le dit de la Qiieue deRenart, qui compose une des der-
nières pièces que nous ait laissées le moyen âge sur
le héros de notre vieille épopée allégorique ; plusieurs
satires contre les femmes ; une pièce sur le roy Ar-
thur et sur saint Louis, des Sakits, des dictons, des
proverbes, des chai:fi5ons, etc.
Comme pour le premier volume de ce recueil,
mon ami M. Chabaille a bien voulu , pour celui-ci ,
m'aider de sa science typographique et philologique
dans la révision des épreuves. C'est un service
dont je me plais à lui rendre hommage. Je ne doute
pas que les bibliophiles n'y voient une preuve de
plus de la correction et de la fidélité des textes que
je leur présente.
Achille Jlbl>al.
CONTES,
DITS, FABLIAUX, MORALITÉS
ET AUTRES PIÈCES INÉDITES
DES Xlir, \IT ET XV' SIÈCLES.
ICI SE COMENCE
£t ïlomans îïfs iFratireis,
PAR ANDRÉ DE COUTANCES.
Ms. additionnel du Musée Britannique, n° 10,289 '.
Heis Arflct de Noliundrelande '
As boens bevéors saliiz mande,
Les autres à maufez commande,
Quer il ne's prise une alemande.
Le viel Arflel fu son ancestre
Qui des Guides fu sire et mestre ;
■ Ce Ms. esl du 13« siècle; le Romanz des Franceis y orcupe le folio
129 v. — Sur André de Coulances, qui se nomme plus Las, p. 16, voir
l'abbé De la Rue, Essais historiques sur les Bardes, les Jongleurs et les
Trouvères, t. II, p. 806-308.
2 ArHet de Noliundrelande ; peul-être, comme nous dirions aujour-
d'hui , Alfred de Norlhumberland.
H. 1
2 LI ROMANZ
Cil si enbat destre et senestre
Tant qu'il en set quanqu'en puet estre.
Meslre est des cerveises estales,
Bien les conoisl bones et maies,
Bien est sire des escales,
Des gestinges et des eruales.
De lui vos di en dreite fei
Que sevent a béu sanz sei,
Et bien est dreit ' que endreit sei
Ne veut que dcchie guersei \
Rimé ont de lui li Franceis
Lez le pot où bollent sis peis,
Par icestes méismes leis
S'en volent vengier li Engleis.
il ont dit que riens n'a valu,
Et donc à Ârflet n'a chalu
Que bote fu par Capalu
Li reis Artur en la palu j
Et que le chat l'ocist de guerre,
Puis passa outre en Englelorre,
Et ne fu pas lenz de conquerre,
Ainz porta corone en la terre;
Et fu sire de la contrée
1 Le scribe a écrit veir sur ce mol, el veir est la bonne leçon.
2 J'ai donné une petite pièce sous le titre de Guersay dans les Additions
aux OKuvrcs de Rutcbcuf, l. Il , p. ^<35.
DES FRANCEIS. 3
Où ont ilel fable trovée;
Mençonge est, Dex le sot, provée :
One greignor ne fu encontrée.
Mes li cliailif, li espové,
Li mal peu, li larl cové,
Li patarin, li endové,
Où ont-il d'autre conlrové?
Trop ont dit d'Artur granl enfance,
Quer Artii fu de tel puissance
Que Franceis conquist o sa lance:
Mau éritage raist en France.
Bien savon que Bien et Delin,
Maximien et Gostentin '
Furent à Franceis mal veisin,
Et France orent, c'est la iin.
D'Engleterre furent tuit rei,
Chescun conquist France endroit sei,
Chescun en pleis a le bofei,
Le gorgéir et le desrei.
Au rei Artur le deraain,
De celui sommes-nos certain ,
Voudrent fère plet, mes en vain;
Quer il les out bien sor sa main.
Quant de lor orguil s'averti,
' Brenne et Belin, flls de Donvalo, roi de la Grande-Bretagne. Voir
Roman de Brut, t. I, p. HO. Maximien et ConstantiH sont aussi de^ per-
sonnages de ce roman.
Ll ROMANZ
Maugré eus toz les converti ,
Et le pais acoverti :
Dites se ce est veir parti?
ïïamès n'iert jor que il n'i père;
Douce ert France, or est amère;
Moiit eurent en Ârtur dur père,
Sa sorvenue mont compère.
Moul fu Artur proz et corteis;
Quant out conquis Chartres et Bleis,
Et Orliens et tôt Estampeis,
A Paris vint o ses Engleis.
La vile asist, n'en dotez tnie;
Moût out bone chevalerie
El bien eslruite et bien garnie,
Si l'a fièrement asallie.
Engleis fièrement asallirent,
Franceis merdemenl défendirent;
An premier assaut se rendirent,
Et hontosement s'en partirent.
A cel partir fu a pelée
Paris, ci n'a nul celée,
Qui primes fu Termes nommée.
Et moût ert de grant renommée.
Frolles ert apelé le reis '
> Frolles roi de France sous les Romains. Voirau Roman de Brul, (. 1 1,
p. 82 et suiv., les déiaiîs du combat de ce prince contre Arthur.
DES FRAiNCEIS.
Qu'Artur conquist o ses Engleis,
El de FroUes sont dit Franceis
Qui primes eurent non Bailleis.
Frolles, qui de France fu sire,
ÎNe sout que faire ne que dire;
Grant maniaient oui cl granl ire
Franceis manda à un concire.
Li baron l'orH à ce amis
Qui sesL messages a tramis
A Arlur, si li a pramis
Qu'encor porroient eslre amis,
Se de sa terre s'en issist
Que à moul grant torl saisséisl,
Et s'il ne la guerpisséist
De balai le le aasléist
Par eus dous, (jue plus n'i éusl,
Eissi le voleit, ce séust;
Cous rendist qui cous recéust,
•El plus féisl qui plus péusl.
Arlur respondi : • Dex i va Ile;
Défendre mei, s'est qui m'asali
A Paris en i'isie sanz l'aile
Seit à demein cesle balalle. »
De çà et de là sunt certain
De la balalle à lendemain :
Qui veinera loi, eit en sa main
6 LI ROMANZ
Les bois, les viles et le plain.
Frolles durement menaça,
De jurer ne s'apereça,
Dex lot par menbres dépeça,
Que Artur mal s*i aproça.
Artur, qui n'out pas cuer de glace,
Preisa moût petit sa menace;
Mieux l'amast à tenir en place
Que voer Dieu en mi la face. *
Artur, qui out granl desierrer,
Se fist matin aparellier.
Lui et Labagu son destrier.
Et se fist en l'isle nagier.
Frolles jusqu'à tierce dormi,
Et lors quant il se desdormi
Endeseéles s'eslormi
Corn se l'eussent point formi.
Franceis, qui moroient d'ennui,
Li distrent : « Lèverez-vos liui? »
11 dist aol, et de nuliui
jN'ont Franceis aol fors de lui.
Tôt en gesaunt, sanz sei drecicr,
Se fist Frolles aparellier;
D'ilonc sunt Franceis costumier,
Que en gesant se font chaucier.
DES FRANCEIS.
Ainz que Frolles se fust armez
S'est tierce fiée pasmez ;
Lors fu des Franceis moût blasmct,
Mes il lor dist:«Ne vos tamez;
Ce me vient de grant hardement :
Mort est Artur veraemeut. »
Lors les prist loz par serement,
Qu'il tendront son.commandement^
«Cornent, dist-il, que il m'avienge,
De mes bones mors vos sovienge;
Mar i aura cil qui Diu crienge
Se léauté à homme lienge.
Cruel séiez à desmesurc,
Cruel, fei-mentie, perjure;
El vostrc garder metez cure,
De l'autrui prenez à droiture.
Artur vos voudra del suen tendre,.
Prenez-le sanz guerredon rendre,
Ainz vos lessiez ardeir ou pendre
Que le vostre veiez despendre.
De dez séiez boens joeors
Et de Deu bons perjureors,
En autri cort richeeors,
Poi fesanz et boens vanteors.
Acreez, si ne rendes rien,
Haez ccus qui vos ferunt bien,
Lï ROWANZ
Plus orclement vivez que chien,
Et séiez luit armeneisien. »
Frolles en France misl ces leis;
Bien le retincirent li François,
Et encor i out-il sordeis;
Mes je n'en dire or ampleis.
Quant arme fu à quelque paine,
Son mestre chambellenc aceine :
•'Va tost, dist-il, et si le paine
Que aie pullente aleine. •>
Cil conut bien sa volenlé,
Que d'allié s'est démente,
Plain vessel l'en a présenté
Et il en menja à plenlé.
Ne se poul Frolles atenir
Quo. des auz ne teist venir,
Tant por usage maintenir.
Tant por Artur en sus tenir.
Franceis qui devant lui estèrent
D'aler en l'isle le haslèrent,
A quelque paine l'i menèrent :
Laissièrent le, si retornèrcnt.
Frolles reniest sor son destrier,
Artur vit venir fort et lier;
Lors n'out en lui que corrocier
Quant vers lui le vit aprochier.
DES i- RANCEIS.
Audui es esliius s'aficliiùrenl,
Si que quant il s'entr'aprochèrent
Amedous lor lances bruisérent
Ll lor chevaus s'agenoiilèrent.
FroUes acuit à menacier
Et Arliir trait le branc d'acier;
Quant Frolles vit le cop haucier,
A terre se lessa cachier
Et dist: « Merci, Ârtur, beau sire;
Je sui recréant, ne m'ocire. »
Artur ne pout atremper s'ire,
Frolles ocist, n'en puis el dire.
François furent espoenlé
Quant lor rei virent gravenlé,
A Artur se sont présenté
Que d'eus face sa volenlé.
Et il qui loz les voleit pendre,
Quant si humblement les vit rendre.
Ne veut envers Deu tant mesprendre;
Par lote France fist défendre
Que nul ne ni éust pendu:
Vie et menbre lor a rendu.
En autre sens lor a vendu
Que vers lui se sont défendu;
Quer il les niist loz en servage
Où encor est toi lor lignage;
10 LI ROWANZ
Hoc donna en érilage
Artur, as Franceis, cuvcrtage.
Franceis en l'isle s'en passèrent,
Lor rei qui mort ert enporlèrent,
En un grant feu le cors botèrent
Que por lui ardre aluraèrent.
Déables furent en agait
Qui d'enfer eurent le feu Irait
Dont il alumèrent l'atrait
Qui por Frolles ardeir fut fait.
Moût out cel feu malç ensuiance,
Que d'iloc avient sanz dolance
Qu'encor en art en remcnbrance
Del feu d'enfer la gent de France.
De Franceis prist Artur bornage,
Et il establi par vitage
Quatre deners de cuvertage
Por raaindre lor cbevetage.
Assez trovent qui lor reconte
Cest bonlage, mes rien ne monte^
De ce ne tienent plé ne conte,
Car il ne sevent aveir honte.
Jà Franceis celui n'amera
Qui bien et ennor li fera,
Mes corn il plus boni sera
, Et il deus lanz gorgeiera;
DES FRÀNCEIS. ii
Quer savez que liu ùesrez,
Jà mar Franceis de rien crerrez ;
Se r querez, jà ne 1' Iroverez;
Se r trovez, jà prou n'i aurez.
Quant li Franceis veut cort tenir,
Et il se veut bel contenir,
Deu pain de segle fet venir
Por sei richement contenir;
Et chescun en est parpartie
Sa dreite livreison partie,
La crosle se jurent de la mie,
Puis font entre els une aramie,
De sopes faire en la paele,
Qu'il n'i covent autre escuele;
A trère les jà de berele,
Tel ore est qui n'est mie bêle.
Mes il font une autre veisdie,
INe m'est or lai que ne 1' vos die,
Qu'à traire les n'i ait bondie,
Chescun d'un fil s'asopelie.
Un fil tient chescun en sa main
Tant que il a trempé son pain;
Si est de sa sope certain
Tant comme il veit son fil sain;
Mes quant il ront ou il desnoe,
Que la soupe deu fil descroe,
't
^
J2 U ROlVlA^Z
Donc va la chose à mal iioe,
Quer chescun dit que ele est soc.
Donc orriez Dex desmenribrer,
Ventre, langue, gorge, anienbrer ;
Dieu ne porreit longues durer.
S'il en peroul por son jurer.
Sovent a là meinte aalie
Et mainte colée partie;
Mes il font une autre establie
Qui fet remaindre la folie :
Et il jugent que cil qui a
Icel lit greignor dreil i a;
Sor sainz jure qui en li a
Celé sope qui deslia.
L'estrif remaint et la mesiée
Quant il l'a à soe provéc,
Mes moût est sovent csgardée
Et envizée et golosée.
Et quant il metent pot à fou,
Lez le pot asiecnt un (|ueu ;
Lors n'i aureil ne ris ne geu
Se il se parleit de cel leu ;
Trop i poreit mésavenir.
Sagement l'estuet contenir,
Que por le boUon retenir
Li estuel la cullicr tenir.
DES FRÂNCEIS. 13
Se H bollon n'alout à droit,
A la char qui cuit mescharroit,
0"or lost fors (Ici pot s'en saudroit
Dès que 11 bollon l'asaudroit;
Si Taveient perdue enfin,
Quer le chat enlrereit à fin ,
Ou la sori ou le poucin
Enportereit tôt le bocin.
A traire la deu pot s'esmaient;
Et quant ce est qu'il s'i essaient,
Ce ne puet eslre que il l'aient
Se tôle l'eue anceis ne traient.
El quant l'eue en est purée,
Chescun aguèle, chescun bée,
Chescun fet oreison privée
Que Dex dont qn'ele seit trouvée.
Et quant il irovent ccl merel,
Lors sachiez que moût lor est bel;
Gragnor joie en a eu Hamel
Que ou Ire mer deu feu novel.
Donc est aporté li coleaus,
Si est détrenchié par morseaus
Petit, mes de tel granz seuiaus
Com cels dont l'en giue as mériaus.
S'il avient que non per i ait ,
Hoc n'a mie grant déhait,
U Ll ROMÂNZ
Quer donc sont li dé avant tret :
Qui Dieu donna plus poinz, si l'ait.
Lor dobliers volent nez tenir,
Et c'est légier à avenir,
Quer qui lor mengier veil fenir
De laslé li puet sovenir.
Arflet tesmoigne en son brief
Qu'il menjuent tôt lor relief;
Ce est as poures grant meschief ,
Et si apelent de cest grief.
Li chien se plaignent d'autre part
Que quant l'os de la table part,
Tant lor vient mègre et tant à tar^
Que de tôt le trovent baslarl;
Ou li Franceis l'a tôt mengié,
Ou il l'aura si près rungié
Que quant il li donc congié
De néent a le chien paie.
D'iluec vient, nient d'autre nature,
Que il ont blanche endentéure,
Quer le rore de l'os lor cure
Les denz et blanchist et escure.
Quant li Franceis se fel seignier,
Si fet alorner un mengier
Dont nus hoin ne doit jà pleidier.
Ne s'en sareit fors els aidier,
DES FRÀNCEIS. #5
S'il ne la vel de lor doulrine :
Vivée en gorge de gel i ne,
Si n'est pas deu lot orfeline,
Quer sel i metcnt et ferine,
Et porriez et oignons et alz,
Et de lorer fère granz salz,
Et de l'escost estorcer chauz
Qui 0 les Franceis raengera,
A quei que seit, escotera ;
Quer ou al noiz enlenciera
Ou des escaloignes fera
Franceis à lot le mains venir
Por sei richement contenir;
Quer icel ne puet avenir
Que d'escot se sachent tenir
Tant com en lor contrées scient;
Mes quant fors en sont, moul gorgeient.
Et à autri table richéent
Et blasment quanque il i véent;
Et quant il sont en lors ostex,
Si conoisson Franceis à tex,
A tant merdes, à tant avex,
Qu'en les devreit tuer o pex.
Une ligne érasée dans le Ms.
j
10 Ll nOMANZ
André ' sa charlrc fine ù tant,
A Paris l'envoie ha tant;
Qui la lira seit en estant,
Qiier Franceis s'iront mont cresçanl ;
S'ele est sus Petit Pont retraite,
On de colée ou de retraite
Ara celui la teste frai te
Qui la lira, s'il ne se gaile.
Moût sera isnel, de prinsaut,
Se en Sienc ne fet un saut.
André prent congié, Dex vos sauf,
Mes savez qu'en sa chartre faut.
Et qu'il a oblié à dire,
Por ce que il n'en veut mesdire
^■e Franceis del tôt desconfire.
Tirenlire est pain en allié
Et o la doussc d'à! freié,
Jà Franceis ne sera hétié
Le jor qu'il n'en seit commencié.
Ce est un légier companage
Qui toi le cors lors asoage;
Mes jà 0 Dieu n'ait héritage
Qui primes fist tel mariage.
André de Coulances, nom de l'auteur.
Une liffnc a été oubliée ici par le scribe.
I
rJES FRANCEIS. 47
Andreu a sa chartre ûnée,
Bien l'ont li Engleis graantée,
Que rien nule n'i ont trovée
Qui ne seit vérité provéej
Bien l'ont graanté li Flamenc,
Et Borgueignon et Loherenc,>b .sK
Que prendreige tôt à renc,
Mes en vérité vos aprenc
Que Engleis, Breton , Angevin , ^^ gj^^j^
Mansel, Gascoign, et Peitevin ,^^^«1 ^j^^
Tienent Andreu à bon devin , ^p^^^ ^^^
Quer partot dit veir. C'est la fin 'g-^j^oi;!
T tîiix. J?inpno3
ExpUdt Arjiel.^^ ^^^ ^j^^q^
> c'est à l'obligeance de M. Thomas Writh, de Londres, professeur au
Trinity Collège, que nous devons la copie de celte pièce, ainsi que celle de
la Chronique des Rois de France, de Gilote et Jehane , de V Yver et de
l'Esté, insérées un peu plus bas.
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,, ii Jffo iV' • '^^ (loi'i onO
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Ms. de la Bibl. harléienne ^♦333.^'io[i JS
— 0— — ' ^fJhèv «9 8àM
Honis soit li rois d'Ingleterre ! • ^^o-'-^ J"*''
Rois François ont fait mainte get^e ''^«^^ftW
As Sarrasins per lor vertu. jnonoil
Clodoïs, que premiers rois fu,^*^**^^ i^ii*J.
Gonquist .xiiij. rois païens
(Drois est qu'en remenbrance aiens
Les faiz de nos boins ancessors),
"" "" Car les sains e les confessors • '«^3-''^'^ ' • »«»''> '
.4, V Servi chascuns tant cum fu vis,,,,.^ ,a, ./^.«o-^aj ..»
Icil premiers rois Clodoïs 'X} ««» »-f>*)V>««i .suii
Fu sens malice e sens losange,
Si le mislrent à Reins li aingle
Sor lou chief corone roial,
Quant Cherussin le desloial
Ot ocis, que France tenoit
E que chascuns jor se penoit
De la crestienté jus mettre ;
Mais Clodoïs, ce dit la lelre,
I Après avoir vu tout à l'heure une satire contre les Français, tirée d'un
Ms. anglais, il est curieux de lire l'éloge de nos rois venant d'une
source analogue. Cette pièce se trouve également dans un Ms. fonds de Sor-
bonne n» 1422 R. 381, fol. 263 et suiv. Voyer page 22 pour sa date.
CHRONIQUE DES ROIS DE FRANCE. i9
Qui commença la bone geslCjurl na mq ouQ
A icelui trencha la teste i9?cq au A
Que tôt lou pais essilloit. ; j t;iq jioèa qA
Icil Clodoïs un fil oit j ?,ij|q jj ol aO
Que après lui la terre tint, lo) no?, h ouCj
Saigement et bien se conlintjurr jioaael 9'^
Si ot à non li rois Cloteires, >) ouQ
Mais à son tens n'ot clers ne notaires, ;(j J3
Plus de lui clergie ne sot; _ j ouQ
Onques n'ama musart ne sot^ ^iiosG-içiiag
Car saiges fu, de grant renon. i^ jgioi J3
Li tiers rois Chillebers ot non ; ./sb ^gavi
Ne larrai que ne vus en die : . .^.bticq n3
Cil conquist tôle Normendie. >od ho aàiqA
Et le premier duc i assislftifit «fl^a Jb eo7
Onques à son pooir ne fist D ^oijuc au'3
Ne malvestié ne dyablie : • n» jjutn auQ
Per lui fu la lois estaublie, g 'w\ aèiqe JS
xMult assausa crestienté,: aioi non é^Jo iiiQ
Se trueve l'en per vérité >f{ r a'] aomijiu iJ
En lettres qu'il ne vesqui gaifes: \\um suQ
Après lui vint ses fils Loteires; rnivon iJ
La terre tint, rois fu li quars; m Jnti/aO
Mais onques Tioiz ne PicarSjlamJ-jnieg A
Ne gent Sarrasine enraurée ; ^«ni/ HdJ
N'oient per lui point de duré%,, ,^li11a^. 2A
Que à force ne lou conquist, ) ob u) auiï lO
Quelque poinneque il méist;jo zeaimb iJ
As Sarrasins fist mainte honte : ilum luQ
De lui l'istoire nos raconte ririrsno Ll
Que mains leus fu ces brans offera.iii8 io8
Li quins rois ot non Dagobers, ..ûv ^èiqA
io /rjAAHn: chronique omonwj
Que par sa force mult conquist ; «oo luQ
Aus païens mainte gerre fisl : lait iijfoDi A
Ne séoit pas toz jors en chambres. Jo) ouQ
Ce fu li plus fors hom de membresolO liiï
Que à son tens fust et de cors ; (qè out>
Ne lassoit nul Sarrasin lors j Jj»fMn^>gie8
Que loz ne 's alast gravenlant.: aéh h lo î8
Et Dame-Deus li dona tant, î tio/. h ?Àf\U
Que toz ses biens li abonda. i«l ob 8ol*l-
Seint-Denis en France funda lo'a aanpaO
Et mist et moinnes et abé )1 aegijîa ifi3
Ives, de cui il n'at pas gabé : : :J
En paradis s'aimrae herbert. j . . -î a/.
Après cel boen roi Dagobert aiupiioa \Vj
Vus di, sens faire lonc riot, iaioiq al \A
C'un autre, Chelebert, i ot f é aoypnO
Que mult en pas la terre tint, 'Jaoyfcm 0/
Et après lui ses fils revint I ul \n[ iù'l
<}ui ot à non rois Jeonaires; ufi«2C îîoW
Li uilimes fu Théodaires ; 08
Que mult fu biaus et bien apers ; • ful
Li novimes ot non Aubers, .. .^iqA
Devant mainte cité mist siège j u'î oiiaJ bJ
A Saint-Lambert dona, ço liège, io sieM
Les vins, les rentes et les terres, no^ oî^
As Sarrasins fist maintes gerres : Jnoio'/l
Grans fu de cors, le poil ot rous. '^ « ^wQ
Li disimes ot non Ernous, naioq oopIdoQ
Qui mult en pas tint lou pais, lisfincfî aA
Li onzismes fu Auchèis, •J'^^i'l iwfr "^
Sor Sarrasins feri mains cols, «"ifiiii diiO
Après vint Phelippes ii Gros, 'i aaicip iJ
:4 M/ DES ROIS DE FRANCE. 21
Qui de cors fu et gens et bias; iq liï li; »
Et après vint Charles-Martias, tni? siu^ï
Qui clers haï et Sarrasins; ?«» ni on iuQ
Après lui vint ces fils Pépins, mjc jS) t"
Que tant fu de petit corsage : , d itvQ
Il n'ot de lonc en son estage od<I aiu*!
Au plus que trois piez et demi ; iucn quQ
le il rois Pépins escremi !<1 aêiqA
Miez que nus hom de tôt lo mont, î
Par force conquist Justamont;
Mult honora et clers et moines, on el o(j
Après vint li boins Charlemainnes, i
Que prodom fu et sens envie, >
Miracles por lui à sa vie d
Fist nostres Sires Deus apertesjs jj^îA ôï^
Por voir vus di et tôt à certes, j!gc8
Bien se prova tant com fu vis. iijid J3
Après vint ces fils Lowéis, . .^.'ndùiqk
Que mult en ben s'esvertuap?^ ;'; iîrp ffH
Gormont lou Sarrasin tua,
Ysambarl amena en France :
Parmi le cors li mist la lance
Qu'onques n'i ot point de deffoiz..
Après vint Phelippes uns rois, >
Puiz Phelippes, puiz Lowéis, )
Après Hues, après Hanris,
Que mult fu valans et cortoiz,
Et après fu Sains-Clos li rois
Que Deus ama dès qu'il nasqui :
.1. jor et une nuit vesqui.
Après Robers, après Loteires, , ^
Puis Oedes que ne vesqui gairesj n7T ni.
22 CHRONIQUE DES ROIS DE FRANCE.
Cil fu prodons et de grant pris} . af> iuQ
Puiz vint uns autres Loéis -m »'Jif]c ÏA
Qui ne fu envieus ne faus; i^h iijO
Et après vint Charles li Chais, ^ d eihqA
Que biaus fu de cors et de vis jil Uini ùuQ
Puis Phelippes, puis Lowéis, )( ob JoVi ii
Que maint don fist, meinte promesce.u/
Après Phelippes de Gonesce *, . ii j : îi*i
Li saiges, li bien ensegniez; )ijp xjiM
Pluis de cent fois me sui segniez vio'} tr'I
De la science qu'il avoit : J*) inonoif îluW
Per Sun cors plus de bien sàvôil ' r g'VsqA
Que tut li baron de sa terre ; iq msQ
S'il fust vis, li rois d'Engleterre .jlofniWl
Ne fust pas se contre arrivez.. -iMjgoa Jgi i
Sages hom estoit et privez, kyr lo^l
Et bien prodom, bien en sui fiz. )^ ntila
Après vint Loéis ces filz , ,' ?.6 u|A
Cil qui à Monpenceir morut '; im a»Q
S'onques Deu arme secorrut, >i jjioaîioO
A s'arme li face merci. ^ii; J'ir.dnir,?/
Toz les rois ai nomez ici î ^ ?ôo el im-ia^
Qui de France trespassé sont.aoupno'oQ
Or prions Deu qui fist lou mont ' ?M(\h
Que as armes merci lor face, ,i:jii<l siu^l
Et à cestui se doint sa graice oull aj ujA
Qu'el reaime de France a mis! iluai otiO
Et confonde ces enemis. iiiB<!î v'I ztm\Àmen.
» Philippe-Auguste, ainsi nommé en effet par les historiens du moyen âge.
a Louis VIII, mort le 8 novembre lïi26, au retour de son expédition contre
les Albigeois. Ce vers et ceux qui le suivent font donc remonter noire pièce
au premier tiers du 13e siècle.
Bu })lait ïlenart Ire lammûtrtin coittre
,^^, iJairon «an rancin., ,,vg„o. ig ja
;; (unèb «<)o< »«fttK io|> 'llo'ib JeoD aéM
;^'- • • Ms. 7218.
Oiez une tençon qui fu fête pieçà; ^
Mise fu en escrit du tens de lors ençà. ., n
Renart de Dant Martin à son roncin tènça ,
Et son roncin à lui , mes Renars commença.
Vairon avoit à non cel roncin que je di , ^ , X
Quant à lui ramposner son seignor entend! ,
Et Yairon aulressi ramposne li rendi,
Que débonéreté nule ne respondi. , , .r.
Ne Vairon ne li sires, nus de ces deus n'ert sains. '
Vairon fu foible es jambes, de ce valoit-il mains, ^^
Et li sires croUoit de la teste et des rains ;
Toutes eures parla li sires premerains.
9d ,n<Hiu/ -
«Vairon, que ferai-je puisque vous mébaigniez?
Bien voi que mult par tens serons desconpaigniez :
Crollant vois de la teste et vous devers les piez ;
Quatre en soliez avoir, or estes à trois piez.
0
no'iiB/ —
« Sire, ne me devez mon méhaing reprochier,
* Il
Quar onques nule beste ne poez chevauchier ;
24 DU PLAIT RENART DE DAMMARTIN
Qui puisse desor vous amender ne frouchier :
C'est tout par vostre crolle et par vostre hochier.
— Onques por mon croller n'éustes greignor paine ;
Encore avez bon dos, eschine entière et saine,
Et si vous faz sainier en chascune quinsaine,
Mes c'est droite foiblèce qui ainsi vous démaine.
— Sire, c'est par voz coupes certes que foibles sui,
Quar je ne goust d'avaine se n'estes à autrui ,
N'onques mon escient en vostre ostel ne gui ,
Qu'eusse jor et nuit de vèce c'un seul glui.
fi t/nr.
— Sui-je en vo dangier, orguillex plains de boce?
Ce est redoterie oui ainsi vous déhoche,
Et les jambes devant vous ploient comme croche,
Ne gart l'eure que chiens facent de vous lor noce.
— Sire, vous n'amez pas, ce m'est avis, mon vivre.
Qui à chiens par parole si fetement me livre;
Mes ainz que mi costé soient de char délivre, ^
Serez-vous mainte foiz, je croi , tenuz por yvre.
- , - - - - - - . .^f»
— Vairon, ce croi-je bien. Que vous a-il couslé?
— Sire, tant que e'i ai durement escoté.
Tel loiz avez beu que je n en ai gouslc :
.îf
Après si s'en sentoient durement mi costé.
— Vairon, vous ne vivez fors por moi domagier,
Quar onques ne vous poi ne vendre n'engagier;
Il n'est nus qui vous voit ces jambes souglacier,
Qui puis vous achatast, s'en dévoie enragier.
CONTRE VAIRON SON RONCIN. 25
— Sire, pensez de vous, si ferez miilt que sage;
Se je sui afolez , c'est vostre grant domage.
Mors estes se n'estoit de Nantuel le lingnagc,
Que por autre achater n'avez argent ne gage.
i oup Jncd II JneT
— Ahî! mauves roncin, de tout bien decéu, ''>0 «^
Ainz que je vous eusse en oi-Je maint eu.
— Je croi bien , vous avez par tant biau jor véu
Cor sont li donéor et mort et recréu.
oqniBi gfiy am luU
—Tu mens voir; ainz ne fui de si grant acoînlance
Cora je sui orendroit; et saches sanz doutance,
Conques tant ne vausis en ta greignor poissance
Com fet ce que me donc par an le roi de France.
—Vous donc dont li rois? — Oïl,bîausdonsetbuénîî,
L'évesque de Biauvais et de Saint-Pol li quens,
Li sires de Nantueil, qui est miens et je suens,
Et li sires des Barres, dont li maugrez soit tuens.
— Onques por Dieu n*en aies maugrez ne maie grâce;
Soit de moi ou de vous, qui miex porra, si face;
Se je ne vous guerpis prochainement la place.
Si la me lerez-vous, quar la mort vous menace.
18
— Oiez, ce dist le mestre, quel ramposne ci a!
Que penduz soit-il ore quant la mort m'envoia!
N'a encor pas granment à terre me rua :
Malement le démâinc flectamus jenua.
— Sire, puisque vous dites que foiijlement vous port»
Por quoi n'achatez-vous et meillor et plus fort?
26 DU PLAIT RENART DE DAMMARTIN
— Je ne puis. Tu m'as dit que donéor sont mort l.
Je sui cil qui par force à sa vielle se dort.; .^ j^^ ^j ^
— Bien voi que mon service mauvèsement emploi r(>
Tant m'alez ramposnant que je les jambes ploi.
Jà n'en perdrez jornée por ce se j'afebloi ,
Que porter ne vous puisse chascun jor à Trambloi.
— Vairon, nem'aimésgaires,ainsicommeilmesamble>
Qui me vas ramposnant que la teste me tramble;
Mes se je por denier demain ne te dessamble,
N'auras .p,9s Ipnguemenl et cuir et char ensamble»,;j
— Et que ferez-vous donques, dites-le-moi se viaus?
— Yolentiers; mes li dires ne te sera pas biaus :
Je te ferai venir un ouvrier de coutiaus,
A trenchier les ataches à qoi tient tes mantiaus. .,
.aiiiiU?: tf{ Jo an-iiu'i Jeo ion JiauJnc'/I ob èoiia iJ
— Sire, vous soliiez fère de moi tel feste. .\^ [[ j^
— Voirs est. Or en ferai com d'afolée beste.
Ton cuir ferai oster des piez et de la teste, ;»nO -—
Si c'on porra veoir à descouvert le feste.v^,j, .^ jJq^,
— Sire, dont vendra ce que li vilains retret^^^^ ^j jg
Quar li vilains seut dire de bien fère cou fret.
Se preniiez bien garde aus biens que vous ai fet^
Si me devriiez-vous un an garder contret. ^ ^^^^^
— Honis soit,distle mestre, qui vous tendra en mueî
Puisque derrier devez corner la recréue,
Yostre char ert aus chiens, moi ne chaut qui li rue.
J'aurai argent du cuir, la paume me menjue. ^^^,,
CONTRE VAIRON SON RONCIN. 27
— Or vous courouciez-vous, sire; bien voi l'afère,
Mes puisqu'il est ainsi que je ne vous puis plère,
Tuer pas ne me fêtes, ainz me vendez por trère
A aucun charretier, où mon miex puisse fère.
— Vairon, c'est à bon droit que de blasrae te rete.
Fols est qui de l'eslable por nule rien te gete :
Tu n'es bons en charrue, ne por trère en charrete.
Je ne truis qui de toi barguingnier s'entreraete.
— Sire, mult estes dur, s'en vous merci ne truis;
Por Dieu, ne m'escondites de vostre estable l'uis.
Lessiez-raoi d'une part : si vivrai se je puis;
Quar trop redoul la mort, chiens ne coutiaus ne ruis.
i fo ^uq $(té>aw^Hit\ii5i^^iÈ oa lalevaiia yJ
— Et comment te leroie lez mon roncin Fauvel,;
Qui menjue s'avaine et son fain tout novel? ^ .. i
Se jeunes lez lui, ne t'en sera pas bel. -fiO
— Ne me chaut : trop redout les chiens et le coutel.
c TOV» > ?îofrrj jio gsmi'i*!
— Respit as de ta vie, encor vivre te lais. 'A »
A mengier avéras ; or sueffre, et si te lais; /"H
Mes c'en par un covent : ne me ramposne mais.
— Mult volentiers, braus sire.— Lors fu faite la pais.
rj, ^ - ■
La pais fu créantée si com Renart voloit ; ■ - -iin'A
Se Vairon l'otria, nus blasmer ne l'en doit : h î
Les chiens et les coutiaus durement redoutoit,
Por ce est bien réson qu'au los son seignor soit^
ExplicU de Renart de Dont Martin.
1;>
(&i[oU et Soljtttte»
■ '' Ms. de la Bibl. harléienne 2253.
En may, par une matyné, s'en ala juer
En un vert bois ramé un jeuene chivaler, -oJ
Si oyd deus femmes entremedler. î rdiiO
Ly chevaler se areslut privément pur oyer,
Les damoyseles ne le aparsurenl mie;
Et si lur nouns voletz qe je les vus die, uO
Gilote e Johane nomer se feseyent, «irntMi •^?.
E de lur vies entreparleyent.
Primes dit Gilote de jolyf cuer :
« Je ay un amy que fet à preyser,
Coynte e sage e beal bachiler, ; A
E lot me treove quanqe j'ay mester. )'a gèll
/ JluM
— « Veyre, dit Johene, je su pucele,
Entre la gent tenu pur bêle
E de mon cors tenue pur tele, floiic/ 38
De ce meint prodhome parle novele. T
E uncore outre plus qe je vus die,
Ne su mie apaye de tote vostre vie ;
Vus vivez malement en vileynie,
En manèrc de pecchié et de lécheric,
GILOÏE ET JOHANE. ^
Pur ce je vus lou qe vus lessez i^'\ ^.y ^.^J^^J
Geste maie vie e vus amendez, yf „^ ^
E fetez-vus tost bien marier, ^^\iy(\ nyo/;
Pur doute de pecché e d'encombrer. :.. ^q
— «Yeyre, dit Gilote, vous estez desçue
E de un ben nyent estes-vus mue; ^ti ^ mozi^Cl
Je estoie puceie, mes ore ne su mie, ,1 ^ovc 3
Ne jamès serroi pur perdre la vie; ^^ ^j^ 3
Par là oià vus deites je su en pecché, çi epnlJ
Certes c'est voirs, si su-je née; j^inuo j«ol oO
Pus qe je primes fu engendré ' au(m A
Je ne me poey garder de pecché. , . iîf.;i
Unqe ne fust femme ne jà serra ^ ^
Pus qe Deus Adam primes créa , jtl#i>fi^
Damoisele ne dame de sa ne de là, ^i^oifo ^l
Qe à la foyz ne pecché, coment qe il ^.a, ©lyjv 3
Vus qe vus tenez digne en virginité, i; n^aib A
Plus qe je ne ay si avez -vus pecché, oJ ob 3
Tes parens e tes amys sovent corocé, >o7 »_
E de jours e de nuytz malement templéi^^j -^^q
E si vus purrez privément à leysyr, .ji ^buQ
Sauntz aparteynaunce, à pleysyr ^j^ qq jjm^
Tôt parfere vostre voler ; momlq i&^
A peyne si vus vodrez le jeu lesser. , ^o
Vus estes al hosteil tôt demoraunt, ., ^j
Mesdit e repris cum un enfaunt, ! ^h Jaji
E ne avez qe vus troeve kerchief ne gant, ^o/r
Creaunt serez puceie e tenez-vus à taunl. t^q
Je su en joie e en jolyveté, ■•^'■é'^i''^
Près de mon cher ami, qe me fet lée -^jaigiiV
De fere ce qe me plest à ma volenté, ^joi c^
Qui qe l'en corouce, uyl-il maugrée, o[ 90 iu/!
Là où vus parlez endreit de mariage, ^tuu oJa^O
Noun frai-je, Johane, ce serreit outrage >i^'l 3
De vivre en peyne e en damage, » =" '
Qe malement se marie, ne fet pas qe sage.
Je serroi pris de su en ma mesoun, oi^o/» --
Désolé e batu pur poi d'enchesoun, 1 no ^U 3
E aver les enfauntz à trop de foysoun^oiola^ si
E jà ne déparlyrai de tel laroun. ^*>fnci ofi
Unqe ne savoy femme que prist mary,ûo éi la^l
Qe tost ou tart ne se repenty . «^ «io/ i-'/j'o aol-iôO
A noun Dieu, Johane, ne est pas issi' 'j»[op au<4
Entre moi-meismes e mon aray; . mn on al
Je pus quaunt je vueil partyr de ly i on fjpn'J
Sauntz congié de prestre ou de autruy, o eo'l
E choyser un autre tauntost après, i^cLouiaG
E vivre en joie e tous jours en pès; 0I «!'« oQ
A dreyn de mes pecchiésestre confès:/ op go/
E de touz meffétz aver relès.^^ ^c an 9[ ap 80W
— «Vus avelz molt parlé à desresounyioiuq 80T
Par maveise créaunce e abusioun, - /îooj,£)b 3
Quar tele pucelage e virginité riMq gjjv iè 3
Sunt en ciel e terre sovereyn digneté, i« sJnucg
Par plusours en ensamples puet estre provc T
Qe ce est la fyn de tote bountéj m . kj A
L^ premère ensample qe tôt conclud e^riJao «u/
Est de la dame qe primes consul iiqsi 9 ûbëoU
Nostre douz Salveour, si come ly plust^wc an a
Pure virgine de jour e de nuyt, j n JiM« JnuBOiO
Virgine estoit devant e après, i > '> oiot n*) ug ol
Virgine e dame demorant en pès,' noai ab aéil
De totes virgines porta le fès,! ^m 9p w otoI ^yQ
; #-
ETJOHANE. 31
Douce virgine nus grauntez relès^^^'^y ' •<• - -
E autres ensamples de meintes virginei^^ f^'^ ^'^
Que ore sunt en ciel pures meschines," x^ii'jid
E pur ce vus di-je par ceste resoun ' '>'>
Pucele su e de ce ay le noun ,
Corne les \irgines de salvacioun ,
Et je de virginale su condicioun , ^ JasuO
E vus estes de un degré descendi plus bas j ^î-
E si estes del tôt passé le pas. •■ ' '^ 3
Jà en ta vie ne le recoveras «'^id i8
Le pucelage qe tu perdu as. *^ fi^ ^<I
v'iî?ii4X>t>q sO
— «Vos paroles, dit Gilote, sunt à enteridrê,"
Mes e moltz des pointz vus vueil-je reprendre;
De nostre douce Dame vus estes molt meyndre,
Entre vus e ly ne poez ensample feyndre. \ t'»-^
Vus estes molt foie, e bien le savom , 'Jii (î>I*1
De fere nulle ensample ou comparisourf> awq ^
Entre vus e la Dame de salvacioun , «oiJuA
De qui nostre joie nus tous avom, ^q easiCI aO
Ou de fere ensample de seinte virgines ^^C^
Qe sunt en ciel divine meschynes; "'^
Vus estes terrene e si ne savez
Cornent à drein vus-meismes chevercz.J9q iwU
Vostre virginité ne vus valt rien', ■i> "9 ^^^ 'Y
Si de mal penser le cuer ne gardez bieW;'»'^ i<^
E Dieu dist meismes par comandemept' ♦ .0 —
Multiplier e crestre la genf'JoJGOio noo« ai'j/
E rendre les aimes à ly omnipotent i^^tx^i «'''> 3
Celi qe me dédit, sei-meismes démeiht, ^ 1'
Et tant corne en terre soûle viverez ^ JwT
Une aime à Dieu rendre ne poez. /oiJ>fl «» /
4% GILOTE
— J. «Vus me ditez tro bien en vérilez , >f)ffoO
Si en esposailles fuissent engendrez : noe 3
Dreite engendrure est naturele chose, :> ^uQ
Ce est la somme de ce e la parclose. {oq 3
— « Bien de exepté par nulle escripture »jooijq
Nulle cristene gent par engendrure. g^f 9moO
Quant mon ami de rien ne meffet, iy ^b <^\ 13
Je prendroi un autre saunlz fere plet|}ao î>ijv 3
E tendroi à ly à ma volenté; 7')u^ ï?. d
Si bien ne se porte, tost serra chaungé. q^ él
De la Magdaleyne vus avez oy retrere «q aj
Qe peccheresse fust quant fust en terre,
Ore est en ciel gloriouse mère
Par sa repenlance e sa prière; h xifnrn aaéM
Si avez oï dire qe ele fust lors
La plus orde femme qe unque fust de cors, j
Pleyne de pecchié dedenz e dehors, .;f>
E pus de ces pecchez Dieu fist devers. ^^ t^(\
Autres ensamples dient plusour >ijy m\n^{
Qe Dieus plus ayme un peccheour an iirp »!
Qe se converte à chief de tour, , ^^1 6>b «O
Qe nulle virgine par escriptour. »"> «>*> îf!ffs*>0
Johane respount santz nulle destaunce,
Qui pecchie de grée en opéraunce, O
Yl vel en doute e en balaunce, >/
Si Dieu ne ly face de ce aleggaunce. \?.
— G. « Chescun cristien qe se conust de gré, .^î
Vers soun créateur aver pecchié, M
E cri merci de bone volenté, 3
Yl serra bien oy e serra salve. ^ ; )D
Turnez le Byble de sus e de jus, )o jncl 13
Yus ne troverez frère qe vus dirra plus ;!6 ^nU
ET JOHANE. 33
A fey lez-vus, file, afeitez-vus, foie,
Vus estes mynz sage, venez à l'escolej
Fêtez corne je face, Dieu vus avaunce;
Aydez al siècle pur fere créaunce.
— J. « Vus me avetz conclud, mes ore vueil aprendre
Cornent je me purroi donque défendre.
Si de mes parentz soie reprové.
— «De ce je vusdirroi la fyne vérité :
Vus avérez un bachiler jeouene e vaillant,
E à matin e à seir vus serra joyant,
E quant le gu d'amour arez asayée
Sys foiht ou seet à vostre volenlée,
Vus à vostre mère vendrez arère,
E la mère pur vus priera le pèrcj
Quar naturele chose est à la mère
Eyder sa fille en tote manère.
E si vostre père après vus reprent
E vus lédenge à soun talent.
Que vus avez fet noun pas sagement,
Lessez-le passer, ce n'est rien qe vent,
E si devez dire : « Sire, si vus plet,
Meinle pucele ad issi fet;
Ne su pas la dreine ne la premère,
E pur quoi serroi-je lessé derère!
Si vus m'eussez bel part avant mariée,
Ne fuissé-je ore de cest arettée.
Fête vos files tost marier,
Quar nulle pucele se puet garder;
La pensée lur dampne e le voler.
Tant ad de joie en le mestier. »
II.
34 ' GILOTE
Donqe ceste Johane un amy piist,
Plus bel bachiler unqe ne vist;
E come Gilote la out eynz dit,
En totes choses issi le fit.
Johane se cocha ou cel bachiler
Come pucele prest à soun voler,
E il se entremisl de vson mester;
Là gist un hoho e un teyser.
Donqe dit Gilote, à chief de tour,
« Cornent vus resemble de le gu d'amour?
— « Certes, Gilote, c'est dreit gu ;
Unqe en terre meilour ne fu
A reigne ne dame ne autre vivant;
Par mon ami ai-je trové taunt ,
Tant juay ou ly ou seine plat,
Qe par un simple eschek si ly di mat. »
Donqe dit Gilote, e parla à Jone :
«Coment vus resemble, est la vie bone?
— e. La beneson Dieu e sa douce mère
Puissez-vus aver, come bone counsilère!
Car je su en joye, en jolyf chère,
E su molt amendé en meinte manère ;
Si fu bien foie et mal avysée,
Qe j'ay pucele tant demorée
E perdu mon temps en viduelé.
Mes si ne fray-je mes, en ma léauté! »
Tant ad Johane aie par Wynceslre
ET JOHANE. 35
E Gilole sa compaigne, qe fust chef mestre
De dire ceste aventure c de prêcher,
Qe à peyne une puet-um trover
Que ne s'entremettra de tiel mestier ;
Si ele soit requise de jeouene bachiler,
A peyne si ele savera son amour déneyer.
Si com il alèrent un matyn déduant ,
Une jeuene espose lur vient aconlrant,
E quant vist Gilole, si la salua ,
E counsail e aye ly demaunda ,
Et dit qe un chivaler ly aveit counté
Qe Gilote fust femme bien enloquyné,
« E dit qe il out oy la despuleysoun
Qe vus venquistes l'autr'er à grant resoun ,
E que vus avez Jehane ensi consiliée
Qe c'est grant joie e grant dentée. »
Gilole assez bien la entendist,
E taunlost après la demaundist
Quei fust la chose qe ele coveytoit,
Sur totes choses, qe rien ne celeroit.
«Moût y ad à dyre, c'est vérité,
Mes à vus, Gilole, ne serra rien celéj
E molt est à dire e à mostrer,
Mes bosoigne fet la voie deforcer :
Je su jeouene espouse, si ay un baroun ,
Mes trop est-il fieble en sa mesoun ;
Ce est la vérité, il ad un vit
Trop est-il plyant e trop petit,
E je su molt près, si me tient clos,
E son vit est touz jours derère mon dors,
E pur fin anguisse me toud mon repos,
E me fet palyr e frémyr le cors 5
36 GILOÏE
Me covient moryr pur anguisse fyn ,
Si je n'eie l'amour de jolif Hokekyn.
— «Veyre, dilGilole, vus estes Irahy,
E de ce ne serrez rien abay,
Je mettroi consail, vus avérez aye,
Vus avérez médicine, si serrez garye.
Trop est femme desçu malement
E forement trahy qe tiel homme prent,
Yl ne puet foutre ne fere talent.
Alas! alas! for Godes deth, such coomoun, ysy-sheent!
Demayn quant vostre mary vet de mesoun, •
Je vus froy venyr un geouene clersoun
Qe de geu vus trovera granl foissoun ,
De meyne e de tresble e de bordoun. »
— «Si ussé-je fet graunt temps passé,
Mes je me dotay molt de pecché,
E pur ce le ai-je uncore lessé
Tant qe je seie mieux avysé;
Car preslres nus dient en lur sermoun,
E si fount les frères en prédicatioun ,
Qe ce est la mort et confusioun
Femme de prendre autre qe son baron j
E ce ne serroit pur moy de aver amour
E perdre ma aime santz nul retour.
— G.«]N'est-il pas baroun tenuz en terre
Qe ne puet ou sa femme engendrure fere,
Ne il ne puet foutre, ne il ne puet trere,
A force covent médicine quere.
Prestres ne frères, pur lur sermoun,
ET JOHAISE. 37
Ne devez raie doter pur ceste résoun.
Pus qe le frère qe lisl de son art ,
Prêche al pueple e foute de sa part ,
Nus, jeouene femmes, n'averom regart
Qe unqe ne veymes lettre ne art. »
— Ux. « Mes uncore vus vueil prier de plus,
Qe n'est avant dit ne mostré desus,
Le roi ad fet fere fortz estaïus
Qe font granlz mais en plusours lyuus;
Si femme espousé ad guerpi
Par soun eyn de gré son propre mari
E un autre homme ad choysy,
En manére de avoutre ou de amy,
E se fet demorer ou son avoter
Un demi-an ou un an enter,
E son baron seit mis en cymeter,
Mort e enterré santzrevenyr...
— «Certes, dit Gilote, je vus dy véir;
La femme en cel cas perl son doweyr,
Mes là où le baroun ou bone volentéc
Ad sa compaigne à ly recounsilée,
Rien n'i est perdu, mes tôt est gaygné,
E accion par bref si serra graunté,
E quei si le baron reprendre ne la voleil,
Play de seinte église quei ly valdreit?
Par pley de seinte église, la femme esposé
Serra reprise son baroun malgré;
Mes vus frez autre coyntise,
Par quei qe vus serrez arère reprise :
devant vostre baroun vendrez humblement,^
38 GILOTK
Vus li crierez merci molt dulcement,
E prierez qe il eit pur l'amour de Dée
Merci de vus e pietée :
« Je vus ay meffel en ma vyleynye,
Si ne frai-je jamès tant corne je ay la vie.
Beau sire baroun , pernez bone cure
Quey me promistes par premesse dure;
Regardez à Dieu e à dreyture,
Vus ne me poez refuser pur nulle aventure.
Quant nus venimes le preslre devant,
Cornent vus me deytes, avisez-vus à tant :
Veiez si la femme, veiez si l'enfant;
Douz sire baroun , tenez covonant. »
Prestres e frères e autre bone gent
Vendront e dirront communément :
« Recevez ta femme par digne talent,
Pur salver vostre aime hors de torment. »
Quant ceste chose serra mostré.
Vus vendrez devant ly bien atyré,
Le cuer li changera, si avéra pieté,
E vus serrez dame bien recounsilé,
E serrez mestresse si come devant ,
E serrez riche dame e plus puissant. »
E si come Gilole cestes choses dist,
Ceste jeouene espouse issi le fist,
E de lotes choses qe Gilote la aprist^
Unqe en nul point rien ne faylist.
Cestes bones femmes s'en alèrent juer;
Gilote e Johane ensemble à mostrer,
Ceste matère la comencèrent ,
Le lixt e la glose desputèrenl ,
ET JOHANE. 3Î^
. Apertement distrent lur argument ;
Les femmes respondyrent comunément :
«Vus avez bien dit et clergialraent,
Unqe ne oymes tiel prèchement. »
E totes bone femmes ai liostel alérent,
Quar hastive bosoignes lur cliacèrent ;
E solum cet aprise tous feseient:
Si fount-il uneore, où qu'il seient.
Tant sunt celés damoiseles aie avant
Que il n'y a femme ore vivant,
En quel lu que ele soit demorant,
Que bien ne siet juer à talevas devant.
En Engleterre e Yrlaund yl prêchèrent,
Meynle bone terre si envyronèrent,
A la vile de Pount-Freint demorèrent,
E à lur aprise plusours tornèrent.
C'est une bourde de reheyter la gent,
A Wynceslre fet verroiement,
Le mois de septembre le jour quinsymo,
Le an roy Edward vyntennesyme,
Le fitz roi Henry qe ama seinte Eglise',
E quant vus avez lu tôle ceste aprise,
Priez à Dieu de ciel , roy glorious,
Qe il eit merci, pieté de nous.
> Ces trois vers prouvent que celle pièce, dont les vers sont d'une mesuro
singulière, fut écrite vers la lin du 13« siècle ou au commencement du 14e.
En effet, le roi Edouard dont il est ici question est Edouard IV, fils de
Henri III, qui, ayant appris en Terre-Sainte la mort de son père, revint
prendre possession de ses Étals, fut sacré en 1275 et mourut en 1307. Si
par l'an vyn(ennesime le trouvère entend la vingtième année du rè^ne
d'Edouard, cela placerait la date de notre composition à l'année 1295;
s'il entend au contraire l'année vingt-neuvième, celA nous rejetterait à l'an-
née 130i.
Bf rgt)fr ci h M&ié \
Ms. de la Bibliothèque harléienne 2253.
Un grant estrif oy l'aulr'er
Entre Esté e sire Yver,
Ly quieux avérait la seignuriej
Yver ad dit onckes oye :
« Je su, fet-il, seignur e mestre
E à bon dreit le dey estre,
Quant de la bowe face caucé
Par un petit de geelé,
E quant je vueil yl vente e pluel,
E negge après, qe l'em ne puet
Par mei guères bosoigne fere;
Ne jà n'entera charue en terre.
Pur roi ne duc, si je ne l' voil.
Tiel vodreit aver remoil
« Cette pièce ou disputoison, dans le genre de celles de Chariot et du
Barbier (voyez mon premier volume des G^uvres de Rutebeuf, p. 212),
du Plaît Renart de Dnmmartin cl de Gilotc et Jehane, est écrite en deux
rhythmes différents , dont l'un est employé par Yver et l'autre par Esté. Le
second de ces rhythmes, qui semble oublié par les poètes modernes, était
souvent employé par ceux du moyen âge. (Voyez, dans mes Jongleurs et
Trouvères, la satire intitulée le Dit dcsCornetes; dans Rutebeuf, le Dit
de VHerberie; dans ce volume, h Dit de Vérité, etc. )
DE L'YVER ET DE L'ESTÉ. 41
A cui je doins grysil e glace,
Et quant me plest si lur faz grâce
De coliner un jour ou deus,
E pus après reposer trois ;
E n'est-ce donqe grant seignorie
D'aver touz tant en ma ba^flye,
Que nul ne passera le soyl
Santz anuy, si je ne l' voil?
Et qui purreit donque desdyre
Que Yver ne fust mestre e syre? »
Esté respound: «Je ne l'grant mye,
Ne jà ne le froy en ma vie 5
De moie part,
La chose serra plus oye,
Et quant ele ert mieux asye,
Seit sur esgart.
Ce n'est pas honour ne corteisie
Ne guères le tienk à mestrie
De vassal,
Pur une petite bailie,
De prendre à nulle rien atye
De fere mal;
Mes pus qe dire le vus dey,
Avauntez estes de grant effrey
Apertement.
Uncore frez-vus plus mal , ce crey,
Qe dit n'avez, ne fust pur mey,
Qe vus déf'ent.
Tant estes de grant démesure
Qe de belle n'avez cure,
A voslre vueiJ:
42 DE L'YVER
Mes tant come vostre sesone dure,
Vus avez de ma nature
Le chaut soleyl.
Ore avez mostré ta mestrie,
Qe ne vall pas un alye,
Qui bien l'entent.
Vus n'avez cure d'autre vie,
Fors fere mal e freyterye
A tote gent;
Mes si je pus rien oyr
Qe de vus pust chose venir
Si mal noun ,
Je vus dirroi saunlz mentir
De ma mesure mon pleysir
E la résoun. »
Yver respounl santz nul respit :
« Merveille, fet-il, avez dit,
Que de moi ne vient nul bien;
Donque n'est-ce pas treslot myen
Et pur ma très grant largesse,
Tous les conquer, nient par peresse;
Nuls um est qe ou vus tienge.
Jà Dieu ne place que me avyenge
Que ne face plus honour
E plus despenz en un souI jour
Que vus en lole vostre vie;
Si je ne vus faz aye,
Cheytif , jà morrez-vus de fcym.
E dont vus vient de mettre cleym
Encountre moi, qe lot pus fere?
Vus n'estez mie déboncyrc,
ET DE L'ESTÉ. 43
Vus estes fel e froit e feynt;
A mensungier serrez aleynl
De cesle vostre foie emprise.
Bien est droit qe l'em vus prise
Pur vostre grant noreture:
Muselles e mal aventure,
Lésards e colures grauntz,
Crapots e serpenz puauntz,
Sunt reignes de ta meynée;
Mes quant je vienke par lur countrée,
IN'ad si hardy qe m'atent,
Que je mort ou mat ne rend;
E pur ce vus lou je bien
Qu'enconlre moy ne diez rien. »
Esté respound e dit après :
«Yver, vus estes molt parvers
A tote gent.
e mesdire es molt en grées;
Maie bouche ne puet mèes
Si ele mesprent.
Je su , fet-il , des Fraunceis,
De nul guerrer ne nul maveis
N'ay talent,
For soûl Yver qu'est engrées,
Féloun, pulent e maveis
Apertement;
Mes pur ce qe bien vivre ne volez,
A nul jour mes me amerez
Parfitement.
Je vus noris les vins fraunceis,
Qe vus vont fere les gabeis
44 DE L'YVER
Moltsovent,
Feynz, formenlz, févez, peys,
Touz sunt norys en me treis meys,
Ce sevent lote gent;
Mes quant vus avez la plentc
Que je ay à tous abaundoné
Communément,
Quant vus !e avez gasté,
Que jà ne avérez honour ne grée
De nulle gent;
Quar en vus n'est point de mesure
Tant come vyn ou cervoise dure,
En vérité.
Par vos tempestes, grésils, plues, venlz,
Vous anuyez totes gentz,
Sauntz fauceté.
Tous bestes vodrez anuyer
E totes choses vodrez gastier.
Si vus puissez;
E trestous pur mey grever,
Eynz puissez-vous crever
Qe vus le facez !
Et dites que vus me peesez ,
Peyse-vus que rien lessez
Al moun venyr ;
Mes quant je vienk, je porte assez
Chars noveles e deintez,
Pur mei servyr :
Le buef freyshe e veneyson,
Dount jà ne enundrés ton gernoun ,
Si n'est salée.
Je ne su pas frère à gloloun ,
ET DE L'ESTE. 45
Pur eslrangler le viel motoun
En fumée.
Pur ce vus lou , en vérité,
Qe n'estes pas molt bien amé
De tôle gent;
De seignurie qe vus avez clamé,
Bien vus lou facez mon grée
Sauntz jugement. »
Yver respound: « Ore eit deshée
Que cure ad de vostre grée ;
Aynz lerroy seignurie
Que j'ay clamé, par vostre vie,
Quar vus n'i avetz point de dreit,
Que cel vus dit, vus deceit;
Qui vus tendroit à seignour?
Certes nul que seit de valour
Fors danz Poydras, Maymont, Swyn;
Cyl vivent bien de poy de peyn ,
E autres tiels avetz assez ;
Mes ceus sunl vos plus privez ,
Les autres sunt molt bien scytées,
De Loundres e d'autres cytés,
As hospilals e as abbéyes;
En vostre temps sount lur veyes,
E dorment longe matynée;
Le solail chaut molt lur agrée;
Mes par un petit de freydour,
Ge les chace le feu entour.
Un tiel serjaunt à son seignour
En bosoigne freit grant socour,
De fere bone saulée
<46 DE L'YVER
Où il trovassent sa guyréc.
Ycele n'est pas ma meynée,
Tôt autrement l'ay afeyté;
Ne sevent vivre de francboyses
Dont les vos font grant noyses;
Les miens sunt péus corne li baroun
De volatyl e bon braoun.
Quant les vos muèrent de freit,
N'est nul de myenz qe poynt en eit;
De le freit se puet molt bien défendre,
Mes nul de vos ne puet attendre
Ne robes ne sourneyl doner,
Quant il ne poent laborer.
Ne je ne vueil nul tiel noryr
Que nul bien puet déservyr.
Tous avez-vus aquillis
Les malveis e les faylis,
E se fount coyntes d'amours,
E sunt larouns e murdrysours;
Pur ce vus lou-je en bone fey
Que vus acordez ovesque mey;
Quar si jugement volez atendre,
Par dreit agard um vus deit pendre. »
Quant Esté le oy taunt dyre,
Yl respount e dit sauntz ire
Son talent :
« Si vostre mal vus empyre,
Soffrez un petit, bel syre,
Que vusament;
De mesdyre es trop délyvre
E de mal fere estes plus guyvre
ET DE L'ESTÉ. m
Que serpent.
Vus estes de her seir yvre,
E quanque dit vostre lyvre,
Si vus ment.
Je norisse molt bone gent ,
Chivalers, clerks ensement,
A grant plenté,
Que me servent bonement.
Quantque lur vient à talent
Liir ay doné.
De ce que vus m'avez repris,
De la vermine qe je noris
E d'autre rien ,
Si faz-je vus donqe je faz pis;
Mes ne sunt pas trestous amis
A qui l'em fet bien.
Quanqe je faz de noreture,
Tôt est pur Dieu créature,
Petit e grant;
Mes vus mêlez tote vostre cure
De tuer à démesure
Quanque est vivant.
Si vus estes de hait parage,
Bien savom de quel lignage
Estes issaunt. ,
Dreitz est que facez utrage,
Bien savoms que fûtes page,
Parfound à val ,
Lucifer e son neveu;
De li estes meyntenu
De fere mal :
Vus estes son parent e son dru
48 DE L'Y VER
E de mal fere tenez son lu
Espécial.
Je ne su pas de ly apris;
Quar lot le mal nus ad conquis
Daunz Lucifer;
Je su de parais transmys
Pur vus remuer del pays
E gent amender.
Je faz russinole chaunter,
Arbres floryr, fruit porter,
Sauntz countredit;
Je faz floryr le verger,
Fueil e flur novel porter,
A grant délit.
Les blées, qe par vus sunt pérys.
Les met avant e les norys
A moun poer;
Les bestes qu'avez près ocys,
Je les ay en vertu mys
A moun voler.
Je ne vus vueil mie déceveyr,
Ceus qe sachent mon poeir
La vostre gent.
Ore entendez , si je dy veyr :
Vivre ne porrez matyn ne seyr
Seurement;
Si ne nasquit greyn de forment
Et autre fruitz communément,
Que frez-vous?
Vyn ne claré ne piement
Jà ne bevera vostre gent
Si noun par nous.
ET DE L'ESTÉ. 49
Mes taunt je vueil dyre
Que saunlz Yvei' poez vyvre
A graunl honoiirj
Mes ne puet nul contredire :
Yver ne puet aver que fruyre
Si d'Esté n'eil socour.
Seigneurs e dames, ore empariez,
Que, nos paroles oy avez
Apertement:
Evus, puceles, que tant amez,
Je vus requer que vus rendez
Le jugement '.
■ On peut faire un rapprochement qui n'est pas sans intérêt entre cette
pièce et celle intitulée le Débat de VIver et de l'Esté, insérée dans le re-
cueil de Poésies gothiques françaises, in-S", 1830. Paris, Silveslre, rue
des Bons-Enfants , 30.
£t Bit bf (Èentillfce.
Mss. 7218 et 248, supplément français, Bibliothèque royale.
Se chascuns qui volentiers m'ot
Quant je li di aucun biau mot
M'entendoit bien, je le vaudroie,
Quar avis m'est miex en vaudroie;
Mes ainsi n'est pas la besoingne,
Peu d'avis, qui por aus besoingne,
Leur fel oïr et nient entendre
Réson , où chascuns bons doit tendre;
Et qui réson het et desprise,
Il n'aime Dieu ne sainte Yglise,
Ne lui-mesme, c'on doit avoir
Assez plus chier que nul avoir;
Quar cil qui ne se veut amer,
Il het amor et s'aime amer,
Ne d'oneur n'ot onques enienle.
Cil qui tels est aprent entente,
Se tu m'os,3à t'aurai apris
Un sens dont toi tendra à pris.
Que tu sez pou se ne l'aprens
D'autrui; se tu garde là prens,
Tu pues mult bon conseil là prendre,
LE DIT DE GENTILLECE. ëi
Et s'anieras trop plus l'aprendre;
Si sauras c'oneur senefie
Mile tans miex c'ore une fie :
Honeurs, c'est bêle chose au monde,
Mes l'uevre n'est pas toute monde
Dont il i a maint honoré;
Quar je di , par saint Honoré,
Que tels le cuide avoir arée
Qui n'en a mie une denrée,
Non par Dieu, s'il vivoit cent anz,
Et si méist encor cent tans
Qu'il n'i ait mis, quar il li faut
Et bone grâce li défaut.
Nonporquant ne soit esperduz :
Biens fez ne puet cstre perduz ,
Mes cist siècles est si divers
€'on ne voil d'cslez ne d'y vers
Se mult poi non genz bien loiaus.
C'est par fausseté qui loie aus
Qui vers li les fet aloier;
S'en recevront mauves loier.
Peu prennent garde aus bones genz
Lor ancisseurs, dont si très genz
Est li recors por mètre à voie
Les oirs des bons qui Diex avoie,
Mes mult vaut peu ce c'on leur conte j
Quar mes ne truis nului qui conte
Ne qui plus vueillent riens conter
A chose c'on li puist conter,
Et por ce je vif en tendant
Que mes ne truis nul entendant
Qui ausi volenliers ne truffe
52 LE DIT
D'un bien bon dit corn d'une truffe.
Si me covendra por mon vivre,
Se je vueil entre tel gent vivre,
Que les miens dis arrière laisse;
Mes encor dirai une laisse
De cestui conte por estruire
Cil qui se meslent d'aulrui nuire
Par covoitise et par envie,
Qui pas n'est morte, ainz est en vie,
Et de mesdit font enviaus,
Par envie qui envie aus;
Mes de tant sui-je bien perclus
Qui ainsi muert, l'âme en pert cius
D'autres doleurs et de si fêtes.
Entre vous qui peu de bien fêtes,
Se volez cesl example oïr
Et entendre sanz sort oïr,
Jà porrez oïr sanz mesdis,
A mespresures ne mes dis,
Dont primes si porrez savoir
S'il a enz folie ou savoir;
Et s'uns mauves d'un bien me blasme,
Li bons me loe de tel blasme ;
Et se j'ai los des bones genz ,
Li blasmes des mauves m'est genz.
Des bons et des mauves ensamble
N'ert jà nus loez, ce me samble;
Mes por les bons sont fet mi conte •;
Por ce les faz-je que je's conte
Aus chevaliers et aus preudommes,
I La version du Ms. 'Vi8 Supp. fr. commence par ce vers.
DEGEÎNTILLEGE. 53
Ausqueis biens nous nous atendomuies,
Quar nous vivons de lor biens fais;
Por ce qu'il soustienent le fais
De ce qu'il a d'oneur au monde,
Est bien résons que vous ' desponde
Chascun selonc sa genlillece,
Qu'il ait \igor et arlillece '
De vivre au siècle honeslemenl,
Dont je faz amonestement,
Selonc ce que réson descuevre,
De gentil cuer la gentil oevre ^
Se de nature ne forlingne ;
Selonc réson qui lient sa lingne
Por lor vies à droit lingnier,
Se li hom ne veut forlingnior.
Gentiz cuers '' de père et de mère,
Trop liest vilonnie amère
Et trop li est au cuer grevaine
Au gentil cuer, voire vilaine *,
• Ms. 248. Vab. De bien.
■' Ms. 248. Var. Qu'il ail le sens el la prouece.
1 Ms. 248. Var.
Et pour ce doit li hom gentiox
A gentillece estre ententiex.
4 Ms. 248. Var. Hom.
5 Ms. 248. Var.
Qui gentis est de nascion,
Pour ce vous di-je que li hom
Doit mult garder à son al'aire
Qu'il puist tés oevres contrefaire
Qui allèrent à gentil homme,
Selonc ce c^om gentil le nomme ;
Car s'il ne fait selonc le non,
Il en aquiert mauvais renon ,
Car consaus l'en desloc et blasmc,
LE DIT
Dont j'aurai mult tost escesté.
De tant com li hom a esté
Plus hauz hom et de granz vailfance,
Plus plains de bien et d'onorance,
Plus preus et de loz biens estruis,
De tant est li hom plus destruis,
Et au siècle plus assaillis.
Quant il est coars ' et faillis
Et aquiert los de meneur ' homme;
Quar l'avarisce ^ de preudomme
C^est li droiz mireoirs à l'air
Por lui enseignier à valoir,
Quar s'il ne ranalure au père
D'aucun bien qui en lui repère^
Dont au père soit comparez,
De gentillece ert mal parez ^
Ne jà de lui ne se parra
Quant ^ aucuns biens n'i aparra,
Ainçois l'en doubleront ses hontes^
Et plus keurt de Tui malc famé.
Si vous dirai raison comment :
De tant com li hom vraiement
Est plus haus hom et plus poissaiis
Plus sont ses oevres connoissans,
Soient mauvaises, soient bonnes ;
Car plus le sevent de personnes
Pour le renon de sa hautecc,
Dont li fuet blasme gentillece
Quant il ne se maintient selonc,
Car li blasmes en keurt plus lonc.
Ms. 248.VA-R. Mauvais.
2 Ms. 248. Vaii. Mauvais.
3 Ms. 248. V*R. La vaillance.
4 Ms. 248. Vxn. A lui s'apèrc.
5 Ms, 248. Vah. Puis k'aucuns.
DE GENTILLECE. 55
Quar il l'emprunle à doubles montes ',
Dont vaut miex, qui voir en retrel,
C'en soit d'un petit lieu estret,
Si soit-on preu et de bon estre,
Que de bon lieu et mauves eslre;
El bien vous en tenez por lit
Qu'en gentillece n'a porfit
S'on n'est encontre ce vaillant ;
Quar gentillece vait faillant
En gentil homme qui se paine
De maintenir oevre vilaine;
Dont est vilains, je n'en dout mie,
Li hom qui fet la vilenie.
Puisque li cuers s'i abandone ;
Savez-vous quel cuer ^ je l'en donc,
Soit rois ou dus ou chaslelains.
Plus est hauz hom , plus est vilains.
■ Ms. 248, Var.
Que plus est haus et gentilz hom^
Plus y a de honte foison,
Et plus Pen doit-on ahonter
Et à droite raison conter :
Poiu-quoi sera genticx clamez
Qui de nus biens n'est diffamez .'
C'est à tort s'il en a le non ,
Car puis qu'il est de bien se non,
Jà n'aura part en gentillece
Li hom, tant soit de grant hautece^
Â.ins di qu'il en est fors passez,
Et j'ameroie miex assez
A estre fiex au pior home
Qui soit en l'empire de Rome,
Si fusse aussi preus k'Alixandre,
Qu'estre fiex au roi d'Alixandrc
Et je fusse pour voir li hom
Plus mauvais d'uuc région .
' Ms. 248. Var. Los.
LE DIT
Qui qu'il soit gentiz de ciier,
C'est bonc genlillece n cuer,
S'il erl niz au phis vilain homme
Qui soit en l'empire de Romme,
Jà por ce ne l'en desprison ,
Quar il est à droit gentiz hom,
Et miex doit eslre ramentiex •
Uns hom vilains de cuer gentiex
C'uns hom gentiex de cuer vilains.
Et miex avient c'en avilie ains
Le gentil qui vilains devient
Que le vilain homme qui vient
A genlillece par bien Tel,
Quar d'un vilain un gentil fel;
Mes qui d'un gentil fet vilain,
11 se poile d'un mal pelai n,
Quant de gentillece est pelez
Et il est vilains " apelez,
Vilains de cuer, quar à droit non
Nus n'est vilains se de cuer non,
Ne nus gentiz hom ensement
S'il n'uevre ^ de cuer gentilment '^;
Quar tu hauz hom qui mal te prueves.
Qui ta hautece ne remprueves,
Qui por ce m'as a)is en despit,
Je te dirai sanz nul respit:
<' Hauz hom qui m'as vilain nommé,
Puis c'on ne te voit renommé
> ' Ms. 248. V*n. Nommez tiex.
' Ms. 2/18. VAn. Genlilz.
3 Ms. 248. Var. Naimc.
4 1,0 Ms. 2'i8 s'ariôlo aprôs oe vers.
Dr: GENTILLECE. 57
En nul bien, en fet ne en dit,
Qui franc l'apele, il a niesdit.
Por ce s'en haut nis fuz couvez
Et de toz biens es escouvez.
Guides por ce gentiz hom eslre?
Encor le fussent ti ancestre,
Je ne di pas que tu le soies,
Et si le cuides toutes voies;
Mes en cuidier ne gist granz sens.
Tu fez outrage et grant forsens,
Et mult peu de ton avantage
Qui moi reprueves ton hontage,
Quar li hontes en est toz tiens,
Quant por gentil homme le tiens
El tu n'es ne gentiz ne preus;
C'est plus tes domages que preus ,
Se lu fus niz d'un gentil homme
Et lu désers tant c'on te nomme
Vilain de cuer, se de cuer l'iés,
Dont n'en pues eslre guères liez. »
Explicita
Ms. 7218, Bibliothèque royale.
Contre le temps que ces fïoreles
Yndes et jaunes et blanchetes
Et autres assez s'aparissent,
Bois et jardins et prés verdissent
Por la douçor du tens novel,
D'un Dit fère me rénove!
Où talent m'est pris que repraingne
Le monde qui adès s'enpraingne
De trop le mal mouteploier.
Or me doinst Diex si emploier
La cure que g'i voudrai mètre,
Que qui l'orra vueille jus mètre
De soi le mal , si que bien face,
Que par bien oïr maint esface
De son cors le mauves usage.
Le plus du mont n'est mie sage
De ce qu'il maint en une teche
Qui est a pelée perece,
Qui maint mal norrist et abonde.
Le cors Jhésu-Crisl me confonde
LE DIT DE PEUECE. 59
Se il n'est bien dcus lans de cels
Qui sont laidement pereceiT*=
Que des autres qui ne font tnic,
Qui font que fols, vez la folie ;
Se de ce ne se désaerdent,
Le los du monde et Dieu en perdent,
Que c'est un lait mortel péchic.
Au monde a maint cors entechié
Qui ne veut partir de son aise
Por fère ce qui à Dieu plaise,
Ainz norrist sa char en tel guise
Qu'au déable en fet tel servise
Que s'ûme est laidement soillie,
Et d'âme en viuté tooillie
IN'a Diex cure q'o soi la mêle,
Quar il ne veut fors chose nelc :
Com cil qui est tout sanz ordure,
De chose soillie n'a cure.
Cil qui par perece issi oevre
Come j'ai dit, bien li descuevre,
Se il ne s'en est confessé
Ainz qu'il soit do mort aprcssé,
S'âme s'en ira au déable,
El qui fet à service avable;
Mes cil qui en péchié demeure
Ne voit onques ne lieu ne eurc
De geler s'en par confès estre,
Miex li venist qu'il fusl à nestre;
Si ne doit l'en tenir nul conte
Fors de la dolcreuse honte
Que par perece a déservic.
00 LE Dir
Une geiil voi (|ui sont en vie
El de lor cuers ne vuelenl Irère,
Qu'en cest momie vueillenl bien fère
Et sevent bien qu'il se mesfont;
Ce fet perece, qui se fonl
En lor cuers, si que ne le iessc
A 1er qu'el puisl fors en la lesse,
Se ce est à corre péchier;
Mes la ver veut aperecier,
De la lesse tost les deslie
A aler fére la folie
Et au bien fère les encorde.
Fols est cil qui ne s'en descorde
Quant il se sent si encorde
Que de bien fère est descordé.
Qui perece voiidroit corrompre,
En sa lesse n'auroit que rompre;
Cil qui se voudroit atirer
A bien fère, par bien tirer
Auroit lost la lesse rompue
Par qoi valor est corrompue.
H n'est nul si pereceus homme,
Ce croi, par saint Piere de Rommc,
Qui aucune foiz n'ait coragc
De lessier son mauves usage ;
Si tost com l'en vient volenlé,
Ainçois que ce fust talenté,
Por perece rompre et desfèrc,
Devroit emprendre le bien fère.
De ce repraing mains chevaliers
DE PERECE. M
Qui bien connoisseiU les aliers
De bien tenir bachelerie
Ou la bêle vavassorie.
J'ai véu aucun bacheler,
Ce ne vous vueil-je pas celer,
Qui esloit preus et large assez :
Quant un petit estoit lassez
De mètre le sien et despendre,
Si penssoit un petit alendre
En son païs tant qu'il éust
Mueble de qoi r'aler péust;
El quant de mueble estoit refet,
Enprendre ne voloit le fès
De r'aler comme fel avoil,
Que par péchié qui en avoit
Est de tout prendre et ralentir
L'avoil si pris, que consentir
Ne se pooit à ce reprendre
Dont non de preudom péusl prendre.
Lors le saisissoil avarisce
Par perece, qui à ce visce
L'avoit de sa lesse eslessié :
Comme failli s'estoit lessié
Prendre à la honteuse mauvaise.
Honi soit de séjorner l'aise
De qoi l'en est mauves tenu!
Qui en armes s'est contenu
Ou se contient, comment e!e oevre.
Plus qu'il n'i a mis i recuevre.
El monde n'a si haute vie
Com de maindre en bachelerie
62 LE DIT
Qui à droit la sel maintenir ;
Mes pou s'i sevent contenir;
Si lor pri que î'estre en apraingnent,
Sanz perece, larguece empraingnent,
Et sanz orgueil toute cointise;
Cels qui bien iront en tel guise
Ne pueent faillir à valoir.
Fols est qui met en nonclialoir
Ce dont il puet à bon chief trère.
Chevaliers qui ne se veut fère
Droit bacheler, tost doit entendre
A tel vavassorie emprendre
Dont son pais H sache gré.
Vavassorie a un degré
Où pereceus ne puet monter,
Que trois pas n'i a aconter;
Le vavassor qui ces trois monte
Est si haut mis que nule honte
Ne puet à son cors aprochier,
S'il n'en chiet par aperecier :
Or se gart qu'il ne s'aperece,
Si ert toz jors en grant hautece.
Loiautez est le premier pas,
Le secont celer ne vueil pas,
Fet est de débonéreté ;
Le tiers si est de largeté :
Cest degré est fet de riche oevre.
Quant par monter cil i recuevre,
Qui que veut, si très grant renon
Qu'il a de preudomme le non.
DE PERECE. 03
Se loz (lenioranz \ montaissent
Et bachelers à droi» alaissent ,
A mes compaignons faz savoir
Qu'encor fussent toz plains d'avoir
Et honorez par grant noblece,
Dont sommes toz hors de perece,
Qui maint cors a desacenssé.
Aucuns ont eu en penssé,
Selonc lor dit , de nous bien fère
Que nous n'en poion retrère.
Quant du doner lor souvenoit,
Perece en tel point les menoit
Que la promesse regardoient
Et en peteçant la gardoient,
Que le don estoit avorté
Ausi com perece amorté ,
Si qu'el les a trop miex bonis
Que el n'a nous bien demonis,
Qu'el lor a tolu, ce me samble,
L'onor du monde et Dieu ensamblej
S'en sui dolent et coroucié.
Cil qui trueve chemin forchié
Dont chascun for à droit l'avoie,
Moult est fols quant il se desvoie
Par aler une fausse sente,
Dont chascun forvoié le sente.
L'un for, si est bachelerie.
L'autre si est vavassorie;
Qui à droit l'un des chemins oirre,
Preudom est , bien le devez croire.
64 LE DIT DE PERECE.
Or pri Dieu, (|ui est droite voie,
Que les forvoianz i ravoie,
El lor doinst si rade isneiece
Que destruire puissent perece.
E.vpUcil le Dit de Perece.
Bfs Sis Manitvt^ ht £0X9,
Ms. 7218, Bibliothèque royale.
Por le monde qui est nuît et jôr en descorde
Cis contes nous raconte, et je bien m'i acorde,
Qu'entre frère et sereur a sovent grant descorde
Por ce que lor sciences ne sont pas d'une acorde.
Se descordance i a, je ne m'en merveil mie;
Mes li preudom est sages qui garantist sa vie,
Et li fols est mauves qui a sor lui envie,
Si en est avenu mainte grant musardie,
El por ce que li mondes n'est pas d^une matière,
Me sui-je trais avant, qui que se traie arrière.
Or vous tesiez un pou, et fêles bêle chière,
Et je vous dirai jà des sis fols la manière.
Li premiers des sis fols si est fols natureus,
Et li secons est fols et mélancolieus,
Et le tiers apele-on fol qui est orguilleus,
Li quars si a non fol qui est fol desvieus;
Li cinquièmes si est par négligence fous.
Et li sisièmes est cil qui le fet par cous,
ir. 5
66 DES SïS MANIÈRES
Devant les riches genz menjul frommage mous,
Mes es chambres ans dames est ses désirs saouls.
Or est-il bien réson que je vous praingne à dire,
Selonc mon escient, des sis fols la matire;
Et s'il esloit nus hom qui m'en vousist desdirc,
Je le voudroie endroit de ces sis fols eslire.
Del droit fol naturel ferai premier mon conte;
S'il avoit la grant rente d'un roiaume par conte,
Qui que le despendist, n'en feroit-il jà conte,
Mes qu'il éust assez du frommage sanz conte.
De ce fol poez bien et entendre et savoir
Que il ne conte rien à grant honor avoir :
Quant a assez mengié, tout met en nonchaloir,
De sa folie cuide que ce soit grant savoir.
Fols est qui à tel fol met son entendement,
Ainz se doit-on de lui délivrer vistement;
Fols est qui à lui tence, ne monstre entendement
Quar li hom qui n'a sens si vit en grant torment.
Du droit fol naturel vous ai dit l'aventure.
Or vous lerai de lui, quar il est sanz mesure;
Du secont fol dirai, où j'ai mise ma cure.
Et lerai de celui qui est fols par nature.
Du mélancoliex ne lerai ne vous die :
Ce sont et roi et conte et gent de seignorie
En qui sens et proece doit eslre herbregie,
Qui plus tost sont entré en grant mélancolie.
DE FOLS. 67
A cels qui tels genz servent, je lor faz asavoir,
S'il ^uelent estre en pris et lor amor avoir,
Ne lor respondent mie dedenz lor mal voloir.
Mes se lèsent luit coi, si feront grant savoir.
J'ai oï piéçà dire un mot en reprovier :
Nus ne puet gaaignier à son seignor pledier,
Ainz doit-on à la foiz à son bon obligier,
Si en porra bien croistre s'onor et son loier.
Du mélancoliex vous ai dit mon corage;
Sachiez qui trop le blasme il ne fet pas que sage.
Du tiers fol vous dirai en qui il a grant rage :
C'est li fol orguillex où il a grant outrage.
Fol qui est orguillex, sachiez tout sanz doutance.
C'est un fol anuiex et plains d'outrecuidance ;
Sachiez qu'il met sovent cors et âme en balance.
De qoi tout son lingnage a honte et reprovance.
Moult a mauvèse tèche hom qui a tel corage :
S'il est et biaus et fors et plains de vasselage
Et il sent entor lui qu'il soit fors par lingnage.
Tant doit-il avoir mains dedenz son cors outrage.
Des riches et des povres a assez par le monde,
Por ce que on lor sueffre et lor folie abonde.
Qui les chastieroit, j'otroi que l'en me tonde
S'il ne se chastioient de fère honte au monde.
Se uns fols orguillex fet et honte et anoi,
El il bat un preudomme et il li fet desroi.
68 DES SIS MANIÈRES
H avienl bien sovent que on s'en test tout qoi;
Ne paie nient d'amende, por ce qu'il n'a de qoi.
Mes s' uns fols orguillex , sachiez sans délaier,
Fet une grant folie et n'a de qoi paier,
Si l'en face-on soufrir en prison le dangier,
Si monsterra example ùus autres chastier.
Or avez-vous oï du droit fol orguillex,
Et lui et son afère comment est aniex.
Du quart fol vous dirai, moult en i a de cels
Qui font le fol mcismes au regart de lor iex.
N'est hom ne famé el monde, espoir, qui bien nesache.
Aucun en ai vcu qui fesoit par haussage.
Au regart de ses iex , dont puis avoit domage
De ce que fet avoit de lui fol par outrage.
Je di que hom et famé fet bien de lui le fol
Quant il pert tout le sien, foi que je doi saint Pol,
Et dont ne li remaint d'avoir vaillant un chol :
Je di c'en doit tel homme huer à chapefol.
Homme et famé est bien fol, et je m'i sui pris garde,
Quant il pert tout le sien et ne s'i done garde,
Et en petit de tens povretez le resgarde.
Et dist-on : Par ci passe et musars et musarde.
Homme et famé est clamez por fol aval la vile
Quant il a esté riches, foi que je doi saint Gile,
Et il a tout perdu et en geu et en guile :
La compaignie faut et d'Ami et d'Amile!
DE FOLS. G9
Or poez-vous entendre, et il m'est bien avis,
Quiconques pert le sien, il trueve poi d'amis.
Nus honi ne se puet miex fère clamer cliélis
Com cil qui lest le bien à ses iex et prent pis.
Or avez-vous oï et mon bon et mon voel
D'omme et famé qui fet de lui fol par son œil;
Du cinquième dirai , dont je pas ne me dueil ,
C'est le fol négligenz, qui gemme sus le sueiJ.
Homme et famé est bien fol quant se lesse morir
De fain por que il ait santé du déservir,
Mes li fol négligenz se veut toz tens dormir,
Et quant il se resveille de niengier a désir.
Si est trop granz domages quant uns biaus bachelier
A et force et pooir por aler laborer.
Qui le semont d'ouvrer et il n'i veut aler :
S'il a fain et mésaise, je ne le puis plorer.
Et por ce est-il tant de chétis réclamez,
Des hommes et des famés par lor granz laschetez
Que le cuer de lor ventre de bien fère est pasmez :
Qui d'uevre les apele, de petit sont lassez.
De tels genz vous dirai toute m'entencion :
Au mengier et au boivre resamblent champion,
A la besoingne fère sont petit enfançon;
Par couslume devienent tels genz mauves glouton.
Et savez-vous por qoi ne vuelent gaaingnier?
A la besoingne fère sont coart et lanier.
70 DES SIS MANIÈRES
Si covient qu'il deviegnent ou larron ou hourier :
Comment que soit, covient qu'il aient à mengier.
Je vous retrai por droit, ne le mescréez mie,
Que ce sont une gent qui ont tost fet sotie.
Que li fol négligent ne s'en garderont mie :
Tost se sont acordé à maie compaignie.
Or avez-vous oï l'estoire des cinq fous;
Aucuns de vous set bien li quels vaut pis de tous.
Du sisième dirai, dont on n'est pas jalons :
S'ôrrez en quel manière il fet son seignor cous.
De celui vous dirai toute la contenance :
H n'est pas esbahis de bouter en sa pance;
Quant l'en sert du frommage,lorscortfèreladansse;
Et la dame s'en rist, qui connoist s'acointance.
Et li sires esgarde son cors et sa feture,
Puis a dit à la dame un bon mot par mesure :
«Vez que cil fols menjue du frommage à droiture;
Je ne cuit pas qu'il soit qu'il n'ait grande nature.
— Voire, ce dist la dame, je 1' regardai l'autr'ier
Quant moi et vous nous fûmes départiz du mengier;
Je le vi trestout seul eschaufer au fouier,
A poi qu'il ne me fist de mon sens enragier.
— Voire, ce dist li sires, ce volez-vous or dire;
Mes se Jhésus me gart et de hontage et d'ire.
Il sont assez de famés, qui les voudroit eslire,
Qui moult tost sont saillies du roiaume en l'empire.
DE FOLS. 71
— Sire, ce dist la dame qui fu malicieuse,
Parole m'avez dite qui me torne à huiseuse;
Qui se metroit soz lui, moult seroit soufreteuse :
Sa très-laide figure me fet espoenteuse.
— Dame, ce dist H sires, je ne 1' di pas por vous.
Vous avez oï dire quant leus va en amors.
Que la leuvesse enchace le plus joli de tous
Et si fierl de sa keue tout le plus soufretous. »
La dame en a juré, qui bien set décevoir.
Que miex voudroit sa vie fièvre quartaine avoirj
Et li sires s'apensse qu'il le voudra savoir :
11 s'est apercéuz qu'à gas dist-on bien voir.
En grant paine se mist comment il le sauroit :
Un jor dist à la dame que jouer en iroit
A une table ronde, où trois jors demorroit;
En riant dist la dame de l'argent li donroit.
Isnelement a fet son garçon apeler,
Et grant samblant a fet qu'il s'en vousist alor ;
Il n'ala pas trop loing, jà ne 1' vous quier celer ;
Celé nuit vit sa famé à son fol acoler.
Mes li sires fu plains de bon entendement,
Quar il voloit sa honte celer couvertement;
Au fol dist : « Levez sus, trop vous va malement;
Vous prenez de vo dame un poi trop largement. »
Li fols est sailliz sus, forment espoenteusj
Li sires ne loucha l'un ne l'autre des deus:
72 DES SIS MANIÈRES DE FOLS.
Mes il dist à la dame un mot qui fu honteus :
Qu'ele sambloit la leuve qui prent le soufreteus.
Encor di-je tel fol ne fu mie moult sage
Quant il perdi la cort par son fol vasselage
Et fistà son seignor, ce me samble, hontage.
L'en fet tel norreture où l'en a bien domage.
Or avez-vous oï des sis fols tout le conte;
Pou en est qui n'en soit de genz parmi le monde.
Or jugiez entre vous, je define mon conte,
Qui miex saura jugier et puis le me raconte.
Li premerains si fet par nature folie,
Et li secons le fet par sa mélancolie.
Et li tiers par orgueil qu'à maint homme se lie,
Li quars par fol regart qui cntor lui colie, ^
Li cinquièmes si l'est par sa grant négligence.
Et li sisième après par foie contenance ;
Adès ne rist-on pas de ce qu'il fet la dansse,
A la foiz est-il fols par foie contenance.
Cis contes nous raconte et nous fet asavoir
Qui de ces sis folies cuideroit nulc avoir,
S'il les pooit lessier il feroil grant savoir;
Quar de folie fère ne puet nus miex valoir.
Nous avions l'intention de publier dans ce volume le roman d'Ami et
Amile, auquel le dernier vers de la page 68 fait allusion ; mais la longueur
de ce poëme nous a détourné de ce projet. Toutefois on peut voir, pour ce
qui le concerne , la note A , à la fin du volume.
Be la £olt et ht la Sage.
Ms. 7218 , Bibliothèque royale.
Iver li pereceus, qui toz jors frit et trambîe,
Qui despent lez le feu quant qu'autre lens assanible,
Aus bois toit lor verdir, aus oisiax lor chant embie,
Néis les bêles genz lédist-il, ce me samble.
Tant par est aniex qu'à tout le mont anuie;
N'est larges fors de noif , de grésil et de pluie,
Et de boe et de tai qu'il norrist et esluie :
A povre muison tout autre chose muie.
Cil qui tout le mont het avoit sa soson faite,
Et ver estoit entré, qui toute chose enhaile :
Aus besles, aus oisiaus, lor nature a ratraite.
Dames et chevaliers duist d'amors et afaite.
Li tens qui novel ert et tout reconforloit,
Pour moi reconforter en un lieu me portoit:
Ce fu en un vergier où l'en se déportoit;
Tant com g'i demorai mon cuer grant déport oit.
Je m'estoic acoutcz el vergier lez la sente.
Là m'aloit confortant le vent qui soef ventej
74 DE LA FOLE
L'odorece des flors que le leu me présente,
Li délit me refet et je m'endorm soz l'ente.
Tout fussé-je dolenz et fust la terre dure,
Encor me poise-il que cest songe ne dure;
Quar s'onques en sonjant vit nus bêle aventure,
La plus bêle del mont i vi tout à droiture.
Encor m'est-il avis que je doie veoir
Deus dames delez moi, desus l'erbe seoir;
Esgarder les deust toz li mons et veoir,
Quar Diex ne volt en eles plus beauté asseoir.
Chascune des deus dames ert bêle créature :
D'un estre et d'un samblant les avoit fet nature,
Neporquant ne sont pas d'un pris lor vesléure,
N'eles ne sont d'un sens ne d'une menéure.
L'une ot robe muière et l'autre l'ot ramage;
L'une ert o tout le poil, l'autre ot de fil domagc;
L'une ot le cuer estable, et l'autre l'ot volage;
L'une estoit de soi foie, et l'autre en esloit sage.
Celé qui foie estoit l'autre à reprendre a prise :
Primes l'a de sa robe, qui vielle estoit, reprise,
Et puis de son mari, qu'el li blasme et desprise;
Ele mar fu, ce dist, quant d'amors n'est esprisc.
Quant la bone dame ot son seignor encuser
De qui il li loisoit toute la robe user,
Et por ce qu'el ne veut à foie amor muser,
Et li et son seignor voudra jà escuser.
ET DE LA SAGE. 75
« Dame, fet-ele, à vous qu'apenl de cest afère?
Tant com je me tendrai de mon seignor meffère,
Mesire à son talent me fera robe fére,
Et se ii ne li plest, d soit tout à réfère.
— Por ce di-je que dame ne puet avoir greignor
Desroi que tenir soi del tout à son seignor;
Mes s'ele avoit soz Ii un cortois améor,
Bien porroit consentir foible maintenéor.
— Yostre sens soit tout vostre, dame, je n'en ai cure;
A honir mon seignor ne metrai-je jà cure,
Et vous aurez assez mésestance et laidure,
Quar bien la doit avoir qui de son gré l'endure.
— Lédure doit avoir qui la veut maintenir,
Mes je maintendrai ce dont honor puet venir :
Dont ne me vient-il miex à mon seignor tenir
Que partir moi de Dieu por foie devenir.
— De Dieu ne se part mie qui à amer s'aprouche,.
Quar en conroi se tient et en délit se couche.
Jà dame n'ert loée à droit par une bouche,
Et qui te loera fors quant un ne te touche?
— Se plusors gens me voient, ma biauté ert loée;
Mes se plusors m'atouchent, j'en serai emboée :
En dame est malement la biauté aloée
Qui désert que ele est de son los descroée.
— En non Dieu, tu me mens, ains croistle los et monte
Aus dames dont parolent li baron et li conte;
76 DE LA 1 OLE
Bêle la disl chascuns et cortoise en son conte:
A toz la fet amer ice que vous en conte.
— Bien olroi que bien soit cortoisie o biau té,
Mes cortoisie n'a nul lieu sanz léauté :
S'un desléaus te loe par sa desléauté,
Tu es celé c'en lient sage por foleté.
— Tiens-rae-tu doncques si de folie agruière,,
Por ce que je ne lais le pré por la bruière?
Quant je sui chascun jor de trois robes muière,
Tu t'estrains nuit et jor en une viez suière.
— De ma robe le tais, quar ele fu nueve moie;
Mes la teue est ainçois à cil qui la l'envoie.
Soz une vielle robe vueil miex que nete soie
Que je fusse soillie desoz une de soie.
— Dame, s' ele est soillie garra s' ele se lève,
Mes ta color resamble pomme cuite sanz sève :
Que vaut la blanche char plus que s' ele fust blève
Quant ne lesses sentir s' ele est aspre o souève?
— Diex vueil que on le cuit, ainz qu'il soit esprovée
Que ele soit souève puis fust aspre trovée.
Tel dame est, tele evre est à l'essai esprovée,
Qui si bas en respont qu'ele en est mains rovée.
— A voir, n'ert jà loezdont chascuns di : « Nesai. »
Moult vaut miex quel'en die: « Moult est bon, bien lésai.
Por c' es-tu en y ver en la robe d'essai,
Que ne lesses c'un seul loucher à ton essai.
ET DE LA SAGE. 77
— Moult est riche la robe qui d'onor est venue,
Mes celé est povre et vil qui de honte est créue.
Que te richics-lu de la desconvenue?
A chascune perra comme el s'ert maintenue.
— En non Dieu, tu dis voir; il i pert orendroit :
Je sui en riche point , tu es en povre endroit ;
J'ai robes et joiaus dont l'en cent mars auroit:
N'auroies pas cinq sols qui pendre te devroit.
— Par foi , or as-tu bien esploitié la besoingne,
Quipor conquerreavoirne quiersvershonleessoingne,
Je ne pris ton gaaing le vol d'une cigoingne :
Miexvautplain poing d'onorqueplain val devergoingne.
— Or esgarde l'onor que loz jors as eue :
Laquele de nos est miex chaucie et vestne?
Laquele de nos est miex amée et créue?
Jà n'en parolé-je, si 1' monstre la véue.
.. — A tort t'ameroit l'en, quant d'amour t'es partie;
Dès que tu as t'amor en tantes pars partie:
L'amor qui en seroit en cent pars départie
Covendroit petite estre la plus bele partie.
— Je ne part pas m'amor, ainz l'a mon ami toule.
Je n'aim pas mon mari del cuer plus que del coule,
Si me conlieng vers lui que nule rien ne 1' doute;
Asséur me dédui , quar le cop ne voit goûte.
— Comment te conliens-tu quant il le tient en aise,
El il fet tant de loi qu'il t'acole et te baise?
78 DE LA FOLE
De toi fet loul son bon , comment que il te plaise,
Et se il ne te plest , fains-tu que il te plaise?
— Jà ne m'entremetrai de tel faintise faindre,
Ainz faz comme l'ymage que le paintordoitpaindre:
S'il veut ilpuet sachier, s'il veut il puet empaindre;
Jà de suor qu'il gete ne verrez feu destaindre.
— S'en oevre es autretant comme en parole osée,
De trop grant hardement dois donc estre chosée.
L'ymage que tu dis, dont n'ist point de rousée,
Covendroit à suer s'ele estoit arousée.
— Autre chose que voir t'est issue des denz ;
Jà riens ne suera s'il n'eschaufe dedenz :
Torner me puet mesire ou enverse ou adenz,
Jà n'en eschaufera tant ne set estre ardanz.
— De mauvèse loi es; ne te sai plus que dire,
De mesfère te soilles ausi comme de dire.
Jà dame ne se doit à deus hommes déduire,
Se bordelière n'est, quar son los en empire.
— Par foi, or me veus-tu à rebors preeschier,
Qui le tort mon seignor me veus aderesnier?
Dont ne soufferras-tu la vingne à vendengier
Quant celui cui ele est ne la veut chalengier?
— Saches, por ton seignor ne t'en mis pas en conte,
Mes le blasme de toi jusqu'à nos autres monte.
Feras-tu por ce pis, se il à toz ne ï conte :
11 ne r lest pas por toi, ainz le lest por sa honte.
ET DE LA SAGE. 79
— Bien soit la honteseiie, jenel' vousquier maschier;
Por ce que mon mari voi de toz biens laschier,
J'ai usé mon jovent tant comme liomme l'a chier,
Quar poi a de poissons, qui n'a dont taaschier.
— Tu uses tout ton tens et tout ton bien en perte,
Tu pers ce dont tu vis, c'est véritez aperte :
Qui à Dieu de ses dons ne veut fère déserte,
Diex de toz ses amis le départ et déserte.
— Diex done si ses dons, ce est véritez pure,
Qu'il veut que on les ust tant comme li dons dure.
El tens de mon jovent, à mon délit met cure;
Mes tu atendras tant c'on n'aura de toi cure.
— Se Diex m'a doné don, bien m'en doi recorder,
Qu'à Dieu dont li dons vient me doi si acorder.
Que ses dons et m'onor face ensamble acorder;
Por ce ne me doi pas en péchié enorder.
— Or te tien bien , quar jà de toi bon fruit n'istra :
Terre s'el n'est méue, jà bon blé n'i croistra.
Par tens le pas de jai desoz l'ueil te neslra ;
Saches que ta biauté la siute descroitra.
— Siute n'aurai-je jà fors de bien et d'onor.
Jà n'orras de moi dire au grant ne au menor,
Fors que léal dame est et bien sert son seignor;
Se de tant ai bon los, encor l'aurai greignor.
— Los dont preu ne me vient ne quier-je jà avoir.
On ne doit pas tenir longuement un avoir;
80 DE LA FOLE
Bon remuer le fet, qiiar dont puet-on savoir
Qu'il valut quant on l'ol. Or t'ai-je dit savoir.
— C'est sens à rnarchéant, que sovent renovele
Son avoir, mes n'est pas à cointe dame et bêle.
Fin cuer et enlerin art dame et damoisele :
Ne doit pas resambler espervier qui oisele.
— Por le mcstier aprendre et por moult miex valoir
Doit-on mestier changier; mes il ne puet chaloir
Aus dames d'acomplir à chascun son voloir :
Quar qui plus en fera, plus s'en porra doloir.
— Ne me dueil pas de chose qu'ai eu en coustume,
La mer s'en va et vient et toz jors gète escume,
Bestes gèlent lor poil et ces oisiaus lor plume :
De changier mon talent lor example m'alume.
— Par foi , de cesle chose ne te tieng mie à sage,
Ainz m'est avis que as dedenz le cuer la rage;
Por ce, se lor poil gètent bestes, oisiaus sauvage,
Géteras-tu ton cuer? Nenil sans ton domage.
— Esgarde : ne s'enfuit tens ausi com l'onde
Qui toz jors corl aval, n'arriére ne soronde?
La beauté s'en refuil; Dame-Diex me confonde
Se je n'empli mon tens ainz que ma color fonde.
— Mètre ton tens en mal , ce n'est mie emploier,
Ainçois est ton honor en honle desploier.
Un arbre luert el fraint de trop sovent ploier :
De trop sovent cheir se doit dame esmaier.
ET DE LA SAGE. 81
— Ne m'esmai pas de fais que bien puis soustenir :
Or lai jovenle aler et viellece venir,
Si verras à quel fin tu porras parvenir
De ce que tu ne veus c'une sente tenir.
— El quant jovente aura et moi et toi lessie,
Et chascune sera de viellece plessie,
Vielle dame aurai non, de tant ère abessie,
Mes l'en t'apelera vieil putain relessie.
— Or m'as-tu moult raesdit, si as pris de réson ;
Bien sai que quant vendra en icele séson ,
Con nous reprochera ce que ore feson ;
Mes je le cri merci que nous nous en téson.
— En non Dieu, non ferai, je ne m'en vueil pas tère;
Quar tu seule fez tant dont autres ont contrère;
Se il te doit bien mètre devant enz el viaire,
Désormès te déusses de folie retrère.
— Dame, à voslre conseil me voudrai contenir :
Jà n'amerai fors là dont honor puet venir;
Foie amor guerpirai se m'en puis astenir,
Quar bien sai que grant mal m'en porroit avenir.
— S'ainsi le fesiiez, vous feriiez que sage;
Mes moult dout qu'à folie ne vous ramaint l'usage.
Jà ne vous en croirai , tant avez cuer volage,
Se vous ne 1' me jurez sor ceste florestage. »
La dame li créante le serement à faire :
Sor la flor li jura qui moult souef li flaire,
II. 6
82 DE LA I OLE ET DE LA SAGE.
Sor l'erbe veri el pré, sor le tens débonaire :
N'i sorent aporter plus riche saintuaire.
A cest acordement sont li oisel venu :
De partout i avolent li grant et li menu;
Quant il orent ensamble lor concile tenu,
De cest acordement sont joiant devenu.
Bien parut à lor chant que grant joie i feri :
Un chant ont commencié qu'à lor joie aféri
Hautement à cler ton , et puis bas et seri ;
De la joie qu'il font en chantant m'esperi.
Iceste avision me volt Diex fère aprendre
Por foies dames fère de folie reprendre;
Celés qui foies sont ne doivent terme atendre,
Quant ce auront oï, d'els-meismes reprendre'.
Explicit de la Foie et de la Sage.
« U est bon de remarquer que le sujet de cette pièce est exactement le
même que celui de Gilote et Johane que nous avons donnée plus haut ;
seulement la pièce française l'emporte de beaucoup sur celle qui est écrite
en dialecte anglo-normand.
In Btté îre iJmtf \
Ms. 1132, supplément franc., Bibliothèque royale.
«Vérité, qui ne tout ' ne pince,
Mande salus à noble prince
Le roy de France!
Roy, je t'ay servi dès t'enfance,
Mes cilz qui tiennent ta balance
M'ont desposée.
Fauseté si fu trop osée
Qui contre nioy s'est oposée.
Ne scey que face.
Ne puis ester en une place ;
Chascuns me fuit , chascuns me chace,
Ghascuns m'assomme.
I Cette pièce , dans le genre de celle du Pharisien , du Renart le Bes-
toume', etc. , par Rutebeuf, est évidemment, comme elles, une satire di-
rigée contre la politique de saint Louis. Vérité c'est le parti libéral, le parti
universitaire, c'est-àKlire celui de Guillaume de Saint-Amour et des rimeurs
de son époque. Je ne serais même pas étonné que quelques uns des vers
qu'on va lire Gssent allusion à l'exil qu'eut à subir l'auteur du traité Des
Périls des derniers temps et à son voyage à Rome ; mais aucune des ex-
pressions du trouvère anonyme n'est assez positive pour que je me permette
d'avancer ce fait autrement que comme une hypothèse. Voyez , du reste, pour
plus de détails sur cette pièce et sur le Ms. d'où je la tire, la note B, à la
tin du volume.
5 Tout pour toit.
«4 UN DITE
Je m'en fiiy jusques à Roume,
Mes on ne prisa une pomme
Riens que je sache.
Chascuns me détire et désache :
Roys, tous cilz t'ont fait grant domache
Qui ce ont bracié.
Mon non ont de ta court chacié,
Qu'il te souloit avoir lacié
Parmi les flans.
Princes nobles, bons rois des Frans,
Ne me fay plus croupir sous bans
Ne dessous huches ;
Quar se tu briément ne me huches,
Fausetés, qu'entour toy aluches,
Te grèvera.
Hé, Diex! qui me relèvera?
Où est celui qui me fera
Tant de bonté
Que mon non fust en haut monté?
Tant que t'eusse raconté
La desraison
Pour coy je sui de ta meson
Banie, où si longue seizon
Demourer sueil.
Aine n'i ot si hardi pour i'ueil
Qui m'osast mener sus ton sueil
Devant ton huis :
Nennil voir, un tout seul n'en truis.
Nule voie trouver ne puis
Par où g'y aille.
Mes se je y vois, comment qu'il aille,
J'ouverray maugré qui qu'en chaille
DE VÉRITÉ. 85
De mon office.
Hé, Roys ! bien te tiennent por niée
Cilz qui m'ont mis hors du service;
Mes vraiement
Il scevent bien certainnement
Se plus i fusse qu'autrement
Alast l'afaire,
Et pour ce ne leur puis-je plaire
C'en est la somme.
Onques mauvais n'ama preudomme;
Mais tele gent que je ne nomme,
Qui tant sont faus,
Malicieus et desloiaus
Et mesfesant, cruex et maus,
jNe fussent mie
Monté en si grant seignorie
Se je fusse de ta mesnie :
Mais ne puet estre
Pour quoy que ne vueullent ti maistre.
Tu crois tel gent qui te font peistre:
C'est grant meschief.
Se g'y mainzisse, par mon cliief,
Tel gent ne fussent mie chief
De ton royaume
Qui si se font oindre la paume.
Cil qui à l'escu et au hyaume
Et à l'espée
Ont recéu mainte colée
En combatant par ta contrée
En fussent maistre.
Tiex gent dussent savoir Ion estre
80 tJN DITE
Et bien est voir qu'il souloit eslre
En tel manière ;
Mais tout va ce devant derrière.
Quant je portoie ta banière
Parmi ta terre,
Lors n'avoies-tu nule guerre
Es eles d'environ ta terre
IS'autre partie;
Mais sitost corn j'en fu bannie,
Tantost fu toute replennie
De coupe-bourses :
Par eulz te sont les guerres sourses
Qui sont vilainnes et rebourses.
Ha! gentilz sires,
S'envers moy as courons ne ire,
L'a fait Fausseté, qui voir dire
Ne puet souffrir r
C'est ce qui m'en a fait fuir.
Frans Roys, se tu en vueulz joir.
Si me rapele
Et je trairai tele merele
Que tu saras la nouvele
Des desloiaus
Qui par présens et par jouiaus
Ont contre les frans lions roiaus
Tant méserré ;
A descouvert tous les ferré,
Quar je tantost descouverré
Le pot a us roses.
Roys, rapele-moy se tu oses :
Si te conteray de ces choses
L'encloéure ;
DE VÉRITÉ. 8T
Mais tu n'oses par aventure ;
Tes mestres qui t'ont pris en cure
Ne vueulent mie,
Qu'il ont paour que je ne die
Leur fausseté, leur félonnie,
Leur maie tèche :
Chaz scet trop bien quel barbe il leiche.
Que s'il te tiennent en leur creiche
N'ont mie doute
Que fortune à court les déboute;
Maiz folz devant qu'il prent, ne doute.
Hay, Hay!
Par poy que je ne di trahy.
Tu aimes cens qui t'ont hay :
Péril y a.
Celuy qui forma Maria
Confunde qui ce te mena>
Et il te doint
Mener ton païs si à point
Que de maie mort soient point
Ti anemy
Avant que soit la Saint-Remy,
Et qu'il te souviengne de my
Arrière mettre.
Ici vueil definer ma laitre
Si com je m'en say entremettre.
A ma requeste,
Roy, fai sus ceste chose enqueste :
Lors trouveras Vérité preste. »
ËxpUcit.
£t Bit k la amumc îre tenart '♦
Ms. 1132, supplément français, Bibliothèque royale.
Pouf ce que j'ai fet mencion
De renardie et fiction
A ce que chascun droit regart
Aist, et miex de péchié se gart ^
Quar fiction ne renardie
A Dieu ne plaisent n'a Marie,
Un dite diray de Renart :
Chascun de vous en a sa part.
Très-douce gent, entendez,
Que Dieu vous gart de contrauvez!
Par moy seront recordez
Biaus mos, s'il vous plaist atendez.
Aucuns me vont demandant
Quant par Paris vois chantant,
Se say parler par nule art
De la queue de Renart.
I Le Ms. 1132 indique encore, à la table, un autre dit de Renart. Mal-
heureusement ce dit a été enlevé du Ms. , qui est en fort mauvais état.
(Voyez la note B, à fa fin du volume. )
LE DIT DE LA QUEUE DE RENART. 89
De Regnart scey bien parler :
J'ay mis ma mélancolie
En gracieus mos rimer;
Raison est que je les die;
ne chevalier
Qui ne se porte mult fier
Qant puet avoir à sa part
De la queue de Regnart.
Regnart se doit miex prisier
Au jour d'ui que nule beste :
IN'est duc ne si haut princier
Qui de sa queue n'ait feste.
Chascun la porte sur li :
Gay s'en portent et joli;
Entendez, que Dieu vous gart,
Au jour d'ui règne Regnart.
En chapiaus, par grant revel,
Est la queue Regnart mise :
Il ne vaut pas un porel
Qui n'a chapel en tel guise;
Cil qui premier le trouva ,
Nescé de quoy s'apensa.
Chascun se porte gaillart
De la queue de Regnart.
En haut dessus leur cheveus
La portent tuit cilz jone homme,
Menu vair ni escureus
Ne prisent pas une pomme;
Ermine ne blans aigniaus,
90 LEDIT
INe gros vair ne les chevriaus
Ne valent pas un hasart
Vers la queue de Regnart.
Regnart est en haut montez :
Chascun au jour d'uy l'onneure y
Prélas , évesques , abbez ,
Chascun au jour d'ui lâbeure ;
Prestres, moingnes, jacobins,
Cordeliers et H béguins
Qui font bien le papelart,
Sous leur chapes ont Regnart.
Regnart est quant vueut abbé
Et quant il veut il est moingne,
Doien , prestre coronné,
Et quant vueut il est chainoingne;
Quant il veut l'aumuce prent :
Tout à son commandement
Fait par tretout par son art :
Nul n'a povoir à Regnart.
Regnart est fisicien ;
Quant il veut houce a fourrée.
Quant il veut logicien
N'a meilleur en la contrée ;
Quant il veut sire est de lois :
Regnart a toutes ses lois.
Ne li chaut, soit tost ou lart,
Sous sa main a tout Regnart.
Regnart va à court plaidier :
DE LA QUEUE DE RENART. 9i
De tous est tenu pour sages.
En esglises va preschier;
Regnarl va par les vilages.
Regnart fait sa main blanchir,
Regnart fait tout son plaisir j
Chascun atrait à sa part :
Trop grant queue a le Regnart.
Béguines et ces nonnains
Et Files-Dieu, nul n'en doute,
De Regnart sont souverains :
Chascune vers soy le boute.
Regnart par son grant derroy
Se fait sur tous prince et roy j
Fauvel atrait à sa part
Par son engin le Regnart.
A sa court le vont servir
Roy et prince, duc et conte r
Tout fait vers lui obéir :
A li n'en est pas la honte.
Fauvel le sert au mengier,
Au lever et au couchier :
Restes de diverses part
Obéissent à Regnart.
A toutes gens de mestier
Loe-je, conseil et prie
Qu'il voisent sans atargier
Querre du Regnart partie.
Orfèvres, esmailléeurs,
Chasublicrs et changéeurs,
92 LE DIT
Alez quérir vostre part
De la queue de Regnart.
Mareschaus et cherpentiers,
Sauniers, gens de tannerie,
Et marchéans et bouchiers,
Derreniers ne soiez mie;
Et tailleurs de robe aussi,
Peletiers sans nul détri.
Gardez ne soiez couart
De traire vers vous Regnart.
Procureurs et avocas,
Escrivain, gent de clergie.
Qui de rien faire estes cras,
Regnart vers vous s' u mi lie.
Poissonniers et harengiers,
Espiciers et regratiers,
On vous tendra pour musart
Se vers vous n'avez Regnart.
Drapiers et cordouenniers
Doivent estre de la feste :
Boulengiers et espiciers
Seront aussi de la geste;
Armuriers et fourbisseurs,
Gainiers, tabletiers, broudeurs,
Alez quérir vostre part
De la queue de Regnart.
Lormiers, seliers, baudroiez,
Or baleurs ne targiez mie ;
DE LA QUEUE DE RENART. 93
Couraiers, mesgeyciers
El gens de messagerie,
Et cherbonniers et bûchiers,
Taverniers et chandeliers,
Courez tost comme gaillart
Prendre vo part de Regnart.
Auquetonniers et merciers
Et laboureur de terre,
Foulons, laniers, lainturiers,
Courez tantost Regnart querre;
Marchans de vin , courratiers,
Vendeurs d'oublées, huilliers,
Alez quérir vostre part
De la queue de Regnart.
Cervoisiers et bufetiers.
Vous arez de vo partie
Cote sercot , lanterniers,
Estoliers, je n'en dout mie,
Porte-platiaus, savetiers,
Pour ce que le vin est chiers;
Vous les avez prins au lart ;
Fourrez serez de Regnart.
Il n'est au jour d'ui meslier
Ne nule marchéandise,
Excepté le poullailier,
Qui le Regnart n'aime et prise;
Mes poullailiers ont juré.
Se Regnart est si osé
Qu'il leur vigne faire esgart.
94 LE DIT
La queue aronl de Regnart.
Vous qui oï nous avez,
Ne vous doit mie desplaire,
Quar on dit, bien le savez ,
Que Regnart ce qu'il vueut faire
Fait en tous lieus vraiement;
Mes ordonnez liéement,
Que Diex d'encombrier vous gart
Malicieus est Regnart.
Regnart si fait guerroier
Quant il vueut, ce oï dire;
Quant il veut fait apaisier ;
Mes le Lion, qui est sire
Des bestes, l'en paiera,
Le Regnart trébuchera :
Trop haut monte com quoquarl,
Chéoir faudra jus Regnart.
Et pour ce vous lo et pri
Que vous le traiez arrière
De vous, quar li anemi
Par sa très-fausse manière
Fait Regnart ainsi régner
Pour cens en enfer mener
Qui se traient à sa part :
Il est trop mal le Regnart.
De Regnart vous vueil laissier,
Mes prion d'une acordance
Dieu qui est roy droiturier
DE LA QUEUE DE RENART. 05
Qu'il ligne en ferme puissance
Nostre roy et ses amis.
Le dous père Jhésu-Cris,
D'annui et de mal nous gart!
Cy fineray de Regnart.
Eœplicit.
Voyez, plus haul, p. 23 et suiv., la pièce intitulée Du Plait Renart de
Dammartin. Cette pièce et La Queue de Renart , jointes à celles qui se
trouvent dans le remarquable volume de mon ami M. Chabaille ( Supplé-
ment au Roman du Renart, publié par Silvestre), complètent la série
des petits poëmes français connus jusqu'ici dans notre ancienne littérature
relativement au héros de vieille épopée satirique de Perrot de Saint-Cloud.
£t Bit ks |Jttmtres\
Ms. 1132, supplément français, Bibliothèque royale.
Bonnes gens, je puis tesmoignier
Qu'il n'est ne roy, ne duc, ne conte.
S'il veut aus paintres guerroier,
Qu'il ne leur viegne honte.
Bourdes ne vous vueil pas conter,
Quar pas n'est sézon de trufer,
Mes forment me merveille
Comment paintres puéent trouver
Leur vies, quar à painturer
Trop de gent s'apareillent.
Plus sont de gent, au mien penser,
Que d'autre gent sans faille :
jN'est nul mestier qui puist lever
Contre paintres bataille.
Il n'est orfèvres ne lormiers,
Esmailleurs, broudeurs ne seliers,
Cilz qui argent espure,
Armuriers, guéniers, chapeliers,
> Voyez la note G, à la fin du volume.
LE DIT DES PAIiSTRES.
Les rostiers et les^laWetiers,
Metent en paindre cure.
Je croi qu'il ne soit nul raestiers
Où ne convigne paindre
Sur tous sont meslres les mestiers
De leur parole faindre.
Se H rois en Flandres menoit
Tous les paintres, pas ne durroil
Flandres une jornée'.
Tous ferpiers aler i faudroit
Et les peletiers convenroit
Estre à celé assemblée.
Tailleurs de robes que l'en voit
Qui font euvre jolie,
Chascun d'eus par droit porleroit
As paintres compaignie.
A paindre aprennent païsant
Quant à vile vont aportant
Yerjus, bûche ou fruitage:
Le plus bel vont dehors mêlant-,
Aussi font ceus qui vont vendant
Chaume, fein ou fourrage.
Il semble quant il vont criant
Que des fés chargiez soient :
l\ paingnent, car tout en courant
> Ce vers nous prouve que cette pièce est certainement du même temps
que le Dit de la Rébellion d'Engleterre et de Flandres { voyez le pre-
mier volume, page 73), c'est-à-dire qu'elle fut écrite probablement sous
Philippe-le-Bel, à l'époque où commencèrent avec la Flandre ces longues
guerres qui menacèrent de n'avoir en quelque sorte pas de fin.
98 LE DIT
Tel dens fais porleroienl.
Moût d'escri vains, je n'en dont pas,
Sont painlres, et tous avocas
Paingnent en leur parole.
Ceuz qui samblent forment...
Et ceus qui vestent les gris dras,
Ce n'est mie frivole,
Peingnent, quar quant sont à privé,
Jà n'en aies doutance,
11 s'esbatent tout à segré,
Et recréent leur pance.
Paintres sont de trop grant valeur :
11 n'est tisserrent ne laveur,
Ne gent de teinturerie,
Cotonneur, folon, arçonneur,
Qui il ne leur doivent faire honneur
Et porter seigneurie.
Tl n'est nul telier vraiement
Qui puist sa toile faire
S'il ne la peint d'un parement :
Painture doit moult plaire.
S'en me demandoit sus ou jus
Des quiex menestriex est le plus,
Les paintres nomnieroie.
Tous marcheans s'i sont embatus :
Escuser ne s'en pourroit nus,
Bien prouver le pourroie.
La famé qui file au louret,
Quant pour vendre desvuide.
DES PAINTRES. 99
Du meilleur filé dessus met,
Qu'el n'est pas de mal vuide.
Je croi qu'il n'est nul boulengier.,
Ne pâticier, ne oublaier,
Se bêle oevre vieut faire.
Que couleur ne leur ait mestier.
Il n'est espicier ne celier,
Ne nul apoticaire,
Ne mires, ne fuisiciens,
A qui couleur ne vaille.
Barbiers et arracheurs de dens
Doivent à paintres taille.
N'est cordouennier ne sueur^
Ne savetier ne conréeur,
Ne gent de ganterie,
Ne parcheminier, ne taneur,
Où ne faille aucune coleur.
Gent de cherpenterie,
Massons et couvreurs et plastriers
Font euvre moult polie 5
Celi qui miex paint son mestier
Scet plus de tricherie.
Ou de cuivre ou chauderonnier,
<}ui au paintres ne doie aidier
Il y a ici une lacune de trois yers dans le Ms.
100 LE DIT
Se niili leur fait guerre.
Il n'est verrier ne regratier,
Dorlotiers ou lingerères
Qui ne peingnent en leur mestiers
Et chanvriers et linières.
Famés qui gaingnent à leur corps
Metent le plus biau par dehors
Pour estre regardées;
Quar tel leur porte un tornois gros
Oui jà n'i metroit ses effors
S'il n'estoient parées.
Au jour d'ui est trop pou de genl
Qui de peinture n'uevre;
Par biau parler ou autrement
Chascun qui puet se cuevre,
Se ce ne sont aucun truant;
Tel gent vont leur mehaing monstrant
Pour plus avoir monnoie;
11 n'est jugleur, tant soit sachant,
S'en habit ne se va tenant,
C'on ne le chace en voie.
Il n'est flabeur, ne batelleur,
Ne joueur d'apertize,
S'il n'i met aucune couleur,
Nul n'aime ne ne prise.
Il n'est bouchier ne poissonnier.
Qui sont gent qu'on doit bien prisier,
Nis cens qui vin affetent,
Dont il est maint grant tavernier,
DESPAIîSTRES. dOl
Qui aus peintres ne doie aidier,
Mes trop fort me deshaite
Un faus peintre qu'est losengier
Souvent par flaterie :
Il ressamble à l'ymagier
Qui paint busche porrie.
Yous savez qui sont une gens
Qui samblent estre dous et gens
Et de bonne nature,
Mes les cuers ont faus et puans :
Biau sont dehors et lez dedens,
C'est trop fausse peinture.
Tel paintre cuide baréter
Jhésu-Crist et le monde ;
Mez il charront ou puis d'enfer
Qui de douleur suronde.
Explkit.
£t Bit ko Mm^Xxtx^ \
Ms. 1132, supplément français, Bibliothèque royale.
Pour ce que j'ai fel mencion
Des églises où dévocion
Est plus monslrée qu'en autre lieu,
Quar là repose li cors Dieu ,
Des moustiers qui à Paris sont
Et de quiex sains il feste font,
Les lieus vous dirai et le nombre,
S'a nombrer Sathan ne m'encombre.
Un gentil homme m'olroia
Son hostel , et si me proia
Que je pour s'amour tant féisse
Que trestous les moustiers méisse
De Paris en rime et en dit.
Isnelement, sans contredit,
> Il ne faut pas confondre celte pièce avec un DU des Moustiers ni avec
te Dit des Crieries de Paris publiés par Méon. Celui qu'on va lire n'avait
jamais été imprimé ni cité jusqu'à nous. On peut le rapprocher du Dit et
de la Chanson des Ordres, de Rutebeuf ( premier volume de mon édition
de ce poëte, p. 158) ; de la Description et delà Plaisance des Religions,
par Rois de Cambray (ib., p. 441); enfin de la Requeste des Frères
mineurs à Clément le Quint (ib., p. 448). Pour ce qui précède et ce qui
soit ce DU dans le Ms. 1132, voir la note D, à la fin du volume.
LE DIT DES MOUSTIERS. d03
Pour l'amour de lui m'entremis :
Si les ai tous en rime mis.
J'ay commencié à Noslre-Dame,
Qui nous sauve et gart cors et âme,
Pour ce que c'est la mère esglise
De Paris; après, de ma guise,
Près le moustier Saint-Johan le Ronl :
Entre euz deuz n'a ne val ne mont ;
Et après Saint-Denis du Pas
NeSaint-Aignien n'oubliie pas,
Et puis la chapele as Noctaires,
Où il repaire mains vicaires;
Et puis après la Maison-Dieu
De Paris, où a digne lieu ;
En Rue Noive, pas ne griève.
Le moustier Sainte-Geneviève
La Petite, que je ne taille :
Devant celle esglise, sans faille ,
Vent-on chapons, gelines, cos,
Perdris, plouviers cl vuidecos '.
Après le moustier Saint-Christolle,
Qui de l'amour Dieu fist son coffre
Quant le porta outre la mer :
Servir le devons et amer :
Entour vent-on fourmages, oefs.
Près d'ilec siet Saint-Pierre as Buefz
Et le moustier Sainte-Marine
Qui ne siet pas sur la marine.
' Ceci nous donne la signitication de ce nom , rue des Poules, qui se
trouve encore près de la rue Neuve-Sainte-Geneviève, derrière l'esplanade
du collège Henri IV.
104 * LE DIT
C'est véritez que je vous di.
Et puis après la Magdalainne
Qui vers Dieu ne fu pas vilainne:
. De ses larmes ses piez lava;
De ses péchiez Dieu la lava.
Aussi nous veille-il pardonner
Les nos et sa grâce donner!
Folz est qui sa grâce n'achate.
Après Saint-Denis de la Chartre,
Après est Saint-Symphorien
En une place séant bien
Ou bout de la Peleterie :
Devant fait-on boulengerie.
Et ou bout de la rue aus Fèvres
Où il demeure pou d'orfèvres
Qui facent calices ne crois :
Là siet le moustier Sainte-Crois,
Après Saint-Pierre des Arsis,
Entre les Drapiers est assiz ;
Et Saint-Mathyas siet après
Qui des Savetiers est bien près;
Plusieurs sont si paroissien,
Que c'est un moustier ancien.
Et Saint-Germain , que que nus die,
Le Yiel siet près de l'Orberie,
Et puis le moustier Saint-Michiel ,
Qui nous conduise tous ou ciel.
Puis le moustier à un cors saint,
Saint-Eloy, où malade et sain
Vont souvent nus piez et deschaus,
Qu'il est mires et mareschaus
DES MOIJSTIERS. i05
De mainte cruel maladie :
Ne croy que nus nul mal en die.
Prés d'ilec siel une chapele
Qui moult est digne et riche et bêle :
C'est la chapele nostre roy ',
Où de biauté a grant arroy
Et de richesse; y a grant masse
De reliques en une châsse
As quiex l'en doit porter honneur
Pour l'amour de nostre Seignieur;
Sa crois, sa coronne et li cleu
Laiens sont mis en noble lieu ,
Et si i sert-on noblement Dieu
Qui siet devant le grant Palais;
Mes chéus'est, donc est plus lais '.
C'est véritez que vous despont.
Or m'en iray outre le pont
Pour des autres moustiers trouver
Que l'en ne puisse réprouver;
Quar s'en mon dit faille de rien ,
Premiers trouverez Saint-Julien
Le Povre, et bien ai regardé
Que maint compaignon a gardé
De mort, ce n'est pas mesprison ,
Et d'estre en vilainne prison;
Il les herberge et si les tence :
De herbergier a la poissance.
El puis la chapele Saint-Blaivc,
Qui pour Dieu morut à grant glaive.
• La Sainle-Chapelle, tomme le prouve de reste l'énumération des reli-
ques qui j étaient déposées. Voyez, à ce sujet, Dubreuil et Sauvai.
i06 LE DIT
Après oublier ne doy mie
Sainl-Sevrin, pour la ferperic
Qui est achetée et vendue,
En son quarrefour est tenue
De plusieurs manières de gent
Qui s'en chevissent bel et gent.
Après est Saint-Andrieu-des-Ars,
Où mainte dame de leur ars
Ont maintes fois lancié et trait ,
Et maint homme à eulz alrait.
Après i r'est Saint-Augustin ,
Où l'en parole bien latin.
' A Saint-Germain-des-Prés m'en vois.
Où l'en sert Dieu à haute vois.
Après est Saint-Martin-des-Orges,
Et puis après i est Saint-Georges;
Après Saint-Père du Sablon
Et Saint-Soupplis y asamblon ;
Et puis après les Cordeliers;
De bon vin boivent volentiers.
Saint-Gosme et Saint-Damien :
Cy duy furent sirurgien
Et mires à Dieu nostre père ;
Qui ce ne croit, il le compère :
Et puis après Saint-Matelin;
Sus coûtes et en draps de lin
Ghainoigne nuit maint povre couche
De Dieu soient tel gent benoit !
Après le moustier Saint-Benoît
G'on apele le Beslourné.
D'ilec lantost m'en retourné
DES MOUSTIERS. i07
Au moustier des Hôpilaliers,
Que n'oublie pas volentiers.
Saint-Hylaire est un pou avant :
Sainte-Geneviève la grant
Y est, où a riche abbaye;
Puis ay ma voie envaïe,
S'ay trouvé un moustier noblet
Que fist le cardounar Cholet ' :
Saint-Symphorien le Petit,
Si siet au-dessous un petit,
En la terre Saint-Pierre ou Mont.
Li Navarrois nuef moustier ont '
Carmélite logié se sont
Un pou aval; là moustier font \
Après Saint-Estienne des Grez ;
Qui de Dieu servir fu engrez.
Devant siéent li Jacobin ,
> Ce cardinal mourut en 1292, fondant par testament le collège qui
porta son nom et qui ne put être établi que quelques années plus lard dans-
un local situé rue des Grès, qu'achetèrent en 1295 ses exécuteurs testa-
mentaires.
a Ce passage nous prouve que ce Dit des Moustiers fut écrit dans les^
premières années du 14= siècle, puisque le collège de Navarre ne fut fondé
qu'en 1304 (la première pierre de sa chapelle fut posée en 1309) et qu&
l'auteur dit que ce moustier était encore neuf.
3 Ce vers conGrme encore l'hypothèse précédente et nous donne même
la date précise de notre pièce. En eflet, les Carmes, ou JBarres^ établis en
France par saint Louis au retour de sa première expédition , après avoir
démontré à Philippe-le-Long qu'ils étaient trop loin de 1" Université et que
la Seine les assiégeait chaque hiver dans leur couvent, obtinrent de ce
prince, en 1317, la permission de bâtir un autre couvent à la place Mau-
bert. Ce nouvel établissement dut être terminé fort proniplement , car on
célébra la messe dans son église le 25 octobre 1818. Or notre poëte écri-
vait avant que le second monastère des Carmes fût achevé. On peut donc
placer, avec quelque apparence de raison , la composition de noire DU rfe*
Mousliers entre 1317 et 1318.
i08 LE DIT
Qui par païs vont bin et bin;
Chapele y a de Saint -Andrieu ,
Qui fu mult grant ami de Dieu.
D'ilec alay à Nostre-Dame
Des Champs, moignes {sic) par m'âme.
D'ilec au moustier Saint-Marciau^
Qui siet près d'un petit ruissiau \
Saint-iMartin et Saint-Ypolite :
Ceus ai-je bien pris à eslite.
D'ilec ving au moustier Saint-Marc j
Puis, à la traitie d'un arc,
Est Saint-Victor mult bien séans.
Puis li moustiers des Bons-Enfans;
Puis la chapele au Moinnios :
Demourer là plus je n'i os.
Saint-Bernart oublier ne doy :
Saint-Nicholas du Chardonnay;
Puis après la Sourbonnerie,
Que je ne doy oublier mie.
Puis m'en reving tout sans effroy
Droit au moustier de Saint-Lieffroy
Et à Saint-Gerniain-l'Aucerrois.
D'ileques à Saint-ÎSicholas
Du Louvre et à Saint -Thomas,
Et puis après je m'en revins
Parle moustier des Quinze-Vins,
Et au moustier Saint-Honnouré,
Où de bon cuer Dieu ai ouré.
D'ilec m'en ving à Saint-Huitasse,
« La Bièvre.
DES MOUSTIERS. 109
Près des Haies, en digne place,
Et d'ilec à Saint-Innocent,
Où gist maint cors d'omme innocent.
Et après à Sainte-Oportune,
De clous guérit et d'apostume,
Et puis à Sainte-Katherine,
Qui vierge fu pure entérine;
Puis le moustier de Saint-Magloire
Qui ama Dieu le roy de gloire.
Et assez près de icel lieu
Est le Sépulcre Dame-Dieu.
Puis à Saint-Leu et à Saint-Gile,
Aussi voirs est com évangile.
Et si vous di qu'à l'oposite
L'esglise de Saint-Jacques est ditte
Que les confrères ont fondée
Par grant dévocion jurée;
Sus la Grant Rue fondé l'ont.
Certes mult biau séant resont
Li moustiers de la Trinité
Où le Seignieur de majesté
Est bien servi à grant honneur.
Devant lui r'est Saint-Sauvéeur
Et les Filles-Dieu sont après :
Saint-Ladres en est assez près.
Puis m'en reving à Saint-Lorens :
De cheminer ne fui pas lens.
Puis à Saint-Nicholas des Chans,
Puis à Saint-Martin , où de chans
Servent li moigne Jhésu-Cris.
Au Temple ving, pas ne mespris,
Et puis après as Blans-Mantiaus,
ilO LEDIT
Où l'en essuie à grans monciaus
Laine, et en la Brelonnerie
A une petite abbaïe
Que l'en apele Sainle-Crois,
Dont les frères metent les crois
Partie à blanc et à vermeil;
De ce pas mult ne me merveil :
Puis siet après une chapele
Dédiée par miracle bêle
D'un juif qui en son ostel
Bouilli le sacrement d'autel ,
Dont trouvez fu vermaus entiers.
Puis est li Vaus des Escoliers,
Puis est Saint-Pol, puis Nostre-Dame
Du Carme; bien scevent leur game.
Il ont pris leur lieu et leur estre
Où li Barré souloient estre,
Et d'ileques r'alez s'en sont
Sous Sainte-Geneviève ou Mont '.
Après a, joingnant de la porte
De Barbel, à une grant porte,
A un ostel de bonne gent
Où il a moustier bel et gent :
Béguines et preudefames
Le los eschivent des diffames
Et les péchiez ors et mauves.
D'ileuc m'en ving à Saint-Gervais,
Où il a gracieus moustier
Près de la porte Baudoier.
Dessous est Saint-Jehan de Grève :
» Voyez la note 3, p. 107.
DES MOUSTIERS. 111
Li uns à l'autre rien ne grève.
Un pou après icelle esglise
Une chapele y est assize
Que lîst faire uns riches hom ;
Estienne Baudris ot à non.
Prestres et clers il y a mis,
Qui pour lui et pour ses amis
Sont ordenez à Dieu servir,
Qu'il puissent s'amour desservir :
Preudons fu cil, avoir ot bon.
D'ileuc ving au moustier Saint-Bon
Et de Saint-Bon à Saint-Marri,
Là n'oi-je pas le cuer marri ;
Saint Père et saint Lénart ensamble
Y sont aouré, ce me samble.
En la rue Aubri-le-Bouchier
A un moustier que mult ai chier :
Saint-Josse oublier ne vueil.
.... nommer vous \ueil
Avant ce que ma bouche lie
Saint-Jaques de la Boucherie.
Tous les moustiers vous ai nommé
De Paris, sans nul raesnommé;
Plus n'en y say, ce m'est avis,
Que bien y ay mis mon avis.
Je ne vueil pas mettre en mon conte
Chapeles aus dus et aus contes,
Ne à bourgois ne aus évesques,
N'a abbez ne à archevesques ;
Je n'i mes que cens proprement
Où toute gent communément
Puet le digne service oïr
il2 LE DIT DESJVIOUSTIERS.
Dieu, dont on se doit esjoïr
Et Dieu et sa mère proier,
Chascun pour son cuer supploier
Vers Jhésu-Crist de leur tors fais
Et des péchiez que il ont fais.
Touz les autres ai arrière mis;
Mes ceuls-ci ai-je en rime mis
Dont tous ensamble les vous nonbre
Quatre-vins et huit par droit nonbre.
11 n'en y a ne mains ne plus,
Se ce ne sont moustiers repus.
Fors le Saint-Jaques moustier
Qui de nouvel fu fait l'austr'ier',
Où nul ne va ne ne repaire
Fors que cilz qui lez ont fait faire;
Mes li autre sont de autre guise
Qui sont commun au Dieu servise.
I L'austr'ier ne veut pas dire ici hier ou l'année passée, mais récem-
ment, il y a peu de temps. C'est une allusion à la piété toute royale, et
dont le souvenir était resté populaire, de saint Louis, qui avait fait bâtir
l'église et le couvent des Jacobins, rue Saint-Jacques. Avant que ces re-
ligieux obtinssent du roi cet acte de munificence, ils occupaient une
maison sur ce même emplacement. Cette maison, lorsqu'ils demeuraient
près de l'Évêché, avait servi de parlouer aux bourgeois.
Be mnicovnt et H Serpent.
Ms. 7218, Bibliothèque Royale.
Moult par est fols cil qui s'entem,
Qui le bien voit et le mal prent j
Trestout avant doit au bien tendre
Et puis aus autres fére entendre
Aucun bien, se ses cuers li laisse.
Or vous ai mis tel oevre en laisse
Que je lerai corre par tans.
Il n'est nus hom tant fors ne granz,
S'il ceste oevre veut escouter,
Que moult ne doie redouter'
Le déable, qui nous justice
Par le péchié de covoitise.
Or vous vueil commencier un conte
De covoitise qui sormonte
Trestout le mont à un seul mot,-
Ele est par tout si à havot
Qu'ele a tout le mont awuglé,
Tant par est de grant poesté.'
Jadis fu c'uns preudom esloit
En un chemin et si erroitj
Devant lui choisi une beste
II.
114 DE L'UNICORNE
Hideuse de cors et de teste,
Et seur toute rien félonesse;
Et si esloit si larronesse
Qu'il n'est nus hom qui tant séusl,
Qui de li garder se péust.
En mi le front estoit cornue
D'une corne si très-aguë
Qu'il n'est âme qui l'atendist ,
Por que à pin in cop le ferist ,
Qui péust vivre longuement
Qu'il ne fust au definement.
Et quant li hom la vit venir
En fuie torne par air,
Quar paor a que ne l'ataingne;
Fuiant vient à une montaingne
Dont trop ert haute la falise.
Or ne set-il en quele guise
Il se puisse garir ou monde,
Quar la valée est si parfonde
Et si hideuse entre deus mons,
Que nus ne puet véir au fons.
En cel leu qui si est hideus
A un serpent si nierveilleus,
Qui veut tout le mont engloutir
Et la gent destruire et honir ,•
Toz jors a la goule baée,
Si gete une si grant fumée,
Si très-orible et si pusnaise,
Et si puant et si mauvaise.
Qu'il n'est nus hons, por qu'il la voie,
Qui de paor morir ne doie.
Or est cil en moult grant péril,
ET DU SERPENT. H5
Quar de deus pars voit son escil :
II voit enz el fons contreval
Le serpent hideus et raortal ;
La beste point ne le rapaie
Qui avant aler ne le laie,
Qui por ocire adès le chace.
Or ne set cil qu'il onques face :
S'il atent la beste, il est mors;
Et se li serpens l'avoit mors,
James jors garis ne seroit.
Ez-voz celui forment destroit :
Ne sel lequel prendre à son chois,
Il est mors s'il i remaint cois.
11 vit devant lui el pendant
De la falise haute et grant
Un arbre grant et bien ramu,
Et quant li preudons l'a véu ,
Lors pense que sus montera
Et sa vie respitera.
A l'arbre vint isnelement ;
A ses deus mains l'aert et prent ,
Puis vait amont parmi les rains.
Tant que il vint au daarrains;
Si s'assist là sor une branche.
Or est sa vie en grant balance;
Car la beste moult la deshaite
Qui sor la faUse l'agaite;
Vers lui a sa corne tornée
Plus trenchant et plus afUée
Conques nus hom ne vit rasoir; .^
Ce dist l'escripture por voir
Qu'ainz ne fu faus plus esmolue
ne DE L'UNICORNE
Ne nule alesne plus aguë.
Il voit là desouz le serpent
Qui veut mengier toute la gent,
Et de feu et de flambe espris
Dont ses cuers est moult entrepris.
De paor a le cuer esmabre;
Lors a gardé au pié de l'arbre,
Si a véu deus besteletes
Qui menjucnt les racinetes.
De l'arbre, et rompent à grant force
Le cuer et le fust et l'escorce ;
Si ne sont pas d'une samblance,
Que l'une est noire et l'autre blanche.
Ne nuit ne jor onques ne finent,
L'arbre menjuent et afinent^
Eles ne fment nuit ne jor.
Ez-vous celui en tele error:
« Las! fet-il, que porrai-je fère?
Or ne sai-je de quel part trère,
Car ne cuic pas que de cuer m'aint
Cil sathanas qui là jus maint ;
Celé beste me veut deslruire
Que je voi là crier et muire;
Ces deus besteletes m'afolent,
Que ce que j'ai de bien me tolent ;
Quar cis arbre par tens charra
Et cil serpent m'engloutira;
« Et se je chié devers le mont ,
Celé beste cornue el front
M'ocirra , je 1' sai tout por voir,
Autre garant n'en puis avoir :
Quel part que voise, perdu sui ;
ET DU SERPENT. 4i7
Ainz mes nus hons n'ot tanl d'anui. »
A ce qu'il ert en tel balance,
Vit devant lui en une branche
Trois gouleletesde miel pendre;
Il les aert et les va prendre.
Les trois goûtes de miel menja
Et puis la branche regarda ,
Si en vit six goûtes noveles
Qui estoient assez plus bêles
Que celés n'estoient devant;
Lors en vit par tout l'arbre tant
Que ce n'est se merveille non :
Du miel i ot à grant foison.
Par le miel qu'il a engoulé
A tout son lorment oublié,
Ne li sovint mes de malaise,
Tout a entr'oublié por l'aise
La destruction qui l'atent ;
De l'unicorne et del serpent
Ne de nul mal ne li sovient:
A la douceur du miel se tient.
Hé las! dolenz , por quoi le fet
Quant à si grant dolor s'en tret?
Quar les deus bestes ne séjornent
Qui son arbre à noient li tornent ;
Tant l'ont mengié, tant l'ont rongié
Que l'arbre ont moult adomagié,
Qui nuit ne jor onques ne finent :
L'arbre menjuent et afinent.
La beste cornue voit bien
Queli arbres ne vaut mes rien.,
il8 DE L'UMCORNE
Ainz va mes tout amenuisant
Celé part vient abondissant ,
De plain eslais si s'abandone,
De sa corne tel cop li done
Que l'arbre fet aval chéir.
Or ne se puet plus cil tenir
Que il ne soit chéus au fons
Du val, qu'est hideus et parfons;
Or est chéus aval el gouffre
Où il toutes les dolors souffre.
Or est-il droiz que je vous die
Que celé beste sénefie
Qui est cornue en mi le front :
Ce est la mort qui nous confont,
Qui nuit et jor nous est moult près,
Et si nous gaite tout adès
Qu'il n'est nus bons qui tant séust
Qui de li garder se péust.
Félonesse est et mal queranz;
Ele prent loz vilains et franz;
Si vient ausi comme li 1ère :
Ele emble la fille à la mère.
Le père an fil, le fil à l'omme :
Ele prent tout, ce est la somme.
Ele fet si plenier son conte
Qu'ele n'espargne roi ne conte,
Archevesque ne clerc ne prestre.
El monde n'a plus félon mestre,
El cil qui plus la beste fuit
Ce sont hommes et famés tuit,
Nous, genz qui en cest siècle sommes.
ET DU SERPENT. H9
Oui volentiers la mort fuiommes;
Se nous la saviiens de çà
Moult volentiers fuiriens de là.
11 n'est nus hom qui la véist
Qui volentiers ne la fuist.
El de l'arbre et de la falise
Vous dirai toute la devise
Où li preudom à garant vient :
C'est la vie qui nous soustient ;
Chascun s'i tient tant comme il puet,
Et quant partir nous en estuet,
Voirs est que moult envis lessons
Et noz avoirs et noz mésons,
Et quant ce vient au départir
Que l'âme doit du cors partir,
Si samble à chascun sanz délu
Qu'il n'ait c'un petitet vescu.
Or vous vueil-je la réson rendre
Et par example fère entendre
Que les deus bestes sénefient
Qui l'arbre rungent et afment.
Hé Diex! qui bien i penseroit,
Com peu d'orgueil il averoit!
Ce est la nuit et s'est li jors
Qui nos vies met en décors :
1er fu plus longue nostre vie
Qu'ele n'est hui, n'en doutez mie,
Et hui plus longue que demain :
Ainsi traions au daarrain.
L'autr'ier désirrames Noël,
Quaresmes, Pasques autretel ,
120 DE L'UNICORNE
Après Pentecouste en esté,
Et après c'on ait moissoné,
Feste Toz-Sainz et Saint-Martin :
Ainsi tret chascuns à sa fin.
Li jors et les nuis nous acorce
Nostre vie, et no fin aproche;
Quant li jor et la nuit oscure
Ont tant esté en lor pasture
Qu'il ont nos vies pasturées
Et à noient les ont menées,
Lors vient la mort qui ne se faint ,
De sa corne si nous empaint,
Si roidement vers nous s'acointe
Qu'ele gete mort le plus cointe.
Or vous vueil dire sans meslée
I Que sénefie la valée
Qui tant est laide et anieuse,
Orde, puanz et périlleuse,
Et li serpens à la grant geule :
Ce est Enfers où li maus queule
Qui toz jors bée à nous déçoivre;
Si nous devommes aperçoivre
Tant corn nous avons poesté,
De nous conduire à sauveté.
Doit chascuns fère son aguet ,
Quar se nous sommes là jus tret,
James jor issir n'en perrons,
Mes toz jors en vivant morrons;
Ausi com cil qui gist el fu
Qui desus l'arbre montez fu.
ET DU SERPENT. i21
Or est-il droiz que vous sachiez
Du miel dont l'arbre fu carchiez;
Or vous en vueil le sens descrire
* Qu'il sénefie et qu'il veut dire :
Le miel qui enz en l'arbre abonde,
Ce sont li faus délit du monde,
Li biau boivre, li biau mengier,
Li biau vestir, li biau chaucier,
Les granz robes et li orfroi,
Li cheval et li palefroi ,
Et li tornoi et li cembel,
Et li lévrier et li oisel.
Les granz dames et li borgois,
Et li vilain et li cortois,
Sont si à cel délit torné
Que tout en ont Dieu adossé.
Nus ne quiert mes que ses solaz ,
Et s'aucuns tient entre ses braz
S'amie, soit pucele ou dame,
Por cel délit oubHe s'âme.
Hélas! com povre covoitise
Qui si tost est à noient mise!
Or esgardez par tout le mont
Toz les plus sages qui i sont,
Comme lor joie tost lor faut
Si tost com la mort les assaut.
Vers la mort n'a mestier proece,
Biautez , ne force, ne larguece,
Sens de provoire ne d'abé
Ne de nul sage clerc letré,
Qui tout ne voist parmi la mort,
122 DE L'UNICORNE
Si tost comme la mort l'amort.
Vers li ne vaut escu ne lance,
Draz couez ne ridée manche.
Que feront donc cil bacheler
Oui ne finent de porpensser
D'aus cointement appareillier?
Lor dras font creter et taillier
Et lor soleriaus détrenchier,
Dras filetez et envoisiez :
Cil ont du fol miel tant mengié
Que jà en sont tuit engingnié ;
Et les dames et les puceles
Qui or sont si sor lor gaveles,
Qui sovent sont encolorées,
Appareillies et mirées,
Et affublées au rouet :
Chascune tout son pooir met
En li acesmer cointement,
Non pas por Dieu, mes por la gent.
Quant eles sont appareillies,
Estroit veslues et chaucies ,
Si vont devant lor huis seoir
Por ce c'on les puist miex véoir ;
Celé qui plus est bêle et blanche
Fet volenliers de li moustrance.
Tele samble es dras savoreuse,
Qui la char a laide et roingneuse :
Qui toute nue la verroit ,
Sachiez que petit l'ameroit;
Les robes les font avenanz,
Lors ont les gresles si tendanz
Qu'à paines puéent lor braz tendre;
ET DU SERPENT. i23
Toz lor orgueils devendra cendre :
Cesle vie trespassera ,
Ele ne vaut, rien ne vaudra,
Quar se ceste vie durast
Bien fust résons que on l'amast;
Mes por ce qu'ele peut faillir
La doit toz li mondes haïr
Et la vie du ciel amer,
Où il n'ot onques point d'amer,
Qui toz jors sanz fin durera
Tant comme Dame-Diex sera.
Qui sanz fin , sanz commencement ,
Fu et sera tout vraiement.
Et cil qui por les faus délis
Seront el puis d'enfer galis,
James jor issir n'en porront;
Mes adès en vivant morront
Ausi com cil qui le miel prist
Qui en la grant dolor en gist.
Or prions Dieu le glorious
Que il mete tel sens en nous
Que nous puissommes adosser
Les fols délis et oublier,
Qu'en enfer ne nous vueille trère,
Et Diex nous lest teus oevres fére
Que toz nos mete à garison
Et doint vraie confession.
Amen.
Explicit de l'Vnicorne et du Serpent.
£tQ Uers in Monht.
Ms. 7218, Bibliothèque Royale.
Du monde qui fel à reprendre
Me dueil, quar ainçois me vint prendre
Conques eusse entendement,
N'ainc puis ne me vout mon cuer rendre,
Ainz m'a fet entor lui despendre
Tens, aage, senset jouvenl,
Dont en grant dolor sui sovent,
Quar je remir con fetement
Me sui lessiez à lui sorprendre,
Por ce qu'il m'avoit en couvent :
En ses promesses n'a que vent,
Et s'il paie, n'est-ce fors cendre.
Mondes, de toi plaindre me doi,
Quar par toi engané me voi,
Por ce que je t'ai trop créu ;
Tes promesses de pute foi
M'ont si converti en ta loi,
Mondes , qu'eles m'ont décéu.
Mondes, tu m'as si desvestu,
Qu'il n'a en moi nule vertu ;
LES VERS DU MONDE. 125
Mondes mauves, nous sommes doi,
Cors et âme, cui t'as féru
A mort et de venin peu :
Fols est qui a fiance en toi.
Mondes, li venins que je bui
A ton hanap, quant à toi fui,
Dont tout me truis envenimé,
Samble chascun plésant en lui
Dusqu'à donc qu'il connoist l'anui,
Le domage et la povreté.
Que l'âme i prent et l'enferté;
Mes quant connoist ta fausseté,
Adonc te het et aime autrui :
Cil qui plus se sont délité
En toi servir, plus ont musé,
Quar servi ont ne sèvent qui.
Mondes, cil par a trop perdue
La connoissance et la véue
Qui en toi se fie de riens ;
T'es une voie sanz issue;
L'entrée est parée et veslue
De délices plaine de fiens,
D'orgueil, de beuban, c'est li biens
Que tu fez savorer les tiens.
Covoitise i est maintenue,
Et toute chose qui est niens.
Mondes , lu pais cels que lu tiens
D'une viande qui les tue.
Mondes , cil qui à toi s'avoie
120 LES VERS
Quant connoissance le ravoie
D'aler au chemin de salu,
11 n'en puet issir, ainz forvoie,
Quar il ne puel trover la voie :
Tu es la méson Dédalu;
Puis c'on ert en toi embatu ,
A paines en ert-on issu :
Les tiens paies fausse monoie.
Hé Diex! tant en ai recéu,
Je criem que je n'en arde ou fu
Avoeques cels que Diex renoie.
Mondes, qui bien te connistroit
Et qui très-bien t'esgarderoit,
Tes oevres et tes paiemenz,
Nule fiance en toi n'auroit;
Quar qui te sert, il se déçoit,
Ausi trespasses comme venz.
Si est uns hom de si grant sens.
Si plains d'avoir et de parenz
Que nelui riens ne priseroit,
Ci est si viex et si puUenz
Que chascuns li vuide les renz,
Nis uns chiens ne l'aprocheroit.
Mondes, je di que tu trespasses
Et que cortes sont tes espasses
C'on a en toi de joie avoir.
Tu es uns viviers plains de nasses
Por prendre les chétives lasses
D'âmes qui n'ont mestier d'avoir;
Mes amors les fet enchéoir
DU MONDE. 12?
Maugré réson à recevoir
Ce que parmi les cors leur brasse.
Mondes, tu les fez entonoir
De longue vie par espoir,
Nis croire ne \uelent leur faces.
Mondes, en toi n'a fors paintureSj
Duriez, tribulacions sures,
Mes de ce es plains jusqu'en l'ueil;
Les tienz fez prester à usures,
Por avoir les envoiséures
En qui l'en envelope orgueil .
Tels a pou de pain de mestueil
Et mendie sus autrui sueil
En mauves dras, plains de coustures,
Qui plus lisi de joie en droit fueil
Que cil qui ont par ton acueil
Robes , chevaus et couvertures.
Mondes, je voi que li plus sage
Devienent tuit fol par l'usage
Que tu leur fez acoustumer;
11 ne t'en chaut de lor domage,
Tu leur fez paier le musage;
Tant les fez après toi aler
Qu'el mont d'orgueil les fez monter.
Et là lor fez les iex crever
A covoitise et à outrage.
Si qu'il n'en sèvent ravaler;
Mes qui la mort i puet trover,
11 en paie cruels ostage.
12g LES VERS
Mondes, tu taus nostre Seigneur
Ce qu'il racheta de la fleur
Et du fruit de virginité.
Hélaz! com vez ci grant doleur
Quant l'en voit vaincre le meneur,
Et celui qui tout a crié
A l'en ore si adossé,
Si en despit, si en viuté
C'on ne li veut porter honeur.
11 samble c'on ne li fet gré
De ce qu'il ouvri son costé
Por nous toz remetre en valeur.
Mondes , com ce est granz meschiez
De ce que tu as tant de chiez
De sainte yglise qui bien voient
Qu'il n'a en toi fors que péchiez,
Et s'est chascuns si atachiez
A toi, qu'il n'aiment ne ne croient
Fors toi, dont maint example envoient
A cels qui bien se garderoient;
Mes quant l'en voit de toi tachiez
Cels qui enseignier nous devroient.
Je sai bien que tels te fuiroient
Qui atent ore tes marchiez.
Mondes, hardiement me vaut
Que cil qui le voient devant
Sanz toi par derrière esgarder
Ne se vont nient apercevant
Comment tu les vas décevant
Si qu'il ne s'en sèvent garder.
DU MONDE. 429
Mondes, tu les fez arester
En tes délices désirrer ;
Mes qui voudroit aler avant
Et espresséement garder
Quel on te puet en fin trover,
Tels chiet qui se relèveroit.
Mondes, nus ne puet en milisme
De tes faussetez mètre en rime,
En romanz, n'en latin, n'en griu.
Tu es serpenz qui envenime,
Tu es li cyffres d'augorisme
Qui ne fet fors tolir le lieu
D'autre figure, c'est de Dieu.
N'a père Jhésu-Crist le pieu
Qui troveroit maint cuer benime
En lieu amoreus et soutiu,
Qui ore en sont rude et eschieu ,
Com s'il fussent de paienime.
Mondes, l'en seul dire en apert
Que qui à chétif seigneur sert,
Il en atent chétif loier.
Mondes, cil qui à toi s'ahert.
J'ose bien dire qu'il se pert;
Quar de quanque toz pues paier,
Ne porroies mie apaîer
Un cuer par qoi son désirrier
N'éust à convoilier ouvert.
Fol se fet en toi herbregier,
Cuers ne s'i puet rassasier
Ne c'uns gloutons en vuit désert.
II.
130 LES VERS
Mondes, la mort, qui son repère
A partout, me fet ton afère
Remirer plus diligaument
Que jamès ne cuidoie fère;
Mes toute rien voi à fin trère
A toi plain de mauves couvent,
A maint homme dones sovent
Espoir de vivre longuement
En joie sanz avoir contrère
A oui la mort est en présent
Par viellece ou par sentement.
Ne por ce ne s'en veut retrère '.
Mondes, plain de corruption
Te voi, d'abominacion;
« On lit dans le Ms. 1132, supplément français, les vers suivants sur la
mort, qu'on nous permettra de citer :
Il n'i a nul si biau pignié
Que la mort n''ait tost despignié ;
Adonc la bêle Emmelot
Desdolera son dorenlot ;
Et tu, qui portes si grant hure,
N'iras pas à la hure hure ;
Et tu , à ces longues manchotes
Qui par sa par là les dégètes,
Et acréu as les grans debtes,
Or vient la mort qui jus les mctes ;
Çhevauchié as les grans chcvaus
Et dévouré les cras morsiaus,
Or est venu le temps driver
Que ton cors rungeront li ver,
Et l'ame que devendra quoy ;
Chascun respondera pour soy :
Prisié n'i seront avocat
Ne plus que la queue d'un chat.
Le même manuscrit contient aussi une version des vers $ur la mort, pu-
bliée par Méon.
DU MONDE. ^31
Trop est faus qui en toi se fie.
Les tiens jues de trahison
Par ta vaine promecion,
Dont âme n'est fors esvuidie.
Mondes, cil qui plus estudie
En toi et plus fet grant folie;
L'en n'i aquert se paine non ,
Et s'est par tant l'âme périe :
Por ce istrai de t'abéie,
Tant qu'aie fet profeclion.
Mondes, je praing à toi congié-
Se piéçà t'eusse estrangié
J eusse fet mon avantage.
Nés que se j'eusse songié,
Mes désirs que tu m'as paie
N'en truis en moi fors qu'arriérage
Famine, acroissement de rage.
Or voi, quant connois mon domage,
Comment tu m'as le dé cliangiéj
Or vueil issir de ton servage,
Et corre à mon droit héritage,
Oue Diex m'a fet et esligié.
Explichinl les Vers du Monde.
"fif^J) \ù'\ 'j?.
Bes Brcis an Clerc h tïauîrat»
Mss. 7218 et 1132, supplément français, Bibliothèque Royale.
Or, entendez une complainte
Dont la réson est si bien jointe,
A paines orrez mes plus bêle :
Li clers de Youdai nous acointe,
De son bordon use la pointe
Ne n'a mes que la manuele ;
De la pointe orrez la novele :
Trente-sept anz en s'escuele
A conversé raingnos et cointe,
Or est tornée la roele,
Si s'en veut partir comme celé
Qui désormès s'en désacointe.
De la pointe dirai m'entenle :
La pointe si est ma jovente
Qui de moi se veut départir;
Se j'ai quarante anz ou cinquante,
Bien est droiz que je me repante
Et de jurer et de mentir.
Puisque je me vueii repentir,
DES DROIZ AU CLERC DE VOUDAI. 133
Si me covient à consentir
Et la dolor et la tormente
Qu'il covient à la char sentir :
Ainsi puis m'âme garantir
De la dolor d'enfer pullente.
Je vieng dès ore en granl eage,
Si doi changer mon fol usage
Se devant m'i sui maintenuz,
Que por biauté ne por parage,
Por terre ne por héritage
N'est hom ne famé chier tenuz,
S'il pert ses dras et il est nuz;
Et s'il les a, s'est retenuz
Partout à moult grant avantage;
Qui ce ne fet, li pains menuz,
Quant il est et viex et chenuz,
A tart li monstre son outrage.
'6'
Je vous ai mains mos fabloiez,
Diz et contez et rimoiez;
Mes or m'en vueil du tout retrére.
J'ai esté lonc tens desvoiez,
Or si doi estre toz proiez
Del mal lessier et du bien fére;
Quar qui veut à Dame-Dieu plére^
S'il ne fet l'anemi contrère,
Il est et fols et desvoiez.
Dame-Diex est plu& débonère
Que ne soit ne provos ne mère :
Tost a péchéors ravoiez.
i34 DES DROIZ
Por ce vueil dire une chosete '
Petite, qui est novelete,
' Dans le Ms. îiS'H, supplément français, la pièce commence à celte
strophe; elle ne contient que dix-sept stances, et se termine par les sui-
vantes, que n'offre pas le Ms. 7218:
Droit dit, et ce n'est pas frivole,
Quar le maintieng de famé foie
Vaut pis que serpent ne que uivre *,
Quar quanqu'il a tout partout voie.
Pour li despenl et se rigole
De son avoir tant qu'est délivre.
Droit dit que l'omme ne doit vivre
Qui par famé est fol et yvre.
Quant de son or vieut faire estain.
Un proverbe avons en no livre
Que droit nous aprent à descrire :
«Tant as, tant vaus et autant faim. »
Droit dit et vieut que père et mère,
Se sont de naturel affaire,
Qu'apreignent leur enfans à bien faire,
Et eus de folie retraire.
Pères qui n'en fait son devoir
Ou à tout le mains son povoir,
Et li filz son mauves vouloir
Acomplit, sachent-il pour voir
Que il leur sera chier vendu.
Maint filz en a esté pendu.
Maint père trahi et vendu :
Tort as, se ne m'as entendu.
Droit dit que devons Dieu servii'
Et en tout temps li obéir,
Quar cil qui bien le serviront
En Paradis après iront.
Servons aussi dame Marie ;
Li oublier est graut folie :
Souvent soit en nostre mémoire,
Quar elle est mère au Roi de gloiic,
Et li prions que par sa grâce
Nous face voir de Dieu la face
Et empestrcr la joie sans fin ;
S'en dison amen de cuer fin.
* l'ivre pour uiivre , vipi-rc.
AU CLERC DE VOUDAI. 135
Que je vueil de droiture dire :
S'est bien droiz que je m'entremete
De dire chose si très-nete
C'on ne puisse par droit desdire;
Droiz en ert jugement et sire:
Droiz dit c'on ne doit pas mesdire
De la chose qui est bien fête ;
Quar qui est en bone matire,
Droiz dit c'on ne 1' doit contredire :
Ci auroit vilaine retrete.
Droiz monstre toute cortoisie,
Droiz desfent toute vilonie
Et enseigne toz biens à fère;
Droiz dit c'on soit de bone vie,
Droiz dit c'on n'ait en lui envie
Par c'on puisse l'autrui fortrère;
Droiz dit que l'en soit débonère,
Droiz dit que l'en se doit bien tère
De chose qu'à lui n'afiert mie;
Droiz dit c'on soit de tel afère
Que l'en puisse à toz iceus plére
Lez qui on est en compaignie.
Droiz dit, et je 1' ferai estable,
Que puis c'on est assis à table
C'on ne doit mie trop parler;
S'on dit chose qui n'est metable
L'en li torne ses diz à fable.
Si le vendroit mieux reposer,
C'on puet tel chose révéler
Que s'on le voloit rapeler
136 DES DROIZ
Qui ne seroit pas honorable.
Droiz dit c'on doit trois foiz pensser
La chose c'on veut recorder
Ainz c'on s'en face connestable.
Droiz dit, se je voi conseillier,
Que je ne m'en doi aprochier
Se l'en ne m'i apele avant ;
Quant je voi la gent trère arrier,
Droiz dit je ne doi encerchier
Ce qu'il vont entr'eus reponant ;
Mes losengier se va muçant
Et fet à son seignor samblant
Que il l'aime de cuer entier,
Droiz dit que qui aime tel gent.
Il se fet fols à escient
Et si se bée à avillier.
Droiz dit que mesdisant sont tel
Qu'il cuident honir un ostel
Et cuident bien tout trère à aus;
Il dient : Cil sont tel et quel.
Cil qui servent de tel chalel,
ïl lor devroit bien venir maus;
Se chascuns estoit Perchevaus
Ou que il fust ausi loiaus
Corn preslres qui chante à autel,
Si diroient : Cist est faus;
Mes Droiz fet jugement de ciaus,
Que ce sont anemi mortel.
Droiz dit c'uns mesdisanz vaut pis
AU CLERC DE VOUDAI. 137
Qu'avoir deus niorlex anemis,
C'on en het la gent sanz réson ;
Uns mesdisanz dit son avis,
Celui qui bien est mes amis
Je r banirai de ma meson.
Droiz dit c'est mortel trahison
Que d'alever mauves renon,
Tost ait-on le mesfet apris;
Droiz dit et nous fet mension ,
Jugement par élection,
Trère la langue à tels chélis.
Droiz dit c'uns mesdisanz dira
Et à son seignor contera
Itel mesdit, itel losange.
Et sor tel son mesdit metra
Que li sires celui harra
Et le fera de lui estrange.
Or se puet cil froter au lange,
Vez son afère qu'il li change;
James véoir ne le querra.
Droiz dit que qui ainsi losange,
C'on devroit celui en la fange
Geter qui de rien le croira.
Droiz dit : S'on voit aucune gent
Mouteploier et bel et gent
C'on ne 's doi mie destorber,
Ainz doit-on avoir cuer joiant
Quant Diex lor done avancement
Par qu'il se puissent amender;
Droiz fet le povre haut monter
438 DES DROIZ
El Ton fet le riche avaler,
Ce voit-on avenir sovenl.
Droiz dit c'on doit ses gas celer,
Si ne doit-on nului gaber :
Chascuns ne set qu'à l'ueil li pent.
Droiz dit que cil trop se mesfet
Qui son père et sa mère let,
Dont il doit vivre et en vit pou ;
Bien doit avoir et honte et let
Quant il pert si tout entreset
Ne li remaint vaillant un clou :
Sages qui le voit nice et fou
Se pensse : Lez cestui m'agrou ,
A cestui ferai-je mon plet.
Entendez qui je blasnie et lou^
Je di grant besoing a de fou
Qui de lui-méismes le fet.
Droiz dit un mot aperlement,
Que qui est fols nalurelment
Qu'à son preu n'a s'onor ne béej
Que s'il fet sens à escient,
En sa folie se desment;
Folie est toz jors forsenée.
Fols qui a la rage dervée
Et cort toz nus aval la prée,
N'en lui veslir ne met content,
Droiz en dit la réson senée :
Ne te pren à lui por rien née,
Quar fols est qui à fol se prent.
AU CLERC DE VOUDAl. 439
Droiz dit que cil fet à reprendre
Qui ne set ne ne veut entendre
Et veut contrefère le sage;
C'est grant folie d'entreprendre.
Droiz dit c'on ne s'i doit atendre
Ne qu'en la beste du boschage
Qui toz jors veut estre sauvage
Sanz aprendre nul bon usage
Et ne veut à réson entendre.
Droiz dit que gent de tel usage,
S'il n'eussent forme et yniage
De Dieu , que on les déust pendre.
Droiz dit, et en ce droit me fi,
Que on ait pité et merci
D'omme qui pert par meschéance;
S'il pert parce qu'il a pievi.
Par feu, par mal, par guerre ausi ,
Ne r doit nus avoir en viutance :
Droiz dit, qui en a la puissance.
Un poi li face soustenance
Selonc ce qu'il a déservi.
Droiz dit c'un poi de soustenance
Gete homme de désespérance :
Au besoing voit-on son ami.
Droiz dit et retret par le sage,
S'il a homme en vostre lingnagc
C'on vueille à tort le sien tolir,
Si comme mueble en héritage,
Ou fére de son cors domage,
Vous ne le devez pas souffrir.
140 DES DROIZ
Droiz dit r Celui devez offrir
Et moustrer trestout par loisir
Por qu'il li fet honte et domage;
Droiz dit, s'il ne s'en veut souffrir,
Que vous devez celui laidir
Et abessier son fol corage.
Droiz dit que ce est double envie
Qui à escouler s'umelie
Le bien quant l'ot et bien l'entent,
Et quant la réson est faillie
il n'en set vaillant une aillie,
Ne ne vait à œvre metant.
Droiz dit : Ci a folie grant ,
Bien oïr ne fère semblant ;
Ici a péreilleuse oïe.
Droiz dit qu'au jor del jugement
Sera Diex sourt contre tel gent
Qui bien oent et ne 1' font mie.
Droiz dit un mol qui est de pris :
C'on honeurt ses povres amis,
Non pas sanz plus del sien doner.
Mes saluer en mi le vis ;
Si en seront plus avant mis,
S'on les vous voit arésoner.
Lui chastier et lui blasmer,
Lui bêlement amonester.
Desfendre qu'il ne soit meslis,
Les genz bêlement aparler,
Non pas avoec les fols aler
Où l'en a tost le mal apris.
AU CLERC DE VOUDAI. 141
Droiz dit des bons et dire seut
Que cil qui mauvestié conqueut,
Qu'en ce doit-il estre repris;
Qui bone doctrine requeut,
Tout adès maintenir la veut
S'il est sages et bien apris.
Sages ne doit estre entrepris
Qu'avoec les mauves soit repris,
N'est pas sages qui les aqueut ;
Mes enluminez et espris
De bien fère soit hom de pris ;
Quar qui de bons est, souef eut.
Droiz monstre que chevalerie
A sor toute gent seignorie,
Et par hautece et par valor.
Philosophe n'en mentent mie,
Ainz que latin fust ne clergie
Estoient chevalier seignor;
Toz li nions lor portoit honor,
Et encor sont-ce li greignor
Du monde, que je n'en dont mie;
Et puisqu'il en ont le meillor,
Droiz dit que nule déshonor
N'en doit issir ne vilenie.
Droiz dit , et j'en sui amparliers,
Que quiconques soit chevaliers.
Qu'il ne doit de nului mesdire :
Droiz dit qu'il soit droiz justiciers,
Droiz dit qu'il soit droiz conseilliers,
Si c'en ne le puisse desdire.
lia DES DROÏZ
Droiz dit que trop son non empire
Chevaliers là où il est sire,
Qui por avoir est lorçoniers ;
Ainz doit à son pooir eslire
Le droit et le tort desconfire,
Que c'apartient à toz princiers.
Droiz dit, por les seignors du mont
Qui desoz aus maintes genz ont,
Qu'à droit les doivent conseillier,
Et se folie les confont
Et vers lor seignor se mesfont ,
Il ne lor doit de riens aidier.
Droiz dit que l'en doit espargnier
Ceus qui béent à espargnier
Selonc ce que desoz aus sont,
Que Droiz retret en reprovier :
Qui une foiz veut escorcier.
Qu'après ne deus ne trois ne tont.
Droiz dit qu'il afiert à baron,
S'on prent en sa terre un larron,
C'en en face tantost justice :
Que plus tost justice en fet-on.
Plus tost nomme son compaignon
Quant devant lui voit son juise.
Se c'est lerres qui fet murdrisse,
Ou robe gent ou robe église,
On ne l' doit pas mètre en prison;
Droiz dit que cil s'âme poi prise
Qui en fet nule autre devise
Fors que pendre sanz raençon.
AU CLERC DE VOUDAI. 143
Droiz dit, et je l' retrai por droit,
Qu'en quelque leu que li home soit,
Que il port aus famés honor;
Et se porter ne lor voloit ,
Droiz dit que trop se mesferoii
Et qu'il querroil sa déshonor :
Por la mère Nostre-Seignor
En ont les famés le meillor,
Et qui ainsi ne le feroit,
Droiz dit qu'il auroit le pior,
Ne jà de cort à jugéor
Bon jugement n'enporleroit.
Droiz dit c'on doit famé honorer;
Si dirai, ne vous quier celer,
En quel manière et en quel guise,
Sanz li pincier, sans li taster,
Sanz li folcment aparler,
Quant ele ert delez vous assise;
Droiz dit, s'en son cuer a franchise,
Quant el verra vostre devise,
Vostre genlement démener,
Se de vostre amor est esprise.
Tant li pléra vostre servise
Que jà ne s'en querra lever.
Droiz dit par réson escriée.
Que puisque famé est mariée,
C'on ne li doit querre hontage;
Puisqu'ele est par bien assenée
A celui oui on l'a donée,
Qui la requiert, il fet outrage,
iAA DES DROIZ
Que ce tesmoingnent li sept sage,
Que puisque famé a mariage
Et ele est o autrui trovée,
Droiz en descuevre son corage,
Ele désert par son outrage
Que l'en l'apiaut putain provée.
Droiz dit, et s'en sommes certain.
Que le maintenir de putain
Vaut pis que serpent ne que guivre;
Que s'il a où mètre la main.
Il despent por li soir et main
Tant c'on le voit d'avoir délivre.
Droiz dit que tels hon ne doit vivre
C'on voit por famé fol et yvre
Tant qu'il fet de son or estain.
11 a un proverbe en mon livre.
Que droiz nous aprent à descrivre :
Tant as, tant vaus et je tant t'aim.
Droiz dit, et en ce droit m'acueil.
Que s'en aucun lieu aler vueil
Aucune foiz privéement,
Chascuns ne set dont je me dueil,
Se je pens folie ou orgueil ,
Je me doi porvéoir avant
C'on ne s'en voist apercevant;
Que s'il i a fol ou enfant
Qui se regart com boz soz sueil,
Droiz dit que n'en face noient ;
Quar Droiz à tout le mont desfent
Que l'en se gart du petit oeil.
AU CLERC DE VOUDAI. i4^
Droiz dit que cil a double envie
Qui en autrui oeil voit poulie
El el sien ne la puet veoir,
Quar ce est trop foie meslrie
Que de retrère autrui folie
Ne que del fère apercevoir;
Quar je vous faz bien asavoir
Qu'en lui sont li mesfel por voir
Dont il autrui blasme et chaslie;
Droiz dit c'on li face asavoir
Ceste honte doit recevoir,
Quar qui biau veut oïr, biau die.
Droiz dit que sages est qui fuit
Compaignie de mauves fruit
Qui les genz bée à engingnicr;
Il est bien droiz que cil anuit
Qui à mal bée jor et nuit
Et dont nus ne puet avancier.
Droiz dit c'on n'i doit pas tencier,
Ainçois doit-on du tout lessier
Sa compaignie et son déduit;
S'on ne puet, si s'estuet guétier,
Que droiz retret en reprovier
Encontre vezié, recuit.
Droiz dit, et por droit ert retret,
Que cil en folie se met
Qui à prometre s'abandone
S'il ne le rent; savez qu'il fet
Quant de prometre s'entremet:
Il est baïz s'il ne le donc,
r. 10
i46 LES DROIZ
Droiz dit el nous en arésone
Que cil empire sa persone
Qui promesse met entreset;
Si en dit Droiz réson moult bone :
Ce n'est pas dons, ainz est ramposne
A celui cui l'en le promet,
Droiz dit un mol tout abandon ,
Que cil doit Dieu grant guerredon
Quant il maintient marchéandise,
S'il la maintient comme preudom^
Moult li a Diex doné biau don
Quant il le fet en bone guise,
Et s'il a en son cuer franchise
Par qu'il en face la devise
Si com des anciens l'avon ;
Droiz en descuevre la justice
Selonc le droit de sainte ygliso
C'en dit marchéant ou larron.
Droiz dit, et por droit m'en sovienl ,
Que s'uns hom en richece vient
C'on ail devant povre véu,
Se léaument ne se maintient
En trestoz les lieus où il vient
On le revoit tost décéu :
Maintes genz en sont décéu j
Or n'ait mie son sens béu,
Ainz tiegne bien ce que il tient
Et ait por plus avoir vertu
Paor de ce qu'il a eu :
C'on dit eschaudez eue crient.
AU CLERC DE VOUDAI. i47
Droiz dit por clers et pour gent d'ordre
Que trop sovent font remordre
Et d'envie et de covoitise;
Genz laies vuelent si près mordre
Qu'il ne lor puet néant estordre
Par malisce qui les atise ;
H doivent garder la devise
Et de Dieu et de sainte yglise,
Et il font toz les maus en ordre.
Puis que coupe est el mestre mise,
Droiz en descuevre la justice,
Il méismes doit sa hart tordre.
Droiz monstre de papelardie
Qui désert que Diex la maudie
Que trop par est chose couverte,
Par dehors monstre sainte vie
Et dedenz a mal et envie
Qui n'est pas au mont descouverte.
Droiz dit que cil font de Dieu perte
Qui sanz réson et sanz déserte
Ont tel samblant qu'il ne font mie;
Droiz dit : Ce n'est pas chose aperle
De plaie qui n'est aouverte
C'on n'i connoist la maladie.
Cordelier se font gloriex
Et jacobin trop graciex
Et cuident tout le sens avoir;
Vers gent d'ordre son covoitex
Et vers provoires enviex:
Dient qu'il n'ont point de savoir;
^48 LES DROIZ
Ainsi si se font recevoir
Aus églises por décevoir
Et mètre au monde déliteus ;
Mes Droiz nous fet apercevoir,
Et je le retrérai por voir,
Conques li mons n'amenda d'eus.
Droiz dit, et j'en sui amparliers,
Des jacobins, des cordeliers.
Que il ont abessié droiture ;
Il seulenl maudire premiers
Les prestéors, les useriers,
Ceus qui prestoient à usure :
Or ont lor âmes pris en cure,
Exécutor por lor ardure
Sont d'aus por avoir lor deniers;
S'en vient orgueil et desmesure ' :
Quant il le lor ont sanz mesure,
Cis cors est au monde pleniers.
Droiz dit : Mar fu nez qui n'amende
Et qui veut fore contremande
En droit fère c'on doit amer.
Et cil doit Dieu crier amende
Qui veut que droiz ne se desfende
Contre tort c'on doit diffamer.
I Rutebeuf, dans son Dit des Jacobins et dans celui des Cordeliers
(voyez le premier volume de mon édition de ses œuvres), fait exacte-
ment à ces religieux les mêmes reproches que le clerc de Voudai. Il faut
remarquer, du reste, à propos de la pièce de ce dernier, que le Ms. 1132,
composé probablement par un frère prêcheur, ne contient pas les strophes
satiriques qui la terminent dans le 721 S.
AU CLERC DE VOUDAI. 149
Moult par a son cuer plain d'amer
Cil qui le tort veut enflamer
Contre droit et droit ne demande;
Ausi doit-on celui blasmer
Qui sa semence veut semer
En autrui terre sanz commande.
Explicit les Droiz au Clerc de Voiidai.
^'
Ms.7218, Bibliothèque Royale.
Or escoulez, seignour, que Diex vous bénéie,
S'orrez bons moz noviaus qui sont sanz vilonie.
Ce est de Doclrinal qui enseigne et chaslie
Le siècle qu'il se garl d'orgueil et de folie.
Certes, bone chose est de bon entendement :
Bons enlendemenz donc cortois enseignement,,
Cortois enseignemenz fet vivre sagement,
Et sage vie donc lionor et sauveraent.
C'est bons entendemenz de Dieu croire et amer
El des péchiez haïr qui sont sur et amer;
L'en doit bien corte paine soufrir et endurer
Por avoir longue joie qui loz jors puet durer.
> Sauvage est le nom de l'auteur de cette pièce.
On lisait aussi dans les écoles le Doctrinale ptierorum d'Ébrard de
Béthune, publié en 1112. Il en est question dans la pièce intitulée la Ba-
taille des VII Arts, que j'ai éditée p. il'iet suiv. de mon premier volume
des Œuvres de Ruiebeuf :
Danl Agrccimc et Doctrinal
Li esclopèront son diPv.M.
DOCTRINAL LE SAUVAGE. 451
Après vous voudrai dire qu'est bons entendemenz :
Ce est se li hom est avoec les bones genz,
Qu'il sache bien garder sa parole et son senzi,
Et qu'il sache couvrir toz ses mauves talenz.
Se vous véez un fol foie vie mener,
Jà por ce ne devez vostre bon sens muer,
Ne por lor grez avoir ne 's devez resambler
Ne d'elsà conlrefére ne vous devez pener.
Les enuiex devez sagement eschiver,
Quar foie compaignie fet maint homme blasmer.
Se vous estes vaillanz et de haute poissance,
Onques por ce n'aiez les povres en viltance,
Ne jà por ce ne fêtes foie desmesurance,
Ne por ce ne soiez de mauvèse beubance;
Mes aiez en vo cuer toz jors en remembrance
Que Diex vous a donc le sens et la poissance,
Et celui qui vous donc le bien et l'abondance
En devez-vo^js servir sanz mètre en oubliance.
S'il meschiet aucun homme, ne li reprovez jà,
Quar vous ne savez mie quanqu'il vous avendra :
Tels est ore granz sire qui moult abessera,
Ne chascuns ne set mie comment il finera.
Se vous véez un fol plain de mélancolie,
Onques devant la gent ne le tariez mie,
Quar il vous diroit tost ou feroit vilonie;
Et s'il fesoil par vous une grande folie,
Certes vol^s auriez part en celé vilonie.
452 DOCTRINAL
Se vous amez un homme et vous foi i trovez,
Gardez ne soit à vous légièrement meslez;
S'on vous dit mal de lui, por ce ne le créez
Jusqu'à tant que li droiz en soit bien esprovez,
Que mains hom est à tort empiriez et grevez.
Se vous véez un homme aucune foiz mesprendre,
Vous ne le devez mie vilainement reprendre,
Mes si cortoisement enseigner et aprendre
Que vous à bien le fêtes revenir et entendre.
Se vous estes cortois et larges et métanz,
Et que vous herbregiez sovent les repéranz,
Vous porrez bien avoir en tel point sorvenanz
Que vous ne serez mie bien aaisiez toz tanz :
Selonc ce vous co vient adès estre sachan^z.
S'a vostre mengier estes d'aucune gent sorpris,
Qu'il viegnent sanz viande çà cinc, çà sept, çà dis,
Ne devez samblant fère que soiez esbahis;
Mes fêtes bone chiêre, joie, solas et riz,
Etlor prometez miex quant vous serez garnis.
Se ce sont bones genz, vous vous en passerez :
Li uns bons c'en croit, l'autre jà mar le cuiderez;
Et se ce sont mauves, ne vous desconfortez,
Que plus i auriez mis, plus seriez enganez.
Ne devez plus en cels reprendre ne remetre
Que vous véez d'angoisse et d'envie remetre,
Ainz les devez lessier, et aus boncs gens mètre
Qui de vous avancier se vuelent enlremetrc.
LE SAUVAGE. 153
Se vous véez un homme vilainement mesdire,
Ne devez pas son blasme avancier ne redire :
Ainçois le devez bien sagement escondire,
Que maintes genz mesdienl par envie ou par ire
Ou par desconnoissance qu'il ne sevent bien dire.
S'on blasme un homme à tort, jà n'en doit estre pire,
Ainz doit-on assez miex le mesdisant despire.
Se vous volez un homme festoier ne joïr,
Ne fère biau semblant, acoler ne chierir,
Vous ne le devez mie en derrière escharnir :
Genliz cuers ne doit mie en décevant trahir.
Se vous fêtes semblant d'amer aucune gent.
Gardez que vostre cuers s'i acort bonement;
Quar qui fet bone chière avoec mauves semblant,
C'est reins de trehison et péchiez ensenient.
Gardez- vous d'une chose, si ferez que senez.
Que tout vostre couvine à la gent ne contez.
Se ce n'est à tel gent que vous moult bien créez.
De qui vous doiez estre aidiez et confortez.
Se vous avez richece, moustrez-le bêlement
A Dieu et à ses proismes trestout premièrement
Et puis après eu siècle si débonèrement
Que l'en n'en puist tenir nul vilein parlement.
Onques devant le gent ne vous cheut de tencier,
Ne à vostre mesnie ne à vostre moillier;
Ainçois les devez bien sagement chastoier
Et de vostre parole durement csmeier,
454 DOCTRINAL
S'il vous aiment et prisent, ce lor fera leirgier.
Se voz sire vous baille son ch^tel à garder,.
En vo cuer vous devez sagement aesmer
Que vous soiez hardiz et fier comme sengler^
S'en son chastel entrez, vous li devez tensser :
Jà por roi ne por conte ne 11 devez fausser.
Et se voz sire n'a ne force ne pooir
Du chaste! à desfendre, fère vous doit savoir
Que du chastel issiez par engien de savoir :
Quar qui pert bon serjanl à tout son fort manoir,
Li cuers U en doit moult et noircir et dolair.
Ne guerroiez à tort plus haut homme de vous,
Quantplusbasquevousn'eslesvouspuetmetreaudesouz
Li hom qui par coustume est raesliz et estous,
S'il en a une joie il en a sept corouz.
Se vous avez meslée à foible ne à fort,
Gardez que par vo sens le metez à son tort;
Quar quant li hom a droit, por voir le vous acort.
Assez plus de gent l'aiment et sont à son acort.
Et se vous poissanz estes, bien vous devez garder
De plus povre de vous lédengier et fouler.
Et se aucuns anuis vous i fet descorder.
Gardez que l'en n'cnpuistsor vous le tort torncr.
Gardez-vous bien d'envie; quar sovent fet nuisance,
Quar li enviex dervé quant li preudom s'avance,
Jà volentiers n'orra ]>;Hler de sa vaillance,
LE SAUVAGE. 155
Ainz le voudra blasmer d'aucune mésestance
Por itanl que le puist recorder de s'enfance.
Certes, j'ai grant merveille d'une chétive gent
Qui blasraent les preudommes à conseil coiement
Et il méismes sont mauves à escient :
Bien sachiez que il font lor grant avilleraenl.
D'une autre gent me sui merveilliez mainte foiz
Qui font granz aatines, outrages et desroiz
Et si ne valent riens ans guerres n'aus tornoiz :
Certes, ce poise-moi qu'il ne sont plus corloiz;
Ausi puet aus peser quant si bien les connois.
Se vous estes aus armes corageus et hardis ,
Gardez par maies tèches ne perdez vostre pris;
Soiez cortois et sages, léaus et bien apris,
Si que vous ne soiez vilainement repris.
Cuidiez-vous estre sires por un poi de proece?
Puisque il n'a en vous aucune bonne tèche,
Droiz est que voz bons pris faille tost et remecc :
Honiz soit hardemenz où il n'a gentillece.
Ne devez jà mesdire por talent qui vous viegne.
Mes de Dieu et d'onor tout adès vous soviegne,
Et s'il a en vous lèche qui trop i mésaviegne,
Ostez-Ie ensus de vous, si qu'ele n'i reviegne :
Nus ne maintient folie que jà biens l'en aviegne.
El quant li hom est plains d'aucun mauves anui;
Et il de ce méismes veut trop blasmer autrui,
i56 . DOCTRINAL
N'est pas bien apenssez, irestoz certains en sui^
Miex li venist oster sa mauvestié de lui.
S'aucuns hom vous fet bien, sa bonté essauciez ;
S'il a rnauvèses lèches, toz cois vous en lésiez,
Se ce n'est à conseil que vous le chastoièz;
El s'il ne vous veut croire, tout qoi si le lessiez.
Celui qui bien vous fet, onques ne despisiez :
Ou vous foi li portez, ou vous tost l'eslongiez;
Quar li hom est moult fols vilains outrecuidiez
Quant il blasme celui de qui il est aidiez.
Ne se venge pas bien qui le mauves blastenge,
Quar s'il vous mesfet rien, sa mauvestié vous venge;
Ets'on prise preudomme, jà n'i mêlez calenge.
Ne devez abessier son pris ne sa loenge.
Vous ne vous devez mie par mesdire avancier,
Ne por vous aloser autrui désavancier,
Ne par mauvèse envie nul bien fet desprisier,
Mes fêtes bones oevres, si vous ferez prisier.
Se vous mêlez le vostre en biaus mengiers doner,
N'en biaus ostex tenir, n'en la gent honorer,
Por Dieu et por le siècle et por vous aloser,
Ne devez mie après vo despens dolouser ;
Mes à cels qui l'ont pris plus biau samblant raostrer.
El s'il avienl ainsi que maies genz le prenenl.
Qui le vostre bien fet vous blasmenl et reprenenl,
Vousn'en valez rien pis, mes cil vers vous mesprenenl,
Et à gai'der le vostre assez miex vous aprenenl.
LE SAUVAGE. J57
S'il esloit aucuns hom et riches et poissanz
Qui fust fel et meslis, au siècle mal queranz,
Dangereus à l'ostel, borderes et jenglanz,
En la fin en seroit abatuz ses bobanz.
Or devons-nous parler de la bien haute gcnt,
De rois, de dus, de contes, de princes ensement,
D'évesques, d'archevesques, de loz prélas briémenl,
De tresloz cels à cui grant seignorie apent,
Comment il doivent vivre et bien et saintement.
Se li bons a grant rente, ou terre ou chasement,
Il est droiz et résons, par droit enseignement,
Qu'il aint Dieu et sa Mère et honort hautemenl,
Sainte Yglise desfende bien viguereusement,
Et si tiegne justice si droiturièrement
Que amors ne haïne n'i ait avancement.
Ne fausse covoitise n'i puist vaincre noient,
Ne por mauves loier n'i ait faus jugement.
Ne lest pas ses baillis régner vilainement,
Mes face toz jors droit bien et apertement,
Et si voist droite voie sanz nul détriement.
Si que il n'i regart ne ami ne parent,
Et s'aucuns bons mesprenl par fol entendement,
Merci en doit avoir saus toz droiz bonement.
Vous qui poez doner les biens de sainte Yglise,
Vous les devez doner léaument, en tel guise
Que Diex en soit servis bien et bel sanz faintise;
458 DOCTRINAL
El se vous les vendez par coverte devise,
Moult clîier le comparrez ainz le jor du juise.
Oiez le Doctrinal, clerc et lai ensement :
Quant il covient à l'omme despendre largement,
Il le doit si bel fère et si avenanment
Que l'en n'en puist tenir nul vilain parlement.
Après son granl despens se doit bien porvéir
En quel point il porra son afère joïr,
S'il entreprent la chose qu'il ne puisse soufrir ;
Por un poi motre avant ne se doit repentir,
Que nus hom ne l'en puist par réson escharnir,
Quar poi de chose fet un despens embelir
Dont li espargnemenz fet grant blasme venir,
Et si n'en puet l'en pas durement enrichir.
En quel point que il soit larges et despendanz,
Des povres soufreteus li doit membrer toz tanz,
Et s'il trueve les povres angoisseus et coustanz,
Onques por ce ne soit d'aumosne repentanz.
Cil est por estre au siècle devant la gent joianz ,
Si soit toz jors vers Dieu de cuer humeHanz
Et vers ses bons voisins débonères et franz
Et vers les outrageus ne soit pas si soufranz.
Bien retiegne son droit s'on à tort li cort seure;
Et si soit si cortois s'il en vient au deseure,
S'on li crie merci, qu'il pardoinst en pou d'eure;
Quar qui mesfet pardone, il s'essauce et honeure,
LE SAUVAGE, 159
Quanl il sauve son droit et s'onor U demeure.
Puis que li haus hom set bien par son sens ouvrer
Et que si conseiliier ne 1' sevent miex loer,
Ne doit son bon conseil por autrui sens muer^
Quar autrui sens voit-on moult sovent achaler.
Ce ne vous di-je mie, ne ne doi tesraoingnier,
C'on ne doie bien croire son mestre conseiliier,
Mes cil qui par son sens se set bien avoier
Ne doit son bon conseil por autrui sens lessier,
Se on ne le puet fère à meillor apoier.
Bien doit li hauz hom eslre jolis devant la gent,
Ceintes et acesmanz se il est de jovent,
Et doit son cors tenir bel et apertement,
Et si se puet veslir et bien et richement.
Se Diex l'en donc grâce par son avancement.
Or devons-nous le povre monslrer aucun savoir,
Li povres hom doit tant aprendre et savoir
Et tant de bones téches et tenir et avoir,
Que il en puist aquerre et honor et avoir.
Et qui n'a en cest siècle ne avoir ne richece,
Si aint tant Dieu et croie et tout son cuer i mece
Qu'il voist en Paradis en la très-grant hautece
Où toz jors aura joie sanz ire et sanz tristrece.
Se li povres sert Dieu, si riches devendra
Que jamès de povreté jor ne li souvendra,
160 DOCTRINAL
Et se li riches l'aime et croit à ce qu'il a,
Très-bien li doit garder, et fère çà et là
Son preu en toutes choses au miex que il saura.
Et li riche et li povre, tuit devons Dieu servir!
Li riches bons doit bien tant fère et déservir
Qu'il puist de sa richoise en plus haut leu venir
Et en la haute joie de là sus avenir
Où tempes ne orages ne's puet espaorir.
Or i a une gent qui par fin estovoir
Les covient-il au siècle et tenir et avoir
Les chevaus et les armes et les chasliaus avoir ;
Por bien tenir justice, moult i pueent valoir :
Ne poons pas tuit eslre ne blanc moingne ne noir.
Bien pueent li riche homme bêle robe porter,
Tenir bêle mesnie et riche don doner.
Et fère fier samblant por lui fère douter,
Et puis après si puet es biaus déduis aler ;
Ne doit por son déduit sainte Yglise oublier,
Ainz le doit essaucier et croistre et amonter,
Et loz vilains péchiez ensus de lui osier ;
Nul vilain mot ne doit oïr ne escouler :
S'uns hom maine tel vie et ainsi puet finer,
Par le mien escient, moult bien se puet sauver.
Ce dist li Doctrinaus Sauvages sanz mesprendre :
Ainçoisc'ondoie un homme trop lédement reprendre
Doit chascuns soi-méisme enseignier et aprendre :
L'en doit bons nios oïr où l'en puet bien aprendre.
LE SAUVAGE. ^61
Cest Doctrinal doit l'en aprendre et retenir
Et les biens qu'il enseigne entendre et détenir:
Des bons entendemenz escouter et oïr
Puet l'en tel chose aprendre dont l'en puet bien joïr.
Eûcplicit le Doctrinal le Sauvage.
H.
11
£t Hitté ftes CIjases qui fatUent en minage
tX en mûriage,
Ms. 1132% supplément français, Bibliothèque Royale.
Je scey de voir
Ménage fait les gens doloir,
Et si les fait riches d'avoir
S'il y entendent.
Les uns empruntent, les autres vendent j
Les uns achètent, les autres rendent
Aus marchéans.
Mult en y a de meschéans
Qui empruntent tretout leur temps
Tant comme il vivent.
Cens sont sages qui les eschivent
Et qui ne tencent ne n'estrivent
A ces musars.
Ménage a ces temps et ces ars
Et si a des simples couars
> Un feuillet du Ms. manque ici malheureusement. Il contenait le com^
mencement de ce Dit, dont je ne connais aucune autre leçon. On peut le
rapprocher du Dit de Ménage^ publié par M. Trébutien, et de L'Ouitittt-
ment au Vilain, par M. Francisque Michel.
LE DITTÉ DES CHOSES, etc. 163
A son escole.
Ménage est de courte parole :
L'un assagist et l'autre afole;
C'est la manière.
C'est corn le gieu de la civière :
L'un va devant, l'autre derrière,
C'en est l'usage.
11 n'i a si fol ne si sage,
S'il a gueires esté en ménage,
Qu'il ne le doute.
Ménage tient les gens à roule :
€e n'est mie gieu de pelote;
Oez comment.
Ménage au commencement
Si prent les gens par serement
Et par fiance.
Ménage sueffre que on dance
Au premier; c'est grant décevancc
Et trahison.
Ménage ne quiert qu'achoison
De mettre gens en sa prison,
Comment qu'il aille;
C'y ai esté sans nule faille :
Premier oy bonne commensaille
Dis ans entiers.
Si scey les voies et les sentiers,
Et si m'est mull très bien mestiers.
Se Dieu me saut.
Tous jors i faut, tous jors i faut,
Sempres en bas, demain en haut,
A dam Ménage;
Sempres au fol, demain au sage,
464 LE DITTÉ DES CHOSES
Sempres au plain, or au boscage,
Quant i fait froit.
Nul n'est prisiez qui ce ne croit.
Ménage lient en son destroit
Les mariez.
Par Dieu qui fu crucifiez,
Ménage les defïiez
Que l'en i quière.
Valet y faut et chamberière,
Fourche au fiens et la civière
Et le ratiauj
Or i faut fourché et flaiau,
Balay de bou et grant et biau ,
Ce n'est pas pou.
Par la foy que je doy saint Pou,
11 n'a homme jusqu'à Poitou
A qui il ne faille.
Or i faut tablier et touaille,
Et le coutel à quoy l'en taille
La char et l'oint j
Mult en y a qui n'en ont point ,
A qui nostres Sires en doint
Par sa poissance.
En ménage a trop dure dance ;
Qui n'a bien en Dieu s' espérance,.
N'aura jà bien.
Or i faut chat, or i faut chien :
A chascun convient bien le sien
En sa meson.
Vache, brebis, c'est bien résoK,
Et mitainnes en la sézon
Pour la gelée.
<}UI FÂILLENT EN MÉNAGE, etc. 465
Qui sa charuc a alelée.
La congniée est prestée
Pour buchoier,
Or faut la queue à l'aguisier.
Cuir aus souliers appareillier
Pour la mesgniée;
Se la terre n'est bien semée,
Et cultivée et gaegniée
El ne vaut gueire.
Une chose est qui mult doit plaire :
Les bues à la charue traire
Et au chareitesj
Or faut bouviés et clous et frettes,
Herses et joins et courraietes,
Et soc et contre.
Ainsi esconvient d'outre en outre
Faire ce que ménage monstre
A chascun homme.
Ménage fait prendre mal somme;
Ménage het celui qui chôme
Et rien ne fait.
Ménage a non Triche-Fichet :
C'est la flabe du bis cochetj
Mentir n'en quier.
Or est tout à recommencier :
Parens reviennent en jenvier,
Or faut peccune;
Ce n'est mie chose commune
Comme le soleil et la lune,
Que dan denier '.
1 Voir le Fabliau intitulé Dan Denier dans mes Jongleurs et Trour-
tères, p. 93.
466 LE DITTÉ DES CHOSES
L'un faut monter, l'autre abessier;
Ménage s'en scet bien aidier.
Or escoulez :
Entre vous qui famés prenez,
Courtoisement les démenés;
Chascun s'i garl.
Nul n'i enterra jà si tart
Qui n'en ait mult très bien sa part.
S'il i est guères,
Que tant i a tous jours à faire
U lieu où Ménage repaire
Que c'est merveilles :
Or i faut et vans et corbeilles,
Et si i faut boissiaus et seilles,
Pos et pichiers.
Or i faut fisiaus et cuiller,
Et le saas pour saacier
Lebuletiau.
Landier, crémélie, martiau,
Et la truele et le cisiau,
Après tenailles.
Or i faut et dras et toailles,
Coûtes de plume grans et larges,
Et les coissins .
Or i faut cuves et bassins.
Le coc, gelines et poucins,
Et huches maintes.
Encor i faut-il coutepointes,
Barges, oreilliers biaus et ceintes
Pour lit couvrir.
Ménage fait les iex ouvrir,
Ménage fait tout desdormir
QLI FAILLENT EN MÉNAGE, etc. 467
Ne nul n'espergne.
Or reconvient faire taverne,
Or faut chandeles et lanterne 5
Ce n'est pas gas.
Or, faut mesures et hanas,
Voirres, godes, se tu ne les as,
Et la veille j
Broche de fer et la gréille
A rôtir la tripe morille
Aus buvéours;
Mult en y a de lécliéours,
Les uns folz , les autres piours,
C'est sans mesure.
Or faut à la mousture :
Leboissel à quoy l'en mesure;
Par saint Germain,
Or faut la met à pestrir pain
La ratoere,
Au saas i faut la sassouere
Et si i faut la tournoere
Au pain tourner.
Or faut le four à l'enfourner
Et le fourgon pour fourgonner.
Or faut fournille,
Or faut cerpe, or faut faucille,
Et maint autre tille badille,
Rouable et pelé.
Or esconvient querre l'eschiele
Par où l'en monte par derrière
devancier.
Or faut plaliaus et escueles,
168 LE DITTÉ DES CHOSES
Petis sauciers et grans jadeles
Et esculier ;
Or faut l'aguile et l'aguilîer,
Or faut le pigne au chef pignier ;
Ce n'est pas guile.
Or faut roussin, or faut estrille,
Espée à porter par la vile^
Ce n'est pas fraude;
Et se la dame est foie et baude,
Miex vaut qu'el soit froide que chaude
Pour chastier.
Or faut paeles et trépier,
Hanap de madré et henapier,
Mortier, pesleil,
Lien à bers et le berceil
Faut pour l'enfant et le malleil
Et la bavete.
La nourrice faut, la cornete
Où le lait est que l'enfant tète :
Ainsi convient
Faire ce que à ménage apartient.
Mes mult en y a seurement
Qui n'en ont mie
De ce qu'ey dit une partie.
Or i faut-il chaudière et sie,
Havet, tréfeu.
Le soufflet à souffler le feu.
Pot de cuivre tient bien son lieu
Et tout pour voir.
Aus et oignons et poriaus voir
1 faut-il bien et charbon noir,
C'est trop de painne.
QUI PAILLENT EN MÉNAGE, etc. 409
Prion Marie-Magdalene
Qu'en cest siècle souffron tel painne
Et tel outrage
Qu'au derrenier soions si sage
Qu'en paradis aions ménage.
Amen.
Mss. 7615 et 1132, supplément français, Bibliothèque Royale
S'uns bons conoissoit l'avantage
Que Diex qui le fit à s'image
Li dona, ce fu connoissance,
Mult auroit au cuer grant pesance
Quant de l'user ne sauroit rien
En dessevrer le mal do bien.
Cil a congnoissance perdue
Qui de bien en mal se remue ^
Et de franchise entre en servage,
« Cette pièce est précédée, dans le Ms. 1132, des vers suivants:
Pour ce que promis le vous ay,
Des mignotises vous dirai
Et des contenances des dames,
Combien que soient preudefames;
Il y a trop de mignotise :
Uns trubers einsi lé devise.
î On peut rapprocher cette pièce de l'Épître des Femmes^ de Y Evan-
gile des Femmes, du Blastange des Femmes, du Blâme des Femmes,
du Bien des Femmes que j'ai publiés dans mes Jongleurs et Trouvères.
3 Ms. 1132. Vak.
Et met son cuer et son avoir
En lieu dont ne le puet r'avoir,
Et son tans gaste en fol usage.
LA CONTENANCE DES FAMES. 171
Et son tans gaste et son usage,
Et met sa pensée et sa cure
En famé qui trop petit dure ',
Comment que nule chose avigne,
Mais qu'à son voloir se contigne.
Si vous en dirai la serablance,
La menière et la contenance,
Et ne le tiegne nul à fable.
Mult a famé le cuer muable,
Et tressaillant et dur et lenre,
Si que poi velt à riens entendre
Fors tant com son cuer li donc ;
Or le tient et or l'abandone,
Or le done et or le retrait :
Tôt quanqu'elle a à li a trait '.
Si ne puet estre en un estage,
Or a trestot par éritage ;
Or se rit, or se desconforie.
Or se heit et or se conforte,
Or fait samblant que soit marrie,
Or est pencive, or est lie,
Or est viguereuse, or est vaine,
Or est malade, or est saine,
Or se siet, or ne veut seoir,
Or ne vueut nul home véoir,
» Ms. 1132. Var.
En famé qui petit a cure , etc.
' Ms. 1132. Var.
Si le tesmoingne en son corage
Le rousignol par vaselage.
Cuer de lame a tant d'outrage
Qu'U ne puet cstre en un estage.
172 LA CONTENANCE
Or le yuet, or ne le vuet mie,
Or se loe, or s'esgramie,
Or fait samblant que soit establej
Orendroit sera délitable,
Or s'esmuet, or ne se remue,
Or se tient com oisel en mue;
Or est douce, or est amère,
Or est marrastre, or est mère,^
Or se contient mult sagement.
Or cointement, or baudement.
Or est sauvage, or est privée.
Or veut pais, et or veut mellée,^
Or ne dit mot et or repalle;
Or veut l'onbre, et veut le halle,
Or veut repoz , or veut labor,
Or cort au molin , puis au for,
Or veut le froit, or veut le chaut,
Or conseille, or palle haut.
Orendroit veut estre loée.
De riens ne veut estre blasmée.
Orendroit fera belle chière ;
Or se prent à sa chamberière.
Dont aucune foiz est jalouse.
Orendroit sera envieuse
De sa voisine, qui aura
Plus biax joiaus qu'elle n'aura.
Or ne fait néant , or ne fine.
Or tencera à sa voisine.
Sovent ira chiez sa commère,
Ore la heit et or l'a chère;
Or li dira celi me prie,
El est à celui autre amie.
DES FAMES. 473
El por dire plus de merveilles,
Ira à dences et à veilles ',
Au sarmon, en pèlerinage.
Or fait le simple, or fait le sage;
Qui plus l'aguete, plus est fox.
Or monstrera poitrine et cox ',
Or si fera d'aucun complainte,
Or est mult juste, or est mult sainte.
L'une veut d'un, l'autre veut d'autre :
Ce que fait l'une ne fait l'autre.
Et desdire aucune besoine
Ne li convient jà querre essoine.
Jà de parler ne cessera,
Se que pence lantost fera ,
Soit bien , soit mal, si elle onques puet;
En lui chastoier pas n'estuet
Soi traviller, qui que nous die,
Je le tenroie à grant folie.
Car à ce fère rien ne vaut.
Or a le cuer coi , or l'a baut ,
Or n'est mie bien à son gré;
Or s'en remonte le degré,
Or s'en rêva dedenz sa chambre;
Ore veut mai , or veut septembre,
Or quiert escrin, ore quiert huche,
Orendroit poire ou pomme suche.
Ses joiax prent, si les remire,
Or les desploie, or les ratire,
» Ms. 1132. Va.r. As vespres.
» Ms. 1132. Var.
Or est coiflie, or est cornue.
Or se va monstrer en la rue.
474 LA CONTENANCE
Or s'estant, or sospire, or plaint ,
Or s'esvertue et or se faint;
Or cort à destre et à senestre.
Or s'en rêva à la fenestre,
Or chante, or pense, or rit, or plore.
Mult mue son cuer en petit d'ore.
Or est un po descolorée.
Par tens sera bien colorée.
Or se coife, or se lie.
Or se descoife, or se deslie.
Or a musel, or a banière.
Or est orguelle, or est fière,
Or a chapei , or a corone,
Orendroit sa face abandone
A resgarder, et puis la cuevre :
C'est merveille que de lor evre;
Or est lavée, or est peigniée,
Or est coifée, or est treciée,
Et mult le tendroit à desdain
S'elle n'avoit sovant le bain " ;
Or vait avant, or ce prent garde
I Voici quelques autres détails sur la toilette des femmes au moyen âge,
d'après le Ms. 1132 :
Se je Tosoie dire stms des coiirroucier,
Leur chaucier, leur vestir, leur lier, leur trechier,
Leur chaperons trousser et leur cornes drecier
Ne sont venus avant fors pour hommes blécier.
Je ne scey s'en apele potences ou courbiaus
Ce qui soustient leur cornes que si tiennent pour biaus ;
Mes tant scey-Jc bien dire que sainte Hélizabiaus
N'est pas en paradis pour porter tel/, labiaus.
Encor i refont-elles un grant haribourras
Que entre la toele qui n'est pas de bourras
DES FAMES. 475
Se nul ou nule la regarde.
Son mantel par devant desploie
Por ce qu'en voie sa corroie 5
Se n'a mantel, liève les bos,
Por ce qu'en voie par desoz
S'elle a bone cote ou police ;
Et mult se tendroit foie et nice
Se n'est apareillie à droit ,
Et se ce n'est tôt orendroit
Refait et deffait derechef;
Et lors ratornera son chief
De guinple et de chapelot.
Mult li ennuie quant elle ot
Quant autre est miex apareilliée,
Mais, qui la vodroit faire liée.
Si li die que on la tient
Celle qui plus bel se maintient.
Or se mire, or se colloie.
Or fait le mignot, or le coie,
Or guigne, or redrece l' uel ,
Or resera de bel acuel ,
Orendroit sera mult estoute.
Nus ne vous porroit dire tote
Lor manière ne lor afairej
Tant i a que bien se set taire
De ce c'on lor dit et conselle.
Or metra la main à l'oreille,
Et la temple et les cornes pourroit passer iius ras
Ou la gregnieur moustele qui soit jusques Arras.
Plus font, quar sous les coiffes entour le lianapel
Cenglent estroit leur testes d'un las ou d'un chapel
Poui- leur frons defîroncier et pour rédir la pel.
176 LA CONTENANCE
Por ces corneles redrecier '.
Or veut dormir, or veut veillier,
Or se refait apareillier,
Or changera surcot et cote.
Chace Halison, huiche Marote.
Trop sovent mue sa contenance;
Or veut joer, or ne veut dance,
Or est avant , or est arrière 5
En tel guise et en tel manière
Sovent les dames se demainent
Qui d'elles mult cointir se poinent.
D'autres manières a en eus :
Autre foiz, se g'estoie seus
Et je ansenble vous trovoie,
Cel remant vous deviseroie;
Mais toz voir n'est pas bon à dire,
L'un en vient plorer l'autre rire.
Aucune foiz je l'ai véu ^;
' Voyez le Dit des Comètes dans mes Jongleurs et Trouvères.
a Les trouvères ne critiquaient pas seulement les femmes ; ils attaquaient
quelquefois aussi les hommes. Ainsi le Ms. 1132 dit :
Pou refont pour leur famés les maris, c''est cerUin :
Si tost corne cle est morte, veulent avoir Bertain ;
Lors donroient à painnes deus feuilles de pladtain
Pour Cune ne pour nièce, pour suer, ne pour autain.
3 Le Ms. 1132, qui ne contient pas ces quatre derniers vers, termine
ainsi :
Mal se fait vers la foie traire,
R'aler en lieu où el repaire.
Famé prent à tort et à droit
Et convoite ce qu'ele voit.
Je vous baille tout en secré :
Qui raicx la sert , mains a son gré ;
Mes vès en ci toute la somme :
DES FAMES, 117
Mais tant vous di j^ai connéu ,
Car qui ^ime et croit foie fam«
Il ^aste avoir et cors et âme.
La famé doit vhTC deromme;
Celés qui ainsi le feront
Trestoutes sauvées seront.
Diex doint que je die vrité :
Celés aim par fine amité,
Quar je i ai trouvé le pourquoy.
Biau sires Dieu, pardonnés-m«y
Se j'ai dit aucune folie.
J'en pri aussi sainte Marie.
Une autre fois en dirai miex :
Deconvoitise» nous garl Diex ^
Amen,
ExjAicxt la Contenance des famés.
1 Au-dessus de ce mca, et d'une autre main, on lit au manuscrit : Ire
de famé.
IK 13
£oi £anh hovét que le ukamtc h'^uitaj ftst '♦
Ms. 198N.-D.
Au temps que cil oisiau sauvage
Chantent doucement maint langage,
Aloie seulz par un boscage
Un cerf chaçant.
Li chien aloicnl glatisant,
Si escoutai et ou hautement,
Lès un destour
Pucelle vi de noble atour
Bien atournée;
Ne c'estoit pas vers moi tornée,
Mais sa teste a destournée
De sa couronne :
Son chief blont doré desgalonne,
Tout le brueil et le gaut résonne
De son cler ton ;
Maint dous verbelet et main son
1 Nos lecteurs remarqueront sans doute que cette pièce ainsi que celles
qui portent le titre de Un Lay d'amours et de Martin Hapart sont moins
anciennes que la plupart des précédentes. Le rhythme a moins de naïveté,
et si le langage est plus clair dans l'expression , il est peut-ôtre plus obscur
dans la pensée, à force de recherche. Les vers ont également moins de
verve et d'entrain qu'au 13» siècle. Nous les croyons du premier tiers du 14*.
LA LANDE DORÉE, etc. 479
Faisoit adont en sa chanson :
Bien l'entendi.
Elle chanta, le gaut tanlî,
El je cornai, le bois bondi,
Et el se tome.
Mais n'ot pas vis, pens-je, morne,
Car onc li soulaus quant ajourne
U temps d'esté
N« fu si clers en sa clarté
Comme elle est en sa clarté,
Dont me merveille.
Chief ot blont et petite oreille,
Yeus atraiens, bouche vermeille,
Gorge ot plus blanche
Que n'est la noif desus la branche.
Le bras estoit desous la manche
Gras et roont;
Ne doi pas oublier le front,
Qui esloit le plus biau du mont
Et son cler vis
Estoit plus biaus que fleur de lys;
Nuez , polis.
Por estre miex, l'avoit nature
D'un vermeil rosé à droiture
Ausi com d'une portraiture
Dessus sa face.
Li cous estoit plus blans que glace.
Ne croi que Dieus jamès tel face
Que sont les mains;
Li cors est Ions et gros et plains.
Les mameletes
Sont petites et rondeleles.
dSO LA LANDE DORÉE
Un pou pîus grosses que pommelés.
Sous la colelle
Peroit le pis et la forcelle;
Je croi que de nulle si belle
N'a nus mémoire.
Sa cote estoit d'un sa mi s, noire;
Trop bien li sist , oe poez croire,
A grant devize.
La char estoit sous la chemise
Douce, tandre, blanche et alisse,
S'a droit la los-,
Grasse estoit sus déliez os.
Se Diex me doint pès et repos.
Elle chanloit
Un lay si bon qu'il convenoit,
Et si doucement le noloit
Que oissillon
Venoient oïr la chançon.
Elle ot haute vois et cler Ion ;
Si est a pelée
La Blonde de Lande dorée-
Devant moi estoit destrecée;
Les tresces blondes
Si vont sur les talons à ondes,
Crespeletes, c'est tout li mondes.
Ce m'est avis
Qu'elle avoit gent cors et cler vis.
Les iex rians, le nés traitis,
Et la bouche petite, vermeillele;
One ne vi si savorousete,
Se Dieus me saut.
QUE LE VICOMTE D'AUNOY FIST. iSi
Je m'arestai enmi \e gautj
Le euer me frémit el l résaut
De sa biauté.
Li boisestoit vert, feuiiroléj^
Li oissiau por le temps d'esté
S'esjoïssoient,
Et sur les arbresiaus chantoieiU :
Sons et lais et notes dissoient;
Trop doucement ,
S'en vont çà el là flagolent.
Amours loant et reloant
En leur latin.
Encore estoit assez matin.
La belle estoit desous un pin.
Si escoutoit
Les oyssiaus, puis recommançoit
Le lai que ci très-bien disoit,
Qu'en ce termine
Relenlissoit gaut el gaudine.
Bois el prés de sa vois serine
Fet i^tentir.
Je, qu'à li regarder tentir
Me tint tous quois sans mot tentir.
Et el m'avize,
Mes n'est pas pour moy entreprise.
Leva soi, qu'elle estoit assisse,
Moult doucement
M'a dit : « Poinsonnet bien veinant,
« Li cers s'en va par ci courant,
* Droit vers le bos;
« Mais vos chevaus vient moult repos,.
« Car moult est aus espérons bos,.
iSSÏ LA LANDE DORÉE
« Si comme je croi.
« Faites que sage, créés-moi,
« Demourés-vous avecques moi,
« Si me dires
« Des nouvelles que vous savez ,
« Et je, se oïr en volez ,
« Vous en diray
« Ausi de celles que je sai. »
Je descens sans faire délai ,
Si la salue.
Celle, qui n'est pas esperdue.
Me ûst seoir sus l'erbe drue^
Lors me demande i
« Sire, (ist-elle, j'é engrande
« Moult esté de ceste demande,
« Que c'est amours?
— « Ha belle! c'est plésans dolours^
« Léesce plaine de tristours,
« Dont nus ne veult
« Guérir des maus dont il se deut ,
« Mes en joie et en gré requeut
« Tout le vouloir
« De celle qui le fait doloir.
« Amors si a moult grant povoir
« Conme esperites :
« Les uns fait liez , les autres tristres,
« Et ne rent pas touz jors méritez
« Selonc désertes,
« Qu'Amours se rent aus uns apertes,
« Aus autres cellée couvertes
« Pour sa maistrie.
QUE LE VICOMTE D'AUNOY FIST. 183
« A mors est en paour hardie,
« Que l'où elle est plus asaillie,
« Plus entreprenl.
« Amours s'engendre en regardant.
— « Or me dites raison comment,
« Je vous empri.
— «Madamoisselle, vès le ci :
« Tout ausi tost com je vous vi,
« Je vous amai ,
« Porlabiauté que j'esgardai,
« Et por le bien qu'an vous trouvai;
« Car par nature
« Ainme-on la belle créature
« Quant on voit sa douce faiture;
« Et par raison
« Doit-on amer son maintien bon.
« Ces deus choses en vous trouvon,
« Qui vous esgarde.»
Dist celle, qui n'est pas musarde :
« Dieus, fist-elle, comme il me larde
« De biau parler !
« Mais or lessons se ci ester.
« Mes puis qu'A mors por esgarder
« Est engendrée,
« Conment est-elle u cuer gardée?
« On n'est pas tousjors à la bée
« En regardant;
« Et donques n'aiment li amant
« Fors tant que la dame est devant
« Ou damoisselle?
— « Or escoutez , très-douce belle :
« Souvenir ou cors renouvelé
184: LA LANDE DORÉE
« Le mail qui tient j
« Qoar quant on en part, il souvient
« Du grant bien que celle maintient
« Que on désire,
« Miex qu'en parchemin ae en cire
» Le fait dedens le cuer escrire
« Celle sembtancef
« C'est li mirouers de plésance
« Qui le cuer garde en remembrance,
« Et loin s et près.
— « Biau sire,, or me dites après ::
« Je seroie envieuse adès
« D'amour d'amie,
fr Comment elle est u cuer nourrie,
« Qu'il convient que chose qui amie
« Ait nourremenl.
— « Madamoisselle, en espérant
« La nourrissent li fin amant j,
« Qivar Espérance
« La nourrist du let de souffrance
« Qui le cner garde en atendance
« Qu'ancor aura
« Merci quant bien servi aura..
* Ainsi, dame, ne doutez jà:.
« Li (in ami
« Qu'ont espérance de merci
<( Si sont apert ,. lié et joli ,
« Net et loial.
— « Sire, ci ne voi-je nul mal
* De quoi se plaingnent ci vassal
« Si durement,
« Qu'aucuns se plaingnent en chantant
QUli LE VICOMTE D'AUNOY FIST. 485.
4 Qu'Amors leur fait moult de torment
« Et de marlire ;
• A ce que je vous oi retfaire.
1 Amours me samble débonnaire
« A sez sougîs.
— « Belle, ti très-loiaus amis.
« A trop de mal, ce m'est avi«„
« Et de doulour :
« Désirriers l'oeist et poour, ^
» Et mau parlant qui nuit et jour
« Li font damage.
• Désir n met u cuer la rage
• Dont il quiert souvent son dommage^
« Sa ver comment,'
« Car li feus alume en souflant,
• Si fait l'Amour en regardant;
« Il fait ainsi ,
« Et Désir fait aler l'amE
« Yéoir la belle cuer joli ,
« Vaille que vaille,
« Et en l'ostel aura merdaille
« Qui lost diront : Cilz se travaille,,
« Que vient-il querre?
« Vient-il por madame requerre?
« Par saint Germain t
« Je r dirai anuit ou demain.
« Nous sommes du vin et du paiiv
« A monseignour,
« Et cil li requiert déshonneur:.
« Nous seriens si traiteur,
« Certainement.
• Je pri à Dieu qu'il les ament,^
i86 LA LANDE DORÉE
« Car trop font de mal à l'amant
« Et à l'amie.
« Ci la resveillent jalousie,
« Qui dira en chière marrie
« Au fin ami :
« Yassaus, mon hostel vous desdi j
« Et s'i venez, je vous deffi ,
« Car je n'ai cure
« D'omme à si cointe vesture.
« Lors aura cil duel et rancure,
• Painne et paour;
« Paour de perdre le retour,
« Paour de faillir à l'amour
« Que tant désirre.
« Belle! onques Dieus ne fist martire
« Qui onques éust torment pire
« D'un fin ami
« Quant il ne puet trouver merci j
«i Neis mesdisant l'ont assailli ,
« Qui Dieus doint honte!
« Belle, or avez ouï mon conte. *
Et elle me respont : « Viconte,
« Bon gré vous sai
« De ce qu'oy dire vous ai 5
« Car je croi moult bien qu'à l'essai
« Avez esté.
— «Dame, ce fui mon un esté;
« Mais Diex m'a icelui oslé
« Que tant amoie,
« IN'onques mes riens amé n'avoiej
« Et certes en talent avoie
QUE LE VICOMTE D'AUNOY FIST. 187
« Que jà n'amasse j
• Mais \o gent cors, vo douce face,
« Le cuer me lie et me lace
« Tant doucement 5
€ Car à vous me donne et me renl
« De cuer, de cors entièrement,
« Et si vous pri
« Que vous me prenez à amîj
« Que se n'avez de moi merci,.
« Sachiez de voir,
• Nulle autre ne l'en puet avoir,.
« Car j'ai tout mis sans et pooir^
• Cuer et désir,
• A vous amer sans repantir.
« Je vous pri que par vo plaisir
« Soie en vo grâce.
• Gente de cors, belle de face,
« A vous me doins en ceste place
« Sans jà mouvoir.
« Vostre sui, ne m'en dois doloir;
« Or en faites vostre vouloir
« Tout à délivre,
« Car par vous puis morfr ou vivre. »•
Elle respont : « Estes-vous ivre,
Qu'ensi parlés?
« Conques mes véue ne m'avez ,
« Et dites que si fort m'amés;
« Conment puet c'estre?
— « Dame, por Dieu le roy céleslre,.
« Qui me fist vivre et me fist nestre,.
« Je vous créant
« Que onques mes n'amé riens taBt^
iS8 LA LANDE DORÉE
« Ne de cuer si parfaitemeftt^
« Par cel Seignour
« Que l'en apelle créatour.
— « Sire, c'est fort chose d'amour,.
« Ce m'est avis.
« Je n'otroi ne je n'escondis,
« Ainçois relien avoir avis
« Sur vo prière;.
« Mes por ce qu'en mainte manière
« M'avez Amors fait vil et chière,
« Et maie et bonne,
« Et sachiez que pas ne me donner
« Mais de bon cuer vous abandonne
« Un tel olroy
K Auquel ne vueil soient que troi.
« C'est le marquis^ et vous et moi>
A li irés,
» Ou se non i envoierés,
« Et vous pri que li demandez
« Que plus trouve,
« Que lonc temp Amour esprouve,.
« De poour ou de séurté,
« Biens au douleurs,
« Ou d'amerté ou de douçours,
« Ou de plaissirs ou de poours,
« Que il vous die?
« Et s'il trueve plus grant partie
« De joie et de douce vie
« En bien amer
» Que de maus, je vueil acordcr
« A ce que je vous oi rover,.
QUE LE VICOMTE D'AUNOY FIST. Î89
* Et vous araerai sans fausser
« Parfaitement;
« Mais s'on plus de mal i alenl
« Que de bien , sachiez nullement
« Ne m'i metroie.
« Por ce vous commant et vous proi«,
« D'ui en un an droit voslre voie
« Desous ce pin
* Tenez; s'i soiez bien matin.
* Adonques si orrés la fin
« De vo requeste. »
Un chapian me mist sor ma leste;
A dont alai après ma beste.
Explicit le dit de la Lande dorée que le viconte
d'Aunoy fis t.
Ms. 198 N.-D,
Il est aucuns folz qui se plaint
Par maint grief plaint,
En mostrant plain ,
Qu'Amours en li servant l'amort
Si tost qu'en son service maint.
J'en connois maint
Qui se remaint
D'amer en désirant la mort;
Mais le cuer qui à ce s'amort,
Amours connoist bien s'il se faint,
Car en déport,
Sanz nul desport,
Vit li cuer qui Amours acliaint.
Je le connois évidanment :
Par un lieu gent,
Noble, excellent,
Là ù je choisi un papegaut
Qui prioit amoreusemenl
Et doucement,
De sentement.
Une mauvis par douz asaul;
' Cette pièce est coupée en strophes de treize vers. C'est par erreur que
la strophe 14 et la 16" n'ont pas été séparées par un blanc comme les autres.
UN LAY D'AMOURS iOii^
De cuer gay, amoreiis et baul,
Li disoit : Li miens cuers se rent
Sanz nul défaut,
Ne point ne faut
De faire vo commandement;
Quar par vous sui pris et espris,
Et entrepris
Par si douz pris,
Que se plus que souhait avoie
De touz biens d'umain paradis,
Se m'est-il vis, "WÊ^
Par vo douz vis, ^^
Que mielz souhaidier ne porroie.
Tant ai dedenz mon cuer de joie
Et est d'amours mes cuers saisis,
Qui si s'esjoie
Où que je soie
Qu'il est touz en déduit ravis.
Et en ce point adez serai
Tant com vivrai;
Car sanz esmai
Ai demouré toute ma vie,
Depuis que premiers vous amay ;
È^ Si serviray
De vrai cuer gay
A vous, de qui j'espoir l'aiie;
Car j'ai espérance jolie,
A qui du tout m'apoy et tray,
Dont sanz folie
Serez servie
il
192 LE LAY
Por la grant valor qu'en vous say.
Premiers pris fui par regarder
Et aviser
Et par penser
A lavostre plaisant figure.
Oui le cuer me vint embraser
Et aluraer
Sanz entamer
De si amoreuse pointure
Que je le senz outre mesure
Par dedenz mon cuer figuiN3r^
Ge ra'aseuure
De la seuufe
Voie de liece trouver.
Car voslre douz regarz joies
M'est déliteux
Et savoureux,
Si que là preng douce substance,
Et ce me fait vivre amoureux
Et désireux
D'estre songneux
De manoir adès en plaisance,
€ar très-amoureuse espérance
M'i fait vivre comme euureux,
Et sanz grevance
Le mien cuer lance
Por vostre amor, cors gracieux.
Et si ai amoureux désir
Por moi nourrir
4^
D'AMOURS. i93
Sanz jà partir
Du douz, noble amoreus repaire
Là ù je pris le douz souvenir
Qu'en son venir
Par conjoïr
Me fist à vous amer atraire.
Ne jà je ne m'en quier retraire,
Quant plaisance ai en vos véir;
Quar moi refaire
Par douz afaire
Poez par vo simple plésir;
Car Amours a en vous planté
Humilité
Aveuc biauté ;
Ce me fait vous amer sanz faindre,
Car garnie estes de bonté
Et d'onnesté,
Déshonnesté
Ne puet dedenz mon cuer remaindre.
Et por ce ne me doi refraindre
De vous servir en loiauté,
Et joie graindre
M'en vient achaindre,
Car biens sanz nombre i ai trové.
Donc je doi Amour gracier,
Qui moi lier
Sanz deslier
Me vaut de si noble bien ,
Que j'ai amoureux désirier
Sanz empirier,
II. 13
#
i9Â UN LAY
Nejàchangier
Ne porroie à si hautain bien ;
Li miens cuers le sent et set bien
Que plus ne me puis avancier;
Si n'ai mais rien
Cuer qui soit mien,
€ar tout l'avez à justicier.
Par vo douz amoureux semblant
Sui menez tant
Que cuer d'amant
Covient frans cuers loiaus que j'aie;
Car en vostre grâce espérant -^*
Et en amant
A vous penssant
We quier jà que je m'en retraie,
Ainz vous servirai d'amour vraie,
De loial cuer en désirant :
Si ne m'esmaie
Que grâce n'aie
:Se bien connoissiez vo servant ;
€ar en vous maint senz et raison ,
Discrécion
Et nftotion
De connoistre un vrai cuer loial i^^.
Qui met en vo provision
S'entention ,
Sanz traïson
Penser, com à la flor roial
Et sur toutes espécial,
Si que là preng réfeccion
D'AMOURS. 195
Si général
Qu'esquiex de mal
En sui et osté de friçon.
Ainsi en joie et en déduit
Prent son refuit
Et son conduit
Mon cuer, qu'Amors arguë et point,
Et en plaisance se déduit ;
Rienz ne le nuit
Ne nedestruit,
Tant l'a Amours à li ajoint
De si très-amoureux ajoint
Que de tout meschief se sent voint;
Si ne faut point
De gaieté et jor et nuit.
Car vo douz regarz atraians,
Qui est rians
Et desduisans,
Me mist en l'amoureuse sente
Par quoi je fui déduit senz tens.
Si sui manans
Et deraorans;
Si est raison que mon cuer sente
En l'estolz de l'amoureuse ente
Par qui je suis gais et chantans,
Et en l'atente
De la présente
Joie dont amis est joians,
Je ne me plaint que du trop tart,
Qu'Amour son dart
106 UN LAY
Par vo regart
Par dedenz mon cuer tresperçaj
Car si parfetement s'e&part ,
Tout sans escart
Mon cuer et part,
Autre que vous, bêle, n'i a,
Ne jamés ne s'en partira;
Si supli Amour qui le gart ,
Car il sent jà
Comment il va
Des nobles biens qu'Amours départ.
Ainsi mon cuer joie demaine
En vo demaine,
Dame hautaine,
Et est eschievez de tristour
Qui moi soloit estre prochaine,
Or m'est lointaine.
Très-souveraine
D'onneur et très-parfaite flor
Qui j'aime, criem, croy, l'aour,
Et ferai par amor certaine;
Meillor labor
Ne puet nul jour
Faire cuerz qui joie a por paine.
Car par un gratieux espoir
Par qui j'espoir
La grâce avoir
Que vrais cuers d'ami doit atendre>
Liesce me fait esmovoir
Sanz moi mouvoir
Ne main ne soir
D'AMOURS. f9T
De ce qu'Amors m'a fait emprendre,
Car puis qu'Amors m'a fait esprendre
Et mis en son noble manoir,
Je doy entendre
De vray cuer tendre
A vostre grâce recevoir.
Si vous suppli, dame loée,
Très-bien amée
Et désirrée,
Que vous soiez vers moi piteuse»
Car ma plaisance est ordenée
Et ma pensée
Que jà muée
Ne soit de vous, très-gracieuse ;
Car j'ai par vous vie joieuse
Qui m'est en aimant présentée,
Si déliteuse
Qu'adès songneuse
Ert de vous amer, bêle née.
Douce mauvis, soiez esprise
Et d'amour prise
Par telle guise
Qu'en toz estaz me retenez;
Car Amour m'embrase et atise
Par sa franchise
Que sanz devise
Est tous mes cuers à vous donnez,
Et si est si encorporez •
Dedenz l'amoureuse porprise
Que jà osiez
498 UN LAY D'AMOURS.
Ne desevrez
N'en, puisque m'enlente i ert mise;
Car Amour d'espoir me porvoit.
Qui assez voit
Se j'ai bon droit
Et bone cause d'eslre amans;
Car en ce lay chascun perçoit
Que sanz destroit
Mes cuers reçoit
Tout le contraire des dolans j
Car je sui en joie manans^
Ne nus grief ne m'en osteroit
Tant soit grevans,
Qu'adès joianz
Ne soit mes cuers, quel lieu qu'il soit.
Dame, car souvenirs eslaint
Touz maus, et taint
De si gent taint
Que H miens cuers prenl son resort
En celle vertu qui tout vaint
Mal et restraint,
Non pas estraint ,
Mes les loiaus tient en confort ,
Et osle de touz desconfort
Qui ainsi qui doit s'i enpaint;
Si qu'en descort
Et sanz acort
Est à moi qui se plaint et faint.
Du rof 2lrtl)us d ht Ôaint £o^d\
Ms. 1132, supplément français, Bibliothèque Royale.
La \irge doit estre honnourée
De tous et en toute contrée,
De roys, princes, contes et dus j
Mult l'onnoura li rois Arthus %
Aussi le fist li rois Lois,
Si com dirai se sui oïs.
Nous lisons que Arthus, roys jadis
De Brelaigne, vigreus et hardis,
Contre mult de gent guerre avoit,
Mes grant révérence porloit
A la dame pucele Marie :
Mult se fioil en son aïe...
> Bien que les vers qui suivent ne soient ni un conte ni un dit, }'ai cru-
pouvoir les donner ici, parce qu'ils nous intéressent au point de vue des
traditions en ce qui concerne Arthur, et an point de vue de notre histoire
nationale en ce qui est relatif à Saint-Louis.
3 Le roi Arthur, de fabuleuse mémoire, dont les Bretons attendirent si
longtemps la venue (voyez, dans Rulebeuf, le Dit de Brichemcr), est
nommé à chaque instant par les trouvères. André de Coutances fait de ce
prince un grand éloge, p. 3^ du présent volume.
200 DU ROY ARTHUS
Or retournons au roy Arthus,
En cui fu prouesse et vertus,
Amiables et gracieus.
Si fait furent mult raerveilleus :;
11 estoit bon bataillereus,
En bataille victoriens;
Saxons, Poitevins et Escos
Dedens un bois retint enclos;
Les quiex si forment prist la fain
Qu'il se rendirent en sa main.
Après froissièrent leur promesse :
Arthus son ost contre eus adresse
Et d'eulz ocist vint et trois vins,
Saxons, qu'Escos que Poitevins,
De Galiburne son espée,
Et Ren sa lance estoit nommée.
Un dragon sus hyame en sa teste,.
Mult estoit espouentable beste ;
En son escu avoit l'yraage
De la puissant et de la sage,
C'est de la pucele Marie,
Pour ce que li fust en aïe,
Et si fu-ele la piteuse :
Mult eut victoire merveilleuse.
Li fait Arthus sont merveiables
Si qu'aucun les tiennent à fables;
Mes Diex et sa mère Marie
Font mult de fais quant on les prie.
De Saint Loys dire vous vueil,
Duquel n'eut boben ne orgueil
ET DE SAINT LOYS. 201
Ne vanité de chançonnetes ',
Si com est en nos pucelettes
Et en nos jolis damoysiaus
Qui miex sont nommé Davoudiaus.
Leur chançons sont hoqueteries :
Trop miex resamblent moqueries.
Quant Saint Lois chanter vouloit,
De Dieu ou de sa mère chantoitj
Ne fust chançon nule chantée
Du siècle; mes de Notre-Dame
Povoit chanter et homme et famé,
Dont un escuier il avoit
Qui du siècle trop bien chantoit.
Il li deffent que plus n'en die,
Et qu'il chante de dame Marie.
Li fîst aprendre de la bêle
Plurieurs antienes et icele
Hymne Ave Maris Stella;
Tant l'a rioté qu'apris l'a.
A l'escuier mult grief estoit ,
Mes obéir li convenoit,
Dont il et li gracieus roys
Souvent chantoient à haute vois
Ce que savoient de la Royne
Dame Marie sus toutes dignes :
Ainsi sa vie le devise, etc.
' Voyez, à ce sujet, une noie, p. 413 et 414 de mon édition des OEit-
vres de Rutebeuf , t. I.
Ms. 1132, supplément français, Bibliothèciue Royale.
Par mainte foiz oï avez
De CCS examples recorder.
De Saint-Michel un en orrez,
Se il vous plaist à escouler.
Onques de tel n'oy parler
Nus qui soit visj
El n'est mie du temps jadis.
Mes il avint ou temps d'avril.
Douce gent, c'est bien vérité,
Qui au mont Saint-Michel ira,
S'il muert en l'an , miex l'an sera.
A Avrenches dessus le pont
Une riche famé out meignant
Qui espousa un riches hons
De mult grant atenement j
Il estoit plaideour mult grant ,
Sage et gaillart :
On l'apeloit Martin Uapartj
U hapoit de chascunc part.
MARTIN HAPART. 203
Martin hapoit quant estoit vif,
Et si hapa quant il fa mort.
Mult de gent metoit à essil
Et leur faisoit de leur droit tort.
Miex amoit à boire bon vin
Qu'eslre ou moustier.
S'entente estoit à soutillier
Comme il péust gent essillier.
Martin Hapart haioit moustier
Sur toute rien et le sermon ,
Les mesiaus et les potenciers.
Et les gens de religion.
L'anemi l'avoit par réson
Mis en escrit :
En enfer estoit fait son lit.
Mes sa famé le garanti.
Sa famé à Saint-Michiel ala
Par mainte fois et l'aoura.
Son mari pria que il i alast.
Mes il dist que rien n'en fera.
Un jour par matin se leva
Si pria moult
Son mari qu'il alast au Mont :
Martin dist que foie gent sont,
D'aler Saint-Michiel aourer,
Quar i n'i a de li noient.
11 n'i a riens que un moustier
Et un granlymagc d'argent.
Saint-Michiel n'est c'un pou de vent :
204 MARTIN HAI>AHT.
Dieu le créa ;
Ne char ne sanc ne li donna
Fors les eles dont il vola.
Tant comme il est en Poitou
Ou à Paris ou à Orliens,
Puet l'anemi faire un trou
En son moustier qui n'en set riens,
Que fust l'or et l'argent céens
En bons deniers
Et le moustier fust trébuchiez
Et les moingnes tretous noiez l
« Tu es fol, sa famé li dist;
Diex le commanda de son ciel
Que l'en un moustier féist
U non de l'angre saint Michiel.
As âmes est plus dous que miel ,
Et qui ira
Bien repentant de tout mesfait,
En paradis son lit est fait.
— En quel paradis? dist Martin;
11 n'est paradis fors deniers
Et mengier et boire bon vin
Et gésir sus draps déliez.
Il n'i a riens de Saint-Michiel
Fors les parois
El l'ymage que le biau rois
Fist parer de ses viex orfrois.
Par mon chief, dist-il, g'en irai j
MARTIN HAPART. 205
Mes à povre gent rien ne donray,
Ne n'amenderont jà du mien.
Une maille li porteray
Qu'ey espargnie.
Ele est esbréchie le tiers :
Je li offerray volen tiers. »
Sele maaille li monstra;
Sa famé mult bien la quenut.
Martin à Saint-Michiel ala ,
Onques n'i menga ne ne but,
Ne onques tant povre ne li sut
Demander li
Qu'il donnast vaillant un espi.
L'anemi n'en fu pas marri.
Quant à l'oslel s'en retourna,
La mort le prist; si vint son jour.
Ne cuidoit pas qu'entrast la mour
En tel chastel n'en si fort tour.
Des biens estoit à grant honnour,
Quar faucement
Bien doit amer celui l'argent
Qui le gaaigne loiaument.
Or oez par quoy il hapa.
Quant il fu en son sarqueu mis,
Cest miracle si ne fust jà
Scéu par homme qui soit vis.
Mes le fessier si avoit mis
En son braeul
206 MARTIN IIAPART.
Cent et deux soiilz, quar il avoit
Receu d'un buef qui cras esloit.
Le fossier ses pans rebraça
A sa ceinture hautement;
Sa bourse aval li balocha :
Le sarqueu prist li et l'argent^
Quant vint à son dévalement
ïl s'entrouvri.
La bourse du braeul rompi :
Martin liapa tout devers li.
Il senti bien rompre le lasj
Mes il ne sot pas que ce fu:
A son hostel se clama las
Quant il s'en fu apercéu.
Au prestre s'en est revenu ,
Si se clama
De Martin Haparl qui hapa
Sa bourse quant il l'enterra.
Celé journée proprement
Refu le sarqueu deffouy;
Le fossier trouva son argent
Qui en la fosse li chéy
Et la maaiile qu'il offri
On l'enporla.
Au vesque la nouvele ala
Dont par mainte fois se seigna.
Le grameire, se dient , lut
Li clerc qui sot mult de latin.
MARTIN HAPART. 207
L'anemi tantost s'aparut :
f Ai moy ! fait-il j où est Martin?
— Tu en orras, fait-il , la fin.
Le «ors tenon ;
En enfer nous entrebaton
Pour l'âme que perdue a von.
Son lit estoit fait en méson ,
Mes Michiel le nous a tolu.
Une maaille l'en a trait
La ballance devant Jhésu
Des grans biens qu'il avoit eu
Par faus recors.
Saint Michiel nous en a fel tort ;
Il estoit noslre après la mort. »
L'anemi à tant s'entourna,
Et l'évesque est demouré.
Qui au mont Saint-Michiel ira,
H li sera guerredonné.
Prions saint Michiel l'onnouré
De toute gent
Qu'il nous conduie à sauvement
Devant Dieu pardurablement.
Amen.
iFatrastes'*
-a
Ms. B. L. F. n" 60, Bibliothèque de l'Ari^enai.
Jaler sans froidure
Prestoit à usure
Auques por noient;
Nule créature
Metoit empresure
Safirs d'Orient.
Bîau tans de pluie et de vent
Et cler jor par nuit oscure
Firent un tornoyement;
Sor plain poing de neste ordure
Fondoient coyvre à Dinant.
Fourmage de laine
Porte une semaine
A la Saint-Remi,
Et une quintaine
Couroit parmi Saine
1 Voir Jongleurs et Trouvères, p. 34 , où j'ai donné, sous le titre de
Rêveries, une pièce du même genre, mais d'un rhylhme différent. M. Cha-
baille se propose d'en publier quelques autres dans l'ouvrage qu'il prépare
sur les trouvères.
II.
FATRASIES. 209
Sor pet et demi ;
Li siècles parti parmi
Uns siurons sainiez de vaine
Leur dit : Par l'âme de mi,
J'ai repost un mui d'avaine
Dedenz le cul d'un frémi.
Uns giex de Nipole
Chante une jaiole
De loial amour,
Uns chastiaus qui voie
D'une poire mole
Recousoit un jour;
Jà chéissent de lor tour
Nefust une paie -vole
Qui s'arma devant le jour
Por le gieu de la grimole
Qui rainoit la maistre tour.
Andoille de voirre
Aprestoit son ayre
Por aler nuleu,
Uns Flamens d'Aucuerre
Vessoit pour miex poirre
De latin en grieu,
Et uns pez fait en ébrieu
1 faisoit hanas de Juerre,
Moult en faisoit grant aleu
Quant uns petis faiz de fuefre
Commença un noviau geu.
Dui rat userier
14
m
310 FATRASIES.
Voloient songier
Por faire un descort,
Troi faucons lanier
Ont fait plain panier
Des Vers de la Mort.
Uns muiaus dit qu'il ont tort,
Por l'ombre d'un viez cuvier
Qui por miex \illier s'endort,
Oui cria : Alez lacier
Por tornoier sans acort.
Formaige de grue
Par nuit eslernue
Sorl'abaied'un chien;
Uns coutiaus maçue
Saut, et si le hue,
Si ne H dit rien.
Uns escharbos li dit bien ,
Quant li dos d'une sansue
Qui confessoit un mairien.
Là chie tant l'ont batue,
Dientcil fusicien.
En l'angle d'un c.
Là \i un taisson
Qui tissoit orfrois,
Et un chapperon
Parmi Monloon
Menoit Yermendois;
Je lor dis en escoçois :
Desc d'un papillon
Porroit-on faire craz pois?
FATRÂSIES. 2*1
El dou V.. d'un limeçon
Faire chastiax et béfrois?
Uns mortiers de plume
But toute l'escume
Qui estoit ^n mer,
Ne mais une enclume
Qui moult iert enfrume
Si l'en va blâmer;
Uns chas em prist à plorer
Si que la mer en alume
Un juedi après souper^
Là convint-il une plume
Quatre truies espouser.
Je vi une tour
Qui à un seul tour
Vola duqu'à nues.
Si vi demi-jour
Entrer en un jour
Après quatre grues;
Se ne fussent deus maçues
Qui d'une arbaleste à tour
Orent deus nonnains f
Mortes fussent sanz retour
Quatre cotes descousues.
Je vi une crois
Chevauchier Artois
Sor une chaudière,
Et une viez sois
Menoit Vermendois
242 FATRASIES.
Parmi une pierre;
Se ne fust une verrière,
Deus lymeçons, voire trois,
De Paris duqu'en Bavière
Eussent fait dix Anglois
Huchier harpe et godière.
le vi Saint-Quenlin
Qui de Saint-Aubin
Feri Saint-Omer,
Arras et Blangi
Derierre Chauni
Lor trosiax porter :
Uns surons les voust rober;
Se ne fussent deus poucins
C'uns Anglois devoit couver,
Trais fust Salahadins
A l'entrée de la mer.
Chates escorchies
Erent enragies
Por peler blans aus,
Deus truies noies
S'en sont couroucies.
S'ont pris deus pestaus;.
Se ne fust uns gris veaus,
Deus suris fors paisies
Qui venoient de Cytiax
Estoient jà conseillies
De porter Paris à Miax.
Uns viellars mors nezi
FATRASIES. 213
Qui avoit court nez
Portoit un molin,
Uns chas bestornés
C'est bien atornés
De deus dras de lin j
Plain possonnet de saïn
Les éust touz estonnés
A l'entrée d'un jardin,
Quant uns ras i a menez
Les pez d'un viez Tartarin,
Aillie d'estrain,
Formage de pain
El fèves de pois,
Et kailleus de grain
Et pierres de fain
Et escot François.
Uns chas qui parloit griois
Emportoit seignor Alain,
Dont ce fu trop grans anois.
Quant deus singe chastelain
Chevauchoient Vermendois.
Uns cendaus de laine
Estoit en grant paine
De corber un pois,
For sainier de vaine
Venoit Babiloine
A penre François,
Encontre vint Vermendois
Qui hanissoit sans alaine,
Sor un grant cheval d'orfrois.
314 FATRAS! ES.
Par un jour hors de semaine
S'enfuient quatorze mois.
Mouslarde d'anete
Portoit Damiele
Derier Occident,
Uns vis de cherete
Baloit l'enlrepete
Plain panier de vent;
Uns chas qui la lune vent
Saut avant, et si culele
Dix: frémis en un couvent,
Si que Paris en voleté
D'Acre duqu'en Occident.
Li sons d'un cornet
Mengoit à l'égret
Le cuer d'un tonnoire,
Quant uns mors béquet
Prist au trébuchet
Le cours d'une esloilej
En l'air ot un grain de soile.
Quant li abais d'un brochet
Et li tronçons d'une toile
Ont trové f un pet,
Si li ont coupé l'oreille.
Crasses pierres moles
Tenoient escoles
Por pés endormir,
Deus vielles cytolcs
Vuidoient fioles
FATRASIES. 245
Por mouches vessir.
J'ai bien ce que je désir, .
Or commencent les quaroles,
(Si) avoient bon loisir
Laus kyrioles
Qui venoient de pestrir.
Dragons de geline
Devenoit ferine
Por avoir argent,
Uns hérens se pingne
Por avoir liai ne
De dyversses gent;
Moult se vivoit bel et gent
Cil qui savoit lor covine,
Uns mosliers i vint nagant
Qui avoit moustré s'orine
D'Acre duqu'en Occident.
Anguiles de terre
Fesoient grant guerre
D'eles comfesser,
Ne mais Engleterre
Mengoit Engleterre
Por s'âme sauver,
Uns mors hom s'i fist porter,
Et uns huis qui se desserre
Voloit aler outre mer
A tout un chapelet d'ierre
Le juedi après souper '.
Cette stance est répétée à la fin de la pièce dans le manuscrit.
346 FATRASIES.
Une pale-vole
Tornoit une mole
De marbre porfire,
Et une brifole
Venoil de l'escole
D'un paragelire;
Uns chapiaus de chaz en mire,
Noviax revenus d'escole,
Li prist vilonie à dire ;
La nuit jut avec s'aiole,
S'engenra un voust de cire.
Moult en tinrent grant consile
Tuit li Gieu de la griraole;
Se no réson ne parole
Tult li cors d'un cimetire
Se pristrent à la karole,
Chascun set chanter et lire
Et harper à la viole.
Uns kailleus veluz
Devenoit rendus
Ses péchiez plourant ,
Et uns viens baûs
Ocist quatre dus
Son cors desfendant;
Mais mal lor fust convenant
Se ne fust uns éternus
Qu'il trois firent en dormant
Qui dit que li rois Artus
Estoit gros de vif enfam'. ,
Li pez d'un suiroa
FAÏRASIES. 217
En son chapperon
Voloit porter Rome,
Uns oès de coton
Prist par le menton
Le cri d'un preudorame;
Jà le ferist en la somme
La pensée d'un larron
Quant li pépins d'une pomme
C'est escriez à haut ion :
Dont viens, où tu vas? huillecomme ' I
Li ombres d'un oef
Portoit l'an renuef
Sus le fonz d'un pot,
Deus viez pingne nuef
Firent un estuef
Pour courre le trot ;
Quant vint au paier l'escot,
Je, qui omques ne me muef ,
M'escriai, si ne dis mot :
Prenez la plume d'un buef ,
S'en vestez un sage sot ,
Dorenlot, va dorenlot :
Tex est couz qui n'en set mot.
Une viex paele
Touz cex de Broucele
Voloit compissier,
Et une viele
Chantoit em fessele
Dou danay Ogier;
< Huillecomme, wilkcome, formule de salut.
2i8 FATRASIES.
Sor le comble d'un moustier
Vi un tonncl qui rapele
Les montes d'un userier,
Quant Aucuerres et Rochele
L'empristrent à esmaier.
Eslranges privez
Esloit porpensez
De grant courtoisie,
En deus saz troez
Âvoit aportez
Touz ceis de Percie }
A Paris en Sac-à-Lie,
Là les éust délivrez
Em plain hanap de boulie,
Qant uns lymeçons armez
Hautement Monjoie escrie.
Li piez d'une sele
Chevauche Rochele
De Hui à Dynant,
Et une paele
Tondoit sa cotele
De Bruges à Gantj
Uns molins i vint volant
Qui ot pris une arondele,
Uns caillex i vint plorant
Et une putain pucele
Délivrée d'un tyrant.
Uns chevax de cendre
Crioit pois à vendre
FATRASIES. 219
D'un pet de suiron.
Uns pez ce fist pendre
Pour li miex deffendre
Derier un luilon;
Là s'en esmervilla-on ,
Que tanlost vint l'âme prendre
La teste d'un porion,
Pour ce qu'il voloit aprendre
De Gerart de Rossillon.
Uns pez à deux eus
S'estoit revestus
Por lirre grammaire.
Et un chas cornus
Devenoit reclus,
Si vesti la haire;
Li pans d'une manclie vaire
Lor a disl : Traies en sus,
En chantant les faisoit taire.
Quant li ombres d'un séus
1 corut ses braies traire.
Uns arbres reons
Par-desus Soissons
Traïnoil la mer,
Uns esmérillons
De ces ailerons
L'aloit esventer;
Là féist tout craventer
Se ne fust uns limeçons
Qui la terre ot à garder,
Qui commanda deus oisons
220 FATRASIES.
Quatre larrons traîner.
Demi-mui d'avaine
Ce sainoit de vaine
Pour aqueillir los,
Une quarantaine
Grantjoie demaine
Par-derier son dos ;
Se ne fust H ris d'un coc
Qu'entre Pentecouste et Braine
Dont la char ronga les os,
Pendus fust en la semaine
Te rogamus, audi nos.
Quatre rat à moise
Faisoient rnonnoie
D'un viez corbilion,
Uns moines de croie
Faisoit moult grant joie
De f un bacon.
Entendez à ma raison :
Se ne fust la Pommeroie
Qui chevauchoit un goion,
Penduz fust par la courroie
Karesmes par un c.......
Vache de pourcel,
Aingnel de veel
Brebis -de malart,
Dui lait home bel •
Et dui sain raesel,
Dui saiges sotart,
FATRASIES. 221
Dui enfant nez d'un torel
Qui chantoient de Renart
Seur la pointe d'un coutel
Portoient Chastel-Gaillart.
Uns biaus hom sans leste
Menoit moult grant feste
Por mengier cailliaus,
Moult est fière beste
Cil qui l'en arreste
Un juedy à Miaus,
Et trois asnesses sanz piax
Démenoient moult grant feste
Por aus tolir lor drapiaus;
lllueques chantoit de geste
Une cuve en deus tonniaus.
Rose de vendoise
Sor la rivière d'Oise
Chevauchoit une ais,
Moult menoit grant noise
Uns faisiaus d'adoise
Par mi un tarquais ;
Tuit li hérenc de Qualais
Burent plain pot de cervoise
Chiez l'évesque de Biauvais,
Qui confessoit une aisele
Des péchiez qu'ele avoit fais.
A champ et à vile
Sa quenoille file
Sans piez et sans mains.
222 FATRASIES.
Moult savoit de guile
Cil qui d'Abevile
Chevauchoit à Rains.
Uns grans homs qui estoit nains
Qui amenoit bien dis mile
De singes touz chapelains,
Davines ou croiz ou pile :
Li premiers fu deesrains.
Uns chiens escorchiez
Estoit escourciez
Por mostiers semer,
Et uns pygnes viez
S'en est courouciez,
C'est saillis en mer;
Tant empristrent à parler
Gelines à quatre piez
Qu'elles pristrent un cengler,
Firent de plain pot de miés
Illueques l'asne \oler.
Estrons sans ordure,
La mer amesure
Com longue ele estoit,
Et uns oés de bure
Li dit: Hure, hure!
Quant il l'aperçoit.
Uns mors homs qui bien véoit
Dit : Violas bure bure!
Uns chas qui Paris portoit
I coroit grant aléure
Por ce que nus piez n'avoit.
FATRASIES. 223
Grant noise faisoient
Dui pet qui metoient
Une suris en sel,
Dui four en tomboient,
Dui truies cliantoient
Parmi un tynel;
Moult parloient d'un et d'el
Dui suris qui emportoient
Rains et Paris sor un pel,
Si que forment em plouroient
Pasques derierre Noël.
Tripe de mouslarde
Se faisoit musarde
Dou poistron s'antain,
Et uns oés ce farde
Pour ce que il n'arde
D'un pet de putain,
C'est de la chanson d'Audain,
Lors i vint une bystarde
Qui fu commère Bertain,
Et une truie gaillarde
Un mostier dedenz son sain.
Sayn de marmothe
Ghantoit une note
De Mante à Paris;
Une saige sote
D'une chappe cote
Li a fait un ris ;
Bien fust chascuns d'aus garnis
Ne fust uns estivaus bole
aS^ FATRASIES.
Qui portoit en deus baris
Un chastel sor une mote,
Si les a touz esmaris.
Uns biaus hora sans teste
Menoit moult grant feslo
Por un c. velut,
El une fenestre
A mis hors sa teste,
Si vit le fendu;
Jà fust grant max avenu
Quant li songes d'une beste
S'escria : Hareu ! le fu !
Trestout voloit ardoir l'aitre
Por ce c'om i ot f
Uns cors sains de Cille
Fistd'un cuir d'anguille
La lune lever,
Et une morille
Avoit une fdle
Qui portoit la mer;
Mort fussent à l'ariver
Se ne fust une faucille
Qui les ala délivrer
Por un byreli quoquille
Le juedi au soupper.
Bacin, chandelier
Furent sommelier
Au roi Dagombert,
Bien savoit villier
FAT R A SI ES. 225
Li poilrons Aubert,
Et lui travillier,
Et li pez sire Gombert
Les ala louz esviilier.
Dex vous saut, sir€ Robert,
Quatre sous en un denier
Chanta de saint Filebert.
Hasart de neuf poinz
Estraint si ses poini 'tei ioO
C'uns bues en sailli,
Moult fu or prez poinz
Uns viviers pourpoinz
Quant il li failli,
Uns escharbos l'asailli
Qui avoit ces sollers oinz;
Tost i fussent malbailli
Se ne fust uns grans besoinz
Qui venoit devers Mai^li.
Une truie enceinte
Parmi une aceinte
Compissoit un lièvre^^i-tf» /
Une lamppe estainte
Faisoit sa complainte
Sor plain pot de fièvre,
Une aloete covière
Avoit une esfille atainte
Sor la keue d'une chièvre,
Si l'a si dou cul empainte
Que li mas de Paris criève.
11. 15
2ti6 FATRASIES.
La keue d'un pel
Parmi un corbet
Démenoit grant joie,
Si \i Mahomnyet
Sor on tonnelet
Faire une viez voie,
Saint-Quentin, Péronne, Roie
Mussoient en un cornet
Parmi l'ueil d'une lamproie
Qui lor jooit par abbet
D'un oef abouté en corroie.
Anglois de Hollande
Embloient lllande
Por mengier as aus.
Uns lymeçons mande
Gent de huppelande
Sor deus syminiaus;
Uns paniers ce fist chevaus
Quant une mouche truande
Qui list parler deus muiaus.
Avoit jà tolu l'offrande
A deus abbés de Cytiaus.
Chançons emporée
Orent à covée
Une viez cité
Une demeurée
Embla la mourée
Par humilité
Quivéist fragilité,
Qui ol sa tonne afforée
FATRASIES. 227
Enz ou cul de venile;
Cil qui font blanc por mourée
C'en sont moult bien aquité.
Uns saiges sans sens,
Sans bouche, sans dans,
Le siècle menga,
Et uns sors hérens
Manda les Flamens
Qui les vengera ;
Mais tout ce ne lor vaura
La plume de deus mellens
Qui quatre nés affondra,
Mais je ne sai que je pens,
De murdre les apela.
Flaons de noient
Celui apartient
Qui portoit Champaigne,
Moult bien li avient;
Mais ne li sovient
D'aler en Bretaigne;
Uns chaperons li enseigne
Et uns tacons le délient
Qui emportoit Alemaigne,
Mais ne sai quoi qu'il devient
Cil à la chière grifaigne.
Uns nis de croyère
Ce devant derierre
Contoit sa raison,
Une fort janglière
228 FÀTRASIES.
Estoit coustumière
De monstrer son c;
Uns formai ges de mouton
Aporloit en sa loière
Le jour de i'Asencion,
Qui avoit en s'aumôniére
Quarante jours de pardon.
Blanche robe et noire
D'un sens sans mimoyre
Faisoit un lorain,
Li flairs d'une poire
D'un pet de provoire
Lor chantoit d'Audain.
Ce fu es prez Saint- Germain
C'uns kaillex qui ot la foire
Ce faisoit cousins Gruain;
Ez vos sus une papoire
Criant un cortois vilain.
Uns ours emplumés
Fist semer uns blés
De Douvre à Wissent ,
Uns oingnons pelez
Estoit aprestés
De chanter devant,
Quant sor un rouge olifant
Vint uns limeçons armés
Qui lor aloit escriant :
Fila putain, sa venez!
Je versefie en dormant.
'ti^
Bu 3eu h 'Bn \
Ms. 1132, supplément français, Bibliothèque Royale.
Vous qui bien et honneur et les biaus dis amez,
Entendez un petit cens qui les biens ont niez :
Je truis souvent de cens où li biens est remez,
Et si ont affoison terres et fiez et mez.
Li roiaumes abesse et devient de l'empire;
Li siècles croît à force et tout adès empire :
Nus ne va droite voie, ains tient toujours la pire,
Dont li cuers de mon ventre par mainte fois souspire.
Or ai mise m'entente en matère diverse,
Du décomment fu fait qui maint preudommeenversse.
Tel si dit biau compains, joue au dez, boi et verse,
Miex venist qu'il béust à Noion à la verse.
Bien avez oï dire et recorder souvent
Que li dez à maint homme fait ennui et tourment;
» Voir le Dit du Gieu des Dez dans les Poestesd'Euslache Deschamps>.
p. 171.
230 DU JEU
Mes vous ne savez mie de son commencement,
Pourquoy le dé fu fait et vint premièrement.
Se le dé fait maint mal, il i a bien raison,
Quar il fu premier fait par maie entencion,
Du conseil l'anemi qui ne fait se mal non
Et à tous crestiens qui est leur destruction.
Il ot jadis à Romme un mauves sénateur
Qui onques n'ol en lui charité ne amour;
Au mauves se rendi, dont il fist grant folour;
Quar puis li tourna-il à painne et à douleur.
Cilz qui avoit le cuer orgueiileus et mastin
Estoit un jour entrez touz seul en un jardin;
Li mauves s'aparut à li dessous un pin,
Com cil qui pourchassoit bien sa mauvèse fin.
«Amis, dit li mauves, je vueil à toy parler ;
Tu t'ies rendus à moy, si me dois mult amer. »
Et cil li respondi : « Bien povez commander;
Je feré vo vouloir, qui qu'en doie peser.
— Frère, dit li mauves, je me sui porpensez :
Tu feras une chose qui son non sera dez;
Maint homme en iert encore honnis et vergondez;
Li un en iert pendu et li autre tuez.
Tu feras celé chose de six coslés quarrée,
Vourras d'or ou d'argent, ainsi com il t'agrée;
Mainte ûme en est encore dedenz enfer portée, ,
Et la figure Dieu mainte fois parjurée.
DE DEZ 231
Amis, dit le mauves, qui le semont et point ,
En la première coste tu feras un seul point; , . jj
C'est en despit de Dieu, qui ne nous aime point :
Ainsi le feras-tu ; si vendras bien à point.
Or enten bien à moy de ce que je te prie :
Après en feras deus, de ce ne te faing mie;
C'est ou despit de Dieu et de sainte Marie :
Ainsi le feras-tu et par tele mestrie.
Après en feras trois en un autre costé;
Ce sera ou despit ce sainte Trinité,
Trois personnes un Dieu qui nous a pris en hè;
Ainsi le feras-tu , et s'ierl en leur vilté.
En un autre costé aussi quatre en feras
Tout en despit des quatre que tu nommer m'orras:
Des quatre évangélisles, ne le tien pas à gas.
Qui soustiennent le throsne, de ce ne sont pas las.
Ainsi le feras-tu, n'iert pas outre mon pois.
Après en feras cinq , ne le tien à gabois,
En despit des cinq plaies que Diex ot en la crois;
S'en seront parjurées encores maintes fois. ^^
Ses plaies en seront maintes fois parjurées;
Mainte laide paroles villainnement parlées,
Maint homme en seront mal de coutiausetd'espées}
Quar je serai entre eulz , si ferai les merlées.
Après feras le six pour le dé miex fournir ;
En despit des six jors, ne te doit alentir,
232 DU JEU
Que Diex fist toutes choses, s'aras fait mon plésir^J^
H créa eiel et terre, tout ce veut acoinplir.
• > ■■
Or sera li dez fais et bien point de tous lez , îîA
Et quant il sera fés fai des autres assez,
Si que le gieu soit tost partout manifestés. »
Et cil li respondi ; « De ce pas ne douiez;
'}uar du premier de faire forment me hasteray,
Et quant il sera fet , tant des autres feray
Que partout le pais assez en liverray : [^
Puis que tant puis mal l'ère, jà ne m'en fainderai. »^
îT
Donc se départ de lui sans plus d'arrestement;
Si se pensa du dé faire hastivement,
Quar il vout au mauvez tenir son convenant :
Si list faire des dez assez et largement.
Adonc furent forment espandus à jouer
Et les fois à mentir, les sains à parjurer,
Et li faus tort à faire, li homme à despérer;
Li uns s'en faisoit pendre et li autre tuer. \f
Le ségnateur méismes jouoit mult souvent
Et si metoit du sien assez et largement;
Mes il en ot mult tost un mauves paiement :
Cors et âme en perdra, et si orrez comment. *i«iKW
• ^ •'. l\f
Du conseil l'anemi, qui mult près li estoit,
En la cité de Romme un grant riche home avoil;
Au sénateur méismes le plus des jours jouoit ,
Et li uns et li autres forment si eschauffoil.
DE DEZ. 233
El tant que une chance fu un jour débatue ;
Le ségnateur li dist que cil l'avoit perdue,
El cil li respondi : « C'esl bien chose scéue;
Par force m'en avez ainsi maintes tolue!
James jour de ma vie vous ne m'en lodrés plus;
Pour nul homme qui vive, ce ne me diroit nus.
Que m'en lollissiez mes qui vausisl deus festus>
Pour eslre délrenchiez , ocis et confondus. »
Li dé furent d'ivoire, de marbre li bellens;
Le ségnateur s'eschaufe, qui fu fel et pullens :
Du poing qu'il ot massis féri celui es dens
Que le sanc en sailH voianl toutes les gens.
Quant cilz se sent férus, ne li fu mie bel,
Quar il ot recéu grant coup sus son musel;
11 mist main à son sain, si en Irait un coulel :
Au ségnateur s'avance, si li donne un merel.
Parmi le gros du cuer du coulel le féri;
Le ségnateur chiet mors et li cors s'estendi ;
Li mauves en prist l'âme qui piéçà l'atendi :
Or ot-il son louier de ce qu'il ot servi.
Ainsi scet li mauves les soudées donner,
Et cil fu tantost pris, qui ne pot eschaper ;
H fu le jour pendus après le traîner :
Ainsi vient-il des maus qui ne s'en scet garder.
Mauves fait la folie longuement maintenir;
Sachiez qu'en la parfin n'en puel nul bien venir;
234 DU JEU DE DEZ.
Mes en sa plainne vie se doit-on repentir,
Quar i nous convendra tous et toutes mourir.
Ce scet chascun de voir, n'i a point de doutance :
Seigneurs, après la mort n'a nule repentance;
Pour ce doit-on au siècle faire sa pourvéance
Par quoy l'âme avec Dieu ait honneur et souslance.
Cy fineray du dé : mau fust-il onques faisl
Or prions celui Dieu qui punist les mauvais,
Qui pour nous en la crois porta si cruel fais
Que par sa sainte grâce nous pardoint nos meffais.
Amen.
4oS
Ms.7218, Bibliothèque Royale.
Bêle, salus vous mande, mes ne dirai pas qui;
Ne le nommerai pas, qu'il le me desfendi;
Mes je sui son message, si vous di de par li ,
Et au commencement si vous requier et pri :
«Bêle, de fin cuer amée, merci '. »
Si me semont souvent vostre amor, damoisele,
Quar je vous voi tant sage et avenant et bêle,
Li maus d'amer mon cuer moult sovenl renovele,
Sovent plor, sovent dueil, sovent huche et apele :
«Ci me point une estincele
Au cuer desouz la mamele. »
Aiez merci de moi, bêle très-douce amie;
Ne resamblez pas celé qui par sa félonie
Envoia son ami outre mer à navie.
Car tant com la proia ne le vout oïr mie.
Cil ala outre mer avoec la croiserie.
Et tant i demora qu'il i perdi la vie;
Et quant ele ot de lui vraie novele oïe,
• chaque slrophc, comme celle-ci, Gntt par un refrain de chanson.
236 SALUS D'AMORS.
Adonc dist en chantant, dolent, et esbahie :
« Ahi! terre d'outremer, vous m'avez trahie! »
Bêle très-douce amie, petit li a valu
Li orgueus de son cuer, dont ele a tant eu;
Mes quant ele en plorant âémentée se fu ,
Dont déust avoir dit : Diex, que m'est avenu!
«Onques n'amai tant comme je fu amée;
Par mon orgueil ai mon ami perdu. »
Ausi fu une dame qui par araors ama,
Et tant qu'il avint chose, son ami la manda
Que ele alast à lui, là où il l'atendra;
Ele i ala moult tost, onques n'i demora;
Uns hom li vint devant qui moult bien la gaba :
«Qui va la quoquillete, il va, il va.»
Icil qui la gaba dut bien avoir vergoigne;
Se il fust fins amanz, ne 1' féist por Couloingne;
Car celui ne doit l'en destorber sa besoigne
Nient plus que celi fist qui cest refrait tesmoingne
«Lai aler le moine, bêle, lai aler le moine.»
Bêle très-douce amie, bien m'auriez trahi
Se je à voslre amor avoie ainsi failli.
Et compaing m'auriez fet et pare il à celi
Qui ce dit en chantant, ne sai s'il la haï,
Ou ce fu par ramposnc ou ce fu par chasti :
«Toute i morrez , Halle , jà n'aurez ami. »
Bêle, à vostre acoinlancc fui à un tel escot,
Là où je ne perdi ne cote ne sorcot ,
SA LUS D'AMORS. 285Ï
Mes le cuer de mon ventre et le cors à un mot.
Se vostre amor avoie j'auroie grant confort;
Jà puis ne la perdroie, ainz soufferroie mort;
Si comme Robins fist, dont je le lieng por sot ,
Ne fust la pastorele qui s'escria moult fort :
«Hé! resveille-toi, Robin, quar l'en enmaine Marot.,
Moult est amors poisanz qui deus ensamble aune;
Je ne sui c'uns sens hom et vous n'estes que une,
Mes se tant volez fère que nostre amor soit une,
Por mal que m'aiez fet n'auroie à vous rancune:
«Ge n'i voi qui je doie, amer fors une. »
Moult puet Amors grever là où ele se prent ,
Je le doi bien savoir, quar près du cuer la sent;
Quantplussoventm'eschaufe,plustrambleduremen
Si ne m'i sai garder ne m'assaille forment :
«Vilaines genz, vous ne les sentez mie
Les dous maus que je sent. »
Toz les maus que je sent m'ont porchacié mi œil ;
Toz jors monte ma paine trop plus que je ne sueil :
Certes, se saviez com je por vous me dueil,
Bien sai que n'auriez pas envers moi tel orgueil;
«Tant vous aim que partout m'en dueil:
Se je muir ce m'ont fet mi oeil. »
Bêle très-douce amie, moult sui en grant esmai ,
Por vostre amor avoir, ne sai je l'aurai;
Vostre amor passe rose quant on la queut en may;
Bêle, donez-la-moi , de joie chanterai :
*La rose m'est donée, jà ne la perdrai.»
238 SALUS D'AMORS.
Bêle, se je en chant, c'est bien résons et drois;
Se j'avoie l'amor que j'ai pris à mon chois,
Je seroie plus sires qu'à estre quens de Blois,
Et si en chanteroie, que ce seroit bien drois :
« Par ci va la mignotise par ci où je vois. »
Bêle très-douce amie, un geu vous vueil partir,
Et de la partéure vous lérai-je à choisir :
Ou l'amor me donez dont je sui en désir.
Ou les raaus soufierrez dont me convient languir, ir-
«Amoretes m'ont navré;
Qui porroit ces maus souffrir? »
Bêle très-douce amie, por Dieu et por son non ,
Des maus que por vous sent me donez garison,
Quar mon cuer et ma vie vous met tout abandon jo
Ainz mes plus doucement ne fu navrez nus hom. >
«Dame, bien sai ne sai quoi me tormente,
Dirai-le-vous por avoir garison. »
Bêle, ce me deslruit qu'à vous ne puis parier
Tant que je vous péusse mon corage monstrer,
Por ce que je ne vous os de nule riens irer.
Ne vous os par message nule chose mander :
«Qui léaument sert s'amie.
Bien li doit sa joie doubler. »
Amie, à vous servir de tout en tout me met,
Quaf de toz vilains visces avez cuer pur et net,
Por ce que ne sui blons com cil autre vallet,
N'est droizqu'à amors faille puisque m'en entremet.
SALLS D'AMORS. 239
Prenez garde à celui qui chanta cest motet :
«Se j'avoie à fère ami ,
Je le feroie brunet. »
Amie, ainz m'i leroie traîner à chevaus
Que je fusse vers vous ne trahitres ne faus;
S'amer me voliez, plus ne me vendroit maus :
James ne douteroie ne paine ne travaus:
«Qui tel vie ne veut mener,
Si se voist rendre à Clervaus.»
Ha las! com m'ont destruit et mort et mal bailli
Li félon mesdisant, qui soient maléi!
Qui si me vont guétant que n'os parler à li;
Quar m'i alez, complainte, por Dieu, je vous en pri :
«Vous qui là irez, pour Dieu, dites li,
S'ele onques ama, de moi ait merci.»
Bêle, pour la dolour que je por vous soufroie.
Et pour ce que pitié point en vous ne trovoie.
Me tenoit sovent quoi, que devant vous n'aloie;
Aiez de moi merci , par si que vostre soie :
«Je cuidoie amors oublier,
Mes je ne porroie. »> Wi
Bêle très-douce amie, or soit à vo plésir; w . ,.,
Je sui mis à la mort et bien près de morir; <^t ??/*!
Reprové vous seroit se m'i lessiez languir
Quant vous par un otroi m'i poez garantir,
Et tant com je vivrai vous en voudrai servir:
«Se n'ai vostre amor,
La mort m'ert donée,
SALUS D'AWORS
Je n'i puis faillir.»
Bêle, j'auroie amie tout à ma volenlé
Se je en vous trovoie un peu d'urailité,
Que de moi eussiez et manaide et pité, nA
Adonc diroie-je, ce sachiez par verlé :
« Bêle, car m'amez et je vous ameré ,j>;
Par amours, s'il vous vient en gré. » ■
Bêle, à vous servir m'abandon et otroi!
Toutes voz volenlez poez faire de moi ;
Por vous sui si sorpris, bêle, quant je vous voi^îll
Que de quanques je di ne sai prendre conroi : ' î
«Je ne puis sans vous durer,
Comment durez-vous sanz moi? » lO
Bêle, comment porrai toz les maus endurer
Que vous soufrir me fêtes? Bien poez esgarder :
Des deus maus le pior dévoriez dessevrer; oH
Se vostre cuer ne puis amolir por amer,
Adonc porrai-je bien ceste chançon chanter :
«Eu! eu! Diex! or en criem morir d'amer! »
Bêle très-douce amie, il m'avient bien sovent
Quant je gis en mon lit, endroit l'ajornement.
Et j'oi ces oiseillons chanter si doucement,
Por lor douz chans oïr me liève isnelement f*'^
Et di par remembrance d'amor qui me sorprent :
«Hé ! oiseillon du bois, léens,
Pour Dieu, resveille-moi souvent.»
Amie, à vous servir me sui abandonez;
SALUS D'AMORS. 241
De moi come del vosire fêtes voz volentez,
Et se prochainement de moi merci n'avez,
Je sui în cest païs à mal port arivez.
«Bêle qui mon cuer avez ,
Rendez-le-moi se vous volez. »
Bêle, s'emprisonez estoie en quatre tours, ^
Et déusse estre un an et soufrir granz dolors,
Et vous m'envoissiez un salu par amours,
Si le tendroie-je à moult très-granz douçors
Et chanteroie un mot que j'ai chanté toz jors :
« J'ai amé et aime encore et ai amours. »
Ne doit celé souffrir ne endurer torment
A son ami qui l'aime de cuer entirement,
Ainz doivent estre endui d'un cuer et d'un talent;
Si le devroit l'en fère, ce sachiez vraiement,
Com celé qui chanta cest motet en présent :
« Qui me rendroit mon aignel
Et mon domage, à li me rent. »
Bêle très-douce amie, tel vie raenrons-nous ;
Se vous estiiez moie et je estoie à vous
Et félon mesdisant mesdisoient de nous,
Je diroie en chantant de fin cuer amorous :
«A qoi fère en parlez vous?
L'en n'en feroil rien por vous.»
Explicit salut d'Amors.
16
Ms.7218, Bibliothèque Royale.
Diex! où porrai-je conseil prendre
Por fère mes griez maus entendre
A ma dame, por qui loz jors
Languis? Ne d'autre que d'araors
Ne doi por rien qui soit en terre
Aide ne conseil requerre,
Moustrer le puis par deux résons :
La première est ses liges bons
Sui et serai tout mon éage,
Et plévi quant li fis hommage
Que je toz ses commandemenz
Garderai devant toutes genz ,
Et quant à Tamant sont esprès
Qu'il ne doit jà, ne loing ne près,
Por rien descouvrir sa couvine
Despuis qu'il sert à amor fine.
Trop mal m'iroie donc faussant
S'aloie aillors conseil querant :
C'est ore la réson première
Que garder vueil ma foi entière.
LA COMPLÂITNTE DOUTEUSE. 243
L'autre si est que ne sent rien ,
Araors, que vous ne sachiez bien;
Et quant nus autres mon martire
Ne set que vous, se aillors mire
Queroie du mal qu'est enars
En moi , bien serroie musars ;
Poï ce me covendra languir
Tant que me daignerez garir,
Quar autres ne sai ce que j'ai :
Comment sanz vous dont garirai ?
Nus autres ne 1' set vraiement ,
<}uar quant (istes premièrement
Que je son viaire traitis
Esgardai , tant fui esbahis
Que je ne sai qu'adonc fesoie,
Quar com pris et loiez estoie,
Ne parti fusse de la place
S'envers vous n'eusse eu tel grâce
Que me daignastes conforter
Par bon espoir et déporter,
Quar par li ai sens et mémoire,
Me fistes recouvrer en oire,
Puis commandastes sanz faintise
Que j'atendisse à son servise.
Toz jors l'ai fet très-humblement;
Et quant gart vo commandement ,
Ne vous en devez coroucier
S'a jointes mains vous vieng proier
Qu'à moi, vostre lige servant,
Doingniez un conseil avenant;
Comment porrai et en quel guise
A ma dame, c'on loe et prise,
2iA LA COMPLAINTE
De biauté et de granl savoir,
Que du monde vaut tout l'avoir,
Fèrc li savoir ma grevance;
Et quant n'ai pooir ne poissanec
De mot soner ne tant ne quant
Très-dont que li sui au devant,
Madame, Amors, se vous agrée,
Iceste chançon coronée
Face à ma dame le message
En requérant que m'assouage
Mon mal, quar par le ver premier
Puis démonstrer mon desirrier;
Si chanterai :
Paine d'amors et li maus que j'en trai
Font que je chant amoreus et jolis,
Et en chantant rover, ce qu'ainz n'osai.
Celé qui j'aim, que ne fusse escondis
De tel don com de joie,
Mes ce n'ert jà que doie
Avoir tel bien de li,
Se par pitié bone Amor, qui j'en pri ,
Ne fet qu'ausi com je sui siens, soit moie.
En chantant ai ore requis
Ce c'onques mes avant hardis
Ne fui de nul j or à requerre ;
Mes ne me puis ore plus tère,
Por le mal qui si me destraint.
Qui de moi grever ne se faint ;
Et por ce que nul jor n'estanche,
En pert-je sens et contenance j
DOUTEUSE. . 245
Ainsi que irestout me desvoie
A tenir celé droite voie
Que m'aprist Amors à tenir
Quant je me mis à 11 servir,
Ce me porroit tost empirier,
Por ce vieng-je merci crier,
ïrès-bone Amor, en qui mesure
Point ne truis, quar à desmesure
Me travaille, et pité li praingne
De moi, qu'en mon vis pert l'ensaingne
Du mal dont sui au cuer férus ;
Et por ce que mes droiz refus
Est en Amor, si comme j'ose.
Du mal qui nul jor ne repose
D'assaillir ne nule eure cesse, ^
Mon cuer par tant sovent me blece,
Déproi sa douce seignorie
Du douz mal que me face aie
Si com li siet et com li plest,
Quar trop me met en divers plet ,
Et que puissiez, bone Amor chière.
Entendre miex à ma proière,
S'il vous plest , deviser vous vueil
Mon mal et comment je m'en dueil;
Le mal donques deviserai
Premiers, au miex que je porrai,
Quar il est réson que premier
Je vous devise et grant mestier
Ai que le vous devise à droit,
Quar autrement tost me porroit
Torner à si très-grief contraire.
Par qoi bien en porroie trére
U6 LA COMPLAINTE
Travail , paine au cuer ensementy
Plus cruel et plus longuement.
Amors, ore sachiez de fi
Que li maus dont conseil vous pri
Est ainsi coin vous dirai fais :
Un jor avint que je fui trais
D'un dart amorex enz el cors,
Ou cuer se tient , mes par defors
Ne puis nule plaie trover,
Dont forment fet à redouter ;
Si très-grief mal ice me samble
Et la très-grant dolor ensamble
Qu'il me covient adès sentir
Par un fm amoreus désir
Qu'est ain§^ com du dart la flèche,
Tant est roide que point ne flèche
Li fers, qui ne puet remuer,
Et si com de léal pensser ;
Li penon sont des douz regars
De ma dame, par qui li dars
Envers mon cuer prist droite sente;
Mes jà por grief mal que j'en sente,
Que je li die mon torment
Itant en moi de hardement
Trover ne sai.
Loiaus Amors, de vo mal que ferai ?
Conseilliez-moi , trop sui de vous sorpris.
Célerai-je ma dame ou li dirai
Que por li sui en paine et mi amis;
Li célers me guerroie,
Se li di ou li noie
DOUTEUSE. 24'
Tost dira : Fui de ci ,
Et il n'est riens que je resoingne ausi;
Si me térai , face sens ou folie.
Vo conseil pri , quar devisé
Vous ai le mal, et avisé
Me sui que quant il me sorprent
Trop le fet angoisseusement.
Par tout mi pert, et en ma face
Trestoute ma color desface,
Et de si très-grant fès me carclie
Que toute l'eschine m'en arche;
Si fetement me maine et ploie
Li douz maus et destraint et loic;
Jà deschargiez ne desloiez , ,
Se ne sui par vous avoiez ,
Ne serai de ma grant dolor;
Quar à ma dame qui j'aor
Comment porroie-je moustrer
Mon mal quant pooir de parler
Me faut si tost com je la voi?
Certes, en tel guise par moi
Ne porra mes griez maus savoir,
N'en moi ne croi tant sens por voir
Que je séusse mon malage
A dame, qui tant par est sage,
Monstrer issi fetièrement
Comme à si sage dame apent.
D'autre part , se je li disoie.
Espoir que tost aprocheroie
Mon domage d'assez plus près
Que je ne cuit , quar s'ele aprè&
248 LA COMPLAINTE
Ce que l'eusse recordé
Mon mal, el comment acorilc
Me sui du tout à H servir.
Dont n'eust cure à moi détenir,
Ne sauroie qu'en puisse fère,
Quar si malement mon afère
M'en iroit, n'en sui pas doutanz,
Qu'il n'est mires, tant soit sachanz,'
Qui du mal garir me péust,
Non , se de l'art plus en séust
Que ne fet le meillor du monde,
Tant soit or granz à la roonde ;
Ainz perderoit toute sa cure,
Quant ne troveroit ouverture
De tele plaie apparissant;
Et se la trovast, por néant
I metroit emplastre ou mécine,
Quar jà ne porroit la racine
Du douz mal por rien esrachier
Que ne li covenist sachier
Le cuer avoec sanz nule faille.
Por ce n'est mires qui m'i vaille,
Nus ne m'i porroit riens valoir
Que fine Amors, qui par espoir
Me fist jadis une promesse
De merci : por ce sa hautece
Vieng requerre très-simplement
Qu'à ma dame si doucement
Mes très-griez maus demouslrer vueille
Tant que par cortoisie acueille
La déprière et bien l'entende,
Si qu'assouagement me rende;
DOUTEUSE. 249
Quar c'est la force de mon dit :
Tant fort redoute l'escondit
De ma dame, que bouche à bouche
L'angoisseus mal qu'au cuer me touche
Ne li dirai
Fors qu'en chantant, ainsi me déduirai
En désirrant ce qu'Amors m'a promis
Merci avoir, que ne déservirai
A mon vivant, ne meillor qui l'ont quis.
Et se j'en requeroie
Ma dame et g'i failloie
Aussi qu'autre ont failli,
James déduis en espoir si joli
N'auroit en moi : s'aim miex que ainsi soie.
En chantant ainsi me déduis,
Ne pas por chose que je truis
En moi point de solaz ne joie,
Fors tant que bone Amors m'envoie,
Par la seue très-grant vaillance,
Un douz désir d'une espérance,
C'est ore à savoir de merci,
Dont si très-forment l'en merci
Com j'onques puis et que je doi ;
Bien i ai grant réson por qoi ,
Quar cis douz espoirs seulement
Me soustient ainsi bonement
En celé grandesime emprise
Que fet ai, c'est com du servisc
Que j'ai empris à maintenir
A douce merci déservir,
250 LA COMPLAINTE
Qu'aussi com trop mains me griève
Li granz travaus et point ne griève
Quant du douz espoir me sovient,
Quar tantost un confort m'en vient
Qui me rent et pooir et force,
Par qoi j'ai voloir qui m'esforce
A si très-haut service entendre ;
Et se ne fust que por aprendre
L'afetement et les granz sens
Que g'i voi , mes entendemenz
I metroie por amender;
Quar or vous vueil-je deviser
Les vertuz qu'en ma dame sont.
II n'est orendroites ou mont
Nus hom , que por voir le sachiez.
Tant vilains ne mal entechiez,
Qui bien ne se porroit danter
Por tant que bien sovent hanter
Vousist la seue noble cort,
Quar vraiement tant i acort
Honor, valor et gentillece
Qu'el siècle n'est hom de perecc
Si plains ne si mal atornez
Que tantost n'en soit destornez ,
Ne jà d'autre tèche soilliez
Que tout maintenant despoilliez
N'en soit quant il en la cort entre;
Quar léenz covient à toz entre
Fine netée demorer
Et toz vices ensus geter.
Nés donques par defors la porte,
La grant douçor qu'en ist enorte
DOUTEUSE. 251
La gent qui par le chemin vont
A bien fère, si qui qu'il sont
De vilaine tèche encombré
Tantost par li désaombré
Sont tuit, et cler et net et pur";
Et puisque par defors le mur
Sont li très-bien net alegié
Et li autre s'en vont purgié,
11 m'est bien par réson avis
Que qui porroit le très-douz vis,
Dont si granz biens vient, esgarder
Sovent miex se devroit garder
A toutes choses de mesprendre;
Bien i saurai grant réson rendre.
Mes aus demandes en travers.
Premiers, si com dira cis vers,
Responderai :
Aucune gent m'ont demandé que j'ai ,
Qui si porte pesme color el vis,
Et je lor ai respondu : Je ne sai;
Si ai menti : c'est d'estre fins amis :
Ainsi mes cuers lor noie ;
Et por qoi lor diroie
Quant ma dame ne 1' di
Qui m'a navré, mes tost m'auroit guéri
Se le savoit et dont en fust en voie?
Se li maus que je sent m'empire,
Por ce ne l'ai-je pas à dire
A toz cels qui m'en font parole;
Trop auroie pensée foie
252 LA COMPLAINTE
Se tel chose fère penssaissc,
Par quoi vers bonc Amor faussaissc
Le seremcnt que li ai fet,
Quar à nul jor si grant mesfet
Por rien ne porroie adrecier ;
Et comment porroie drecier
Mon viaire envers léaulé
Se j'avoiela féauté
Qu'ai fet à bone Amor enfrainte?
Mes jà, se Dieu plest, à tel frainte
Ne sorvendront cil enquérant,
Ne li très-félon mesdisant,
Que par engien ne par nule oevre
Qu'il sachent fère lor descuevre
La chose que je doi celer.
De folie les voi niesler
Quant savoir cuidcnt et sentir
Le mal que n'ose descouvrir
A li, qui tost gari m'auroit
Se le séust et dont voloit.
Or soit du tout sa volentcz,
Quar bien doi estre entalentez
A soustenir en gré le fais
Quant dedenz le mur du palais
M'a bone Amors la douce entrée
Par sa franchise abandonnée,
Por miex esprendre en la lumière
Qui vient du vis que çà en arrière
Vous ai dit ; quar ele conduit
Les granz vertuz par qui sont duit
Tuit cil qui sont en cortoisie;
N'en oubli ne metrai-jc mie
DOUTEUSE. 253
A dire la réson comment
Cil par dedenz plus hautement
En sont garni, et chascuns plus baus.
Ma dame est si com li solaus
Qui partout espant sa luor
Et au prochain plus rent chalor.
Tant à droit m'i sui essaiez
Que je doi bien eslre apaiez
En tant, à ce que me nétoie
Servir, puis qu'Araors m'i emploie.
Moult haute chose fist nature
Quant forma si noble figure.
En qui si grant biautez resplcnt;
Quar li pereceus et li lent
En devienent prest et légicr ;
A deviser n'est pas légier,
Ce m'est avis, sanz mesprison
La seue très-gente façon :
Cheveus a ne sont blont ne sor.
Mes si comme miex à fin or
Par coleur puéent resambler;
Se j'en devisant assambler
Les biautez de son douz viaire
Vousisse, trop auroie à faire,
Quar il est si formez et fais
Conques ne fu nus si portraisj
Ausi sont tuit li autre membre;
Quant de lor grant biauté me membre
Grant joie en ai.
Très-dont que vi ma dame, m'i donai ;
Ainz puis ne fui de H amer fainlis,
254 LA COMPLAINTE
Ne jà ne vueille Amors qu'en nul délai
Mete le douz pensser qu'en li ai pris.
Miex pensser ne porroie,
Ne jamès ne vodroie
Nul jor pensser qu'à li-,
S'aim miex ainsi en espoir de merci
Vivre et manoir, por rien ne requerroie.
A li me sui por voir donez
Et à tel pensser adonez ,
Si com dit ii vers au darrain ,
Qu'à toz jors mes, et soir et main,
D'assez miex aim vivre et manoir,
D'avoir merci en bon espoir,
Que de fère tel hardiece
Par quoi demorer en tristece
Porroie bien légièrement ;
Tant le redoute qu'autrement
Ne li requerrai.
Au pui d'amor convenance tendrai.
Ne jamès jor ne m'en départirai.
Soie amez ou haïs.
Trés-bone Amor qu'en moi s'est herbregie.
Ce qu'ainz n'osai me fet ore esmouvoir,
C'est en chantant que je requier et prie
Douce merci qu'atent en bon espoir;
Mes ce n'ert jà que je la doie avoir,
Ne jamès nus bons ne m'en verra hoir,
Se par pité vers moi ne s'umelie
DOUTEUSE. 255
Ma douce dame qu'ai de cuer servie
Et servirai toz tens saiiz décevoir,
Ne jà por mal qui me destraingne ou lie
Ne partirai d'atendre son voloir,
Et bien et mal prest sui de recevoir
A son plésir, or me face doloir :
Ce qu'à li plest refuser ne doi mie.
Et s'ainsi me sent de nule partie,
C'est de languir et au main et au soir;
Mes s'a li plest qu'ainsi use ma vie,
Ne sai c'onques ne li fis asavoir,
Quar tant redoul son escondit avoir
D'alègement, qu'en moi ne truis por voir
Le hardement que mes griez maus li die
Fors qu'en chantant, déproi la seignorie,
Très-bone Amor, en qui sont mi espoir.
Que s'il li plest me daingne estre en aïe
Vers celé par qui je entent valoir.
Qu'à demander merci n'ose mouvoir,
Et quant la voi de parler n'ai pooir :
Li cuer me faut, ma langue est endormie;
Et d'autre part se double ma haschie.
Ce m'est avis, quant ne la puis véoir;
Tant est plésanz et sage et enseignie
Qu'au droit jugier fontaine est de savoir :
S'aim miex ainsi en tel travail manoir
Que par requerre en puisse percevoir
Que plus m'en soit merci douce esloignie.
256 LA COMPLAINTE DOUTEUSE.
Chançon, di bien ma dame l'afétie
Que jà par moi n'crt s'onor amenrie :
A l'cssaucier plus l'aim que nul avoir.
Explicit la Complainte douteuse.
Salut Ir'^lmars.
Ms. 7218, Bibliothèque Royale-
Li dous pensser où je si sovenl sui
Vient de ma dame et li très-bon espoir
De la grant joie que je aient de lui ;
Or pri-je à Dieu qu'ele en ait le voloir;
Car contre Amor n'a pooir,
Force ne mestrie,
Ainçois covient que l'en prie.
Très-douce dame de qui j'atenl merci,
Hastivement le rai fêtes avoir,
Ou autrement onques jor mar connui
La grant biauté qui si me fet doloir,
Ne autrement n'ai pooir
Que je ne perde la vie
Se n'ai prochaine aïe.
Douce dame au gent cors seignori ,
Vo grant biauté se fet bien apparoir,
Car à mon gré ai-je en vous choisi
La plus très-bele et la meillor, por voir,
Qu'ainques péust avoir ^
11. 17
258 SALUT D'AMORS.
Rois ne conte en sa baillie;
Très-bone Amor en mercie.
Si durement m'ont Amors près siui,
Car je sui leur sanz jamès remouvoir,
Si que li maus que j'en Irai m'embelist,
De la grant joie que j'atent à avoir
Yers ma dame tel pooir
C'une seule foiz li die :
Un douz regarl me donez, douce amie.
Bone aventure aviegne Amor
Qui me donc sens et vigor
De regarder la grant douçor,
La biauté et la grant valor
Qui est en celé
Que l'en doit clamer bone el bêle,
C'est du monde la non pareille,
Quar tout ausi comme l'estele
Dont par la mer
Se conduient li marinier,
Se puet l'en conduire et mener
En ses deus iex qui tant sont cler,
Qui sont assis
En son front qui tant est ounis
Plus c'uns biaus yvuires polis,
Et si par sont ses deus sorcis
Tant biaus,
Trétiz et genz fez à compas,
Plus droit que n'est pas un juiaus,
Il sont miex assis c'uns chastiaus
En sa bouchete,
SALUT D'AMORS. 259
Qui lant est douce et petitele,
Dont les lèvres sont vermeillele
Plus que cerise novelete;
Menton vouliz,
Uondct comme est uns parisis,
Entailliez et fez par devis;
Du regarder est granz délis
Son nez li gent
Qui est fez si nalurelment ,
Tuil li painlre qui sont vivant.
Tant soient sage,
Ne portréroient un visage
Si biau , si douz , car nule yninge
Ne list tant rendre le musago
Com fetli sien.
Sa color deviseroit bien :
Rose ne lis n'i feroit rien ,
Ne nule flor dont l'en fet pain
Tant ne blanchoie.
Si est si simple toute voie
Que sa color point ne desvoie
Tant est plésant,
Et s'a un chief tant reluisant,
Son nez qui tant est bien séant,
Quar il est plus resplendissant
Que or limé,
Et s'a un col si acesmé
Qui est de gorge si formé
Plus blanc qu'argent seurestamé,
Gras et rondet,
Droite gorge de barbelet;
Il est si biaus, il est si net,
260 SALUT D'âMORS.
Il boçoic sus le colel.
Mes trop sont bêles
Ses deus jolives oreillettes,
Petites comme deus feuilletés,
Joingnant au chief corn deus jumelas.
Diex! quel solas
A cui ele voudroit fère laz
De racoler de ses deus bras!
Qui tant sont gent endeus gresliaus;
Ses bêles mains,
Certes, ne sont mie du mains
Plus blanches que celle de Rains, ■
Les doiz longues, massis et plains,
Et espauletes
Si proprement les a Diex fêtes,
En seurquetout ses mameletes
Sont plus dures que deus pommetcs
IN'apèrent point;
Ele a le cors si fet à point,
Il est si droit, il est si joint
Que par là où ele se çaint
Ele est si gente,
Si com nature a mis s'enlente
A former si bêle jovente,
C'est uns droiz angles;
Ele a biaus rains et basses hanches,
Et petiz piez et basses jambes
Qui sont si bêles et si blanches ;
Je qu'en diroic?
Ele est tant simple, ele est tant coie,
Ele est tant bone, ele est tant vraie,
Et plus assez que ne porroie
SALUT D'AMORS. 261
A raconter;
Se toutes les goûtes de mer
Estoient langues por parler
Ne porroit-il pas raconter
Ne dire
La grant biauté que Nostre Sire
A mis en ii , si que redire
N'en set nus, s'il ne veut mesdire,
Si gentement se sel conduire
Et si très-bel ,
Simple comme est un coulombel ,
Et débonère comme aingnel ;
El monde n'a pas sa pareil.
Se Jhésu-Crist
L'avoit à fère comme il (îst,
Certes, je ne croi pas ne cuit
Que jamès réfère poïst
Tel créature,
De sens, de biauté, de mesure.
Moult auroit cil bone aventure
En qui el voudroit melre cure
De lui amer;
Quar deçà mer ne de là mer
N'a roi, tant ait terre à garder,
Qui fusl dignes de li amer,
Se il n'esloit
Si bons, si biaus et si parfel ;
Quar certes grant dolor seroit
Se tele dame ami avoit
Qui ne fust bons;
Quar aussi comme en esté tans
Est li solaus biaus el luisanz ,
282 SALUT D'AMORS.
Sont ses biaiUez resplendissanz
Là où el vient.
Je pri Dieu que joie li doinst;
Quar si m'a s'amor au cucr point
Qui nuit el jor si me deslraint,
N'onc à ma vie
Ne li géiii ma maladie,
Ne dire ne li osai mie
Por paor qu'el ne m'escondie;
Miex aim morir.
Or me doinst Diex si acomplir
Aucun bien fet
Que savoir puist, comment que soit,
La grant paine où ele me met :
Aucune pitié l'en prendroit.
Si corn je cuil.
Hé! douce dame, qu'ai-je dit?
Bien sai qu'auriiez en despit
Que je jà en eusse déduit ,
Moull m'en merveil.
Hé laz ! bien doit haïr mi œil
Qui si haut ont pris leur acueil ,
Dont jà n'auré
Merci , certes ainsi morré.
El m'a si doucement navré
Quar la mort penrai à bon gré;
Plus la désir
Que vivre por toz jors languir,
Quar tout adès plaing et souspir,
Si fort m'assaut
Li maus d'amors qui ne me faut.
Je sui du mont loul en leur baul;
SALUT D'AMORS. 263
Une eure ai froit et puis ai chanl ,
Et puis repensse,
Et m'est avis que sa samblance,
Son gent cors et sa contenance
Est devant moi , et n'ai poissance
De moi aidier ;
Et quant ce vient que puis parler,
Si di : Hé las! or puis pensser,
Quar ne voi pas ce que je quier;
Riens ne m'i vaut,
Je sui cil dont il ne li chaut.
Hé las! por qoi fui-je si baut
Que je onques penssai si haut!
Ha! douce dame,
Sage, cortoise et bêle et bone,
Jà avez-vous mon cuer et m'âme,
Se pitié vostre cuer n'entame.
Bien m'ont trahi
Li oeil dont je premiers vous vi-
Si vous pri com léal ami
Que vous aiez de moi merci.
Eœj)licit le salut d'Amots.
Bu Benicr i^t it ia &vibx9,
Ms. 7218, Bibliothèque Royale.
La bouche me covient ouvrir
Por mon corage descouvrir,
Quar bouche si est cheminée :
Jà la parole ne fust née
Se bouche fust close toz jors,
Ce set l'en bien en toutes cors.
Quant li cors veut rien demander,
Par la bouche l'esluet mander,
Et quant l'en ot la bouche dire,
Lors set l'en que li cuers désire,
Quar li cuers par la bouche envoie :
Je n'i puis trover autre voie.
S'entre vous me volez entendre,
De dire ne puis plus alendre
Un dit que je ï'autr'ier trova^
En un livre que j'aprovai
Si com j'esroie mon chemin;
D'enque estoit et de parchemin ,
De tout le livre m'entremis,
Lors si i mis, à mon avis.
Par quoi li un sont de haut pris
DU DENIER ET DE LA BREBIS. 205
Et ii autre sont fol chélis :
Ce font Brebis et dant Denier,
Par qoi cist mons est tant plenier
Qui en sa baiilie a ces deus,
Plus fiers est et plus orguillex.
Brebis et Denier estrivoient :
Brebis dist que pas ne dévoient
Dès ore mes aler ensamble,
« Quar il m'est vis, si com moi samble,
Que je vail miex que lu ne fais;
Quar je porte du mont le fais.
Si ne vueil pas ta compaigne estre.»
Denier respont : « Ce ne puet estre,
Que nule riens qui soit vivant
Puist estre de moi plus vaillant.
Deseur toz faz-je mon plésir,
Si ai ou mont quanques désir :
Aus hommes et aus mues besles •
Faz-je sovent coper les testes.
Je vent ton lingnage au bouchier.
Par moi le fet-on escorchier.
Que fet l'en de toi? di-le-moi.
— Que l'en en fet? frommage en moi,
Respont Brebis, tele evre s'est,
El bon burre, qui plésanz est
Et aus Escos et aus Bretons,
Qui miex aiment lait et matons
Que il ne font aulres daintiez.»
Dont s'est dant Denier corouciez ;
Treslout maintenant ii respont :
« Par moi fet l'on chaucie et pont
De fust , de pierres et de grés ;
266 DU DENIER
Et de ces fols hommes engrès
Faz-je souez et dcbonère
El tels com je vueil à moi plcre 5
Et noires et blanches nonnains
Faz-je saillir de mains pelains;
Et moines blans et moines ners
Faz-je sovent batre mal tcrs,
Qui me doncnt à granz poingnies
Dont il ont de bêles brachies,
De dames et de damoiseles
Qui sovent s'en montent sor eles,
Por l'amor de moi : qui me donc,
Son voloir à ce est la somme.
Nus hom n'amasse '
Que il ne soit tenuz à sage. »
Brebis respondi comme isnele :
« Tout ce ne pris une cenele.
ïoz li 'mons ne gouste de toi
Ne que del fiens de beste en moi;
Mes toz li mons me doit amer,
Quar je faz ces pos escumer
Et la porée crasse et blanche;
Maint homme menjue ma hanche,
Mainte saveurs en est batue
Et mainte foiz, feu abatue,
D'ommes, de famés, de vallés.
Li mien mes ne sont mie lés,
Ainçois sont mis sus bêle table ;
Mes tu es toz jors en eslable.
J'ai non Brebis, j'ai non oeille.
« Le Ms. esl gratté en cet endroit; je proposerais de lire : une somme.
ET DE LA BREBIS. 267
Tu fez au povre sorde oreille,
Si ai non liauwis sanz noise,
Si ne sui pas tant à malaise
Comme cil roi et cil abé;
Povre gent sont par loi gabé. »
Denier dist : « Trop m'as ramposné.
Quant ton aignel naist en esté,
Tu le lesses en un fossé,
Par toi n'ert-il jà remué.
Comme foie et comme esbahiç,
Sanz nule garde et sanz aïe;
lluec le vait li chiens mengier,
Li bergiers ne li veut aidier
Por seulement un angevin
Que l'en li toli por son vin ;
Se son denier li fust renduz,
Ton aignel ne fust pas perduz;
Et por ce te lieng por musarde
Que tu ne en pris meillor garde;
Mes s'on ne me porloit en place,
]N'i a nul qui paumée fiicc
Ne de brebis ne de cheval ,
D'escarlate ne de cendal. •
L'en ne puet vendre n'achater
Que toz jors ne soie au conter;
Ne nus clers ne puet riens aprendre
Se je ne sui toz jors au prendre.
Je Aiz Avenir le val au mont.
Covoitiez sui par tout le mont,
ÎNéis des chardonaus de Romme;
Il n'a el monde si haut homme,
Se je li fail , ne soit hontex
268 DU DENIER
Et si ne sui pas trop coustex :
Je ne menju fain ne avaine
Comme lu fez; mal ait ta laine,
Qui ne lesses herbe en buisson,
Ne foin ne bien en ta méson.
A mengier mes tout ton délit,
Et si cunchies tout ton lit :
Chascun jor t'estuet nétoier
Et par l'aide du denier. »
Brebis dist à moult grant alaine :
« Miex valent vint piaus de ma laine
Que soisante de tes cousins,
Que je revest toz mes voisins :
Tels est de moi moult bien vesluz
Qui ne te prise deus fesluz.
Denier, tu sez sens de retaille
Tu ne vaudroies que maaille,
Se la croiz pers, tu pers ton pris.
Dont ne seras-tu por riens mis,
ISe por fuisel ne por cuillier,
Non mie por un aguillier.
Denier, enlen , si te remembres
* Que ne perdes un de tes membres :
Ta verluz seroit refusée,
Ne vaudroies mie testée
De pain d'orge ou de pain d'estoupes^
Tu n'as de qoi couvrir tes coûtes
Fors un poi de sac ou de cuir;
Uuec porroies-tu porrir
S'en n'avoit à fère de toi.
Fui de ci! si te tien tout qoi.
Cuidcs-tu donc (pie je ne voie
ET DE LA BREBIS. 209
Keues traîner par la voie
Aus dames et vair et brunele,
Encor ne soit ma keue nele,
Si fu-ele pris tout enlor.
Dames qui sont de grant valor
N'osent pas a 1er à la feste
S'eles n'ont du poil de ma teste
Ou de celi delez m'eschine;
Si ne het l'en pas ma poitrine,
L'en en fait mainte charbonée.
Mes se la croiz est jus posée,
L'en te feroit cuire et refondre.
Denier, me cuides-lu confondre?
— Certes, dist li Denier, oïl.
Jà ta laine ne feroit fd
Ne drap teint en vert ne en pers,
Ne veslir moines ne convers.
Se l'aide de moi n'estoit,
Que ne faz rien que bien et droit.
Quant l'en te trueve morte el tai ,
En j ver ou cl mois de may,
Ton seignor le gete ou fossé,
De toi garder est lost lassé :
Lors te menjuent li mastin
Et li oisel et li vermin ;
Nus ne vient vers toi ne aprouche
N'estoupe son nez et sa bouche;
Mes se j'estoie en un fumier,
Icil qui me verroit premier,
Fust à pié ou fust à cheval,
Descendroit certes jus aval
Pôr mètre moi en s'aumosnière.
270 DU DENIER
Brebis, je porte la banière
Que loz li inons à moi s'alie.
Marchiez ne vaudroil une ailh'e
Se denier ne 1' fet assambler;
Denier fet à maint liomme embler,
Denier relie madelins,
Denier confont les Sarrasins;
Sanz moi ne puet nus passer mer.
Je faz boivre, je faz humer,
Je faz doner, je faz tolir,
Je faz chevaus corre et saillir,
Haubers rompre, percier escuz ;
Champions sont par njoi vaincuz.
Je faz soier, je faz sarcler,
Je faz tant boivre de vin cler
Ans dames qu'eles s'abandonent
A cels qui moult petit lor douent. »
Brebis respont : « Tout vaut noaus;
Tout ce ne pris-je pas deus ans,
Quar tu es plains de trahison :
Tu fez d'un hermite larron ,
Tu tols à droit, dones à tort.
D'un mauves homme, boçu, tort,
Fez-tu tant que plus est amez
C'uns sages hom plains de bontez.
Tu n'as solaz, déduit ne joie;
Il ne te chaut qui te manoie :
Tu chiez sovent en ordes mains.
Denier, encore est-ce du mains :
Tu dis que je menju sovent,
Je ne boi mie de l'or vent
Que tu, Denier, qui es d'argent,
. ET DE LA BREBIS. 271
Qui fez sovent vessir la gent
En foule, en presse ou en deslor.
Foi que je doi mon créalor,
Moult le déisse vilonie,
Mes je vueil que losl soit fenie
La lençon qu'est entre nous deus :
J'aim miex vint joies que trois deuls.
11 pert moult bien en ma boiele
Que chante cler en la viele
Qui confortent ces damoiseles
Et ces genliz ciers, lor cerveles :
Maint homme en esbanoie es sales;
Mes tu es toz jors ors cl saies.
Or le dirai toute t'onor :
C'est quant on l'offre à un bon jor
Sus l'autel, mes pas n'i demeures;
Mes g'i remaing, quar j'ai les eures;
En ma pel sont les croisons
Et loutcs les bénéicons
Dont sainle yglise en est servie. »
Denier li respont sanz envie :
«Brebis, que vas-tu eslrivant?
Certes, toz jors serai avant
Tant com siècles porra durer.
L'en se puet moult bien consirrer
De toi et de ta compaignie.
Brebis, entent sanz vilonie :
En est beUn, chièvre, chievriaus,
Conins, lièvres et de chas piaus;
L'en escrit bien en véelin ,
Certes miex vaut son parchemin
Que le lien, ce set toz li mons.
272 DU DENlEll ET DE LA BREBIS.
Brebis, por ce siii-je roons
Que je corrai nus sanz chemise
Tanl com durra marchéandise;
Se failloie, marchiez faudroil :
Que sauroil chascuns qu'il vendroit?
L'en donroit brebis por cheval,
El grosse toile por cendal,
Buef por asne, fuerre por fain.
Trestoz li mons morroit de fain
S'on donoit blanc pain por charbons
Et les jagleus por les poissons.
Veus-lu c'en doinst poivre por pois
El grosses pierres por cras pois,
Lus por harens, prunes por pomme?
11 n'est el monde si haut homme
Qui sanz moi puist monler en pris,
Quar je sui por toute rien pris.
Si sui cil qui tout taut et donc;
Si orrai par tens soner none,
Si n'est pas tens de lencier plus.
Brebis, je ne sui pas conclus;
Mes tu , qui ne sez que respondre,
Li mal leu le puissent confondre
Et mengier crue et dévorer.
Si m'as hui fet mon sens troubler! »
A tant lessièrent le plédier :
Encor fet chascuns son mestier.
Explicit du Denier et de la Brebis.
Voyez, sur Denier ou Dan Denier, la note E, à la fin du volume.
Ce 9out U iDers île le AXovU
PAR ADAM
Ms. 2736, Bibliothèque Royale.
Mors, comment que je me déduise
En chanter et en mainte herluise,
Je voi bien et sai qui je sui ,
El comment me vie amenuise;
Mais qui voit le péril ains qu'il nuise,
C'est chiex qui miex prent garde en lui.
Mors à le roy et à le glui
A tant pris de gent c'aujourd'ui
N'i a remès fors que menuise.
Chastions-nous dont par autrui,
C'on doit pour fol tenir chelui
Qui tant carche se nef qu'il puise.'
« Cette pièce , pour le style et le rhythme , est une imitation des Vers
sur la Mort publiés par Méon. (Paris, imprimerie de Crapelet, 1835,
grand in- °, 2* édition.)
Voir, sur Adam de la Halle, auteur des Jeux d'Adam ou de la Feuille'e,
du Pèlerin, de Robin et Marion, de Jeux partis , etc., une Notice de
M. Paulin Paris, dans \' Encyclopédie catholique, t. Il, p. 426, et une
autre dans le Théâtre français au moyen âge, par MM. Monmerqué et
Francisque Michel. (Paris, 1839, grand in-8o, p. 21 et suiv.)
II. 18
274 LI VERS DE LE MORT.
Mors anieuse et félenesso,
les de cheus embler larenessc
Dont il cuide que plus anuit;
Si qu'il n'est ne rois ne contesse
Qui puis truisl oste ni olesse
Oui le herbegast une nuit.
Encontre toi n'a nul refuit;
Or n'i a dont autre réduit
Fors confesse, sermon et messe;
Car tu assiés ains c'en ait cuit
Le gent d'un morsel mal enduit ,
Tout sans prier et sans promesse.
Mors, de chascun prendre ies astiex
Devant le père muert le fiex,
Li grains pourist ains que li paille.
Li plus Jones est li plus viex;
De jonesche n'est fors brésiex,
En jone cuir pourrie entraille
A tes qui se viande taille.
On ne doit pas selonc l'escaille
Jugier li quels noiaus vaut miex.
On cuide que fisique i vaille,
Mais c'est tout trufe et devinaille :
Nus n'est fisiciens fors Diex.
Explicit d'Adan.
£a Se neftana ht TJl & €,
Ms. 7218 , Bibliothèque Royale.
Je vous di bien en parchemin
Que tels mains hom va par chemin
Qui droite voie ne va pas,
Et si s'en va plus que le pas
Et de deus voies est à chois.
Je li lo miex que il soit cois
Que par la voie ne s'avaut ,
Quar ne puet pas monter an haut
Ne en honor ne en haut pris
Qui en mauves usage est pris.
Ne vueil pas là torner mon us,
Que jà mes sens n'en ert menus.
Mult fet que sages qui s'en oste,
Quar en vil us a mauves oste.
Mainte chose covient retrère
Por le siècle c'on voit retrère
Et empirier en mult de leus.
De chiens i a tant et de leus,
Tel sont H vesque et li abé,
Que il guerpissent por A B.
Voyez la note F, à la fin du volume.
«?■
27G LA SÉNEFIANCE
Oiez que lesmoingne H .A. ;
Cil le set bien qui mis li a :
.A. veut toz tans c'om la bouche oevre,
Tuil prélat béent à ceste oevre j
De ce ne sonl mie à aprendre
Que tout adès béent à prendre.
Icilqui l'A BC para,
Fist le commencement par .A.
Ne puis sanz .A. nommer avoir j
.A. i covient toz tans avoir.
Je ne puis bien nommer sanz .B.,
Quant je di bien mult petit bé.
Par .B. commencent li bien fet ,
Ne jà sanz .B. n'èrent bien fet;
Por ce di-je qu'en droit .B. a
Mains de covoitise qu'en .A.
Après le .B. vueil .C. descrire :
.C. nous geta d'anui et d'ire.
Toz li mons doit le .C. amer;
Mes mult trova le .C. amer
Li .D. qui de desouz fu plains
Et qui del .M. fu mult plains.
Por ce que .C. iraveilliez fu,
.D. geta cels del aigre fu
Qui toz tans fussent en Enfer.
.D. fu en fust, .D. fu en fer,
.D. ot ou .C. angoisse et soi,
.D. fist le .C. honor de soi,
Et par le .D. doit-on avoir
Le .C. plus chier que nul avoir.
DE L'A B C. 277
Dampné fussons se .C. ne fust.
Li .C. sénefie le fust
De la croiz, quar le .C. le forme,
Et .D. retesmoingne la forme
De Dieu qui tout le mont forma ,
Quar por chascun qui sa forme a
Fu mis ou fust que je vous nom,
De qoi le .C. soustient le non ;
Mult est li nons petiz et rois :
Mêlez un .C, si aura crois.
Après vous conterai de l'.E. ;
N'a de lonc guères ne de lé :
Petit et corbé le véez ;
Ne li est pas uns eus véez.
De r.E. vous conterai la sève :
Jà n'éussons paine se Eve
N'éust ou fust devée mors :
En tel morsel gist noslre mors.
Et li oeilles qui est amont
Note la vie qui ou mont
Par le mors de la pomme vint,
Dont granz contrères nous avint.
Mainte dolor commence en .E.
Fols, entendez bien que sanz . E.
Ne puet estre nommée Evain ,
En cest mont sommes par .E. vain.
•F. nous rendi joie ou monde,
Par qoi nous fussiemes tuit mondfr
Se nostre créance fust ferme
Qui chascun jor devient enferme;
%n LA SÉNEFIANCE
Savez que tesmoingne li trais
Qui parmi .F. est d'autre trais :
Le Saint-Espir dont fu conciex
Nostre Sauveres, noslre Diex ,
Qui de rien nule ne malmist
Le saint vessel où il se mist.
Plus que nule lettre que j'oie
Sénefie li .G. la joie
Qui par famé revint ou mont,
Si com li conte conté m'ont.
Après vous conterai de l'Ache,
p5 Qui par desouz d'un pié se lace.
Li uns dist ache, l'aulres ha :
Sanz movoir langue dist-on : ha.
.H. est uns hus, .H. est uns criz;
Par .H. ot mult mal Jhésu-Criz.
« Ha! ha! » fesoient li Gieu
Quant li bon l'apeloient Dieu ,
« Tu n'es mie tels com tu dis :
« Nous connoissons trop bien tes dis. ♦
Et Ache miex arme resamble
Que nule lettre, ce me samble.
A glaive morut en croiz Diex ,
De qoi il fu et joie et dels.
Après vous conterai de l'.L ;
N'i a meillor lettre de li :
Plus est ou mont li déiis cors
Que del .1. n'est petiz et cors.
11 se met por .0. quant li siet,
DE L'A BC. 279
Ou leu de consonant s'assiet.
. J. sénefie joie vaine,
Tant com li hom a cuer et vaine
El vie, en lui ne pert sa mort ,
Au siècle plus et plus s'amort,
Et quant il est el raeilior point,
Dont l'angoisse Fanaort et point ;
Ne seroit pas si lost desfez
Li .1. comme cil est desfez ,
Jus craventez el trébuchiez :
Tost est ses orgueus despeciez.
.J. met por .G. quant bien est pris,
Et s'a Dieu perdu et son pris,
Il aura sept et deus et fer,
Si est li propres nons d'Enfer.
Parler vous doit-on bien de Ai.
Icesle lettre, por Dieu, k'a
Qui crie adés quant on le nomme?
Maint mal a mis sovent en homme.
Li ventres a la langue maie,
Toz tans veut plaine avoir sa maie.
.K. sénefie les prélas :
Nient plus c'on voit en un pré las
Le poulain saoulé de paislre,
Ne puéenl estrc nostre pastre
Estanchié de tendre lor mains :
Celui qui lor aporte mains
Ne puéenl fére bêle chière
Tant par ont covoiteuse chière,
Et tant forment lor griève et poise,
Si qu'à plusors longuement polsc
280 LA SÉNEFIAINCE
Qu'il n'ont deus ventres en mains ieus,
Comme li chas qui mult est Ieus.
Nés la corneille a en ses cris
Le .K. qui est en lettre mis,
Qui jà par bel lens, ne par gent.
Ne resléecera la gent»
Ainz crie adès encontre oré,
Si l'en a-on maint mal oré.
.L. sénefie la loi,
Et par fine réson n'a loi
A celé loi qui est et fu
Devant l'avènement del fu ,
Qui est encore à avenir.
Que plusor verront avenir.
.L. est la loi que Diex dona ,
De qoi chascuns mult biau don a.
.L. remist le siècle à droit ,
Et de l'envers nous fist endroit.
Lettre, langages, loi ensamble
Sénefie .L., ce mesamble.
.L. est mult longue, de haut pris;
Par .L. est toz li mons apris.
La bone lois nous vint par .M.,
Qui des lettres est dame et gesme.
.M. a trois piez en sa figure,
En nul leu ne se desfigure
Com .M. seroit figurée
Se d' un pié ert desfigurée ;
Mult a en li riche persone,
Qui devient un et trois en somme :
DE L'A B C. 2»1*
Le Saint-Espir, le Fil, le Père :
N'est rois qui sa vertuz n'apére.
.M. est Marie ' mère douce :
En ces deuz nons li .M. atouche.
Après ce .N. vous devis ;
Vous savez bien que granl devis
A d'Emnae à .N. par un trait;
Fors example le nous retrait,
Que toutes sont nonpers à l'une,
Si com l'estoile est à la lune
Et li yvers est à esté ;
Toz ceus qui sont et ont esté
Et qui jamès seront en vie,
De dire avant ai grant envie :
> Nos trouvères se livraient quelquefois à de singulières puérilités poéti-
ques. Nous voyons, par exemple, Rutebeuf jouer à chaque instant sur son
nom. Voici comment l'auteur du Ms. 1132 , supplément français, joue avec
celui de la Vierge :
A ce qu'e soit plus honnourée
Par plusieurs nohs l'ay apelée.
Se je l'apele Maria,
C'est pour ce que tous biens y a ;
Je Tapele aussi Marion
Pour sa bêle conversacion.
Se je l'apele Mariete,
C'est pour sa conscience nete ;
Je l'apele dame Maroie :
Grain n'eut de félenie en foie.
Apeler la poons Marote,
Quar en lui n'éust onques note ; •
Marie fii à bonne escole,
Onques ne dit maie parole ;
Ele a passé dame Nicole
Qui souvent en parler est foie.
Je l'apele dame Marée,
Pour ce n'en est grain mains amée.
i282 LA SÉNEFIANCE.
.0. est roons comme li raons,
Et li hom est brais et limons
Por qui li mons establis lu ,
Qui doit estre péris par lu.
.0. est limons dont li hom vint,
Et .0. la lettre que devint;
De terre fu premiers hom lez
Et en terre sera desfez.
Une autre chose nous glose .0.
Cosses fet-il à chascun .0.
.0. est manière d'arester,
D'estanchier et de qoi ester,
Et de mal fère cesser ruevc :
Iceste lettre bien se prueve.
.P. sénefie paradis
Et le père qui paradis,
Ciel et terre et la nuit obscure,
Qui l'anui et le mal tout cure,
Et homme qui à lui s'apuie,
En haute honor mult tost s'apuie.
P. rescnefie la pomme
Que Dame-Diex devéa l'ome;
Dedcnz paradis toz li fus,
Mes que li ardors et li fus
Et li talenz de la moillier
Fist Adam sa face moillier,
Et tressuer après le fet
Quant il reconnut son mesfet.
En itel point le .P. se père :
Paradis séneûe et père.
Et la pomme devint la paine;
DE L'A B C. 283
Corloisement li .P. se paine.
Lî .Q. est lettre beslornée,
Ce derrier devant est tornée.
Se li .Q. ne fust bestornez,
En guise de .P. fust tornez;
Si com li .Q. va bestornant,
Va l'onor Dieu moult bestornant.
A nommer est vilains li .Q.
Et cist siècles a tant vescu
Qu'en vilonie a fet son ni ,
Par qoi li plusor sont boni :
Poi est qui cortoisie i face;
Honor et larguesce i esface,
Mauvestiez et souduiemenz,
Tricherie et cunchiemenz
Portent en haute cort baniére :
Tels est au siècle la manière,
Por ce se cuevrent d'un escu
De mauves siècle avoecle .Q.
.R. est une lettre qui graingne,
Toz jors sa félonie engraingne ;
Sanz .R. ne puet-on nommer
Riche mauves, ne renommer
Les mauvestiez de son vil los.
Quant li gaignons veut rungier l'os,
S'uns autres chiens li veut reprendre,
Sanz .R. ne li veut desfendre.
Tout autressi com li chiens reille
Voit-on le mauves riche engresle :
Si doivent estre compaignon
284 LA SÉNEFIANCE
Li mauves riche et li gaignon.
Une lettre sainlisrne est .S.;
Au nommer est la langue espesse :
Sens et silence sénefie.
Si vous di bien, rault nous afie
De bien se nous avons celi
Que nus ne puet nommer sanz li :
C'est sapience et honesté.
Cil vesquirent en bon aé
Qui par .S. sont nomé saint.
S*est bien droiz qu'ele nous ensaint
Quel seignorie est sapience,
Et honesté et pascience.
.S. sénefie les croces
A ceus qui douent les paroisces.
Ce sont cvesques et persones
Qui par droit doivent estre bones;
Simplece, humilité, savoir
Et honesté doivent avoir
Et charité et bone vie,
Sanz mauvestié et sanz envie;
Garder nous doivent et aprendre
Sanz covoitise et sanz sousprendre ;
Quar ausi com H .S. aeure
Et encline du chief deseure
Les lettres qui devant li sont,
Doit-on le preudomme en cest mont
Aorer quant il bien se prueve,
Por ce que l'en petit en Irueve;
Envers els doit-on sousploier
Si comme .S. covient ploier.
DE L'A B C. 285
Par .S. nous covient servir
Se nous volorames déservir
La seignorie au Roi hautisme
Où li preudomme sonl sainlisme.
Par .S. comnaencent li non
Qui es ciex sont de grant renon :
M ult a lettre grant seignorie
Qui devant Dieu va si florie.
Du .T. vous dirai la manière :
En cropant porte sa banière,
Une lettre est corte et crampie,
Si resannble trop bien espie ;
Corbés est et de lait maintien.
Sanz .T. ne puet l'en dire tien.
Desor la keue siet le maistre
Si com le chat qui crout en l'aistre ;
Deseure samble une potente,
Ne n'a aillors mise s'entenle
Qu'à dire tien , mes petit done,
Ne guères rien ne guerredone;
Aus honestes ne aus senez
Ne dist mie li .T. tenez.
.T. done aus chiens, .T. done aus leus;
.T. done à celés et à cens
Qui n'en ont mestier ne soufraite:
Bien doit avoir l'eschine fraite.
.T. si crampist et tient ensamble,
Une maie beste resamble.
.T. sénefie la destrece
Et la viuté de la larguece,
Dont li riches vail estampis
^286 LA SÉNEFIANCE
Aiisi com li .T. va crampis;
Lor tient adès es mains la crampe
Qui jusqu'au cuer lor monte et crampe
Par aus décline et faut li mons ;
Larguece font Irère es limons,
Et avarisce en destre mainent :
Ainsinc li riche se démainent.
Par ,T! commence trahisons,
C'est une de ses oroisonsj
Ne nus ne porroit Irahitor
Sanz .T. nommer ne tricheor ;
Par .T. commence tricherie,
Et Judas par sa tricherie,
Quant Dame-Dieu vit apparu ,
Il le vendi primes par .U.
Sanz .U. ne le polJudas vendre,
Et puis l'estut deslruire et pendre.
Si comme fourche est li .U. fais,
Oti Judas fu mors et desfais ;
Là s'estrangla honteusement,
Onques n'en quist amendement;
Se Judas Dieu par .U. vendi,
Par .V. s'estrangla et pendi.
La manière dirai del .X. :
Geste lettre est an mains bons lieus;
Renommée est de grant renon ,
Si est formée en un haut non.
Quant li hom est crestienez,
S'est-il par .X. crestianez '.
> Ce mol s'écrivait xpianez, comme on lit au manuscrit.
DE L'A B C. 287
Si trueve l'en en loz escris,
Par cele lettre est nommez Cris.
Bien devons si crestien estre,
L'enfès ne puet crestiens nestre,
Mes ausi tost comme il est nez ,
Est-il par .X. crestienez,
Levez et baptisiez en fons,
Et erapains enz desi au fons.
.X. a deus trais petiz et cors,
Iceste lettre a quatre cors.
Toutes les parties du mont
Sénefie aval et amont;
Cil .X. qui ainsi est espars
Nous dit que trestoutes les pars
De cest siècle lient Jhésu-Cris,
Par qoi toz li biens est escris.
La manière dirai du .Y.
Deus lettres samble au non .Y. ;
Ceste lettre ne fet que une
Et si est de toz miex jeune.
Quant li Juys orent Dieu pris,
Qui sovent ert par aus repris,
Si metoient en lor ébrieu
Lettres de Caldieu et de Grieu,
Et cuidoient que Dame-Diex
Ne séust ce entendre d'els,
Tant estoient fol et estout;
Mes Dame-Diex entendoit tout.
Iceste lettre est si parfeie.
Qu'en tout l'A B C n'a si fêle.
Par cesti est Jhésus nommez ,
288 " LÀ SÉNEFIÂNCE
Qui tout partout est renommez,
Et sachiez bien que li Juy
Apeloienl Jhésu par .Y.
La lettre est déliée et fix ,
Et maintes genz l'apelent fix;
Mes je vous di que c'est faus nons
Et que de .Y. est ses renons :
Ainsi l'apelent li Géu
Et li Ebrieu et li Caldieu.
Li .Z. , une lettre au gieu ,
Si com nous tesmoignent li Grieu,
A paines ert par moi descrite,
Quar en pou de lieu est escrite,
Et si vous a mult grant mestier.
En la kyriele au moustier
Crions-nous par .Z. Dieu merci,
En a donques riche merci,
Et sage lettre et riche et cointe
Qui de merci Dieu nous acointe;
Quar kyrieleyson ici
Vaut autrestant com Dieu merci.
Après vient ET, €e m'est avis,
Tost en aurai fet le devis;
Geste lettre est en tel point fête,
S'ele estoit ostée et desfetc
l'A B G petit poi vaudroit.
Si vous di que il n'i faudroit ,
For li conlriclions ne moz ;
De ce mult bien enhardir m'oz.
Iceste lettre nous démonstre
DE L'ABC. 289
Que luit li riche homme sont monstre,
En qui il a poi de valor.
Mult chiet la lettre en grant dolor
Qui à mauves seignor eschiet;
Quar tout le païs en meschiet,
Qui perderoit ceste ne ois,
Se cist estoit mors et ocis ;
Jà li siècles n'en vaudroit mains
Se il n'avoit ne piez ne mains;
Si se maintienent-il com sire.
Mult légièreraent se consire
Toz le païs après sa mort ,
Et s'il est preudom on remort
La grant bonté de sa vaillance,
Si plaint-on mult sa défaillance.
Li A B G par titre fine,
Si ne r'est mie lettre fine;
Sovent est mise par soufrete
Là où autre doit estre trete :
Si com l'en met por .M. title,
Là remet-on en maint chapitle
Par soufrete ou par défaute,
Quant il i rauert persone haute,
Assez pieur ou mult plus basse
Par qui toz li chapitles quasse.
Icil qui l'A B C afine
En itel point ces lettres fine.
Cil qui a non Rois de Cambrai '
* L'aateur de celte pièce. — J'ai publié une satire de ce trouvère ( la
II.
19
290 LA. SÉNEFIANCE DE L'A B C.
De tel sens et de si verai ,
Comme il puet en son cuer Irover,
1 vaut son engien esprover.
Or l'en doinst Diex avoir tel pris
Que des sages ne soit repris;
El se il i a que reprendre,
Bien en veut jor ou terme prendre
De l'amender, se Dieu est bel;
Mes cil sont plus Kaym qu'Abel,
Qui ont sus les biaus diz envie,
Quar il sont de trop maie vie;
Quar quant la chose est bien emprise
Et li sages la loe et prise,
Cil qui l'a fête l'a plus chière,
Si en fet assez meillor chière. '
Explicit la Sénefiance de l'A B C.
Descrissions et la Plaisance des Religions } dans les notes et éclaircis-
sements aux OEitvres complètes de Rutebeiif, t. I, p. 441 .
> On peut rapprocher cette pièce, à cause de l'analogie que présentent les
deux sujets, du fragment suivant en prose, tiré du manuscrit lansdowien
397, appartenant au Musée britannique :
« De vino. Savez-vous comment homme deit le vyn prisir, quant homme
le trove freit et de bon boysoun ? \x lettres y ad, bien les sai ; or les escotez
etjeo les vous nomerai:iij. B, iij. C, iij. N, iij. S, etviij. F. Les iij. Bdient
q'il est bons , beus et bevale. Les iij. C dient q'il est court , clers et
crcspe'. Les iij. N , q'il est net, neays el naturels. Les iij. S dient q'il
est sek , sayn el sade. Les viij. F dient q'il est freit, fresche, fryant,
fremissaunt , furmeniel, feire, fyne, fraunceys, etc.
Un autre manuscrit appartenant au même dépôt , mais faisant partie de
la bibliothèque dite du Roi (Ms. 12 D. ïi\ présente les variantes suivantes:
t Les iij. S signifient q'il est sein, sad et saverouse. Les très N signi-
fient q'il est net, nais et natureus. Les uit F q'il est fin , fres , froit , fort ,
frick, flurant, freignant et furmente fort, come muson à blaunk moyn,
raumpant comme osquirel, descendaunlcum foudre, poignant come aloyne
de cordwaner, il saut, il trop, il vnit, il règne, etc.
Ms. 2718, Bibliothèque Royale.
Dire vous vueil d'un homme dur
Qui tant avoit corage sur,
Qu'il n'avoit de povre pitié,
ISe vers Dieu amor ne peur.
Cil hom qui tant ot cuer séur,
Qui avarisce avoit lacié,
Un jor dormi et ot songié
Qu'il estoit près d'un biau vergié
Tout plain de fruit bel et méur;
Mes il n'i pot mètre le pié,
Quar il trova Fuis véroillé,
Et moult estoient haut li mur.
N'i pot entrer, ainz fameilla
El la fain moult le traveilla,
Por le biau fruit plain de déduit.
Tant i fu et tant apela
C'uns hom vint qui à lui parla ;
11 fu moult liez quant il le vit,
Doucement a proie et dit :
«Amis, donez-moi un petit
292 LE VERGIER
De cel biau fruit que je voi là ,
Quar moult grant fain m'a desconfit. »
Et cil , par moult bel escondit ,
Gortoisement respondu a :
«Amis, dist-il, à moi entent :
11 me covient estroitement
De cest vergier garder l'entrée.
Moult i a de fruit bel et genl ,
Mes c'est à une sage gent
Qui est en celé autre contrée.
Chascuns a ici s'ente entée
Por ce que la truist aprestée
A un chier tens que il atent
Que viande sera gastée,
Ne ne porra estre trovée
Fors en cest vergier seulement.
«Sanz congié de seignor ne doit
Li serjanz eslendre le doit
A ce que il a en baillie.
Amis, tu sez bien orendroit
Que ne te puis doner par droit
Ce que tu quiers, se tu partie
N'as en ceste parçonerie;
Mes bien te soit apareillie
Se ente i as qui teue soit.
D'autrui ente ne di-je mie
Que par toi soit pomme cueillie. »
A icest mot si s'esveilloit.
Moult encuse son cuer sauvage
DE PARADIS. 293
Et moult blasme son fol corage;
Du biau vergier moult se démente.
« Voirement, dist-il, a cuer sage
Qui bien porvoit son avantage
Au chier tens qui est à venir,
Li hom qui si biau vergier ente;
Ici vueil enter la moie ente
Por partir à lor laborage. r iQ^^i^i
Bien doi à ce torner m'entente
Que je en si chier tens ne sente
De si grant famine la rage. »
Toute sa cogitacion
A torné en sa vision ,
Tout son cuer li a esméu
De paor, d'amiracion.
Quant est en recordacion
Que il a si grant fain eu
Por le gent fruit qu'il a véu;
Or a-il bien apercéu
Par ceste démonstracion
Qu'avarisce l'a décéu,
Quar il n'avoit onques eu
De povre miséracion.
Moult a bien cil preudom despons
Du jardinier le biau respons,
Lors bat sa coupe et dist : « Hélas !
Moult me monstre bêles résons;
Ma grant durté est achoisons
Qu'ainz ne me fist del fruit solas.
Droituriers Diex , vers toi sui ma§.
294 LE VERGIER
Par cest signe que doné m'as,
Donez me soit li tiens pardons.
Or sai-je bien, je n'en dout pas,
Que tu rendras à droit compas
De toutes oevres guerredon. »
Or est de la voie senestre
Cil preudom venuz à la destre.
A confesse va moult haslis
Cil qui onques mes n'ama prestre,
N'onques mes confès ne veut estrej^
Puis servi Dieu humbles et pis,
Et fu au bien fère ententis
Et aus povres fu volentis
Et larges de tout bien terrestre.
Bien s'aperçut, bien fu soutis,
Que tesmoingna li biaus courtis,
Qu'aumosne est de gloire fenestre.
«Hé Diex! dist-il, ne te descorde
Du grant péchié qui me descorde
De toi , qui trop m'a asservi
Avarisce, qui tant est orde ;
Volenté ai que m'en destorde.
Diex, je t'ai lonc tens messervi,
Onques en bien ne me porvi,
Ainz ai lonc tens à mal servi ;
Se tu me rens à droite acorde,
Selonc ce que j'ai déservi ,
J'atent, et bien l'ai déservi ,
Jugement sanz miséricorde. ».
DE PARADIS. 2<>5
Qui done aumosne il se desdete,
Quar aumosne est et dons et dele;
Mes Diex n'en reçut onques une-,
Ne ne cuidiez qu'il en promete
Guerredon, s'ele de main nete
Ne vient et de nete pécune.
Qui envers son proisme a rancune,
Diex voit sa conscience brune,
Et por ce s'aumosne dègete;
S'aumosne ne vaut une prune :
Miex li vient que jà n'en doinst une,
Mes là où ele est la remeie.
Ce est résons aperte et nue,
11 n'est pas droiz que je desnue
Un homme por autrui vestir,
Quant de la rien que j'ai tolue
Au laborer qui le desnue,
Dont je li faz la fain sentir,
Yueil au povre le ventre emplir,
Ce est à dire sanz mentir,
Oiez coin dit parole crue:
Diex vous devez bien assentir
A ma raûne et consentir,
Quar vostre povre la menjue.
Et cil qui riens tolir ne pensse
Et por Dieu done sa despensse
Et riens n'a fors de labor droit,
Mes d'aucun crieme est en offensse,,
Cuide-il que vers Dieu le tensse
Li dons que li povres feroitt
296 LE VERGIER DE PARADIS.
Fols est qui sor tel gage acroit,
Cil qui en tel aumosne acroît,
11 encuse Dieu du consensse,
Ne aumosne vers Dieu, tant soit
Homme, tant comme en crieme soit.
Dont livre Diex péchiez à censse.
Bien se gart chascuns que il face;
Onques Diex ne torna sa face
A aumosne à crieme meslce.
Yoiz l'omme qui siut double trace ,
Qui la lavie au bien entrace,
Qui fet sa vie entremeslée
De bien de mal avironée,
Ce samble verge entrepelée :
A nient soit qui ce fet et sache;
Aumosne qui est présentée
A Dieu de main ensanglentée
Ne désert pas de par Dieu grâce.
Explicit le Vergier de Paradis '.
' On peut comparer cette pièce à la Voie de paradis , par Rutebeaf ,
p. 24 et suiv. du 2» vol. de ses œuvres ; à une autre pièce sous le même
titre, que j'ai citée dans les notes du même volume, p. 227 et suivantes ;
enfin au Songe d'enfer, p. 384 de mon 2» vol. de Mystères inédits, au
Salut d'enfer, p. 43 de mes Jongleurs et Trouvères. Toutes ces idées
sur le ciel et l'enfer sont d'autant plus curieuses , qu'elles roulent dans le,
cercle de celle qui donna naissance à la divine comédie. Voir aussi de la
Peine d'Enfer, plus bas, p. 304.
ittoralités sur ces sis Utrs :
C'est la jus c'on dit es prés,
Jeu et bal i sont criés :
Enmelos I veut aler,
A sa mère en AQUIERT GRÈS :
— Par Dieu, fille, vous n'irés :
Trop y a de bachelers au bal '.
Ms. 428, supplément français, Bibliothèque Royale.
Cis prés dont je vous vueil conter
Qui maint home fait enchanter,
C'est li mondes qui tous eny vre
Ceaus qui à son gré vuelent vivre.
Qui siet ou val de ténébrour.
Ou val d'angoisse et de dolour.
Ou val d'angoisse et de tristece.
Où nus n'a parfaite léece.
A droit est cis mons comparez
Au pré qui de flours est parez ;
• Il y a dans l'original, en tête de cette pièce, une miniature représen-
tant un personnage qui joue du flageolet avec une main, et frappe de l'autre
sur une espèce de tambour de basque. Autour de lui sont quelques jeunes
filles et quelques jeunes hommes, entre autres Eramelos que sa mère veut
emmener. Les vers qui servent de thème sont rubriques en rouge. La
même pièce se retrouve à la Bibliothèque de l'Arsenal, Ms. 175 B. L. F.,
fol. 284 ; la miniature y est reproduite dans le C initiai.
298 MORALITÉS
Car aussi com li prés flouris
Est de ses flours tost desflouris,
Autressi lost vierient et vont
Toutes les choses de ce mont.
L'une des flours si est ricliece
Qui lost défaut et tost désèche :
Hui iert li hom en richelé
Et demain iert em povreté
Por la muableté dou monde,
En cui tous maus keurt et liabonde.
Des richeces parla Davis,
Li sages en dist son avis.
Quant li riche ont dormi lor songe,
Lor richece mult lor alonge;
Car quant ce vient à l'endemain,
Si ne truevent riens en lor main,
Ne sevent que c'est devenu j
Ainçois se truevent povre et nu,
C'est-à-dire k'après la mort
De leur avoir n'ont nul confort
Se lor bienfais ne les recuevre,
Pour ce est sages qui bien enoevre.
Biautez est l'autre de ces flours.
Qui est de diverses colours.
Mais tost désèche et tost défaut :
Biautez de cors moult petit vaut,
Biautez fienset nois nous ressamble.
Car la noiz la puour nous emble
Dou fiens quant a esté sus mise ;
Mais quant li solaus l'a remise
SUR SIX VERS. 299
Tost est (lescouverte l'ordure;
Celé biauté moult petit dure,
Aussi est de biauté de cors
Qui si est plaisans par defors;
Mais quant vient une fièvre aguë,
Qui si le destraint et arguë,
Taindre le fait et empâlir,
Non par viellece défaillir.
Cis est fouis qui por sa biauté
Pémaine orgueil ne cruauté.
La tierce flour est seignorie
Que li hom a pour sa lignie,
Dont est servis et honnorés;
Mais quant vient uns petis orés
De mort ou d'aucune aventure,
La flour en sa biauté poi dure;
Car petis vens la fueille enporte
Quant ele chiet sor la flor morte.
De ces prés sont teles les flours,
ïlncor en y a de plusours
Dont je n'ai pas de parler cure
Pour ce que lor biauté poi dure.
Jeu et bal i sont criés.
Li geu , li bal qui crié sont,
Ce sont les vanitez dou mont,
Li vice et les maies pensées
Autressi com par ban criées;
Car chascuns au mal faire court
Pour l'anemi qui le tient court.
300 MORALITÉS
Autressi com par ban le roi :
Trop a el siècle de desroi .
EnMELOS I VEUT ALER.
Enmelos c'est la chars humaiDc
De cui chascuns servir se paiue,
Qui veut suivre les vanitez
Et les grans superfluitez
Del mont , de boire et de mengier.
Qui de Dieu le font eslongier.
A SA MÈRE EN AQLIERT GRÉS,
Congié requiert d'aler au bal
Enmelos, qui sel tout le mal ;
Mais par devant li est sa mère
Qui li samble estre trop amère :
C'est l'âme, qui si est contraire
A la char qui ses bons veut faire.
Par Dieu, fille, vous n'irés.
Par Dieu, fille, n'irez mie;
Ce seroit trop grant folie :
Des bachelers y a grant masse,
Tost vous feroient clamer lasse.
Savez qui sont li bacheler?
Je ne le vous quier pas celer.
Orguex i est et sa compaigne,
Qui tous les maus vices ensaigne;
SUR SIX VERS. 301
Primes fist les angres péchier
Orguex et dou ciel trébuchier,
Puis a e1 mont semé maint mal;
Les plusours met du mont ou Tal,
Les plusours a fait trébuchier
Et as espées détrenchier.
De lui est mauvais H amors,
Par lui a esté mains hom mors;
Si le doit bien chascuns despire.
Car il est des mauvais li pire.
Vaine Gloire si vient après :
Ceste est sa parente de près ;
Car qui de l'une est entrepris,
11 est de l'autre tost sorpris.
Après ceste vient Gloutenie
Qui le mont a en sa baillie :
Ceste fist premerain jadis
Geter l'onme de paradis,
Quant il menja le fruit mortal
Par quoi sot le bien et le mal ,
El si chéirent en servage
Cil et celés de son lignage,
Et furent tuit déshérité.
Quant Jhésu-Cris par sa bonté
Prist en laVirge char humaine
Pour nous geter de celé paine.
Luxure ceste vient après,
Ceste est sa parente de près ;
Ceste fait moines renoiier,
Ceste fait nonnains desvoiier.
302 MORALITÉS
Geste l'ail foloier les sages,
Geste fait guerpir hermitages,
Foloier fait clers et prouvoires
Et moines blans et nonnains noires;
Geste list jà toiir la vie
David home de sa lignie,
Pour ce que ne fust percé us
Ses avoltires et séus.
Après cesle vient Gonvoitise,
C'est celé qui louz maus atise;
Gonvoitise fait usurer,
Et fait faussement mesurer,
Gonvoitier fait la mort don père,
Perdre l'enfant amour de mère^
Et fait faire les larrecins,
Les roberies es chemins
A ceux qui ont deniers en maie :
Gonvoitise fu tousjours maie.
Après ces cinq que j'ai nommées,
Ire et Hayne i sont mellées :
Gestes font faire desraisons
Sans droiture en toutes saisons;
Gestes font omecides faire,
Murs abatre, chastiaus desfaire.
Qui iert pris en lor compaignie,
Jà n'aura pardurable vie;
Gar chascune est assez mauvaise.
Pour ce est raisons que me taise
Des bachelers qui vont au bal
Qui Enmelot enortent mal
Et qui sa mère ne veut croire.
SIR SIX VERS. 303
Li bacheler li font acroire
Tel chose que ne puet paier,
Et si li font tost engagier
Li méismes à la parclose,
Quant del' monde sera forclose;
Mais s'ele fust bien conseillie
N'alast pas en lor conpaignie,
Ains créist le conseil sa mère,
El jà soit ce que trop amère
Li samblast estre sa doctrine;
Mais jusqu'à un poi de termine
Li muast sa mère en douçour,
Car quant venra au derrain jour,
Que Oiex venra au jugement ,
Mais nous ne savons pas comment,
Ains venra sans noise et sans bruit
Aussi com li lerres par nuit.
Or prions Dieu luit de bon cuer
Que la char ne face à nul fuer
Chose par quoi soit tormentée
L'âme quant dou cors iert sevrée,
Et k'Enmelos puisse si vivre
Que sa mère face délivre
Dou feu d'enfer qu'ele n'i soit.
Dites amen, que Diex l'otroil.
ÎPe la |)nne îï^€nfcr ',
Arundel,Ms. 288.
A Rome en la haute cité,
Eu lensseint Eggon li beignuré,
Esteit une inorine si vengûs
Ke apartement morirenl plusurs ;
Les scentes virent de ciel venir
Et plusurs gent à mort ferir.
Un chevaler al heure esteit
Ki en Rome dunke maneit,
Féru fu et malade giseit,
Mes il qant morir deveit
Sun espirit fu mené,
Ceo lui semble pur vérité j
Le corps vist mort apartement,
Ceo fu avis à tote gent ,
Mes en un poi de houre vivifia
> Ce fragment sur les peines de l'enfer, qui m'a paru curieux à cause
du rapprochement qu'on en peut faire avec certaines idées du Dante, est
tiré du Manuel nu Péché, en français, par Robert Grosse-Tête, évêque de
Lincoln vers la fin du 13e siècle, et qui mériterait à plus d'un titre d'être
imprimé. Voir llabbé De la Rue, Essais historiques sur les Bardes, les
Jongleurs et les Trouvères normands et anglo - normands , l. III,
p. 107-114.
DE LA PEINE D'ENFER. 305
Et ke veu ont merveil cunta :
« Jeo vi, dist-il, un pount,
Et l'ewe desuz mervaille perfunt,
Hiduse et neire et respuaimt ,
Du regarder oy hidur grant.
L'ewe esteit aval curant ,
Horriblement fu tut alant.
Utre le punt esteit un pays
Très-délicius, ceo me fu avis :
Verte esteit la praerie,
La beulé descrivre ne sai mie;
Trop esteit biel flurie,
Kar plein esteit de espiecerie;
Tant esteit de duz odur
Et de très-délitable savur
Ke bien os dire sanz pour
Ke de la beauté et la duçur
Poet un hom vivre tut jqr.
Très-bele gent i habiteyent
En mansiuns ke il aveient,
Beus esteient lur mesuns,
De grant noblece et riche aturs;
Aucunes esteient si très-beles
Ke recunter sereit merveilles,
De merveilluse grandur
Et de très-bele richiatur
De or fin et de mere^
Furent les uns tyulez ;
Mes saver ne poey de véritez
A ki eles esteient si aturnez.
Sur la rive de l'ewe hiduse,
Ke neir fu mult merveilluse,
II. iO
306 DE L4 PEINE D'ENFER.
Acune mesun vi fundez;
El une niule del ewe est levez
Ke aciins des mesuns ateigneit,
Mes aciins ateindre ne poeit.
Le punt dunt jeo vus cuntai
De tiel esproef fu et tiel
Ke si home le vout passer,
Si de piéché net ne fu primer,
En l'ewe dunt vus ai cunté
Cheueit plein de horriblilé;
Mes dreitures et nette gent
Passer le poeient seu rement,
Et entrer en le païs joïus
Ki si beu fust et délitus.
Un prcstre vi passer légiément
Ke puis homme entrer. . . ,
Et tant passa plus légiément
Ke sa vie amena netement.
Un home, dist-il, ke jeo cunus très-bien
Ki ne esteit mie bon crestien ,
Ki Pères out nun, et grant bailiie
Aveit tant cum il fu en viej
Pené le vi là très-malement ,
En l'ewe puaunte de neire gent :
Là lui viz-jeo porter
Une grante pesantime de fer
Ke en l'ewe li fundra.
Allas! la peine k'il aveit là
• Mult durement desirei
Saver la vérité pur quei
Il esteit si fortement pené,
Et meintenant me est cunté
DE LA PEINE D'EiNFER. 307
Ke siusce jeo-bien pur ceo
Esleit-il si malement treilé
Ke il mist plus sa cure,
Kant deveit fère dreture,
A crueleté ke à juslise :
Ceo deveit fère en nul guise ^
Et en fesaunt jugement,
Cruelement trecta la gent.
Ore est per ceo en torment 5 *
Deu de lui prent vengement.
Un altre home il i vi
De cel punt aval pendi ,
Ki Estephene fu renomé ,
En Rome maneit en la cité;
Kar qant le punt vont passer,
Del pé comensa escriler
Et ver l'ewe aval chaï ,
Ne per qant par le punt pendi;
Diables neires del ewe muntèrent
Ki aval par les quises le traièrent^
Mes gent de très-grant beuté
Ver mun par lez braz l'unt saké :
Aucunes al moynes fet aveit
Dunt Deu de ciel se paeit; '
Per ceo par le braz l'unt traîné
Les seinz angles Dampne-Dé;
Mes lécherie oui purchacé,
Per ceo les diables l'unt saké
Par les quisez ver tormenz
Dunt asés parlâmes einz.
Tant cum il fu en tiel tripel,
A me revint le chevaler.
308 DE LA PEINE D'ENFER.
Si Estephene fu perdu ou sauvé
Ne sout mie bien de vérité.
Por ceo vos ai ceo rechercé
Ke chescun home seit chastié
En jugement fere crueleté ,
Kar ceo est grant iniquité.
Bu ïloj hi at)0tt mt 2lntie.
Bibl. Cotton. , Ms. Julius AV.
Uns rois jadis estait qe avait un amye,
La queie plus ama qe ne fist sa vie,
Ceo apparust bien quant per gelusye
La mort en prist par lye à seison eslablye,
E quue out close en un chaustel fort ,
Où ele out assetz de solace e de comfort.
Là vint un traïtour, et par un acord
Ove ly 4'amena, si fist al roy grant tort.
Ly rois qe fust geluse de sa chier amye,
Sont qe par descort ust fet la folye;
De ly se vout venger, qe fist la gylerye,
E celé remener qe estoit de ly fuie.
Par power de son host ust hu sa volunté,
Saunz venir à bataille à chivale ou à pée;
Mes pur attreer le quer de celé alossé.
Par soi vout desrener son drait en ly clamé.
Tant fu de pruesce son noun renomé
Qe sa chevalerie de tyrant fut doté,
Dont jà ne ust en chaumpe al rois encontre.
Si le roy les armes en bataille ust porté ;
Mes cointement le fist ly vaillaunt chevaler,
310 DU ROY
Car il prist les armes un son bacheler,
Qe Adam ont à noum , si les fist router
E par un damoisele se fist de ceaux armer..
Si entra en la chaumbre celé damoisele
Qe de totes altres estoit la plus bêle;
Yl entra si suef , saunz noise e favele,
Qe nul home le sout fors qe sout celé.
La damoisele l'arma de mult estraunge armure:.
Pur aketoun li bailla blaunche chare e pure,
Pur cadice e cotoun samik mist en cochure,
Pour quissocz e mustilers ly dona la furchure,
Pour chances de fere de nerfs mist la jointuro,
Ses plates furent de os qe sistèrent à mesure,
La gaumbeysoun de say la pel per desur :
De tôt partz assist les veynes pur urlure,
Pur bacyn à la test li planta anapele,
Pur l'alour de bacin deeinz mist la cervele,
La ventaile del hauberk esteit la face bêle,
Qe privément en chaumbre lascea la pucele.
Quant ly rei fust armé, de chambre s'en issist j
De combatre al tyrant fraunchement se perfist.
Le tyrant bien l'avisa, si le out en despist ,
E par grant engrées dever ly roy se mist.
Maint dure assout le tyrant dunt ly fist;
Et le duz chevaler un poy de temps suffrit,.
L'autre fu ègre et taunt le surquist
Qe homage e service du chevaler enquist.
« Avay! sir Belial, tu quères grant utrage,
Dist le chevaler, qe fust de fere curage;
Unqes ne fust oye qe serfs de seignuragc
Par poer demandast servise e homage.
— Où est ta seignorye? dist ly féal tyrant;.
Kl AVOIT UNE AMIE. 311
Unqes ne vi roi aler pain querant;
Mes i pert qe soitz de linage graunt;
Par ma curtoisie, si voir frei taunt :
Rendez-vus ore à moy, e jeo vus seiseray
De leres e tenementz q'en ma baillie ay,
E mes en ceste vie ne vus greveray,
Par si qe vus facez ceo qe dist vus ay.
— Uncore di Belial , uncore vus di fi;
De tere ne tenement rien ne vus pri :
Pur ma chier amye su-jeo venu ci ,
Qe vus m'alevasles, dont jeo vus défi.
— M'avez ore défié, dist sire Déliai,
De ceo jour en avant vus garderay puer maie;
Asseetz ore un jour ou pople comunal ,
Poés veer la bataille en monlaigneet en vale. »
Le jour fu assis par un venderti
Et leu fu pris en un mount auxi
Où le chevaler de socn enemy
Dessevrer dust s'araie cum promis oit à ly.
Au roi fust amené un cheval sojorné,
De quatre maner de pail si estoit vené :
De cypresce fu le corps, de cèdre le pée;
S'eschine fu de olive, de palme haut cryné,
E ly rois mounla tout à son apu de gré.
Pour monstre q'il out dreit en chose chalengé.
Sa sele fu trop dure, et moût l'ad anguisé;
Mes pour l'amour s'amye, la payne a ublyé.
Ly tyraunt environne le roi de son host ,
Li roi ben apercent lour bobance e lour bost,
La baner de ces braz encontre eaux desclost,
E boute avant l'escu qe a haï tôt cel host.
Son esku fu blaun^, cstencellé de goules,
^12 DU ROY
Au chef sa coronne de verges cspinouses,
Blieue la bordure ouf quatre signes custuses,
En un leu la fountayne que les veines eikoscs;
Un heaume out à la teste de chenus rubrichez,
Un hauberk endose des corgez maellez ,
Un espei enpoigne de un clok de fère forgez ;
E lalaunce de pacience fort ben ferrez.
Ly tyrant le regard, si out grant dédeigne,
E le roi le suffrist travailler en vaine,
Ne n' attendist houre de lever la raayne ,
L'autre le surqueit de malencolye pleine;
Si donc au roi du launce e perce ses escu ;
Le coupe fu si fort dont ad le roi féru
Qe sine lues de corps saune ad espandu :
Lors quide l'autre avoir le roi vencu.
Fort fu cel estour quant si assemblèrent ,
Qe la tere trembla e peeiss debrrèrent.
La gent de tôt partz le roi tant surquèrent
Ke tôt à la mort en chaumpe le lessèrent.
Cy poet l'em dire où estoit son host
Qe dust au roi entendre encontre l'autre host?
La vus respondrai bravement, à un mol:
Yl out si ordené qe nul luy fust decost ,
Car soûl volait avoir l'amur de s'amye,
Qe soûl emprist pour ly tel mescheve sans aye;
Si altre li ust aidé, lors fust départye
L'amour entre plusours qe soûl ad déservye.
Par tant se mist soûl li rois encontre touz ,
Et pour ceo qe soûl se mist encontre multz,
Le tyrant qiiide veincre le chevaler pruz;
Mes il par sa prucsce si les venquist touz.
11 lieva sa launce qe suffraunce est dist,
KIAVOITUNEAMIE. 313:
L'un main au lyraunt plainement tollist,
L'autre mayn par vaidie le mist en respit
Tant q'il ust parfait ceo qe il establist.
Par tant ne lessa mie ly très malvais leer :
Tôt droit par la cote prist le chevaler,
Trestot l'a desciré devant e derère;
Jà pour ceo ly rois ne chaunga sa cher.
Quant la cote estrange du roi dégisé
Par la main au tyrant fu ci desciré, .;
Lors estoitly rois desuz bien armé,
Eu jà amour demeyne qe ensi est devisé,
De joye e de vie tut droit quartilé.
De puissaunce e de saver e de draitur frelté,
En le chef un santour de haut dignité,
Une bende en belif de immortalité.
Quant ly tyrant le vist qe ceo fu ly rois,
Lors out le corage trop à maleois;
11 le out vu avant en son grant palais
Et conisçoit son power e les droit laïs.
Luy chaitif s'en fuist à grant confusioun ,
E ly roi descendist en un bas dongoun.
Là trouva s'amie en grant chaitivesoun,
Qe mercy li requist de sa mesprisoun.
« Sire, dist-ele, mercy, chevaler allosé^
De cest lase cheitif prenge-toi pilé,
Yeo ai tant mesfait encountre voslre grée
Ne vus ose regarder de hounte enfronlé;
Vus me faistez riche là où povre cstoi ,
De robe me veslites qe valusl qe sai ,
La curtoisi fu voslre, la vilanic fu moy
Quant ouf le tyrant alai de vus ma vai ,
Sus en voslre verger où jadis manai.
314 DU ROY
Par un faiise clef le tyraunt quist sa pray,
Entra en parole, e tant me donay
Qe à ly m'asenty par promesse de nobleye:
Ouf ly m'en aloi à mal houre le mien,
Qe si tost cum enlroi la tere qe clayme soen,
En prison si me mist, si cora vus veez bien :
Unqes pus ne avoi solace ne joye de nul rien.
Genlyl quer de roi, mcrcy vus requerj
De ma foie emprise me volez pardoner. »
Doucement respounl ly curloise chevaler :
« E jeo le vus pardonne fraunchement de qoer,
Vus me avez costé mut chier huy cest jour :
Turs fitz pour peer entra teel estour,
Puis qe vus ai conquis par saune e suour,
Ne vus pores refuser en aieiez de moy socour.
Si vus avez hount de auncien folye,
Ore vus afiez en ma gelousie,
Quant pur l'amour de vus abaundon ma vie,
Pur vus remener qe estaitz de moy fuie.
Regardez ma face com est demagie,
Regardez mon corps cum est pour vus plaïe;
Avisés mon escu cum est deverdilé,
E ne quidez jà qe soiez refusé.
Jadis vus donay fiance en privé,
Seulement ma amye fustes dount nomée;
Mes ore ma espouse serrez appelle;
Detouz qe seventesaverontdelasollerapneté. »
Lors prist ly roi sa espouse de prisoun ,
Si Pameigne ouf ly en bon salvacioun.
« Demorés, dist-il, cy une bref seisoun,
Tant com jeo relhorne pour mener vus à mesoun^
E qe soiez plus sure encontre li adverser,
Kl AVOITUNEAMIK. 315
Vers vus retenez en lu de baner
Ma chenns de Chartres, ma mort amer,
E ceo vus sauvera du diable emcombrer;
A l'entré de la port mon destrcr alouez ,
A l'entré de la chaumbre mon escu pendez,
Enprès de vostre sit ma launce fichez;
Si n'avérez garde de ma adversitez;
E si vus gardez bien ceo qe cy vus doun,
E me volez amer si cum voet résoun,
Jeo vus fra rayne e porterez corun,
En ma riche tere qe tu vus abaundoun;
E quant vostre mené ert tôt assemblé
A vus revendroi en tens bien seisoné,
Si vus amèneroy à ma grant cité,
Où vus troverez solace, tôt biens à plenté. »
Jeo prie Dieus nostre rois, chevaler alosée
Qe conquist en bataille tôt humayne ligné,.
Nos garde nuit e jour du tyraunt maufée
E nos meigne en joye entre sa mesné.
Amen.
Bts IpréloB qui sont 0r]ettîrroit '♦
Ms. de la Bibl. harléienne HOl.
Voir vous dirai des prélas d'ore
Qui les mains lor argenté et dore.
Provandes à doubles et trebles
Qui puet doner, inult set de verbes;
Bons chantres est, bons orguenislres,
Bons avocaz et bons légistres.
Et toute set devine page.
» Ce fragment est tiré d'un gros volume de vers contenant des miracles de
Notre-Dame, autres que ceux de Gauthier de Coinsy. Je lui avais déjà em-
prunté pour mon édition de Rutebeu fia légende de Théophile qui se trouve
àsonSlSeTeuillet, après des chansons en l'honneur de la Vierge. Cet ouvrage
est postérieur à Gauthier de Coinsy, qui est nommé en ces termes à la fin
du prologue :
Qui près de moi se voudra traire.
Dès ore mais m'orra retralre
Con sont gentil et biau li treit
Que la soutil mère Dieu tret .
La mère Dieu qui est la lime
Qui tout cscure et touteslime,
Es curer doint et eslimcr
Por ses miracles biau rimer
La langue Gautier de Quensi
Qui por s'amor coumence issi :
Aini c''ouvrir veille le grant livre
Qui tant me donne et tant me livre, etc.
/
/
DES PRÉLAZ. 3i7
Avoirs fait de mult petit page,
D'une froncine, d'un rabot
Qui graindres n'est d'un cabot,
Un grant seignor, un grant déein :
Qui ne m'en croit, se'san croie en.
Avoirs fait bien , par saint Fiacre,
Trésorier ou arcediacre
D'un crapodel, d'un limeçon
Qui ne set lire une leçon,
Et chanteor de haute esglise
Tiex qui n'a pas sa gamme aprise ;
Tiex ne set mie encor a bé
Qu'à nous fera encore abé.
Avoirs fet bien tel prevost fère
Et tiex prieus qui ançois fère
Fait son graïl que son grael.
Avoirs ne vous en feroit el ;
Qui a argent qui a avoir,
Qant qu'ircovoite ampuet avoir.
Covoitiez est partout argent ,
Et loing et près, partout art gent;
Plus donc argenz, plus donc avoirs
Que bone mors n'est pas savoirs.
Avoirs fet mes les granz prodomes;
Es granz chaières, es hauz trônes,
Les riches boute et antronise;
Avec les riches autorise
Et fait monter en ce sol fal
Tiex soufier ne set soufal
Gui fait monter en delà sol
Tiex ne conoist le la dou sol ,
Tex ne conoist lou fa dou mi
318 DES PRÉLAZ
Qui ne set pas à ré bé mi ,
Cui avoirs fait, se Diex me saut,
Chanter si bel et si bien haut
Deus foiz ou trois monte sa game
Et chante outre nomme dame.
Avoirs set plus par cuer qu'an livre.
Si sain piz a et si délivre,
Si clère voiz et si l'a saine
Qu'il chante cler come seraine.
Li riches chante richement
Et li povres si povrement
Q'an ne puet nés oïr sa voiz :
Povre fonteine a povre doiz.
Li las qui proesce ancors bat
Se la voiz resamble cor bat ,
Ne puet chanter qu'il ne descort
Que tuit si chant sont de descort.
Cler son ne puet randre sa corde
Puis que richesce s'an descorde.
Povre homme son tuit nesciant,
Touz tans lor voiz vient à noiant.
La voiz au riche touz tans monte,
Si montanz est que lot sormont«
Et trespasse toute musi que :
Li povres a le piz muisique
Veoir ne puis en nul endroit
Cornant il puist chanter à droit ;
Tant a la voiz pesanz et maie,
Quant cuide monter, si avale 5
De haut monter assez se poine,
Mais il n'i set mètre tel poine
Qui monte en jusc'an ce fauz ;
QUI SONT ORENDROIT. 319
Toz tans revient an gamauz,
Ne puet monter nés en a ré,
Et s'il fet tant qu'il mont degré.
Trante anz porroit-il estre là
Ainçois qu'il mont ou sol n'ou la.
N'est nul prélaz, se chanter l'ot,
Que jà son chant ne sa voiz lot;
Sa voiz lor est tornée en eigre ;
Se riens li douent, c'est dou meigre :
Lor dons ne sont graz n'enburré,
Car il sont mais tuit anbarré
Qui d'avoir n'a chargie et cure.
. Des povres clers prélaz n'ont cure
Qui ne sevent encor qu'est âme.
Einsi prélat, par Nostre-Dame,
En enfer les âmes avalent.
Cil qui plus sevent et plus valent ,
D'âmes curer ne s'antremetent,
Car li prélaz arriers les metent,
Et Iret sont avant et sachié
Cil qui l'avoir ont ansachié.
Prélaz voit mes toz bestornez :
Puis c'ai vers aus mon bec torné,
Si durement les cuit béchier
Qu'il n'auront gaires lor bec chier,
Por ce qu'il nos vont débéchant.
Se d'aus néant en mon bec chant ,
Ce sera certes par bé dur,
Car vers aus resgart et bé dur.
Ne voi évesques n'abé mol :
Chanter n'en doit par uns bémol.
A promettre ont les langues moles,
VIO DES PRÉLAZ
Au doner plus dures que moles;
Aus povres clers pou s'amoloicnt ,
Mais les riches dur et moloient.
Nostre prélat aiment miauz tien
Que clergie ne biau maintien ;
Tant par ont foies consciances,
De bones muers et de sciances
Qu'il ont apris se par clergie,
Où il ont mis toute lor vie,
Font les ultimes questions.
S'apelez aus élections
Fust li douz Rois de paradis,
Einsi corn il ière jadis,
A eslire les preudesomes
Corne l'an faisoit les personnes,
Encor fist-il, n'en doutez pas.
De Martin et de Nicholas,
Des confessors et des sainz homes;
Mais refuser sovent véomes
Le bon por lou baretéor.
C'est par Simon l'anchantéor,
Qui touz les déçoit et anchante.
Et par ce nus nul bien n'en chante;
Car puisque Diex n'est à l'eslire
N'en puet nul bien chanter ne lire.
Diex i est mais boutez arrière,
Se 's met à force en sa chaière
Li fors simoniaus Simons;
Et puisque Diex n'i est semons
Et il n'ordanent lor afère,
Santir ne puéent ne bien l'ère :
Quant simonie les ordane.
QUI SONT OREIN DROIT. 321
Lor vie est orde corne orde ane.
Ne jà encor n'iert ordonée
Puis que la croce est or donée.
Vis est lor vie, orde et reborse
Quant nés à Dieu copent sa borsej
Il sont larron , et je lor pruis
Par l'Esvangile, où je le truis;
€e nos dist Diex en l'Esvangile
Oue lierres est et plains de guile
Et d'oustraige, si fait naerveille
<)m par l'uis n'entre à ses oreille (sic),
Fet mult grant tort au bon Dé,
Ouant il l'a outre abondé.
Par ces n'est pas mes mercenaires,
Car des âmes ne lor est guaires,
îVe jà n'amendera le leu
Einz s'an fuit lues qu'il voit le leu;
En nul amor bien ne fait puis.
En chardonaus douçor n'a point.
Que chardonaus en chardons point.
"Volantiers pas vers chardon n'ail ,
Non fais-je voir vers chardonaiL
Cil qui me donc aus chardonaux
Poignant trueve comme chardon aux.
Li chardonal tout escliardeonent
Les eschars qui dons eschars donentj
Maint prodome ont enchardoné.
Chardonal sont en char doné,
Por ce poignent corne chardon
IL 21
322 DES PRÉLAZ
ToHZ ces qui donenl escliar don.
Qui le) chardon \iant ampoignier, \
Si li amplise lou poignier,
Hui li amplise les deus poins.
Des chardonaus n'est mie poinz
Qni sovent donent granz poigniées....
Dont afrontée est sainte Esglise,
Tant par sont plain de covoilise
Et de tout panre sont si aigre
Que le gras vuelent et le meigre,
Et les croûtes et la miete;
Bien i parut à Damiette ' :
Li chardonaus, li ronge-Diex ,
La nos toli, ce fut granz diex.
Trop covoiteus sont li Romain:
Qui sovant lor amplist la main ,
Qanqu'il mant fait, bien le sachiez,
L'apostoiles est mes sachiez
Cil qui plus donc et qui plus sache :
Tout en englout Rome et ansache.
Rome nous ret totes les mains,
Rome set tout, et plus et meins;
» Allusion à la reprise de Damiette. Pour plus de détails sur tout ce qui
foncernc les expéditions d'outre-mer dont parlent les trouvères, on peut
consulter mes notes sur Rutebeuef et diverses pièces de mon Rapport au
ministre (Paris, 1838, in-8"). De même, pour ce qui concerne les diffé-
rents Dits relatifs aux professions du moyen Age, on peut rapprocher
également de ceux qui se trouvent dans ces deux volumes, le Dit des
Feures , le Dit des Boulengiers, le Dit des Tabureors que j'ai donnés
dans mes Jongleurs et Troutières, enfin ceux des Changeors , des Cordon-
niers, des Tisseranz, des Bouchiers, des Cordiers, imprimés à la suite
de ma publication intitulée Lettre au Directeur de l'Artiste, touchant le
S/s. de la Bibliothèque de Berne n" 354 (Paris, 1838, brochure in-8").
QUI SONT ORENDROIT. 323
Rome est si plaine de manjue
Que toz ses manibres démanjue;
Tout le monde masche et deringe :
N'est mervoille se sovent pleittge
Sainte Esglise tout environ,
Car en Rome a povre aviron.
Cil l'angignent, cil la fauvoient.
Cil la plungent et cil la noient.
L'apostoiles, li chardonal
Et li prélat, li gov^rnal
De seinte Esglise doivent estre;
Mes covoiteus en sont chevestre.
Le patremoigne au Crucefis
Vandent mes tuit , ce est grant diex!
A ces donent doubles provendes
Qui ne sevent ior nés mouchier.
Je voi les preus, je voi les sages,
Qui volantiers déserviroient
Les provandes, s'il les avoient.
Et si n'em pueent mie avoir;
Einz les ont cil, par leur avoir.
Qui n'aiment Dieu ne ne le servent^
Ne Ior provandes ne déservenl.
Oui provande a sanz déservir,
Il ne puct Dieu plus aservir;
Qui sa provande bien désert,
Diex est à lui et si l'an sert :
Diex est ses clers et ses vicaires.
Se Diex m'aïst, ne voi mais guaires
3^4 DES PRÉLAZ
Qui les (léscrvent bien à droit;
Il sont plus joint, il sont plus droit,
Plus acesmé, plus alignié,
Et plus poli et plus peignié
Que robardel et damoiselles.
Granz destriers à dorées selles
Chevauchent mes li damoisel
Et font mes tuit queue d'oisel ,
El jeune et viel tuit font par ban
La paelele et lou boban.
Tant par sont mais de fier afaire
Ne daignent lor corones faire;
Ne sont mie plain de savoir
Que honte ont grant d'onor avoir :
Par les corones s'ont-il famé.
Tiex est issuz et nez de famé
Qui tant est fiers, bien le puis dire,
Qu'il ne daigne chanter ne lire.
Je conois tel qui a tel cuer,
Pus chante au bois ne fet au cuer.
Je conois tel qui pas n'antonne
Tant au mostier com an la tonne;
De Dieu servir tuit se recroient.
"Si sont cointe qu'il ne se croient
En lor esme, par saint Richier,
Sont plus cointe que chevalier.
11 sont mes tuit et duc et conte;
Il ont grant damage et grant honte
Quan qui que soit clers les apele.
N'entrent en moustier n'en chapele
Por oraison ne por prière,
Einz vont an bois et an rivière,
QUI SONT ORENDROIT. 32îfe.
Et comportent desor lor moufles
Les crietes et les escoufles.
11 ont de roi les palefrois
Et les coupes d'or et d'argent;
Et tu avec la povre gent
Dou pain demandes à lor porte :
ïu méismes à aus reportes;
Mais ne te vuelent recevoir, etc. '
> Les reproches que fait dans cette pièce le trouvère aux prélats sont;
eommuns dans les poètes du moyen âge. Ces trois couplets d'une chansoD».
tirée du Ms. 1162 nous en fournissent un nouvel exemple :
Ma douleur veil alégier en chantant ;
Or me doint Diex grâce de bien chanter.
Il m'est avis que un chascuns s'entent :
Hui est le jour de chascun enchanter ;
En barétant, décevant et mentant ,
Vient li frères le frère soiipplanter :
Vérités faut, que nul ne la soutient.
Nostre prélat sont bien enparenté ;
Leur cousine est chascime qui enfante,
Tantost leur sont li enffant présenté,
Et li plus près si prent la meilleur rente.
Ainsi sont hui li lignage planté,
Quar en ce met clergie toute s'ententc ;
De tel plante avons trop grant planté.
Tuit se painnent de deniers emmasser :
Clerc et lai sont de ce bâton féru.
L'un pour gaster, l'autre pour entasser^
Ne jà n'en n'iert as povres secouru.
Les chevaliers ne veil pas trespasser ;
Bobans a si tout parmi eus couru.
Que tretuit ont plungié en ccstuiru.
Bi la £t\mm ti ht la IJjr,
Ms. de la Bibliothèque harléienne 2253.
Femmes à la pye
Portent compagnye
En mains et en mpurs,
Escotez vous dye
En quele assoeye
11 tenent amours.
La pie de costume
Porte penne e plume
De divers colours,
E femme se délite
En estrange habite
De divers atours.
La pie ad longe colke
Qui pend en la boue
Pur la pesancie,
E femme fet la folke
Plus long que nule coup
®e poun ou de pyc..
DE LA. FEMME ET DE LA PYE. 327
La pie est jangleresse
E nullement cesse
De mostrer où ele est,
E la femme par son us
D'assez jangle plus :
Issi nature r'est.
Par jangle de la pie
Un vient à tromperie
De gopyl et de chat;
Femme par parole
Meynt homme afole
E ly rend tôt mat.
Vous trouverez la pie^
Si pleyne de boy die
Que ele se garde bien;
Mes la femme passe
La pie en celé grâce,
Quar ele ne doute rien^
La pie en arbre haut,
En freit et en chaut,
Prent soun repos,
E femme velt reposer
En hautesse de cuer
Et désyre los.
La pie quant ele grève
Countre son mary lève
E l'enchace de ly,
E femme de grant cuec
328 DE LA FEMME
Son baroun por tencep
Ffet-ele autresy.
Pour icele guyse,
Je lou que un se avyse
Avaunt qu'il soit mary.
E nequedent la pye
Soun compaignoun espye^
De quel part s'en va ;
Ç la femme aussy
Espie son mary
Par gelosie qu'ele a.
La pie par yre
Les gardins empire
Par braunche debraserj
E en femme corocée
Rien serra celée
Quant ele se puet venger.
Hom dit que la pie
En sa nature crye :
Il nous viegnent gestes;
E la femme puet dire
A soun mary : Syre,
Par moi aurez blestes.
La pie suet niusser
Quanque ele puet gayner
En un privé lu,
E la femme se porvcit
ET DE L4 PYE. 329
Avant qe ele vidue seit
Dount ert sustenu.
Bien déusl la pie,
Que qe nus en die,
A feme estre chère.
Puisque leur vie,
Par tiele compaignie,
Acordent en manère.
Ms. de la Bibl. harléienne 2253,
Quy femme prent à compagnie
Yerez si il fet sens u folye;
Qy en femme despenl sa cure
Orez sa mort et sa dreilure;
Quy femme eyme e femme qiet,
Sa mort brace, sa mort beyt;
Qy coveyte ou femme preyse
Sa mort queit e nulle eyse.
Sauntz pris e sauntz loer se vend
E fet la lace dount se pend ;
Cui ces vers ad en remenbraunce,
Yl doute femme plus qe launce.
, Femme est racyne de tous maus,
I Femme engendre ires mortaus,
; Femme déciet bons amys,
' De deus frères fet enemys ;
Femme départe le filz del père,.
A force le toud de sa mère.
Femme par sa fauce parole
Blaundist le lionmc c pois le afôlc;
Femme afole les plus sachaunlz ,
Les plus riches fet payn (fucraunlz
DES FEMMES. 331
Femme fet bataille e guère,
Occyre genlz, deslruire terre,
Ardre cbastiels, fondre cités.
Femme débrise fermetés.
Femme fet prendre les tornois,
E fet fere tos les desrois;
Femme fet fere les merleez,
Treire cotels et espeez ;
Femme fet cbastiels graventer,
Cbevalers e serjauntz anuyer,
Femme fet mune de ordre issir
E le service Dieu guerpyr ;
Femme engendre en poi de boure
Dount tote la contrée em ploure;
Femme est jolyf per ly démostrer,
F'emme est lyoun pur dévorer,
Femme est gopil per gent déceyvre,
Femme est ourse per cous receyvre,
Femme est fotere por tous prendre,
Femme est ostour per preie atteindre.
Femme est esperver per baut voler.
Femme est bobel per baut mounter,
Femme est beyroun de suef payl,
Femme est plus aspre que chamail ,
Feme est cbyval de grant luxure,
Femme est dragoun de grant arsure, '
Homme langour ne conoistroit
Se femme à compaigne ne avoit.
Femme est fontaigne desouz vayc
Que tôt recet e tôt abaye.
Femme est taverne que ne caul
Qui qe vine e qy qc vaut;
332 DESFEMMKS.
Femme est enfern qe tôt receit,
Touz jours as seif e tous jours beit.
De femme ce est la nature,
Meynz la créez corne plus jure;
Femme n'ert jà prise provce
Si desouz l'om ne soit trovée;
Femme est léger come le vent,
Cent foiz le jour chaunge talent;
Mes quy vodera femme joyr,
Je ly dirai sauntz mentyr,
Qu'il ly donast poy à manger
E mal à veslir e à chaucer,
E la batist menu e souvent,
Donqe fist-il de femme son talent.
N'est mie sage que femme quiet,
I Mère ne suere, qui qe seit;
' Car ly sage Salemoun , -
Qi de sen out graunt renoun ,
Qe plus sage de ly ne fu.
Par sa femme fust esté desçu ;
Ausi fust Sampson forcyn.
Car femme par son engyn
Tôt en dormant il perdy
Ce dount fust si enforci. ,
En femme est molt mal veysyn ,
Car l'empereour Constantyn
Out par sa femme tiele liountage,
Car ele cocha par folage
Ou le naym de lède liguurc.
Si come lion me treove en escripture.
E ly bon myrc Ypocras, ^
Qui tant sa voit de médicyne artz,
DES FEMMES. 333
Fust par sa femme desçu ;
Ceslc chose est bien aparéu.
Por ce vos dy tari e matyn :
Gardez-vos de femel engyn ;
Nul homme piiet à chief trère
Taunt ad en femme mal affère.
Plus ne vueil de femmes parler :
Chescun se gard de eux à son poer,
E je vos dy lot saunlz fable :
Femme scet d'art plus que le deable '.
' On voit par les nombreuses satires que nous avons déjà publiées sur
les femmes que le moyen âge n'épargnait guère le beau sexe. En voici une
très-courte, en latin, insérée par M. Halliwell dans ses Reliquœ an-
tiquœ, d'après le Ms. Ee .11. de la Bib. pub. Cantab. : Quid est mulier?
— Amiciliœ inimica; ineffugabilis pœna ; necessarium malitm. Natti-
ralis temptatio; desiderabile calamitasj domesticum periculum; de-
lectabile detrimentum ; mali nota, boni colore depicta; janua diaboli;
via iniquilatis ,■ scorpionis perciissus notitiumque genus femina. Ex eis
ab initio aucupatum est peccaium.
Quoique nous ne craignions point d'être accusé de partager les senti-
ments exprimés dans les deux pièces qui précèdent, nous n'avons pas
moins jugé à propos de les faire suivre du Dit des Femmes, comme juste
correctif.
£e Bit bes iFcmmes.
Ms. de la Bibliotlièque harléienne 2253.
I Seignoiirs e dames, ore escotez
Ce qe vus dirroi l'enlendez ;
Quy le vodra entendre,
Grant bien il purra aprendre.
S A comencement de ma résoun ,
De femmes fray mon sermoun,
Si vus dirra en escripture
De lor bounté e de lur nature :
MoU lur avyent bel aventure
-Puis que Dieu les fist par grant eure,
Le no un de femme lur dona ^
Pur sa mère qe taunt a ma, ^
E pur ceo fist bones et pleynes de bounté
E bêles sauntz iniquité :
r Avenauntes sunt e de bêle porture,
y ! Bien afey tés e de grant mesure ;
I De amer gent est lur nature,
^De fère eux joie e enveysure. "
Femme est la plus douce rien
Qe unqe fist Dieu , ce di-je bien j -
/fous les espieces de cest mount ^
LE DIT DES FEMMES. 335
Ne siint si duces corne femes snnl. L
Gyngyvrc, suqe ne lycorys, c
Ne tous les espieces de Paris,
1- Certes galingal ne mas,
N'est vaillaunt à femme un pygas.
De fenie plus savoure un beiser <
Qe plein poyn de lorer,
T Eles sunt gentiles à démesure, -
'^^ ^ iGreeles, bien fêtes par la seinture,
^^ / E tous jours sunt de bêle chère,
Devaunt la gent e derère;
En eux ne trovera-um taunt ne quant,-
Fors granl joie e bel semblaunt,
T, 1 E reheitent grant ou bêle enveysure,
De folie fère n'en ount cure.
Jà ne verrez femme foleier;
Ne fust de homme le bel parler,
Jà ne freit-ele folement ,
^' Ne fust de homme l'enchantement;
Mes tous jours remeindrent vergines.
De netteté fuissent totes pleynes;
^ ! Mes um les bosoigne tous jours
\ Per aver de eux lur amours.
E eus par grant preière
Receyvent sovent encombière '.
• LeMs. 1132, Suppl. franc., fol. 23 v, attribue aussi les fautes dc9
femmes aux maris en ces termes :
Tant de diirtés diverses leur monstrent à voir dire
Que maintes bonnes famés font faillir en l'empire
Et emboiirser telz choses et mettre en lirenlirtr
Qui à un grans besoing pourroient bien soulïire.
Quant dame Katerine voit la preuve dant Joce
Qui pour Tainour sa famo ne donne une beloce
336 Lli DIT
Qui à eus mesfet ou mesdit,
Jà ne serrount mie ou Die eslit;
Jà Dieu ne eyme qe femme het,
Qi nulle enchesoun trover set;
ÎN'est clerc taunt aperceyvaunt
Ne nul autre taunt vaillaunt,
Qe femmes vueillent blâmer.
Ne rien countre eux desputer,
^ S'il ne soit de vileyne natioun;
Per ce ne dient si bien noun.
Grant amour à ly attret
Cely qe honour à femme fet;
Ly gentil ne les despyt,
(,o Ne vileynie de femme dit.
Dieu ayme femmes bonement,
Ataunt corn il fet la gent ,
Pur sa douce mère Marie,
Par qy recovré est la vie;
6S \ Dounl chescun doit honorer
I E femmes sur tous preyser.
I Dieu les fist par grant leysij*
( Per servyr gentz à pleysyr ;
Pur ce les doit-um loer
^v E en nul point despiser;
Car de femmes sunt gent eslret,
E suef nory de lur let :
Si doute que le sien ne li face autel noce.
Si li refait souvent d'autel fust tele croce...
. . . Les famés sont diverses et li homme félon :
Pour ce s'entr'aimcnt-il des amours Guenelon
Agnès n'aime Hubert , non fait Per rot Bclon ;
11 ont non fol-si-fie, s'a droit les apclon.
DES FEMMES. 337
Roys, countz e barouns,
Evesqucs, frères qui fount sermouiiz ,
ns Prestres, raoygnes et abbés, -^
De femmes sunt engendrez;
Par femme est le siècle sustenu ,
Molt avauncé e molt qrévju
Si femmes ne fuissent verromenl,
g^ Cest siècle ne vaudra nyent.
Jà ne fust-il lée en cuer
Que ne sarroit femme amer.
Qy à femme fet vyleynie,
Dieu ly doynt maie vie.
&r 4-^emme est la plus précieuse chose
Que le mound ad enclose.
^^..^Je aym femme sour tote rien ,
Car yl me ount fet grant bien;
Je ay femme ou le cors gent ,
^^ De mon cuer lui faz présent.
De femmes vienent les pruesses,
Les honeurs e les hautesses;
Tote bounté e duy merye,
Dount m'est avis qu'il fet folye
5Ç Qe de eux se fet bayer;
Jà ne ly verrez bien chever :
Ceux qe à femmes mesdirrount,
Jà bone fvn ne averount.
Nul homme deit de eux menlyr,
ifio S'il en duissent molt soffryr.
Certes, pur rien qe femme fra ,
Peyne deseur ne verra ,
Quar Dieu lur ad doné le doun
Qe eles ne verront si bien lioun.
II. 2<2
338 DES FEMMES.
'■^^ M'est homme qe soit de femme néez
Qe tous siet dire lur bountez :
Je n'ai mie dit la centisme part,
Mes molt lolie matin e lart.
Ne say dyre ne penser
La grant bounté de lur cuer;
Mes à Dieu comaund femmes bêles,
Ensement lotcs pucelcs,
E tôles femmes qe sunt nées
A Dieu soient comaundéez.
mP
Bu bon ÛJiUittm £on^t$fct \
Bibl. Cotonn., Ms. Jiilius AV.
Ce fust ascis en Babilone à la quarame pernant
Ke od le roi Louys alat o son host mut graunt
Q'un chastel de Babilone, Musoirc est nomée ,
Ke louz jours en peinime sera renomée
Pur le rois qe fust prins en celé chevachce
Et les alts chivalers ky furent de sa meignée,
Et ly counle de Artoise, sire Robers li fers,
Ceo fu par son orguile, tant fu surquiders,
Et meinz altres esquiers et pruz chivalers,
I perderunt la vie, tant urunt desturbers.
Et moint homo vaHaui i avoit dunqe oscis,
Et ly bon Willam Longespée li chivaler liardiz.
A le quarame pernant del incarnacione
Mil et deus centz qarant-noef aunz premme
Quant le count de Artoise dust passer le flumc
En 1ère Egipte et Babiloine et od ly meint home,
E ly meistre du Temple od tôt sun graunt pocrs,
Le vailant count Willam et ses chivalers
• Guillaume, comte de Salisbury, petit-lils de la belle Rosemonde et sur-
nommé ion^rue-^spee à cause de ses exploits, partitavecle comte de Leicesler
et 200 chevaliers anglais pour partager les périls de Saint-Louis en Terre-
Sainte. Lors de la bataille de Mansourah , n'ayant pu faire entendre les con-
seils de la prudence au frère du roi Robert d'Artois, qui allait compromettre
l'armée, il se précipita au milieu des Sarrasins , cl périt à la tête des siens
après avoir vaillamment combattu. (Histoire des Croisades.) Cette pièce,
dans le manuscrit , n'a pas de litre ; on lit seulement en tête les deux vers
suivants
Ky vodra de duel et de pité oier très-grant
De bon William Longespée ly liardy conibatant.
340 DU BON WILLIAM LONGESPÉE.
Assaillerunl les herberges à Sarazins malurcz
Ki dehors la Musorie furent herbergez.
Meint i avoit Sarazin illoqe dunqe osciz,
De tut pars les herbegez furent asailiz ;
Kar les krestiens les unt ateinz et huniz
E de lur espées trenchant détranché touz vifs.
De treis mil Sarazins et cinque centz e plus, à mun quider,
Ke furent illoqe ateinz , ne pout nul eschapper,
Fust monté ou à pée, ne fust si fort e fer
Ke ne perdist la teste saunz plus losenger, g
Ffors dedenz la Musoire qe dunqe aveint entré,
Castel fort bien warni et très ben estoré.
Dedenz fust ly soldan qe par Mahun out juré
Ke gr^nt desturber freit cel joure à la kristienté.
L'ost des kristiens ert remès arère,
ijy t«v.^„^ ^„ Temple, chivalers e frère,
E ly count de Artoise desplcïe sa Dauei e,
Illoqe vont demoreren mesme la rnanère,
E ly count Longespée, hardy et pruz,
E ly gens de provynce, chivalery n'estuz ,
E ly count de Flaunders à pé et chival muz,
Sunt illoque demoré à reposere touz;
Délacèrent lur heumes, pur eaux aventeir,
Atirer lur armes, leur chivaux provender,
Deisunt lur mesmes, mult aveint graunt mesler
Tant aveint combatu, n'ont talent juer;
Conseillunt ensemble cornent vodreint ovcrer :
S'il deveint alere avant ou illoq demorer.
En dementers ceaux qe vodreunt gagner
Turnerunl à les herberges et troverunt graunt aver,
Mult plus qe ma lange ne sache démustrer;
De or et de argent troverunt grant plenté,
DU BON WILLIAM LOISGESPÉE. 341
Plus qe pourent porter qant fust assumé.
Une gent conseilerunt tôt pleinerement
Demorer jesqes à tant qe q'il avreint plus de gent,
K'il puissent aler plus assuraient
Le Musoire prendre et aver à talent,
Quar mult aveint le jour ben espleité,
Sarasinz oscis, de lur herberges chacé,
Chevaux, armes, or, argent wainé.
Et Sarasinz oscis, décopé et détranché.
Et si Dieu plest de gloire, le mâtine ont pensé
Le Musorie aler plus près qant lur gent unt assemblé.
Dist H count de Artoise : « De folie parlez ,
Nus ne qreum Sarazin de mère soit nez.
Nous prendoms le chastel tôt à noz voluntez,
U il serunt oscis qe leinz serunt trovez.
En cel manère le porrums tuz avérez. »
Dist li meislre du Temple, li bon chevaler:
« Mult serreit profitable ici demorer,
Nos-mesmes reposer, noz nafrés médiciner.
Et noz sire le roy outre congé passer,
Et nos entor li irestouz herberger.
Et de touz partes le chastel de nos ost asséger.
En démontre les gines le roi porum adresser
Pur abatre meisons et murs aquasser,
Et li soldan prender od tod sun grant poer ;
Jà mur ne meison ne lur avéra mester
Q'il ne soint démangiez od espiez de asser :
En cel manère les porrums touz aver.
Nos avon mester de repos, nos avoms tra valiez;
Per Dieu de glorie, bien avoms espleitez ;
Honuré soit le roi Jhésu qi si bien nos ad eadiez,
Saunz li n'ussums ren conqis, il en soit honurez. »
342 DU BON WILLIAM LONGESPÉE.
Dist count de Ârtoisc : « Avoi ! dan Templer,
ïotes ures pelé de los volez od nos porterj
Yos dussez par rcson avant touz aler,
Doner altre cnsample de bene travailer. »
Li meislre du Temple respount cortoisement :
«Pelé delok ne portumsnent, ceo sevent bone gent ;
Jà ne serrez si prest, ore vus alez ent ,
No seoms le priraers, si le verrez cornent. »
Dist le count Longespée : « Overoms sagement.
Sarazins sunt fel e lins e félouns genlz;
Li meistre dist son avis et mult savement ,
Ke mult scet de guerre et bien nos aprent. »
Dist li count de Artoise, qe mult fust surquiders:
« S'en poez eslre, Engleis, icel conseilers-,
Ne lerroms jà per voz ditez ne par voz deners,
Qe n'irroms qère Sarazins par tere e par mers. »
Dist le count Longespée, qe fu touz jours légers,
Qant il oïl le mot , tôt li changa le qoers :
« Ore vous tirez mainetenant, qar jeo vois monlcrs;
Jà ne serrez si prest, jeo serra li primers
De launce e d'espée encontre les ennemis fors. »
Lacèrunt lur heaumes e lur chapeaus de fer.
La Musoire voleint prendre e le soldan aver,
Par le conseil li quens de Artoise qe fu surquider.
Le meistre du Temple broce le chivaux ,
Et le count Longespée dépli les sandaux;
Il sunt les primers, il erunt mult vaillauns,
Et enterunt la Musoire com lur propre estais;
Qant il furent dedenz entré, si com pocut,
Les Sarazins les portez touz les gardèrunl,
Et touz en la Muzoirc estretemcnt gaiièrunl.
Pur oscir les krisliens, si fùrc le poenl ,
DU BON WILLIAM LONGESPÉE. 343
Lessèrunt chaier les portez, qe très-bien fu gardé;
Si unt trestouz les kristiens dedenz les murs fermé;
Devant eaux fu le flum parfimde, longe e lée,
Derère la porte colice, qe très-bien fu barré,
D'ambe pars les murs de haut père tailé.
Sarazins de lotes pars les unt environé
Des arcs trators reddes, des dars envenomé
Et d'espées longes, de bone ascer furbé,
Et des gros pères qe urent assez plenté.
Dunqe les Sarazins à noz doneient graunt colé
Et les vileins par jur qe ensemble à gros pères alèrenl,
Et des marteaux pesaunz les noz esqassèrent;
A noz firent graunt damage e ren esparnièrent,
Pur les asauz des kristiens qe les asailèrent,
Les unt dedenz asailli e lur graunt poere,
Si Dieu ne prenge cure, ore unt graunt mestere :
Trestouz plenèrement ne porrunt eschapere
Saunz eaïde de Dieu, qe tôt poet governere.
En mileu de Musorie hy ad une chimine graunt,
De la porte jesqes à la flume tôt avalant;
Là se combatent les chivalers vaillant :
Meint teste de Sarazin le jour i funt senglant.
Li count de Artoise sor son graunt destrer
L'eschel de sa launce perça le primer;
N'avoit qore ne corage plus demorer.
Tant fu fort asailli de fer e d'asser.
Le primer q'il encontra à tere fisl tumber,
Puis s'en torna vers le flum, si s'en voit najer.
De ceo qe li quens fist plus ne vos soi dire; ^
Sa aime est en enfern en graunt marti/o.
Li meistre du Temple Willam fust nomé,
De Inunce se contint noblement e ben ferrist d'épée;
344 DU BON WILLIAM LONGESPÉE.
De Turcois e des anieircux forment fu naufré.
Per ceo entre les Sarazins graunt crei est levé,
Bon qidèrunt les Sarazins aver csbaï,
Mes mult fu pruz e vaillante de qore hardi ;
Mist la maine à l'espée, qe très-bene fu furbi :
De treis Turcois haute gentz abati le crie,
Qe entre les amireux bien furent oï :
De l'espée trenchaunt les fendi par mi.
Un Sarazin vint curant , qo léger fu à pée ;
Porta un cutel en sa maine que fu envenimé,
Hausa la coveter de son chival armé,
Si le dona graunt coup à la destre coslé.
Li meistre senty mult ben qe malcment fu naufré,
Si voleit ferir un amirel qe mult fu renomé;
Soen chival li failli , qar à la morte est liveré :
Le chival chet à tere, li meistre remist à pée;
Un frère vint curant qe ben fu munté,
Bailla à meistre son chival qe très-bien fu armé;
Li meistre munta vistement, unqes ne fu si lée,
Et prist sa launce en sun poin d'asser bien ferré,
Curt à un ameirel sur un féraunt munté,
Parmi le corps li feri , ne pout aver duré ;
Le corps chet à tere, sa aime prist le maufé :
De Dieu soit-il beneit qe tiel coup ad doné.
Le chival recuili par la reine, le frère apela
Qe oreinz qant il fu à pée si bien li munta.
Le frère mist pée en estru e munta le féraunt ,
Ceo vit un pain félun, si vint traversaunt,
Parmylecorps, desuzlebras, limcsirespéetrenchaunt,
L'aime enport seinl Michel en parays chaunlant.
Où serra en glorie od Jhésu tout puissant.
Ly meistre brocha son chival qe fort est e léger,
DU BON WILLIAM LONGESPÉE. 345
Curl à un amirel qe mull est fel e fer;
A la kristiene gent ont feet desturber
Et unqor fra si y poet, mes n'en ara jà poer,
Et li mestre li féri de sa launce reddenient,
En fausa ses armes tôt plenièrement,
Encontre le piz l'asena tôt dreitement :
Freit morte li abati , ceo virent plus de cent.
Un Sarazin vint curant, son ami très-cher,
Un amirel félun qe out à noun Beder;
Od launce red son ami voleit venger,
Si voleit le meistre parmi le corps doner;
Mes le Longespée ne vont plus demorer :
Ly et sun grant chival fist à 1ère tumber.
Curt à cel amirel un chimin tut pleiner,
Li coup la teste e si remen le destrer;
De li fu le meistre très-ben aqité.
Avant curt son chival joins e lée;
Un Sarazin le seui od un dart envenomé,
Si fist le meistre un plaie qe fu large e lée.
Le meistre senti mult bien qe à la morte fu naufré;
Curt à les herberges, où furent herbergé,
Confès et repentaunt e acumené
Morut tut en haste, saunz plus demoré;
Sa aime fu richement à Dieu présenté.
En celé eschele fu oscis sire Roberd de Yer,
Qe mult fu pruz e hardi e vaillant chivaler;
Desuz li fu osciz sun cheval léger :
A pée reraist à tere li bon chivaler.
11 eslut près un mur e combati mult forte,
Diz-set Sarazins entre ly jurent mort,
Et d'espée les oscist qe bon fu e trenchant :
Ben lur mustre le jour qe pruz fu e vaillant.
346 DU BON WILLIAM LONGESPÉE.
Tant ad combatu à pée qe ne pout avant;
Là murra son corps, sa aime à Dieu chantant.
Ore lerrouns de touz ceaux, si diroms avant
De li hardi chivaler les meiliir combatant
Qe par la kristienté puis le temps Rolant
Ne combati en armes chivaler vaillant :
Ceo fu le count Longespéc, qe mult fort combati j
Avant ceo q'il fu mort mult cher se vendi :
Il passa une altre eschele e altre sinqe od lui,
Avant qe vint le vcspre martire se rendi.
linTempler fu le primer, sireWymound fu sun noun ,
0 le count Richard fu qant il ferma Scalon;
Illoqe fu resceu frèr, de ceo avoit-il le noun :
Sa pruesse le fist nomer sireWymound deScaloun.
E sire Roberd de Widele, ke mult vaillaunt fu ,
E sire Rauf de Henefeld pcr la grâce Dieu,
Qe maint Sarazin oscist d'espée moulu;
N'i oui Sarazin, ke si hardi fu ,
Qe en champ le entendit taunt out do vertu :
Mi sire Alexander Giffard li pruz chivaler,
Qe touz fu en armes vistes e léger;
Ceo apparust à un jour qant voleit profiter,
Prendre congé à Sarazins par eaux encumbrer.
Sire Johnc de Brelain, sun chivaler nori,
Qe esleit de Rohan e vent de Normandi,
Qant sun seingneur dust eaider cum seingneur doui,
En le flum tanttost se mist, ne se rendi,
Avant chivachèrunt mult très-durement;
Avant qe furent mors oscierunt plus de cent :
Des Sarazins firent mult martircmcnt.
Chccun curt à un amirel de qor hardiment,
Mors les abatèreut, ne vaut nul garnement.
DU BON WILLIAM LONGESPÉE. 347
Per la mort amireaux, grant cri est levé,
Les Sarazins solders, la gent maluré,
Manacent férement, par Mahun unt juré
James n'aveerunt repose jesqes soint ben vengé.
Sarazins y furent derer e devant,
E donèrent grant coleis à la gent vaillant,
E il fererunt arer ne mi com enfant,
0 espées de asser, qe furent mult trenchanl,
Qar lur launces des pessé en garant.
Ferm tendèrent ensemble li bon chivaler;
Checun près altre solom lui poer;
Qantqe poaint atendre firent demorer
Mort ou détrenché saunz nul merci aver.
Les kristiens vount les Sarazins chasaunt
Com leverers freint bestes vers le boiz fuant ;
Entour ses sinqe chivalers sunt environez,
Un grant ost des Sarazins, de gent eschumengez.
Des chivaux e des armes ben sunt estorez;
Qant veint les chivalers, mult sunt esmaez.
Sire Alexandre Giffard dit à son seingneur :
« Sire, q'est tun conseil, par le Dieu amor,
De celé ost des Sarazins qe nos veint entor :
Dewom cy demorer, ou fuer de poour?^»
Ly count respoundi dunqes de moult hardi qor :
« Issi deist jescun de nos sa pruesse mustrer;
Jà com les chênes les irrum enconlrer.
Pur l'amor Jhésu-Krist, ci volumes dévier;
Pur l'amor Jhésu-Krist venims en cest tere,
Noslre héritage par pruesse conqere.
Celé joie célesliene, pur nul altre affere
Ci ne venims détenir ost ne nule guère.
Mes sire Alexandre GifAird, si vos poez eschapcr,
348 DU BON WILLIAM LONGESPÉE.
Vos qe gardez mes bienes e estes m un chivaler,
Entre mes gentz si départez mun aver,
Qe ma aime soit resceu en joie. Tôt primer,
Donez à povres religions, pur moi cliaunterunt,
E à povres Engleis q'en le ost corabaterunt,
E à povres malades, qe grant mestier en unt,
Eà mésaluz et orphenyns qe per ma aime prierunt:
Donez pur ma aime mon or e mun argent;
Mon trésorer e mes armes donez à bon gent,
Et trestut mes altres bienes donez si sagement
Qe od moi eiez la joie od Dieu omnipotent. »
Un chivaler de Normandie qe fu en la meigné
Li bon count Willam de Longespée,
E à qi monseigneur Willam avoit mult fié,
En haut cria, si dist : « Sire, par charité,
Sire, ce dist-il, l'uiums utre ce flum si lée :
Tant y vient des Sarazins, ne poroms aver duré.
— Ne fuerois, se dist le count Willam Longespée;
Jà à chivaler engleis ne serra reprové
Qe par poour me fui de Sarazin maluré.
Jeo vinge cy pour Dieu servire si ii plest à gré :
Pur ly voil mort suffrir, qe pour moi fu péné;
Mes avant qe soi mort me vendrai chère marché.
• — Si vos ne voilez aler, ce dist le chivaler,
Jeo me vois en haste; ne voile plus demorer.
— Va-t'en, si dist le count, qe avez en penser
Vos-mesmes metter à hunt, n'i ad qe sojorner. »
Heurt à son bon chival, qe très-bien fu armé,
Si se mest en le flum, l'ewe ad emporté :
Li e sun chival néa de son bon gré;
L'aime fu tantost au deable comandé.
Et meint altre Fraunceis se néa le Jour;
DU BON WILLIAM LONGESPÉE. 349
De la vie perdre tant en aveint poour :
S'il se fussent corabatu pur le Dieu amour,
Lur aimes fussent en joie od lur Creator.
Le count manda à frèr Richard si s'en vout aler
Et à sire Rauf de Flaundres, qe mult l'ama cher,
Et à sire Roberd de Widele le hardi bacholer,
Et à sire Richard de Guise qe porta son baner :
« Volé-vos aler ent e lesser moi demorer,
Avant qe m'en alase, lerrai la teste coper. »
Trestouz respondèrent en ire très-graunt
Qe se ne feissent mi pour home q'est vivant :
« Dieu nos seit en aïe e seint Jorge le vaillant! »
Dist chescun pour sei : « A Dieu me comand. »
Dist le count dunqes li bon Longespée :
« Tenoms ferm ensemble, si averoms tut wainé,
Tant cora pourroms endurer, ne serroms dampné;
Si nos serroms oscis, nos serroms touz savé. »
Les Sarazins unt environé les chivalers vaillant,
Ben armé e ben monté, od les espées tranchant,
A pée e à chival , derer e devant;
Li noumbre ne sarroit dire nul home vivant.
Monseigneur Richard de Guise, qe porta le baner,
Et le bon Longespée, li hardi chivaler,
Entre le graunt prese com il se dust torner,
La senestre maine lui fu copé, dount porta le baner ;
De ces moygnuns le rescust, e se teint le baner
Gum hardi e vaillaunt e vigruz bachiler;
Et sire Rauf de Henfeld, le hardi corabatant,
Purl'amor Jhcsu-Krist mult vendi cher sun sanqe;
Et sire Roberd de Wadele le prus chivaler
Qe unqor ala en ost son seingneur eaider,
Et frèr Richard de Ascalon li noble guerrer,
360 DU BON WILLIAM LONGESPÉE.
Mult déservi ben ce jour la joie du celé aver.
Lur chivaux furent oscis, si esturent à pée,
Rcddemenl se combatèrent pour l'amour Dé.
Sire Alexander Giffard est ben eschapé,
L'or e l'argent qe à lui fu bailé
Aqilli ensemble les chivaux e les ad chargé;
Si reprent le chimin vers d'amont la cité;
H saut en le flum q'est longe e lée;
Arriver vout à Diot corn est encomencé
A son scingneur fier le bon Longespée,
Pur départir sun aver com Tout comandc.
Si tost com il furent en le flum entré,
Les Sarazins félons les unt ben esgardé;
Le fu grégeis qe fust chaut sur eaux unt gelé,
Si les unt ars en poudre, ne remist un pée.
Mult fortment fust le count des Sarazins mené;
Oscir ne poant son chival si ben fust armé,
Ne à tere trer le poant li vaillant duré;
Mes del estru senestre fu le pée copé :
Mult graunt doel fu de ce corps qeissi fu manglé.
Qant senti le count qe sun pée fu perdu,
De son bon chival à tere est descendu;
Frcr Richard apel de Ascalons : « Où cst-tu?
Aïez ore, frèr, nos avoras ore perdu. »
Le frèr fust mult vaillant, ne se restraist arère,
Enconforta le count ben en sa manère :
« Ne vos esmaiez, sire. Dieu ora ta prière
Et sa douce mère qe li ad tant chère. »
Frèr Richard de Ascalon son chival out perdu j
Meint pleie en le noun Dieu avoit-il resçu ;
Et sir Roberd de Wadele se combati tant,
Plus ne pout endurer, à Dieu s'en va ad tant,
DU BON WILLIAM LONGESPÉE. 351
Et sir Rauf de Henfeld suii compaingnon vaillant :
Mult belc compaingne teint en tut son vivant;
A Sarrazins firent-il maux et les démanglèrent,
Et asez se vendirent cher eynz qe morèrent.
Sur les cspaules le fer s'aposa le Longespée,
L'espée tranchant en sa main , ne out qe un pce;
ïouz ce qeanqe pout ateindre la teste ad copé;
Ne esparnia haut ne bas, si ben fust armé.
Un soldan dit à cunt : « Rendé-vos hastinienl ;
Ne poez aver duré encontre tant de genl;
Rendé-vos en hast, si vos dirra coment
Vostre corps saverai, e sanera de torment. »
A ceo respound le count e haut voiz escrie :
« Jà ne place Dieu le (ilz sein le Marie,
Qe jammès entre crestiens à nul jour soit oïe
Qe jeo merenge à Sarazins tan qe com ai la vie.
S'il ne soit à lur testes coper od ma cspéc forbic. »
Dunque dist le soldan ke out à noun Mescadel :
« Si ceo ne facez, de Sarazins cuel
Vos frai tôt détrancher com char pur mettre en cel;
Jà ne vos saverei lun Seingneur qu'est si lel. »
En haut cria le count e dist hautement :
« Ore vos savez si vos poez , vilen pudicnt!
James à vos ne altre, pur manace ne pur turmenl,'
Ne refuserai Jhésu-Krist un Dieu omnipotent. »
Dunque fust le count mult forment asalli ;
S'il refert arer od espée furbi ,
Délrenche les Sarazin qe sunt entur lui,
Et totes ures en haut voiz pri Dieu merci.
Dunque dist le count à son cher compaingnon
Qe hardi fust e vaillant , frér Richard d'Escalon :
« Tenons ferm ensemble tant com nos vivom.
352 DU BON WILLIAM LONGESPÉE.
Si vendums cher nostre vie einz qe nos murroum.
— Yolunters, dist li frèr, par Jhésu le filz Marie,
James vos défaudra tan qe com ai la vie. »
Amdeux le bones vaillaiinz ferm ensemble se tindrent,
Pur bien férir lur enemys nule re ne se feindrent.
Li vaillant count de Salesbruie fust dunque irrez,
Eaux deux furent asailli de Sarazins malurez ;
Trestouz les volient trancher de lur bones espées,
Mes eaux arer feront cum vaillanz esprovez.
Li vaillant count hardi saut à un amirel,
Au fd de roi Egipte, si out à noun Abrael;
De sun espée trenchant li donne coupe novel :
La teste li fendi en deux, le corps chct en le gravel ;
Mult très-ben le seingna, sachez saunz faile,
Ben aparust qe sun espée fust de bon taile :
La teste le fist trehaut voler demeintenant,
Le corps chet à son pée, le soldan véant :
Sa aime en porta Ruffîni en enfern chantant ,
Geo vit frèr Richard li hardi e alosé,
Qel coup le count donat al amirel devé;
Tantost se mist avant en mesmes le chivaché.
Et sinqe Sarazins félouns il ad à mort liveré.
Un Sarazin félon vint sur chival curant,
Un espée en sa maine, red fust tranchant;
A vaillant count dona un coup tro pesant :
La maine destre li copa dont tinst l'espée avant.
Donqe fust le gentil corps férement démembré;
Le pée senestre ei fust tolet e la maine destre copé.
Quant avoit la maine perdu, dunqes ce treist arer :
Jhésu-Grist omnipotent fist une tiel prière,
Qe si ceo fust à soun pleisir, pur l'amour sa mère,
Vengement li donast de ceste gentc amère.
DU BON WILLIAM LONGESPÉE. 353
Le liai d corps e vaillaunl sur l'un pée saunl avaunt,
A un Turcois féloun qi out à noun Espiraunt
En la maine senestre prist l'espée traunchaunt,
E le vis ou le menloun li mist avalaunt;
Un altre coup li dona lut en qermisaunt,in'lp mK^
La main senestre dount tint l'espé li fist voler avant :
Dunqe chet à tere le vaillaunt Longespée,
Que ne pout esteer plus sur l'un pée.
Sarazins crierunt inult joiouse et lée;
De lour espées traunchaunz li ount tut raanglé.
Frèr Richard de Ascalon, li hardi corabataunt,
Sur le count chet naufré e senglant,
Pur tote la tere de Fraunce n'eust aie avant :
Quant vit mort le count, mort se rend à tant.
Sire Richard de Guise porta soun baner,
\itson seigneur morir, le bon bacheler,
A plus tost qu'il pout, saunz plus sojorner, '
Chet sur sun seigneur, si li lesce détrencher.
Li count et li banéour et ses bachelers
E sire Rauf de Aenfeld hardi e feers, ^ '**'
' 'il
E sire Robert Widele qi li ama mult chiers,* '
Toutz cinqe sunt occis li bons chevalers,.'^ ^'^ ^
Toutz cinqe ensemble furent ensi occis :'' !^""'
Jhésu les aimes ad en Parais. " *" ''
'.9fnoo of ?Mqjh>
o'fl hfiijorfi h(I
iu linlan f»»f;jO ri.'l
'» »b «il el i:
!• 23
.lrHiGif');;> ;
Bes grttuns Satans ht primes conqutstrent
"■ Urdatgne,
Bibl. Cotton. Cleopatra D IX.
Ci put ho m sa ver cornent
E quant e de quele gent
Les grauntz gestuz primes vindrent
Qi Englelere primes tindrent '.
Al primes fu nomé Albion ,
E qe priniiis i mist le noun,
Ore escotez paisiblement
E dunt vus dirra brièvement
Des géanz lole la soume
Cum jeo l'oy de un sage home
Qi bien saveit les escriptures
Des auncienes aventures.
Après le comensement
Del mound treis mil nuef cent
E sessante e diz anz
En Grase estoit un roy pussanz ,
Qi tant fu pruz e noble e lier
> Oe vers est aussi le quatrième du roman du Rou ; on le trouve répété
à la fin de celte pièce.
DES GRAUINZ JAÏANZ. 355
Qe sur touz rey aveit poer; ,,„ ^^.v,
Reyne a voit bele e gente
En qi engendra filez trente, :
Forment bêles qe tant qrurent, .,, ,, ,. .^, ,
E norries ensemble furent. . mm s^io/ij il>
Père e mère furent granz , ..^^^ ^J|j .j
Ausi devindrent les enfanz ;
Lur nouns ne vus say cunter,
Unkes ne les oy nomer, ? ,,-
Fors celé qe estoit eynez,
Qe mult fu bele et haut levez ;
Mult estoit bele meschine,
Ce fu nomez Albine.
E quant totes furent de âge,
A grant roys de haut parage
Totes les filiez douèrent , ...
tj as haut roys marièrent;
Chescune out roy e fu reyne,
Mes par orgoil de lur méyme ,,,<
E par fierté e grant rage . j '
Purpensèrent grant outrage, ^
Par unt grant damage arroient ; ',^'^^,
Mes rien adonkes ne cuidoient
Qe rien lur pout à mal torner
Ceo q il avoient en penser;
Mes tost après se asemblèrent , ^,^*' ^'.
E coyment se conselèrent ,
E si unt entre eus ordiné
Qe nule ne soit si assoté
De sufrir en nule guise '"^' ■',""'''' '
De estre en autre danger mise , "'
Ne de seigneur ne de veisin . ' ' y '
3«é DES GRAUNZ JAIANZ
Ne de frère ne de cosiiiV^ ';'\ >**''^ '"* ^'^
Ne nomément de siin baruiv, '^^^ od^^iH
Mes louz jours en subjeclion '«"^ M> "^
. Qe li tegnez en danger, ^^^^^^ î"^"'*»^'^
Si avérez tut voslre voler. '^««^ ami-toff 3
Filez èrent au roy de pris '^'^ ^'«'''" ^ ^'^'^'^
Qi à nuli ne fut souzmis, -loibinyab .auA
. ^ Ne ne volient-eles estre, ^" ^'"'''^" y':^
Nule ne voleit aver mestre (.<> ^'^^ ^'» «^'''" j
Ne estre souz nuli détrescej^^'^fP ''^'^^ ^^*^^^
Mes tut dis estre mestresce '^'^ ^'
De sun seigneur et quant qu'il out.'^'* ^''''^
A chescune cel conseil plout, '<"^'« "' ' '
De lur seignors à lur voler ^ '^^'^^ ^"'^''l> ^'
Ne se volèrent abeser-;^f>^t;>'''«^^''S^
De fèretote lur volume.
De quant qu'il unt en pensé
Entre eux issinc asseurèrent
E par lur feiz affermèrent ^^'^ ; ■ ''^
Qe chescune tut en un jour ' ''' /*''*^
Occirreit mesmes sum seigneur "'^H^'- '
Privément entre ces braz*\^"'^;8i"^'''^=J
Quant meux cuide aver solaz. ^^ *' *'^. ''•"
Un certein jour assignèrent i
A faire cum purparlerent ; '
Totes unt ceo en voleratez ^ J ^^^ ^,,, ,=
Fors qesoulement le puisnezl . - V
Celé ne voleit mesprendre rien
Vers sun seigneur, q'ele eime bien.
Quant lut lur conseil unt ime,
En lur pays sunt retournez.
Geste chose purparlcc "
Kl CONQUlSTREiNT BRETAIGNE. 357
Rien ne plout à la puisné, ;^, ^i ,;• ijua h
Qe sun seigneur à tant eymc' ''mai ca r'> 3
Qui ele fet sum cors demeinCy j jio8 slo'U
Ele ne voleit à nul feur e*<i^ aeq Bioaisb o7.
Damage veer de sum seigneur;,q noa 8i97
Mes quant furent à parlement, znobdtTi/
Ne's osa contredire nieni ; Tjna JubT
Kar si ele ust rien contredist, ; jnua JluM
Murdré la usent sanz respit^i maSu JuJ 3
Dieu li anvoit qe lors se tint: >!|ji gsa 9(1
Si tost cura pout, al hostel vint jm /ot il 3
Quant \'ist sun mari, sun doel crusl<îOO ad
E quant sum seigneur le aparçust 9 elsifl
Q'ele fesoit mourne semblant , ^ i^ili) sa8
Si l'a demandé meintenant ^ n^biv il b aQ
Pur quei ele esloit dolent; <• rnjl Jneup 3
E la dame, qe mull ert gent, ,-, ^\ yot iJ
A piez sum seigneur descendi ,. nom fil od
En plorant li cria merci , u -juuDasrfo oQ
De sun trespaz merci cria jifilcm Jncig ifi'l
E de la trayson li counta onorbob JneiO
Cornent ses soers à mult grant lortribb aoJ
Li fesoient jurer sa mort , ,.-, t;t;ie» p 000 î>Q
Là où de ceo n'avoit talent. h noa^^S'iJ û 9(1
E sun seigneur hastivementriAp 05^ c[ jnufl
La prist mult tost entre ces braz , do ^^¥.
La beise e fist greignour solaz ;iub îu9/ o?>
Qe fait li avoit unqes mes. >o nyii 8i>M
« Dame, fait-il, tenez en pès, a voî il ici)
E lessez passer la dolour. »aa/ fte>l s»oJ al)
L'endemain à point de jour>Dib;ffl lul ioo*l
Se apparila pour losl aler no ip ^oiàq 'iwJ
358 DES GPxAUISZ JAïAiNZ
A Sun père ou li parler, '■• Hrofcj an noi>l
E à sa femme dist ensi 'ni'^iwBdiJ
Q'ele seil preste de aler ou li. ] olo iiii)
Ne demora pas grant pèce, '■
Vers Sun père roy de Grèce
Ambdeux lur voie tindrenl; ''* "'^■''
Tant errèrent q'iL vindrent.
Mult sunt à roy très-bien venuz,
E tut sicum fust avenuz
De ses filiez li unt conté,
E li roy fust lut espounté ^*oq m.
De ceo qe sa fdle li dist. ' ""8 l>^-i/ ]iJt-;i<</
Brefs e lettres escrivere fist; nw' Jnn.-
Sez filiez manda erraument ?'< a -
Qe à li viegnent hastivement ,
E quant furent touz assemblé,
Li roy les ad arésoné
De la mort e la trayson
Qe chescune de sun barun ,
Par grant malice, avoit pourveu ,
Grant déshonour lur est acréu.
Les dames sunt touz espountez
De ceo q'eles sunt acovrez
De la trayson dunt sunt reltez^'jo ^ji» ^i- «ii
Dunt jà ne serrunt aquitez ; '« ni/? d
Mes chescune à sun poer i^i'^q 'J '
Se veut défendre par jurer; ^-^i''^' ' ■■
Mes rien ne vaut le contredire, >*'i; «i ii
Car li roy out si grant ke »<•;' ,oin«;<i
Qe touz les veut mettre à moPt'^<;q v-js*»)! A
Pour lur malice e pour lur iorti'i«"«''b!i - î
Lur père, qi out ire grant , i i;ii i«q«i'
Kl CONQLISTRENT BRETAIGNE. 359
Tant les ala arésonant mî leq ànibio w i
E tant les ad examiné fi^.hsi soJoi -u'-j
Qe rien ne poiit eslre celé i; g^oH
De ceo qe pourvéu avoient . aiuoi xooj A
Quant à lur conseil estoientîfl9fjf3nfjî jgûD
Par lur père que fu coynte ay^n'i ji'>8 uO
Fusl chescune là ateinle) ,jo1 yp Jfeih tnoH
De celé malice desraée /
Fors soulement la puisnée, uji xoaoK:
Qe tut counta à sum seignour, ',^q ,49^1
Qi puis la tint à grant honour. ,.jj) f)o
Quant chescune fu ateinte \ gajoJ dp ëèU
De la dolerouse pleinte, .\iiq 3
Touz furent à dolour pris . rj<jo ùQ
Par lur père e lur mariz ; ;,vo« xafi<'^
En forte prison furent botez j^mg s'moWf
Pour lur mauveise iniquilez ^y^'n lun eôM
Grant penance là suffrircnt ' -q
Ejuy se attendirent O
Si là qe par commun assent} n\ «ism el n3
Fust ordiné lur jugement; yjbnu esJ
Mes les juges, qi furent sage,;-q uun^ nH
Pur l'onur de lur parage, è^i 9 toi ni sO
C'est à saver de lur père, .>iob Jfung n'a
Ausi de lur bone mère, ; salizo iniîoQ
Qe si noble gent estoient, t in&iui Umiï
Qe par tut l'empire avoient, < i: s *
E pur l'onur de lur barons
Qi tindrent riche régions,?9/i/ 110 \iofii i8
Unt agardé q'à dreit ne à tortaonîi.h y.aiisO
Ne deivent suffrir vile mort; • ■ •'
Mes par commun assentement
360 DESGRAUNZ JAUNZ
Fu ordinc par jugement '>'''* «Ifi aâ>l JucT
Oe tôles scient exilez simfiz;j \'>; ^ol iiicj :j
Hors du païs où furent nez ,
A louz jours sanz repeirer. 'i t " j »
Cest jugement estuet suffrer, "J^ - ^'^('•uV
Ou seit envys ou seit à gré : {<!'«
Hom dist qe force pest le pré.
A grant dolour c sanz resort
Menez furent à un port
Ben près d'illock, à la mer;
Où ceo fu ne vos sai counlerj'^ f>i «<"«.'
Mes qe totes furent prises Ji^* ;i«0(binctj(,'
E puis en une nef mises ^ ^ ' ' "
Qe estoit forte e grande,
Sanz governail e sanz viande. lul in'i
Ylloqes grant docl unt démené, 'i -
Mes nul n'a voit de eux pité, • tuoH
Pur lur grant iniquité • 'i; " t^
Q'enlre eux fut purparlé.
En la mer la nef botèrent, «««o jkiiî
Les undes la nef chacèrenl ' inii»» ^
En grant péril sa e là; '•? - '
De la tere les esloigna.
En grant dolour sunt ore mis
Quant exilez sunt de lur païs .iJi j'l, i ../
Dunt furent riche reynez , , î>ldofl i;-. »<.■
Ore sunt-il povre bégynes; "•" ' "" •♦•i
Ne scevent quele part devedrunl,
Si morz ou vives eschaparunt. .., ,.imii it-
Gestes dames unt grant peine ; blnu'^r Ja l
Aventure la nef meine, Uvyfhh '>/.
Les grant venz par mer la chaceut jr.tj ^^\f
Kl CONQUISTRENÏ DRETAIGNE. 361
E les undes la nianacent; i l'fn o{« ox) vi'l
Mes rien tant de mal ne liir fel ii\ JntwO
Cum la famine qe lurcresl; /.m éldo r,d
Car rien n'avoicnt à manger; ' ■ îftcb aoJ
Mes pur le péril de la mer «^oJ lui ^1
Pitousement waymentérent 'jioj^JiiunO
E la famine ubliérenl.j» y lâJ jh <iéiq ig ai»
De lote part sunt turmenté : A i>l> JeoJiiBr
Morir volrenl de bon gré, Icm-8*ji) ÙO
Chescune granl dolur allenl;!'3oa jho aèM
Car en la mer leva un vent < 89]ol inn/A
Qe la fist qeslre e lever, luiq Jn'i
E les granz undes revirer, '
E tressailler fist la nef amount
E puis flatir à plus parfount,)q firjij gI 'M
E tant là tuna envirun ! go'iluc
Qe les dames en paumeson:;; ^ip /Ion i:- i.
Fesoit chaier et giser ' ^ l^-b î) iu*]
Per trois jours e trois nu^'lz enteRio/c li'Q
Qe de rien ne se movèrenl, «j ouuoaddiJ
Mes tut diz en travers gisèrenl,;! iucig loJ
Endementes les enporte ;- iaiA jyj aQ
La tempeste qe fu forte, ^qjnoJ d lu'l
E les chace par grant travail j/e («(j-l
Qe près sunt venuz à un rivailuvi i bîJtJi/d
Quant fu cessé la tempeste, jèau li', '
Cum nos trovoms en la geste, ,g« 'I o
Le tens devint cler e suef, n jm/jg •!<.
E tant par west chace la nef
Qe à la tere est hurlé
Qe Engletere ert ore nomé;
Mes en ceo tens sanz noun estoit, ) ^naAt)
362 DES GRÂUNZ JÂlANZ
Pur ceo qe nul home n'i manoit.Miu «*j| A
Quant lamer retrete fust, ' noii ?6t'
La nef à sèche tere géust.
Les dames tost esveillèrent
E lur lestes sus levèrent.
Graunt joie treslotes eurent aiaeiioji •
Qe si près de tere furent; .."...i; :> ;!iut:i ni t
Tantost de la nef issirent ., ,
Où très-malveis sojour firent j
Mes cele soer qe fu eyné
Avant totes se est hasté; -in ; h;
Tut primerine en saillant
La liere prist tut en estant 5
Cele qe fu nomée Albine
De la tiere prist seysine, msj h iiJ».h -rîiuq .!
E les autres hors saillèrent
De la nef, qc fèbles èrent
Pur la dolour e le juner
Q'il avoient en la mer.
Chescune à liere se assist, > v
Lur granl famine les reprisl ^'>^'
Qe lut fust ubliè devant
Pur la tempesle qe fu grant.
Feym avoient à démesure,
D'autre rien n'avoient cure > -. -.
Mes q'il ussent à manger, «♦! ^nanU
Mes ne 1' savoient où Irover,
Mes par grant nécesseté
Les herbes crues uni mange . ".f > ..
Dunl granl plenlc i Irovèrcnt, < f;? ?' '>v^
E des fruiz qe es arbres èrent,
Glons, chasteins e allies
Kl CONQUISTRENT BRETÂIGNE. 363
Suslindrent bien lur vies,
E des espiiies les pruneles,
Botouns de haie e raeeles,fi Jtjoniaidfijibn
Peires, pou mes q'eles trovèrenl;
Autre viaunde ne mangèrent.
Totes sunt en grant pensé,
Ne scèvent où sunt aprimé
Ne coment ad noun la tiere,
Ou seit de pès o seil de guierej ,i- : ... .
Là lur covent sojour fère, o^ ttouï b{>\
N'estuei ailleurs autre qère. ► orioi si :jV
Quant revigurez estoient
De la dolur q'il avoient, .;!> .i)
Amont alèrent en la tiere ; '^ i
Pur espier e enquère
Quele gent i habitoient
E quele vie démenoient.
En la tiere tant alèrent
Qe par mi tut la cerchèrent,
Rien ne trovèrent humeine ma ftsioT
En boscage ne en pleine,
Ne en valey ne sur mont ! > - .
Qe haut e bas illoqes sunt; ïiiioa
Home ne femme ne trovèrent, anuJnol eôW
Dunt grantment s'esmerveillèrent,ii>i oJao')
Ne nul rien unt aparcéu ■ j iab i iJ83
Qe unqes gent i fust venu, . . ti! ul o-j. îfiL)
Mes bêle forest e boscage ^i'jq oriol cl i»ui>
E meinte beste sauvage «m lI oh lia^i 1/
I trovèrent à grant fuysun 'm lè
E grant plenté de oyseloun, ...--, ,j, iiaiH
Sur tiere e en rivers , ni oi inmi'iHnoH
364 DES GRAUNZ JAIANZ«30 IH
Qe de pesson sunt picners, linfiihailBUf'^
E de encosle praieries *^'>f -ioniqao et»b d
Délilableinent flories, il sb anuoJod
E les oyseux qi sunt sauvages q ,391 io*!
Chauntèrent haut en les boscages^i' 9'ilijA
Qe les ad mis en grant confort; tu^. 8f>JoT
Mes quant voient qe par nul sortiiovèoa 'jV.
jNe purrount jà aver poercwi bb insunoo 0/.
De lur pais recoverer, ' • A) fiv. uO
Mes bien scèvent e certeinz sunt od iid rJ
Qe la terre qe trové unt : aruollic Jt*uJ8i>y
Un(|es ne fu en habitée » x5»Tugi/î)T JiiguO
Par nul home de mère née ;.''{) lufob cl o(l
Ceo unt-il trové tut apert a yiifïn JnoiriA
Qe tut dis ad esté désert ; ^^iqfe^ lu^l
Adonk disl la soer eynnée 110^ olouQ
Qe estoit Albine nomée ::,..: ,l 'jW olaup TJ
« Trestotez sûmes exilez 1 -nci omi cl n'A
De la terre où sûmes néez, JhJ ï«i 'wq 'j<J
Totes savez la desserte înoià/oiJ ao «sc/l
Par unt nos avint la perte '>n t)j>cDf»od n^l
Qe mes n'en ert reslorrc : ji\ \(al(;v no o/i
Tiele est noslre destinée ; 'îi gnd a Jiicd oQ
Mes fortune nos ad grauntéciimyl on aiiioli
Geste terre où avovvé a jiijniJneag Jnuil
Estre dei e cheveteine, ic In» noii km 0/
Car jeo fu la premereine 1 i Jnog aopn» t)Q
Que la terre prist seysine ^oîoI olod aôM
Al issir de la marine; idod oJniooi a
Si nule veut contredire .u i<^ r. Juotj/oiJ I
Rien (je touche la matire, *; iiolq iiic'jy y
Meinienant le mostre à moi • aiaiJ m)'-'
Kl CONQLISTRKNT BRETÂIGNE. 365
Pur (juey eslre ne le dei. >» uiv n
Communément li iint grauntée ■
Q'ele seit lur avowée.
Dunqes dit la dame Albine : ?9 o gsln /o'j
« La terre avomes encline, wiamaJia'iJa^
Dunt ne savoms le noum dire,
Ne si unqes avoit sire;
Pur ceo de moi qe fu fefTée
Deit la terre estre nomée ^riq gioq li JnuO
Âlbine est mon propre noum,
Dunt serra nomé Albion,
Par uni de nos en ceo pais
Remembraunce serra tut dis, gntioloayo'')
Qi nos covent tut dis maner, jn^m JncwO
M'avoms cure ailleurs aler; '
La terre est pleine de touz biens.
Mes qe viande n'i faut riens. »
Mult unt désir d'avoir viande ^i^\ gjijjp nA
Tel cum lur quer demaunde. ' ?.^] -nx^ [\
Restes veient à grant plenté ; , ; ,- , -
E oyseloun dunt sunt temple;
Volenters les mangereientf^iua'jl Jlijm mu(]
Si entre meins les avereient. lol oh r-
Totes furent en grant pensé çim ajv ,, „ ,
Coment pussent à volunté ^ooio) lul oU
Aver beste ou oyseloun 'naïul nml 11
Dunt il avoit grant fuysoun. ,->, gp (uni dCI
Assez sa voient de chacer •-
Quant avoient lige poer, _
E de boys e de rivère h oioliiif ^ oJ
Bien savoient la manère; .|> û inuom
Mes lors n'avoient nule rien^ ob lig-jij tl'1
366 DES GRAUNZ JAIANZ
Ark ne sele, faucon ne chien
Dunt preissent oysel ne besle
Qe manger pussent à feste.
Coyntes e engynouses èrent, ?'>pfni(l
Eslreitenient se purpensèrent, s /cioj r i
Dunt par grant avisement >n Umil
Engyns fesoient plus de cent. :' ^ '^'^
Des verges firent hardilouns
Dunt il puis pristrent les oyselouns,
Divers engyns sovent firent,
E si coyntement tendirent
Dunt les bestes décevoient,
C'oyselouns assez prenoient.
Quant urent pris à volunté,
La veneisoun unt escorché;
Des caylious unt feu alumé,
Busche avoient à plenté.
En quirs les bestes quissirent u ilol/
E par les brèses rostirent ' ■ î' 'I
La veneison e les oyseux
Qe pris avoient bons et beaux,
Dunt mult léement se péurent
E ewe de fontayne beurenl î -- n\-> :
Tiele vie tant sustindrent '- îm:;'' .^oir/T
Qe lur forces tut revindrent,
E bien furent reviguré > uo «ji^fid loy/
Du mal qe avoient enduré : 'mn li jno'l
Quant char e sanc reperneient 'v i > » > v
Grosses e grasses deveneient.
La chalure de nature
Les somount à desmesure, in layn.^. j: s
Par désir de lécherie, . '. ' .»/
Kl COjNQUISTRENT BRETAIGNE. 3G7
D'avoir hunieinc cumpainie :
De ceo sunl mull sovenl lempté;
Ceo aparceiireni H mal fée
Qe sunt apellez incubi,
Ceo sunt espirilz , jeo vous di, i A
Qe tiel poer lors avoient iO
Humeine forme pernoient;
Queqes ceo la nature,
Ou femmes firent mixture,
Quant en délit les trovèrent,
En cel point les pcrgisèrent.
Sovent enfanz engendrèrent,
E lost après s'envanèrent.
A les dames avint ensi,
Quant lur délit les assailly,
Mult prest esteient li malfée
De pa remplir lur vol un té
En la forme avant dite.
Ne fu grande ne petite
Qe ne fu prise de un malfée.
E là furent engendré
Enfaunz qi géaunz devindrent
E après la terre tindrent.
Tut lur délit acumplirent,
Mes les dames rien ne virent
Ceux qi pargiéu les avoient, 'il
Mes qe soulement sentoient
Come femme deit hom fère </i
Quant s'entremet de tiel a fère.
E quant furent de meur âge,
Les enfanz par grant outrage
En lur mères engendrèrent
I t
368 DES GRAUNZ JAIANZ
Filz e (iiles qe graunz èrent. (nuii ùmnil
Les socrs de frères conceurent
Filz e filles qe mult crurent;
Grauntz gentz de cors devenoienl
E graunt force en eux avoient, lauz o'il \
Grauntz èrent à desmesure
E de cors e d'estature,
Ceo puet home mult ben sa ver,
Par les grauntz os qe hom puet Irover
En mult des leus de la terre
Qe vodra cercher e enquere :
Appelaunde en cité
Puet hom trover à grant plenté
Dentz, jambes e costez,
E quissez de quatre péez,
Espaudles ad hom bien véu
Ausi large cum un escu.
Dunt mult de gent sunt en esmer
Si puet estre faus ou vier
Si unqes furent tieles gentz
Qi portassent tiel ossemenlz.
A regarder hidous èrent, , ip soi;
Car malfez les engendrèrent;
Des deables furent engendrez ,
E les mères dunt furent nez
Furent grandes et mult corsues;
De forte gent furent venues,
Par réson si doivent estre
Les enfanz qi doivent nestre
De liele gent cum cil èrent, înr»np ?I
Qe les géaunz engendrèrent :
Tôle gent de faicrie, : tui ni
CONQUISTRENT BRETAIGNE. 369
Miill granlment se multiplie^
Par la terre se partirent,
Caves en terre firent,
Grant murs entour funt lever
E des fossés environner ;
Sur montaines herbergèrent
Où meux estre en séur quidèrent;
En mult de leus unkore i pièrent
Les grant murs qe cil levèrent;
Mes mult sunt ore abessé
Par tempeste e par orrée.
Celé gent la terre tindrent
Ci là qe les Bretons vindrent,
Ceo fu avant qe Dieu fu née,
Cum par acounte ai trovée,
Mil cent aunz e trente-sis,
De ceo soiez certein tut dis,
Del tens qe les dames vindrent
Qe primes la terre tindrent
Deqes au tens qe Brutus vint
E la terre à force tint,
E le noum Albion osla
E pui Breistyne la noma,
Si cum la cronike counle,
Deux centz et sessaunte amounte.
Tant de tens , ceo fet à crère,
Les géaunz tindrent la terre;
Mes quant celé gent desraée
En terre fust multipliée,
Chescun divers pays prist
Où sa mannauntie fist,
E là vesquy chescun par sel,
H. 24
370 DES GRàNTS JAÏANZ
En tiel orgoil et tiel desrai
Qe chescun à sun poer
Yoleit autre sourmounter;
Car chescun tant se alfioit
En la force q'il avoit
Qe nul de eux autre ne dotea,
Mes chescun autre despisa,
E chescun vencre bien quida,
E tost à ceo s'aparailla
Pur conquère par mestrie
La terre e la seignurie;
Tantost entre eux sourdi contek,
Chescun à autre (ist eschek;
Sovent se entremedlèrent
E sovent se entre-tuèrent;
Tant sovent se cumbatoient
Qe de touz ne remanoient
Fors soulement vint e quatre
Qe vindrent à Brut combatre,
Quant primes la terre prist;
Mes Brut trestouz les desconfil,
Sauf un qe fust lur avowée,
Qi Gog Magog fu nomée,
A qi la vie Brut donaj
Car mult de li s'enmerveilla
E de la grandour q'il avoit,
Car de vint péez de long estoil,
E de li voleit enquere
Cornent vindrent en la terre,
E dunt e de quele lignage
Pristrent primes parentagej
E il trestut à Brut counta
Kl CONQUISTRENT BRETAIGJNE. 371
De lur origne cornent ala,
Cornent en la terre vindrent
E cornent après se contindrenl,
E cumbien de tens fu passé
Q'en la terre pristrent sée,
E cornent furent engendré
De chief en chief H ad counté,
Si cum il einz avoit o_y
De ceux qe furent avant li ;
E Brut trestut fist remembrer
Qe autres après pussent saver
La merveille de la geste
Pur counter à haute fesle,
E qe hom puet aver en mémoire
La merveille de l'estoire.
Oy avez la vérité
Come la geste vous ad counté,
Quant e coment e dunt cil vindrent
Qi Engleterre primes tindreni
E de quel noum estoit nomé
E de par qe li ert doné,
E cum bien la terre tindrent
Avant ceo qe Bretons vindrent,
E le premer noun estèrent
E Bretaigne la nomérent.
Tut est bon à remembrer.
Rien ne grèvera de saver
Les diz e les escriptures
Des auncienes aventures.
De Dampne-Dieu seit-il benêt
Qi en escripture les mettei.
Amen.
jPtdonsi et |)roi)frbf0.
Ms. Harl. 4677.
Cl CimiME.^CEXT LES ÎRE\TE-S1S MESTRES FOLIES '.
£ ki beu les entent
Trente-six sens apreiit.
Ki nul bien ne scet ne nui voitaprendre,
Ki mult acreit et n'ad dunt rendre,
Ki tant dune ke rien ne relent,
Ki tut promet et puis ne dune nient,
Ki tant parole ke nule ne l'escute,
Ki tant manace ke nul ne 1' dute,
Ki tant jure ke nul ne li crait,
Ki demande quanque il n'ait ,
Ki à foie enemi sun cunseil cunte,
Ki por autrui amer sei-meime«s met à niunte,
Ki rien ad en burs et tut bargaine,
> M. Halliwell , dans ses Reliquiœ antiquœ, qu'il publie de concert avec
M. Wright, a donné, d'après le Ms. Gg. I. 1. de la Bibliothèque publique de
Cambrige, du temps d' Edouard 1 1 , cette pièce, réduite à trente-deux manières ,
de folies. Nous l'imprimons ici d'après le manuscrit du Musée Britannique,
qui est plus complet; elle n'est pas portée dans le catalogue au nombre des
pièces que contient ce manuscrit. Voir ci-dessus, p. 6, une pièce analogue
à celle-ci , intitulée Des six Manières de Fols.
DiCTOrsS ET PROVERBES. 373
Ki à scient tut pert et rien ne guaine,
Ki tuz het et nul guères li aime,
Ki plus fet en un jur ke plus ne poet la semayne ,
Ki por estrange enchace le soen privé demaine,
Ki à tuz creit e nul ne le poet créer,
Ki trop se entremet de chose dunt il n'a kc fère,
Ki en tens de bone peis désire la guère,
Ki altres blâme dunt il meime est cupable,
Ki se fi en chose ke n'est pas estable,
Ki faus e fel e fol escute et trop le contoyc,
Ki à sun seignur lige trop se desroye,
Ki fous est et plus fol se fet ,
Ki trop s'en joist de son mesfet ,
Ki n'ad ki li sert et il meimes ne volt ,
Ki trop se esmaye quant fère ne le estot ,
Ki ben poet eslir et se prent al pir,
Ki tuz quide veincre par estut et par mesdir,
Ki pur autre son bien desaudre,
Ki tant s'avaunt ke nul ne l'alue,
Ki bien ne volt fère ne altre le lésez ,
Ki quide ke ben seît quanquez li pleisez,
Ki mult em prent et nent ne achève,
Ki saunz drait e résun sun an)i grève,
Ki trop fet de mal et nent se repent,
Ki bien ad fait e puis se repent,
Ki cestes folies aprent, trcnie-sis sens aprent.
Ki ben les tendreit en maint lin amé serra,
Par coe wus pri sur tote riens :
Lessez les mais, fêtes les biens,
Ne sèez pas envions ne plains de ire.
No jamès à vostrc voile
Ne wous lessez vaincre orgoile;
374 DICTONS ET PROVERBES.
Fêtes bien pur mielz aver ;
Si freez sen e sa ver.
Ms. Harl. 4043.
Février de tous les mois
Le plus court et moins courtois.
En mars me lie, en mars me taille,
Je rends prou quant on m'y travaille.
Le curé disoit : « Les pasques pluvieuses
Sont souvent froumenteuses. »
Et son clerc respondoit :
« Et souvent fort menteuses. »
Depuis Pasques au jeu ,
Depuis Noël au feu.
En may rosée, en mars grésil ,
Pluye abondante au mois d'avril,
Le laboureur contentent plus
Que ne feroyenl cinq cens escux.
En mars quant il tonne
Chascun s'en estonne;
En avril s'il tonne
C'est nouvelle bonne.
En mois d'aoust et de juillet,
Bouche moite et l'engin sec.
Dès le Sainct-Marlin
Boy le nouveau vin.
Qui voit à Noël les mouschons
A Pasques verra les glaçons.
La lune est périlleuse au cinq ,
DICTONS Eï PROVERBES. 375
Au quatre, six et huict et vingt.
Prens du temps la règle commune
En premier mardy de la lune.
Le soleil fait par excellence
Au samedy la révérence,
Du dimanche au matin le pluye
Bien souvent la semaine ennuyé.
Vendredy de la semaine est
Le plus beau jour ou le plus laid.
Pauvre laboureur, tu ne vois
Jamais ton bled beau l'an deux fois ;
Car si tu le vois beau en herbe
Tu ne l'y verras pas en gerbe.
Janvier le frilleux ,
Février grésilleux ,
Et mars le poudreux,
May clair et venteux
Font l'an et l'om heureux '.
• Nous avons trouvé encore dans le Ms. Arundel 220 les proverbes sui-
vants. Ceux qui n'ont aucun signe sont inédits ; les proverbes précédés
d'une croix (f) ont été publiés avec des variantes , et ceux précédés d'une
astérisque (*) sont imprimés textuellement dans les Proverbes et Dictons
populaires aux IS« et 14c siècles. Paris, Crapelet, 1835, grand in-8".
Few de fere,
Raspe de eawe,
Gasteu de aveigne,
EncljTi de moyne,
f Promesse de esquyer,
•j- Enbracie de cbivaler.
Serment de ribaud ,
Lerme de noneyne,
Mensonge d''erbeyr*,
-f Rechynne de anne,
* Voir le Dil de VErberie, dans mon édition dcj OExivres complètes de Rate b eu/,
l, I , p. fflO.
376 DICTOINS ET PROVERBES.
* Abbay de chyn ,
Huy de willeyn ,
-|- Maunger de norice,
Acoyscement de enfant ,
* Councile de apostoyle,
* Pleyt de mariage,
* Parlement de roy,
f Assemblé de borjois,
•f Turbe de willeyns,
f Foule de garsouns,
* Noise de fferae,
* Grete de gelyns,
* Marteleys de ffeverys,
Buleyterie de bouleneers,
* ïrébucye de chareterys,
Anée raas,
-\- Elle de lous,
-J- Crucye de toneyr,
* Avarisse de proveyr,
* Coveytisse de moyns blauns,
* Envye de noyrs,
* Mellé de ribaus,
* Descors de chapitels,
Mensonge de pereceous,
* Desléutés de plédours,
* Orgoyl de templer,
* Bobbant de ospiteler,
Touz ceuz ne valent un dener.
CHANSONS.
£a ©fnue ht Bitn à 3lrras '♦
Ms. 184, suj^lémcnt français, Bibliothèque Royale.
1.
Arras est escole de tous biens entendre :
Quant on veut d'Arras le plus caitif prendre,
En autre païs se puet por boin vendre.
On voit les honors d'Arras si estendre,
Je vi l'autre jor le ciel là sus fendre :
Dex voloit d'Arras les niotés aprendre' :
Et pbr li doureles
Vadou vadu vadourenne.
Quant Diex fu malades, por lui rehaitiei
A l'ostel le prince se vint acointier.
Compaignons manda por estudiier :
Pouchins li ainsnés ki bien set raisnier
> Dans le manuscrit , cette chanson est précédée d'oo grand nombre
de motels notés en musique et sur des sujets profanes.
3 Cette chanson du xm^ siècle est curieose en ce qu'elle roule sur un su-
jet analogue à celui de Déranger :
Un jour le bon Dieu s'éTeillant, etc.
378 CHANSONS.
De compleusion d'astrenomiier.
Je vi k'il fist Diu le couleur cangier,
Car encontre lui ne se seul aidier,
Et per li doureles
Vadou vadu vadourenne.
Diex a fait mander Robert de le Pierre,
Car dou viel Fromont seut-il la manière
Si vint Ghilebers, Phelipos, Verdière,
Et si est venus Roussiaus li tailliére.
Ghilebers canta de se dame cière :
Diex dist k'il siura tous tans leur banière.
Et per li doureles
Vadou vadu vadourenne.
Breliaus s'est vantés k'à Diu s'en ira,
Plus que tout li autre l'esbaniera.
H fist le paon, se braie avala,
Celui de Beugin trestout porkia.
Diex en eust tel joie, de ris s'escreva :
De se maladie trestous respassa,
Et per li doureles
Vadou vadu vadourennes.
Or est Diex waris de se maladie.
Garés vint laiens, ce fu vilenie.
Et Baudes Becons, ki met s'estudic
En trufe et en vent et en merderie.
De leur mauvaisté Diex se regramie,
Quar se grans quartainc li est renforcic.
Et per li doureles
Vadou vadu vadourennes.
CHAiNSOlNS. . 379
Puis fist Diex mander un grant maistre wike :
De tous boins morsiaus seut-il le fusike;
Il n'a sen parel dusk'en Salenike,
Ne milleur de lui avoec home rike.
Quant voit le ronssole durement s'estrike,
Et per li doureles
Vadou vadu vadourennes.
II.
De canter ne me puis tenir;
S'est drois ke cançon face.
Or m'en doinst Diex à cief venir,
K'as courtois mal ne face;
Mais por rougir le face
Doit-on des mauvais recorder
Pour faire leur vie amender.
Li hom quant au couniencement
Le cose loe et prise,
Quant il vient au grant sairement
Çou k'a loé desprise.
Loiauté n'a point mise
En sen cuer, mais grant fausseté;
A sen oés fait trop grant viuté.
Je ne vos os nomer nului :
G'i aroie damage;
On voit tout cler voir aujourd'ui ,
380 CHANSONS.
Par faus eskevinagc
Va no cités à rage,
De coi li pais est destruis :
En Arras, voir, assés en truis.
Se je nome les Frekinois ',
Ce seroit vilenie;
Ne Cosselens, ne Poucinois,
Ne ex ne leur maisnie.
Je ne nomerai mie
Garel, voir, car il est preudom :
D'infer ara le grant pardon.
Certes, çou est grans estrelois
Et s'est cose grevaine,
Vint mile livres de tornois
Cousta ceste vintaine :
Li cose en est certaine.
Teus se plainst, je sai tout de voir,
Que ce fu por le brice avoir.
Je me Ip moût des Poucinois
Et de trestous les frères;
Jakes est sages et courtois
Et Simons est souffrères;
Cholars n'est pas nientèrcs,
Pakés reset toutes les lois,
Ki set entendre sen tiois.
> J'ignore complclemenl le sens de ces expressions; mais il est évideii
que celle chanson , comme celle (jui suil, esl une salire conlre Tadminis-
tration municipale d'Arras.
CHANSONS. 381
N'os nomer Robert Maraduit ;
Plains est de courtesie.
En loiaulé a le cuer diiit,
Ce dist bien se maisnie;
11 het trop vilenie :
Ne sai niilleur de sen jovenl ;
Jou l'oï dire Floevent.
On me tenroit voir à musart
Se pareil des Cipauwés,
Du gentil cuer Henri Nazart
Et de ses grans lubauwés;
N'a pas paroles flaûwés,
Ains est prendom; se je ne ment,
H set bien faire un testament.
Je n'ose nomer Audefroi,
Trop est de grant lignage;
11 fu preudom , si corn je croi ;
En sen eskevinage.
Il eut bien tesmoignage,
Par foi, k'il fist le taille à point,
Mais li abés après l'en point.
Willaume as paus ala souflant
Com cil ki le set faire;
Audefrois en ala enflant,
Je sai trestout l'afaire;
Taille convint refaire
De coi li abés fu déçus ,
Car ses contes fu tous boçus.
382 CHANSONS.
III.
Arras ki jà fus
Dame sans refus
Del pais,
Tu es confondus
Trais et vendus
Et haïs,
N'en toi n'a deffense
Se Cil ne te tense
Ki en crois fu mis :
Ti vilain ouvrage
T'ont mis en servage,
Por ce en dirai gnif ' .
E Arras li biaus!
T'es vile roiaus
Des cités,
Se tes apoiaus
Fust vrais et loiaus.
Faussetés
N'i éust poissancej
11 n'a vile en France
De ci dusk'à Miaus
Qui fust plus cortoise.
Te maie despoise
Me fait dire : gnauj.
' Cette chanson , outre son ton satirique, est encore remarquable par la
singulière exclamation qui termine chaque couplet.
CHANSOiNS. ;}83
Je me sui perçus
Frekins as sorcus
Est tous mas.
Ausi m'ait Diex,
Texen fjstses jus
Et ses gas
Partie vaut la face
Li parra tel trace
Quant poins en venra 5
Qui d'autrui pesance
Veut faire beubance
On en dira : gnaf.
Ore est aparans
Li maus de lonctans
Porcaciés.
Il a bien trente ans
Que li premiers pans
Fu tailliés
De le trenquerie
Dont li bourghesie
Gist ore entre pies.
J'en ai grant engaigne :
Leur mauvaise ouvraigne
Me fait dire : gnief.
Li gros grains dékiet ,
Jedi, qui k'il griet,
Oïant tous,
Quant al un meskiet ,
A l'autre bien siet.
Tous jalons
384 CHANSONS.
Est cascuns d'esbatre
Le verghe à lui batre :
Nus n'est paourous
De honte entreprendre :
Je's en voel reprendre
Kt s'en dirai : gnouf.
Certes, je mespris
L'orne qui est pris
Par mal los,
Quant de sen pais
Ne veut estre oïs
De ses tors.
C'est mult laide cose
Quant Voukier ne s'os(
Dont il fu nouris,
Ne droit n'ose atendre
S'en le maine pendre,
Jou en dirai : gnif.
C'est grans estrelois
C'on fausse les drois
Vrais escris-,
Mesire li rois
Doit prendre conrois
De teus cris.
Point ne m'esmervelle
Se li quens travelle
Hardrés n'Aloris.
Qui font le servage
De leur grant damage
Doit-on dire : qnif.
CHANSONS. US»
Li Rois qui ne ment
Prendra vengement
De leur cors :
En mult grief tourment
lèrent longement,
N'est pas tors.
Langhe aront muiele;
Passion novele
Par devant leur mors
Leur sera voisine,
Goûte palacine,
Leur fera dire : gnqf.
Ne tieng mie à fol
Guion de Saint-Pol
N'a estout;
Premiers baissa col
<^uant il vit sen vol
Por le tout.
Lors devint peskières :
En sèkes gaskières
U eue ne court
Prist un pisson rike,
Dusk'en Salenike
En dist cascuns : gnoiif.
Cil de Guienci
Sour borgne ronci
Dur trotant
Les rens i fendi 5
Une rois tendi
Maintenant ,
38C CHANSONS.
Ce fu voirs sans faille,
C'ainques n'i prist quaille
N'aloé cantant,
Ains prist tel verdière
Aine ne vi si kière :
Por ce en dirai : gnanf.
FIN.-
NOTES
ET ÉCLAIRCISSEMENTS,
NOTE A.
(Voyez p. 72.)
Le poëme d'Amis et Amile, dont parle la pièce intitulée les
sis Manières défais, est un des thèmes favoris adoptés par les
poètes du moyen âge. Prose latine et française , poésie , drame,
rien n'a été négligé de ce qui pouvait donner de la célébrité à
cette vieille et intéressante fable. Il y aurait certes à son sujet
un travail curieux de recherches et d'exhumation à entreprendre,
mais ce n'est pas ici la place. Nous nous bornerons donc à l'exacte
analyse que M. Chabaille a bien voulu faire et nous permettre
de placer ici du poème-roman d'Amile et Amis, d'après la le-
çon du manuscrit français de la Bibliothèque Royale, n" 7227-5
Colbert.
Voici d'abord le début du poëme :
Or entendez, seignor, gentil baron,
Que Deus de gloire voz face vrai pardon.
De tel barnaige doit-on dire chanson
Que ne soit mie de noient la raison.
Ce n'est pas fable que dire vous volons,
Ansoiz est voirs autressi com sermon ,
Car plusors gens à tesmoing en traionz,
Clers et provoires, gens de religion.
Li pèlerin qui à Saint-Jaque vont
Le sèvent bien se ce est voirs ou non.
Huimais orrez de deus bons compaingnons :
Ce est d'Amile et d'Amis le baron.
Engendré furent par sainte annuncion
Et en an jor furent né li baron.
388 NOTES
A Mortiers gisent, que de fî le scit-on :
Huimais orrez de ces dciis compaingnons
Coin il servirent à Paris à Charlon
Par lor grant coinpaingnie.
Après cette courte introduction, le trouvère nous apprend que
les deux héros de son ix>ëme eurent pour parrain Ysoré , évêque
de Rome, qui les combla de bienfaits. L'un fut élevé en Berri,
l'autre en Auvergne, et jamais on ne vit chevaliers plus beaux
ni qui se ressemblassent davantage. Plus tard Amile va dans le
Milanais et Amis en Calabre,où ils font mainte conquête. Ils re-
viennent ensuite en France , se rencontrent et prennent la réso-
lution d'aller à la cour, à Paris, et d'offrir leurs services au roi.
Le trouvère continue ainsi :
A icel jor qu'il vinrent à Charlon
Leva li cris maintenant des Bretons :
La proie acoillent qui iert devant le pont, '
Lors s'adouba la maisnie Charlon.
Vestent haubers , lacent elmes reons,
Ceingnent espées as senestres girons.
Montent es selles des destriers arragons ;
A lor cols pendent les escus as lyons,
Et en lor poins les roiaus confanons.
Oevrent les portes, les pons lièvent amont ,
Si s'en issircnt à force et à bandon.
A leur apparition sur le champ de bataille,
Bien i ferirent andui li compaingnon ,
Deus contes prinrent, Berart et Ni^velon ,
Si les envoient à Paris en prison ;
Liés en fu Karle et sa fille par non ,
C'est Belissans à la clère fason.
Huimais orrez de Hardré le félon
Qui porchasa la mortel Iraïson
Por les contes ocirre.
Cet Hardré cherche à inspirer de la défiance au roi contre les
deux amis; mais,voyant repousser ses malveillantes insinuations,
il dit à Charlemagne qu'il ne lui a tenti ces discours que pour l'é-
prouver, et qu'il lui conseille au contraire de les récompenser
magnifiquement.
ET ÉCLAIRCISSEMENTS. 389
El dist li rois : « Or oi plait qui bien «iel ;
Ce me resamble raisons et amisliez. >
Le traître fait l'empressé auprès d'Amile et Amis :
. Seignor, dist-il, tenir me devez chier;
Envers le roi vous ai-je bien aidié.
Tout orendroit le ma-il tiancié :
Chascun donra quatre chasliax en fié
Ou tel cité qui moult fait à prisier. »
Dienl li conte : « Est-ce voirs, par vo chief ?
Si vous ait li verais Justiciers
Comme vers noz iestez de cuer entiers,
El que bien le savommez. .
Peu satisfait de ses tentatives auprès du roi , Hardré prend se-
crètement le chemin de Nivelle et va trouver Gombaut le Lo-
hainc, à qui Charlemagne se prépare à faire la guerre.
Gombaus le voit , si li a prins à dire :
« Sire Hardré, se Dex vous bénéie.
Par oui conduit venez en ceste ville? »
Dislli traîtres : « Par le vostre^ biax sire.
Forment me bel li rois et la roïnne ;
Deus soudoier portent à moi envie :
Ce est Amis et ses compains Amiles ;
Car les noz faitez détranchier et ocirre.
Je vous donrai de mon avoir mil livres. »
Ces conditions sont acceptées, et Hardré regagne Paris en
toute hâte. Amis et Amile le rencontrent à la sortie de l'église;
Quant il le voient, si l'ont arraisonné :
t Sire Hardré, oîi fuslez-vous alez?
— Par Deu, seignor, jà n'orrez vérité.
A Saint. Lambert alai por voz orer,
Por vous me sui traveilliez et penez. »
Dienl li conte : . Nous le savons assez. »
Un messager de Gombaut vient avertir Hardré que son maître,
à la tête de quatre mille hommes, est en embuscade non loin de
Paris. A la nouvelle que leur en donne Hardré,
390 NOTES
Li chevalier sont de la ville issu ,
En lor dos ont les blans haubers veslus
Kt en lor chiés les vers elmes aguz :
Jusqu'à l'agait n'i sont arrestéu.
Hardrés les guie, H traîtres parjurs :
Jhésus-Cris le maudie !
Un rude combat s'engage, et, comme dans le premier, Amis
et Amile font encore deux prisonniers qu'ils envoient au roi.
Quant à Hardré, apercevant, étendus sous un arbre, deux cheva-
liers tués dans la mêlée , il leur coupe la tète , la suspend en tro-
phée à l'arçon de sa selle, et revenant fièrement près du roi,
Si s'escria à sa vois qu'il ol clère :
« Que ditez-vous , sire drois empereres ?
Vostre anemi ont widié la contrée;
Fuiant s'en vont, Joinchières ont passée.
Li soudoier mar virent la meslée,
(;;ar mort i sont cl fons d'une valce. »
Li rois l'entent, s'a la coulor muée,
Et Bèlyssans est chéue pasmée
Quant Hardré entendirent.
Revenue de son évanouissement et après avoir exhalé ses re-
grets sur le sort d' Amile , Bellisent accuse Hardré de trahison.
L'empereur représente à sa fdle qu'elle est injuste
. Envers Hardré qui est bons chevaliers ;
En la bataille s'csl-ii moult bien aidiez ;
Il i a mors deus vaillans chevaliers. »
Et dist Hardrés : « Or oi plait qui bien siet ;
Ce me resamble aniors et aniistiez. •
Saisissant l'occasion , Hardré demande et obtient même de
l'empereur la charge de gonfanonier que remplissait le comte
Amile; mais, dit le trouvère,
Porquoi le prinst li cuivers losengiers ?
Puis fu un jors qu'il en perdi le chief ;
Car li dui conte repairlèrent arrier,
S'ont amené deux bons chevax corsiers.
ET ÉCLAIRCISSEMENTS. 391
Et deus frans contes qu'il ont prins et loiez
Par lor chevaleries.
Ce retour inespéré comble de joie Bellissent et l'empereur.
Amile pousse la générosité jusqu'à prendre la défense d'Hardré,
que Charlemagne menace d'un terrible châtiment, et celui-ci,
éperdu,
Isnellemcnt se Iraist devers les contes ;
€ Seignor, dist-il , c'or celez ma grant honte,
Je vous donrai de mon avoir mite onces,
Et Lubias la cortoise, la blonde :
L'un de vous ferai riche. •
Sur le refus d' Amile, Amis' accepte la main de Lubias, cette
nièce d'Hardré ,
Qui plus blanche est que serainne ne fée....
Grans noces Grent, jà plus grans ne verraz ;
Celle l'ahiert et semont et abat,
S'elle onques puet , elle le cunchiera :
Li amistiés d'Âmile li toldra;
Mais Dammel-Dex , seignor, l'en gardera ,
Car moult est saiges contes.
Dès la première nuit de ses noces , Lubias cherche à exciter
la jalousie de son mari contre Amile ; loin de prêter l'oreille à
ses calomnies. Amis lui annonce qu'il va partir pour rejoindre
son loyal compagnon. Après avoir passé quelque temps ensemble,
Amis , les larmes aux yeux, consulte son compagnon sur le désir
qu'il éprouve de revoir sa femme et son fils. Amile lui répond :
. 11 est bien drois, par sainte charité,
Que's aillissiez veoir et esgarder.
Car sa moillier doit>on bien honorer ;
Mais une chose vous voil dire et conter.
Sire compains, que vous ne m'oubliez. »
E dist li cuens : « Por noient en parlez :
Je vous plevis les moies loiautcz;
mais, à votre tour, évitez de vous lier avec Hardré et songez que
La [ille Karle ne vous chaut à amer,
Ne cmbracier ses flans ne ses costez ;
39Ï NOTES
Car puisque famé fait home acuiverter
Et père et mère H fait entr' oublier,
Gouzins et frères et ses amis cbarnez ,
De la gourpille vous doit bien ramembrer
Qui siet soz l'aubre et vueult amont haper,
Voit les cesses et le fruit méurer :
Elle n'en gouste, qu'elle n'i puet monter. »
Et dist li cuens : « Si com voz commandez.
Mais encor proi , por Deu de majestez ,
Sire compains, que voz ne m'oubliez. »
Malgré les sages recommandations d'Amis , Amile, gagné par
ïes prévenances d'Hardré, consent à en faire son compagnon. A
cette nouvelle,
La Olle Karle, Belyssant au vis cler,
Tout en plorant vint au conte parler ;
Bêlement l'arraisonne ;
< Biaus sire À mile, dist la franche meschine.
Je vous otfri l'autre jor mon service
Dedens ma chambre en pure ma chemise ;
Bien vous séustez de m'amor escondire :
Envers Hardré ne 1' féistez-vous raie,
Qui tant est fel et crueuls et traîtres... »
Ce dist li cuens : t Ne vous poist, douce amie ;
Si m'ait Dex , au cuer en ai grant ire;
Mais je n'en puis plus faire. >
JLe chevalier répond à de nouvelles avances de Bellissent avec
ïin sang-froid vraiment admirable :
.... Dame, ci a grant mesprison.
Jà vous demande li fort rois d'Arragon ,
Et d'Espolice Girars li fiuls Olhon,
Qui mainne en ost plus de mil compaingnwis ^
Ne les panriez por tout l'or de cest mont.
Et moi volez qui n'ai un esporon ,
Ne bore ne ville, ne chaslel ne donjon ;
Onques ne vi mon feu ne ma maison.
Je ne 1' feroie por tout l'or de cesl mont;
Mais je serai , ma dame, li vostre hom ,
Servirai vous à force et à bandon ;
Car ce doi-je bien faire.
ET ÉCLAIRCISSEMENTS. 393
Ces refus réitérés ne découragent pas la princesse, qu'une ruse
hardie fait parvenir à ses fins. Découverts par leur ennemi , les
amants
Déproient le Irailor Hardré ;
Hais il n'i treuvent ne foi ne loiauté.
Voit le li cuens, moult s'en est aïrez;
La fille Karle l'en prinst à apeller :
« Sire, fait-elle, ne soiez effraez ;
Se il vous vueult de noient encuser.
Prenez bataille vers lui , vous le vaincrez ,
Qu'il est fel et traîtres. »
L'effet suit de près la menace , et sur la dénonciation d'Hardré,
Amile est mandé par l'empereur. Pour sa défense, le comte se
borne à dire :
t Cent déhais ait en viaire et el nés
Qui m'en encuse, s'il ne le vueult monstrer ! »
Hardrez l'entent , le sens cuida desver :
« Par Deu! Amiles, bien iestez apansez;
Jà de voir dire ne serez prins prouvez.
Drois empereres, mon gaige en retenez. . . »
Et dist li rois : < Où sont dont li ostaige? >
A icel mot plus de soisante en saillent.
Moins heureux , Amile, ne trouvant personne qui veuille lui
servir d'otage, demande ses armes et son cheval pour combattre
à l'instant même ;
Et dist li rois : t Or oi plait qui mal siet ;
S'estiiez ores armez sor vo destrier.
Qu'il n'a meillor en France ne soz ciel ,
Bien en iriez devant mes chevaliers !
Jà par nul d'euls ne sériiez bailliez.
Ne de ma honte ne seroie vengiez. »
S'espée mande, volt lui toillir le chief.
Amile n'échappe au ressentiment de Charles que par l'inter-
vention de la reine , qui offre son fils , sa fille et elle-même pour
otages du comte. Le roi accepte , et il accorde même un délai de
sept mois qu' Amile demande dans le dessein d'aller consulter
394 NOTES
Amis à Blaye ; mais la reine ne le laisse partir qu'à la prière de
Bellisent, et après en avoir reçu le serment qu'il reviendra au
jour fixé pour le combat. En quittant Paris,
Ainz ne tina, si vint en pré flori ;
Quant il i vint si gieta un sospir :
« Beneois soit li prés que je voi ci ,
Et touz li lieus et li biaus édelis !
Ci fumez-noz et juré et plevi
La compaingnie entre moi et Ami ;
Il l'a gardée com chevaliers de pris
Et je com fel et com Dcu annemis,
Tout por le lieu qui est biaus et floris
Et por l'amor au baron que je di ,
Cidormirai orendroit un petit,
Que Dex me rande mon compaingnon Ami... »
Son vœu est exaucé. Amis, troublé par un songe pendant le-
quel il se croyait aux mains avec Hardré, prend le chemin de la
capitale, bien accompagné, malgré les représentations de sa femme.
Arrivé près de l'endroit où Amile repose tout armé de peur de
surprise, il s'approche, le reconnaît, et bientôt les deux amis sont
dans les bras l'un de l'autre. Amiles raconte à son compagnon la fâ-
cheuse aventure qui l'a obligé de quitter Paris , et c'est avec une
profonde tristesse qu'il dit en parlant de Bellisent et de sa mère ,
ses otages :
€ Je ne 's irai resgarder mais des mois ;
Hom qui tort a , combatre ne se doit.
Par péchié les ai mortes...
— Sire compains, dist Amis à Amile,
Geste bataille ne puet rcmanoir mie,
Ainz sera faite, par Deu le fil Marie,
Et la fera, sachiez, mes cors méismes. »
Et dist Amiles : « Vous parlez de folie,
Car l'empereres en a se foi plevie,
Et bien juré le fil Sainte Marie,
Que d'un autre home ne la panroil-il mie,
Tel duel a de sa fille .. •
— Sire compains, ce dist Amis li bers.
Si m'ait Diex , voz iesles fox prouvez :
Moi et vous fumez en une horc engendré
ET ÉCLÂlRClSSEMEmS. 395
Et en un jor et en une nuit né,
Et enz un fons baptizié et levé ;
Et nos parrins, qui ot non Yzorez,
Ses parrinnaiges fait forment à loer.
Or et argent nous donna à plenlé,
Et à chascun (ist un banap donner.
Nous noz sambions de venir et d'aler,
Et de la bouche et dou vis et dou nés.
Dou chevauchier et des armes porter.
Dex ne tist home qui de mère soit nés ,
Se l'uns de nous a en un lieu esté,
Se l'autre i vient, que jà soit avisez.
Ostez vos dras et les miens vestirez :
Droit à Paris m'en irai la cité,
Et vous irez... à Blaivies...
Amis termine ses instructions sur la manière dont Amile doit
faire les honneurs de sa maison à Blaye, par cette recommanda-
tion délicate :
« Sire conipains, en ma chambre entrerez
Et Lubias si fera autre(el ;
Li siens services vous iert abandonnez.
Sire compains, et vos le refusez :
Biaus chevaliers compains, bonne foi me portez ,
Et vous ramembre de la grant loiauté
Que li uns l'autre se doit bien foi porter. >
Puis il prend seul le chemin de Paris , et son compagnon va
rejoindre son escorte avec laquelle il se dirige vers Blaye. A leur
arrivée , trompée par la ressemblance , Lubias
Encontre vint desoz l'ombre d'un pin ,
L'espée Amile vait-elle recoillir;
Li ber la voit, d'autre part se guenchi ,
Voit le la dame, dou sens cuida issir ;
c Sire, dist-elle, moult m'avez en porvil,
Or revenez de la cort de Paris
La fille Karle baisier et conjoïr
A mal putaige soit li siens cors reprins ! »
Li cuens Pentent, à poi n'enraige vis :
liauce la paume, enz el nés la féri
396 NOTES
Cotn ses coiiipains li ol conlé el dit ;
Passa avant, as poins la vait saisir;
Semblant faisoit que la volsist laidir,
Quant si home li toiUent.
Après un souper splendide donné à tous les barons d'Anriis,
et pendant lequel Lubias était placée à sa droite,
Li cuens Amiles en la chambre est venus.
En lit Ami s'ala coucher touz nus;
Avec lui porte son branc d'acier molu ,
Et Lubias a les siens dras tolus ;
Delez le conte s'a couchié nu à nu.
Qu'elle le cuide acoler com son dru ;
Delez lui sent le branc d'acier molu :
Grantpaor ot, si s'en est traite en sus.
Dex ! com est elTraée !
Elle menace son prétendu mari de se plaindre à ses parents,
et dit qu'ils obtiendront facilement de l'évêque un acte de sépa-
ration. Pendant ce temps, le comte, sans doute pour résister
mieux à la tentation , adresse une fervente prière à Dieu en fa-
veur d'Amis , et il la termine ainsi :
< Garissez hui le mien chier compaingnon
Qui est en France à Paris à Charlon
An la bataille de Hardré le félon,
Qu'encor le voie en sa maistre maison ; »
Puis il allègue une ordonnance de médecin qui l'oblige à gar-
der pendant un mois la plus rigoureuse continence;
• Se nel' fesoie, je sui sans garison.
Mais par la foi que devés Deu del mont ,
For quoi haez Amile le baron ? »
A cette question captieuse , Lubias dit que son ami l'a voulu
iléshonorer, et ajoute en terminant ;
e Por ce l'ai en hainne.
— Dex , dist Amiles, qui haut siés et loinz vois,
Esperitables icstez , biax sire rois !
Tant par est fox qui mainte famé croit
ET ÉCLAIRCISSEMENTS. 397
Et qui li dist noient de son conseil.
Or sai-jc bien Saiemons se dist voir :
En sept milliers n'en a quatre, non trois.
De bien parfailez,qui croire les voldroit. »
Après cet aparté , il assure Lubias qu'il la vengera d'Amile
en coupant la tête du séducteur avec l'épée qui est près de lui.
Le trouvère nous ramène à la cour et nous montre l'empereur
occupé à faire dresser le bûcher où doivent être brûlés sa femme, sa
fille et son fils si l'adversaire d'Hardré ne se présente pas ce
jour-là même avant midi. La famille impériale est plongée dans la
douleur, etHardré triomphant vient sommer l'empereur délivrer
les otages aux flammes. Avant de marcher au supplice, la reine
se recommande à Dieu ainsi que ses enfants, lorsqu'elle aperçoit
Amis qui vient réclamer le combat. La scène change : c'est au tour
d'Hardré à trembler. Nous regrettons de ne pouvoir reproduire
ici les détails si animés, si vrais, si dramatiques des formalités
qui précèdent, accompagnent et suivent le combat judiciaire
entre les deux champions. La lutte se prolonge jusqu'à la nuit
devant l'empereur et toute la cour, et l'on sépare les combattants.
Ramené au palais plus maltraité qu'Amis , Hardré appelle son
filleul, et l'engage à imiter sa conduite perverse :
I Je te chastoi , biaus filleus Aulori ,
Que n'aiez cure de Damel-Deu servir
Ne de voir dire, se ne cuides mentir;
Se vois preudomme, panse de l'escharnir ;
De ta parole, se tu puez , le honnis ;
Ardez les villes, les bors et les maisnils;
Mêlez par terre autex et crucefiz :
Par ce serez honorez et servis.
— Ne t'esmaier, parrins, dist Auloris;
Bien a passé trois ans touz acomplis
Que de bien faire ne fui volentéis ;
Mais de mal querre sui touz amanevis.
Mors est Amiles , ne vous esmaiez si ;
Par Deu , bien le me samble.
Le lendemain matin , Amis
Vient au moustier, s'a faite s'orisûn ,
398 NOTES
Un anel d'or i a oflert le jor,
Mais Hardré
Dist cel parole qui le greva le jor :
. 1er fiz bataille el nom dou Criator,
Hui la ferai el non à cel seignor
Qui envers Deu n'en ot onques amor ;
Ahi , Diables! com ancui seraz prouz! •
Après cette infernale invocation l'impie Hardré ne craint pas
de se présenter au combat ; mais Amis
A un seul coup 11 trancha le chief tout :
Jus à la terre est trébuchiez li glouz.
I.i rois le voit et li autre baron :
t Vassax , dist-il, sa venez jusqu'à nous :
Si vous donrai ma fille. •
Cependant, avant de songer aux fiançailles, l'empereur donne
les ordres suivants à son premier écuyer :
€ La char Hardré vous convient à dcstrurc :
Traînez soit par champ et par couture
Tant qu'il n'ait mais robe ne vesléure.
Desor un pel soit sa teste férue :
Tant li laissiez qu'escoufle la menjussent.
Belissant , bêle, Dex vous a fait aïue :
Servez Amile com sa famé et sa drue;
Riviers 11 doins, s'il devant moi vous jure,
Ma grant cité dcsor l'eue de Dunne,
Dont dis mil home me servent à droiture
Quant moi vient à besoingne. »
Le vainqueur a beau s'en défendre, il faut qu'il épouse; ce
n'est pourtant pas sans faire tout bas ses réserves :
€ Or jurrerai en non mon campaignon ;
La pénilance en ferai jusqu'en som :
■Ta nel' saura ma famé. *
Amis se présente donc à l'autel ; mais à peine a-t-il fait le
serment de prendre Bellissent pour femme, qu'un ange, invisible
ET ÉCLAIRCISSEMENTS. 399
pour tous les autres, murmure à son oreille ces terribles pa-
roles :
Di va , ami, com te voi non saichant !
Tu préiz famé au los de tes parans,
Que n'a plus bêle chevaliers ne serjans :
Hui jures autre ; Deu en poise forment ;
Moult grans martyres de ta char t'en atcnt :
Tu seras ladres et méziaus ausiment ;
Ne te parront oil ne bouche ne dent ;
Jà ni auraz aide d'ami ne de parent,
Fors d'Yzoré et d'Amile le gent.
— Je n'en puis mais bonne chose ; va-t'ent ,
La moie char quant tu vuculs si la prent ,
Et si en fai del tout à ton commaut.
Belissant bêle, jurez , je vous atanz.
— Sire, dist-elle, orendroit maintenant
Tout à vostre devise. »
En sortant de l'église, Amis veut prendre le chemin de Blaye;
mais, retenu jusqu'au lendemain matin par l'empereur,
Va s'en Amis li gentis et li bers.
Si enmainne la dame.
Arrivés sous les murs de Blaye,
«Seignor baron, ce dist Amis ii ber.
Nous n'enterrons hulmais en la cité.
Jusqu'à demain que li jors parra clers,
Que à grant joie i voldrommez entrer. »
Ignorant sur le sort de son compagnon, Amile jette les yeux sur
la campagne et aperçoit la nombreuse suite d'Amis, qu'il prend
pour une armée envoyée contre lui par l'empereur, après la
mort de cet ami généreux. Pour s'en assurer, il s'arme , et , à
l'insu de tout le monde
Parmi la porte s'en ist touz eslaissiez;
Li cuens Amis enmi le pré se siet ;
La fille Karle le tenoit embracié.
Il ne la volt acoler ne baisier :
Le compaignoo avoit-il forment chier.
400 NOTES
Bien le connut sor l'autlerrant corsier.
cVassax , dist-il moult par icstez or fiers ;
Volez-nous voz la ville chalongier? •
Puis il se précipite à bas de son cheval ,
Trenche les las de son elme vergier,
Le blanc haubert lait couler à ses pies.
Il s'entre-corrent acoler et baisier.
€ En non Deu , sire, ce dist H cuens Amis,
Je vous ai mort Hardré voslre anemi ;
Si voz amaing Bellissant au cler vis :
Vous la panrez, que li rois le m'a dit... •
Amiles l'oit, moult joians en devint...
« En non Deu, sire, li cuens Amiles dist :
Le mien couvine vous r'arai-ge tost dist :
Lez ta moillier me couchai-je dormir ;
Il n'a si bêle en seissanle pais :
Moult m'esmerveil com en poez souffrir. •
Amis l'entent, s'en a gieté un ris.
La fille Karle en giète un grant souzpir :
« Seignor, dist-ele^ parles sains que Dex list.
Si vous samblcz d'aler et de venir.
Et de la bouche et des iex et dou vis.
Que je ne sai li quex est mes maris. •
Amis l'entent, s'en a gieté un ris;
Enz en l'oreille à conseillier li prist :
« En non Deu , dame, mes compains qui ci vint ,
Se Dex m'ait, cist iert vostre maris;
Ne voz ai pas erré com anemis.
— En non Deu, sire, mais com charnex amis :
Par voz sui honorée. •
La nuit le laissent dcsci à l'aube clère
Que Belissant ont au mostier mené ;
Li cuens Amiles l'a iluec espousée.
El palais montent sans nulle demorée
Grans noces firent li fil des franches mères.
Com li cuens prinst la dame.
Le lendemain ils entrent dans la ville
Et Lubias est encontre venue,
Ou voit Ami , si l'a amenléus :
ET ÉCLAIRCISSEMENTS. 401
« Qui sont ces gens qui viennent par ces rues ? »
Disl li cuens : « Dame, ne soiez esperdue.
C'est la gens Karle à la barbe chenue ;
Ces ameroiz , se de moi avez cure.
— Volentiers, sire, mais que séure fuisse
Qu'en vostre lit anquenuit me géusse
Que n'i fust mise la vostre espée nue. »
Le comte accepte ces conditions en assurant sa femme que sa
santé est parfaitement rétablie. Lubias reçoit d'abord gracieu-
sement les arrivants , mais elle ne tarde pas à accuser Amiles
auprès de son mari d'avoir tué Hardré en trahison , et elle jure
de venger la mort de son oncle. Pour prévenir les effets de la
malveillance de sa femme , Amis va trouver son compagnon :
« Sire, dist-il, désormais vous levez;
Faites vos homes garnir et conraer :
Droit vers Riviers, s'il vous plaisl, en irez
Et saisirez toutes vos freraetez. »
Et cil respont : c Si com vous commandez. •
Il se lève, donne l'ordre du départ, et quitte bientôt la ville;
Ses chevaliers compains le convoia assez ,
Deus moult grans lieues, puis s'en est retornez;
Mais ainz se sont baisié et acolé :
Plorant se départirent.
Enfin, après un long voyage,
Ez Amile en sa ville.
De retour à Blaye , Amis ne tarde pas à ressentir les effets
de la menace de l'ange ;
Moult li abaisse et angoisse li nés
Et li retranche durement li parlers.
Le voyant dans ce triste état, la méchante Lubias lui propose
une séparation :
« Dame, dist-il, bien m'avez agaitié.
Et sormonté et dei tout abaissié.
La loi avez à l'oiscl dou rammier;
II. 26
402 NOTES
Li fox l'agaitc qui dcsoz l'aubre siet,
Que V cuidc panre sain et sauf et entier :
Miex li venist qu'il le férist el chief ,
Si le plumast et éust au mengier :
Icelle loi avez-vos, par mon chief.
Je vous Guidai servir et essaucier
Comme la dame oui j'avoie à moillier ;
Or vous voi si del tout sauvaige et grief,
:- ,; i, -if. A Deu m'en claim le glorioz dou ciel
Qu'il m'en face venjance.
Transportée de colère , elle quitte son mari et se rend près de
révêque, qu'elle invite à prononcer sa séparation d'avec Amis.
Le digne prélat lui adresse de paternelles représentations, aux-
quelles la mégère fait cette insolente réponse : ■~"~'-""" •
€ Moic est la ville et l'annors qui apcnt ,
Geste terre est à mon commandement;
N'i a évesquc ne face mon talent ,
Nus hom n'i a par maistrie noient :
Laissiez la croce, que je vous la deffenz ! »
L'évêque résiste à cette injonction ,
Et Lubias si s'est tant por aléc,
As riches homes a données soudées,
Et as borjois piauls de martre affublées ;
Icelle gens s'est el monstier entrée.
Et tuit ensamble à l'évesque crièrent :
« Por qu'avez-vous nostre dame avilliée
Qu'à un mezel l'avez faite privée? »
Le prélat répond : Est-ce un nouveau seigneur que vous
demandez ? En ce cas prévenez trois autres évèqucs, et nous
nous rendrons près du comte Amis pour constater son état :
celui-ci ne cherche pas à cacher qu'il est vraiment attaqué de la
lèpre ; il se borne à demander que Lubias lui fasse préparer une
retraite hors des murs de la ville , et qu'elle le nourrisse des
restes de sa table.
Li haut demainne et li prince mcillor
Lubias proient tuit ensamble le jor
Que la vitaille li otroit par amors ;
Elle si list maintenant oiant toz :
ET ÉCLÂlRClSSEiMENTS. 403
Dex la honnisse li pères gloriouz ,
Que le couvent li failli-elle tout
Damel-Dei la maudie !
Amis fait des adieux touchants à ses chevaliers; il leur
adresse entre autres ces paroles :
€ Li rois méismez qui France a à baillier,
M'i ot donné Lubias à moillier,
Geste meschine au gent cors afaitié ;
Elle est moult jone, voldra soi envoisier :
S' elle mesprent, por Deu, la chastoiez
Un fil en ai , celui tenez-vous chier ;
Ce est Girars li damoisiaus légiers : î
Par lui tenrez vos terres et vos fiés...»
A ce que dist li vaillans chevaliers,
S'estoit pasmée sa très-fausse moilliers...
Le lépreux quitte Blaye au milieu des témoignages sincères
d'affliction du clergé et de bon nombre des chevaliers, et se retire
dans une vieille masure toute délabrée; là Lubias le laisse man-
quer de tout et pousse l'inhumanité au point d'accabler son
fils de mauvais traitements , et finit par le faire jeter dans un
cachot, parce que bravant ses ordres, il a osé porter des vivres
à son père. Elle fait ensuite publier un ban
Que il n'i ait chevalier ne borjois
Qui voist Ami resgarder mais des mois.
Ne qui li doinst de quoi il vive un soir.
Touchés du malheur de leur bon maître , deux jeunes serfe ,
Garins et Haymes, qu'il avait rachetés et nourris, ne craignent
pas d'adresser cette noble requête à Lubias :
« Gel gentilhome laissiez de fain morir ;
Gar nous donnez congié de lui servir.
Nous l'enmenrons en estranges pais.
Là li querronz et dou pain et dou vin
Et de la char por Deu qui ne menti. •
Lubias y consent volontiers, et dans sa joie elle donne à ces
jeunes gens son mulet et trente livres parisis pour qu'ils emmè-
nent Amis si loin qu'elle n'en entende plus parler. Le comte
404 :?T7'nf NOTES
ne veut pas s'éloigner avant d'avoir dit un dernier adieu à
son fils. Ramené au palais par ses généreux conducteurs,
Ignellement s'est apuiez au dois :
li • € Lubias dame, entendez envers moi ;
Mon fil Girart me monstrez une fois.
Car en ma vie ne le quier plus véoir. »
A la touchante prière d'Amis, Lubias répond par cette menace :
€ Se ne me faitez mon palais délivrer.
Vilainement vous ferai fors bouter. »
Le pauvre père s'éloigne, accablé de douleur. Voyant l'intérêt
que lui porte la population , Lubias fait de nouveau publier son
ban, et Amis, sous la conduite des deux jeunes serfs, prend tris-
tement le chemin de Rome, où il espère retrouver son parrain,
4e pape Ysoré. Le Saint-Père en effet l'accueille parfaitement ,
et déjà son état commençait à s'améliorer, lorsqu'il se voit
chasser de Rome par la mort de son parrain et par la famine.
Amis prend alors le parti de se rendre auprès de sa famille à Cler-
mont en Auvergne. Près de cette ville il rencontre ses frères.
Qui s'esbanoient as tables et as dés ;
Son bras gieta desor Hoedon l'ainsné :
t Frère, dist-il , et car me resgardez !
Jà fumez-noz d'un seul père engendré
Et d'une mère fumez-nous tuit trois né,
De vos avoirs me faitez un hostel ;
Mantel ou cote ou chape me donnez ;
Ne me laissiez cest yver esjaler :
Voslre en sera l'aumosne. »
Or parla Hoedes : hé Dex ! tant mar l'a fait !
« Sire malades, car vous tenez en là.
Maldéhais ait qui vous vit onques mais ;
Ne jà mes frères ne serez, se Deu plaist ! »
■,i •:..[• il tiiun-
Son frère puîné renchérit encore sur la dureté de Eudes ; il
saisit le mulet d'Amis par le frein, le fait cabrer, et renverse le
pauvre lépreux si lourdement.
Que par la char 1i est li sans saiHuz
ET ÉCLAIRCISSEMENTS. m
Et par la bouche et par le nés issuz.
Li serf le voient, chascuns fu irascuz;
Celle part corrent , chascuns a prins un fust ,
Jà les eussent parmi les chiés féruz.
Quant Amis crie : • Baron, estez en suz,'^«»b ao>'
Laissiez les fols; certez ne sevent mieuz :* î»''?io«{'^
Damel-Dex lor pardoingne ! . ii»ii;>y a?:
Cependant abattu par ce dernier trait d'ingratitude et de
cruauté, Amis prie ses fidèles compagnons de l'abandonner à son
malheureux sort. D'ailleurs, ajoute-t-il , je suis hors d'état de
me tenir plus longtemps sur le mulet;
t Toute la chars m'est des cuisses sevrée» '^^'*"*^
Desci as os n'en i a point remese. »
Pourquoi nous l'avoir caché? répond Haymes, je vous aurais
fait un brancard sur lequel nous vous aurions transporté ; ainsi
Une charrete ont li serf achatée ; i ; '
Trois sols en donnent, moult l'ont bien atorné«^Jf|,^ i^viUu-
Et de fresche herbe et joinchie et comblée.
Et lor seignor dant Arai i montèrent;
A la charrete le murlet atelèrent. '
Toutes les gens i sont de maintenant alées :
Jà li r'éusseni bêle chose donnée , ♦?jJj , >r^U .
D'or et d'argent la charrete comblée ''i ''"
Se ne fuissent li troi desloial frère
Que li cors Deu raaudie !
Dans cet équipage, ils atteignent le Berri ; mais leurs res-
sources ne tardent pas à s'épuiser, et nos voyageurs se voient
réduits à la dure nécessité de vendre leur mulet pour gagner la
Bretagne, où ils espèrent trouver facilement le moyen de vivre :
A la charrete s'ont prins à charroier : .^iis^ U
L'uns trait devant , l'autres boute derrier.; r A (hi
Arrivés sur le bord de la mer. Amis demande à des mariniers
s ils veulent l'embarquer; ceux-ci y consentent, à condition qu'il
leur vendra un de ses serfs.
Glouton ! dist-il , Dex confonde vos chiés ! :u nn^ i>tt à ô
406 NOTES
Par tout le mont m'ont cist dui charroié
El sans euls deus n'auroie-je mesticr.
— Sire, dist Haymes, si feroiz par mon chief !
Que de sa chose se doit-on bien aidier,
S'en doit-on bien vendre et engaigier. »
Maugré le voil Ami et s'amistié.
Se vendi Ilaymes as félons maronniers :
Cent mars d'argent ses en prinst volentiers
Et pain et vin et poissons à mengier.
Et si les doivent oultre la mer naigicr.
On s'embarque. Les matelots
Tendent les cordes, les voiles font drescier;
Li vens lor vient qui par vigor i fiert;
Ainszi les maine corne l'aloé esprevier. »
Mais bientôt la discorde éclate parmi l'équipage à cause de
Haymes, que chacun veut s'approprier. Des injures les marins
passent aux coups -.deux tombent morts dans la lutte, et les trois
autres sont jetés à la mer,
Si qu'en la barge remesl Amis à pié,
Il et si home li dui serf droilurier ;
Il ne se vent que faire.
. Dex , dist Amis, qui onques ne mentiz ,
Ne souffrez mie que je soie périz
S'aurai véu mon compaingnon gentil.
— Sire , dist Haymes, ne vous csmaiez si :
Autre foie fumez jà malbailliz
Dedens la mer el palagre et el Ul :
Garins ira le gouvernail tenir ^ ^^^^ lnvblftJ w
Et je irai à l'aviron séir.^ ^j. ,^.^g^.,^„ ,,,,4, ^i ,i - .
Après avoir vogué au hasard pénïah'C quinié joùts, ïï§ pren-
nent enfin terre à Riviers. Arrêté sans le savoir à la porte du
comte Amiles, le pauvre lépreux
Ses tarterelles commença à tentir ;
■ •nnmt r pjg^fgij demande, por Dcu qui ne menU, , , ,
■ '■"•y: y"'" ["'' '
Amiles entend ce triste appel, et il charge son MM àcpor-
ter du pain et du vin au malade ; l'officier revient auprès de son
p ^1 ET ÉCLAIRCISSEMENTS. 407
maître lui apprendre que le mendiant possède un hanap d'une
grande beauté et en tout semblable au sien. Amiles quitte aussitôt
la table et se met à la recherche du lépreux , qui parcourait la
ville pour recueillir des aumônes, ,
Li cuens le sieult à force et à bandon.
Voit la charrete, li serf ierent entor.
Li cuens Âmiles s'apuia as limons
Et li demande : « Sire, dont iestez-vouz? » i - *
Et dist Amis : « Ne sai qu'en tient à vouz^b ri'jid '
Ne veez-vous que je sui uns liéprouz ?
Et quier A mile dont je sui désirouz ;
Quant je ne l' truis, moult en sui corresouz ;
Or voidroie mors icstre. •
Amiles à ces mots s'élance dans la charrette, presse son com-
pagnon dans ses bras, l'emmène aussitôt à son hôtel , où Bellissent
lui fait aussi le plus aimable accueil.
< Ahi ! dist-clle, gentiz fiuls à baron ,
Com vous vi jà hardi au confanon ,
En la bataille de Ilardré le félon !
Vous et mes sires estiiez compaingnon. . ., ;sq umiib /
Ne gerrez mais en lit, s'avec nous non , ^ y| fjQn/j «>K»v '^
Que de mort noz garistez . »
Désormais rien ne manque plus au lépreux que la santé.
En une chambre jut la nuit pointe à flor,
lorsqu'un ange lui apparaît et lui ordonne de déclarer à son
ami
« Que s'il voloit ses anfans déceler,
Ses deus biaus fiz que il puet tant amer.
Et te féist dou sanc ton cors laver,
Ainsiz porroiez garir et respasser, ;,,
Ne autrement tu ne puez escbaper .^i^
Que tu garisses mie... » ■
Celle nuit jut Amis en grant frison
Pour la nouvelle, pour l'amonestoison.
Dès le matin, Amiles \ient visiter sou hôte ; il lui renouvelle
l'expression de sa vive reconnaissance.
408 J/Uï/i. NOTES ^JJa 14
ytii; -V « Or croien Deu le gloriouz puissant , jiliftm
lôiir;^' Se riens Savoie en cest siècle vivant î .■,, -
li! Ji« Qui vous poïst faire assouaigement , Hrrt 98 *
Se g'en dévoie quanques à moi apent
Vendre, engaigier ou livrer à torment.
Nés mes deus fiz certez, ou Belissant,
Si le feroi-je , ge 1' vous di et créant. »
Malgré ou peut-être à cause de ces protestations , le lépreux
se garde bien de dire à quel prix la santé lui est promise. Ce-
pendant il laisse entrevoir qu'il y aurait quelque chose à faire.
Amiles le presse :
« Compains, dist-il, ne 1' me celer tu mie,
Isnellemcnt soit la chose jehie :
— Non ferai, sire, vous ne 1' feriiez mie.
Se r tenriiez espoir à desverie
Et à oullraige et à moult grant folie:
Ne r vous diroie por tout l'or de Roussie ;
Mieus aimz-je iestre en ceste maladie.
Et à languir et à souffrir haschic. >
Vaincu par les instances réitérées de son compagnon, Amis lui
révèle enfin le fatal secret ;
Li cuens l'entent , si commence à plorer :
Ne sot que faire, ne pot un mot soner. : . =,,
Après un combat déchirant entre l'amour paternel et l'amitié,
ce dernier sentiment l'emporte ; Amiles se précipite hors de la
chambre du lépreux et court au Kt où reposent ses deux jeunes
fils l'un près de l'autre ; à leur vue , son courage et ses forces l'a-
bandonnent , l'épée dont il s'est armé lui échappe des mains , et
il tombe, privé de sentiment. Ayant enfin reprisses sens, il s'ap-
proche de nouveau du lit; immobile, é>garé, il jette un regard plein
de larmes sur ses malheureux enfants. Pendant cette lutte inté-
rieure, l'ainé s'éveille, et apprenant ce qui amène son père, nou-^
vel Isaac, il l'exhorte lui-même à accomplir le sacrifice, à verser
le sang qui lui appartient , qui est son propre sang.
Li cuens Amiles vint vers le lit csrant,
Haucc l'cspée, li liuls le col estent ;
ET ÉCLAIRCISSEMENTS. 400
Or est merveilles se li cuers ne li ment ;
La teste cope li pères son anfant ,
Le sanc reciut el cler bacin d'argent :
A poi ne chiet à terre.
Cependant il a la force d'achever, et, muni du bassin, il court
hors de lui chez son compagnon.
Amis le voit , moult en est esperduz ;
Or se démente et dist : * Las ! tant mar fuz
Que tu venis en terre ! »
Amiles le place lui-même dans le bain sanglant , et bientôt la
promesse de l'ange se réalise : le lépreux recouvre sa santé , sa
vigueur, sa grâce première. Les deux amis, vêtus de même, se
dirigent vers l'église pour rendre leurs actions de grâces à Dieu.
Au retour ils rencontrent Bellissent, qui avait passé toute la ma-
tinée à l'office. Revenue de l'évanouissement que lui cause la
surprise :
e Seignor, dist-clle, por Deu le roi amant.
Je sai de voir et croi à enciant
L'uns de vous deus a en moi part moult grant,
Et s'est Âmiles li hardis combatans ;
Mais je n'en sai faire connoissement. >
Alors Amiles lui présente son compagnon rendu à la santé.
La dame l'oit , ses mains vers Deu en tant ;
Là s'agenoillent plus de deus mille jant ,
Qui luit en rendent merci au Roi puissant ;
Sonnent cil saint et cil clerc vont chantant ;
Et de pitié en plorent plus de cent.
Ce dist Âmiles : « Ne faitez joie tant...
Car mi til sont ocis et mort sainglant...
Venez-en tuit, bonne gent honorée,
Serjant, borjois, chevalier, gent letrée.
Là sus amont en la sale pavée
Et si verroiz tuit la fort destinée :
Onques si dure ne fu mais esgardée. »
A ces mots la scène change , la foule se précipite vers le palais.
Por les anfans fu moult grans la criée ;
Là véissiez mainte crois aporlée
iio NOTES AJiaji ra
Mainl cncensicr dont bonne est la fumée : lO
Tuil cil provoire chanlenl à grant criée J
Le chant des mors à moult grant alenée.
Et Belissans ne fu pas arreslée :
C'est la première qu'en la chambre est entrée
Plorant, criant, trestoute eschevelée.
Mais quel n'est pas son étonnement et sa joie en retrouvant
ses deux fils jouant gaîment avec une pomme d'or. Elle permet
alors à la foule de pénétrer dans cette chambre où vient de s'o-
pérer un si grand miracle; et, lorsque son mari peut arriver jusr-
qu'à elle,
Dist Belissans : t Sire Amile, bons ber,
Se je cuidaisse huimain à l'ajorner
Que volsissiez mes anfans déceler,
Remèse fuisse, ge 1' vous di sans fausser,
Pour recevoir d'une part le sanc cler. »
Celle parole iist mainte gent plorer
Et de pitié doucement souzpirer.
Grans fu la joie, ge 1' vous di sans fausser.
Au monsticr vont Damel-Deu aourer.
Les anfans mainnent , qu'il porrent tant amer.
Et li saint sonnent tout par euls sans tyrer.
Et li clerc chantent luit hautement et cler.
Là poissiez trop grant feste esgarder
For l'amor des miracles.
Amiles donne un banquet en réjouissance à la ville entière
de Riviers :
Onques cel jor n'i et guichet fremé.
Qui mengier volt ne li fu devéé ;
Pain ot et vin et piumenl et claré,
Et char de buef , venoison et sainglicr :
Qui mengier volt, de tout ce ot plenlé!...
Et cuens Amis, dont je voz ai conté.
Ses deus bons sers n'i a pas oubliez,
An icel jor que il fu respassez
Les fist ansdeus chevaliers adoubez.
A peine la fùte est terminée,
» Biaus sires Arailcs, dist Amis li vaillans.
ET ÉCLÂIRCISSEMEÎNTS. 4M
Sachiez por voir que moult sui désirrans
Que Lubias qui a les iex dans
Aille véoir et Girart mon anfant.
— Non ferez, sire, dist ses corapains li jans,
Partirai vous parmi mes tenemans,
Et se d'aler i avez tel talant,
G' irai o vous, n'i serai demorans. » . ^
Les deux compagnons s'arrêtent à ce dernier parti , et Amiles
prend congé de sa femme et de ses enfants, qu'il ne doit plus re-
voir. Arrivés àBlaye , Amis et Amiles descendent chez un bour-
geois nommé Gautier. Celui-ci , frappé de leur exacte ressem-
blance , s'écrie :
€ Et je ne sai se je sui enchantez ,
Que toutes voies le di et le dire
L'uns de vous deus est Amis lalosez... >
Amis se fait connaître ainsi que son compagnon ; il apprend à
Gautier qu'après avoir recouvré la santé, il vient incx)gnito pour
s'assurer si sa femme et son fils se conduisent bien ; satisfait
de la réponse de son hôte, Amis fait aussitôt publier la nouvelle
de son retour à Blaye. Le trouvère peint ainsi l'empressement
général de la population à se rendre auprès du comte :
Qui lors véist ces barons chevaliers...
Parmi ces rues prennent à eslaissier ;
Trestuit i vont, serjant etescuier,
Clerc et provoire et li autre princier,
Trestuit en vont à l'ostel dant Gautier.
Un écuyer court à la rencontre du jeune Girard qui revenait
de la chasse, et lui annonce le retour du comte, Girard
De tant com pot et corre et randonncr,
Corrut son père baisier et acoler,
Et Amis lui, ne s'en pot saouler.
Nus ne sauroit la joie raconter
Que H fiz fait au père.
Lubias elle-même, coquettement parée , se présente à sott
mari :
t Ami biaus frère, le mien cors vous présant
Comme la toie por faire ton talant.
— Fuicz de ci , dist li cucns errammant. ►
Mi
NOTES
Et, après l'avoir accablée de reproclies, il donne à ses cheva-
liers l'ordre de la lier étroitement, de la renfermer dans la ca-
bane où lui-môme a langui si longtemps, et de ne lui donner par
jour .1, i -
Qu'un quarteret de pain et ne mie trop grant,; yj
Cependant , au bout de huit jours ,
Au conte Ami moult grans pitiez en prant ;
Querre l'anvoie, rant 11 son tenement. "'*
Li cuens Amis, qui moult ol le cors gent, 'i" '
Son fil Girart adoube maintenant , .l'iiumtr io'ii»
Si li donna trestout son tenement , : ^^ ; ■ ' ■
Et à ses sers donna grant chasement.
■■■ *'* .
Ces dispositions faites, les deux compagnons prennent la
croix,
La mer passèrent au vent sans aviron ; ...
Jusqu'au sépulcre n'i font arreslison ,
La sainte crois où souffri passion 64l<)G up TJiJifi.i >
Jhésus 11 sires baisièrenl à bandon. ■''■^ <■
■ (,
Ensuite ils reprennent le chemin de la France ; mais , par-
venus en Lombardie,
Parmi Mortiers ont lor voie tornée;
Là lor prinst maus par bonne destinée :
lluec transsirent, c'est véritez prouvée ' ;
Li pèlerin qui vont parmi l'estrée.
Cil se vent bien ou lor tombe est posée.
Ici sera la chansons definée
Des deus barons qui a esté chantée :
Ce est d'Amile à la chière membrée,
D'Ami le conte qui ot tel renommée, f„g| ^
Que touz jors mais nous sera ramembréft ji^j^,^
Jusqu'à la tin dou monde. :,., < «^
Immédia' ement après la chanson d'Amis et Amiles, le ma-
nuscrit contient celle de Girard de Blaye, fils d'Amis, un peu
plus étendue , sur le môme rhythme et également anonyme.
• Un autre trouvère fait périr Amis et Amiles de la main d'Ogier. Voir
La Chevalerie d'Ogier de Danemarchc , publié par M. J. Barrois, in-'i»
et in-12. Paris, Tcchncr, \Si2, vers.
ET ÉCLAIRCISSEMENTS. 4i3
NOTE B.
(Voyez p. z,L-)
Le Ms. 1132, supplément français, jadis appartenant à la bi-
bliothèque des frères prêcheurs de Poissy, est in-i° à deux co-
lonnes. Il est écrit d'un seul et même caractère et porte au dos,
sur sa reliure, qui est récente, car elle est marquée des initiales
L. P. (Louis-Philippe), surmontées d'une couronne , ce titre qui
date de la même époque : Nouveaux miracles de ta Vierge.
C'est probablement ce qui avait empêché ce Ms. d'être examiné
à fond jusqu'ici.
Pour mon compte , je ne le connaissais pas ; mais désirant
mettre à fin un travail commencé depuis longtemps sur Gauthier
de Coinsy, je dus examiner ce Ms. qui porte le même titre que
l'œuvre principale du pieux chantre de la Vierge. Qu'on juge de
mon étonnement quand le nom de Rutebeuf ( écrit Rhutebuef )
placé au milieu d'une page dans le courant même du texte,
vint frapper mes regards... Étaient-ce de nouvelles pièces du
célèbre trouvère qui allaient m'être révélées? était-ce une ci-
tation de son nom, faite par un poète quasi contemporain?
Mais d'abord j'avais cru jusque là avoir donné ses œuvres com-
plètes, et ensuite j'avais avancé dans ma préface cette opinion
qu'aucun écrivain du moyen âge n'avait rappelé dans ses vers
le devancier de Villon... Si la première de ces hypothèses se
trouva inexacte , la seconde se réalisa, et bien qu'elle démontrât
que j'avais commis ainsi une erreur involontaire, j'avoue que
ce ne fut pas sans une grande satisfaction que je vis , par un
examen approfondi du manuscrit , se restreindre le champ des
découvertes que j'aurais pu espérer.
Toutefois, comme on va le voir, si je ne trouvai aucune pièce
nouvelle de Rutebeuf, je rencontrai dans notre Ms quelques
variantes, à la vérité peu importantes, et je ne tardai pasàm'a-
percevoir que ce vaste amas de vers empruntés à tout le monde
414 NOTES
contenait plusieurs petits poëmes dignes de toute mon atten-
tion.
Le Ms. 1132, dont l'écriture dénote la première moitié du
ik" siècle , date que viennent encore confirmer plusieurs pas-
sages de son texte, n'est autre chose qu'une compilation pieuse,
faite très probablement par un clerc, en l'honneur de la Vierge.
Cette compilation ne contient pas seulement des miracles em-
pruntés à la vie de Marie : elle offre , enchâssés au milieu de
moralités auxquelles tout sert successivement de prétexte ( les
fleurs, les animaux, les pierres, etc.), un assez grand nombre
de contes, de dits, de chansons pieuses, de disputoisons, etc.
Ce Ms. est dans l'état le plus déplorable. Beaucoup de feuil-
lets en ont été arrachés ou mutilés, et sur les 251 qui lui res-
tent , un infiniment petit nombre est resté intact. Celui qu'il
faut bien aujourd'hui compter pour le premier contient un Salve
regina en vers français , au recto ; au verso un conte pieux sur
une dame de Marseille qui professait un grand respect pour la
Vierge, etc., etc.
Le folio 2, v°, nous apprend par sa rubrique écrite en rouge
et numérotée XXIIII , que tous les chapitres précédents man-
quent à ce premier livre. Ce chapitre 24 contient l'aventure
d'un moine de Citeaux , une chanson et un dit de Notre-Dame,
qui n'ont rien de remarquable. Le chapitre 25 offre une pate-
nostre glosée et le récit de la conversion d'un écolier, opérée par
la Vierge. Il se termine par une pièce adressée à Marie pour
qu'elle nous sauve. En voici les derniers vers qui font allusion
au roi de Navarre :
Ainsi le fist jadis Tiébaut,
Qui ainsi chante à note haut :
J'ay un cuer mull lent
Qui souvent mesprcnt
Poi s'en esmaie ;
Et li tens s'en vait,
Et je n'ai rien fait
;((!-'":"•,• ':■• Où grant tiance aie.
Assez ai mus6
Et mon temps usé
Dont grief paie
Se par sa bonté
ET ÉCLAIRCISSEMENTS. 415
La fleor de pité
Son fil ne
Vient alors le reste de la chanson ; elle est du roi de Navarre.
Je ne suivrai point de la sorte tous les chapitres du manu-
scrit. On me permettra de parler uniquement de ceux qui m'ont
paru contenir quelque chose d'important.
Le chapitre 27 (folio 16, r°), dont une partie manque, nous
offre une pièce sur les tourments de l'enfer , qui est de Jehan
de Meun , ainsi que l'indique l'annotation suivante : Mag'ister
Johannes de Meun , mise en marge par une main qui semble
être du 16^ siècle, et qui d'un bout à l'autre du manuscrit a re-
produit les rubriques de tous les chapitres. Le folio 26, v°, con-
tient le commencement d'une histoire dont la suite se trouve
plus loin et que précèdent ces deux vers :
Je le te preuve par un conte
Que Leoncius nous raconte.
Comme, dans ce conte , il est question de Jehan , qui fut un
prélat très charitable , il s'agit non pas du Leoncius , évêque de
Naples vers 649, d'après Vllalia sacra de Ferdinando Ughello,
mais d'un autre Lcontius de Chypre , homme très instruit qui
vivait à peu près à la même époque , et qui est l'auteur d'une
vie de saint Jean le patriarche , qu'on trouve aux manuscrits du
roi sous les n°^ 2318, 5296, B. 5601, 5602, 5603, 5671. On
peut consulter, pour ce qui concerne ce personnage , Trithême
et Bellarmin.
Au folio 27, V", on trouve sur la mort une longue pièce morale
dont voici quelques vers remarquables par leur énergie et par
une allusion aux testaments que le clergé exigeait des mourants
en faveur de l'église :
Nous savons tous et toutes que mort n'a point d'ami.
Combien que mi parent soient tenu à mi
Tost m'aroient oublié ainçois an et demi :
espoir du mien mi anemi.
Hélas 1 hélas ! sitost com mort les dens nous serre ,
La lasse âme chélive ne scet ostel où qucrre.
Li ver ont la charoignc et li parent la terre :
410 y.T/!ai/ NOTES
Mauves fait pour tiex hoirs mauvèsement acquerre. ]
Or me puet aucun dire : Sire , se Diex m'ament ,
Je n'ai de quoy donner ne faire testament ,
Quar j'ai toute ma vie gaaignie loiaument :
Quiconques autre chose de moy vous dira , ment.
J'ai mes petis enfans à cui je sui tenus
Plus qu'as povres estranges , ne qu'aus frères menus :
Je les ai bel et bien jusques ci maintenus :
Ne je ne les vueil mie lessier povres ne nus.
Au folio 29 se trouve le dit des Religieus; le folio 30 nous
offre celui des Prêtas; le folio 40 y°, la Contenance des Fem-
mts, etc.
Le chapitre 32 (fol. 51 r°) contient une pièce à la Vierge
nommée ABC, par Gautier de Rome. Chaque strophe de
cette pièce commence par une des 25 lettres de l'alphabet , sa-
voir : la première par A , la seconde par B , etc. Le nom de
l'auteur nous est ainsi révélé p. 52 :
Et pour ce que plus en y a
En escriplure plus qu'en lettre ,
Gautier de Romme réson a
Qu'en son A.B. C. le vient mettre, etc.
Le chapitre 34 contient les vers que nous avons cités sur le
roi Arthur et saint Louis ; puis un dit que la rubrique appelle le
DIT de l'instniction du roi de France. Cette pièce est exacte-
ment la même , et sans variantes importantes , que nous avons
donnée dans notre premier volume, p. 342 et suivantes, d'après
le Ms 198 N.-D. , sous le titre de Un dit du roy. Seulement,
dans le Ms. 1132 Suppl. fr., fol. 55, elle est précédée des vers
suivants, qui ne se trouvent pas dans l'autre leçon.
Pour ce qu'avon fait mencion
• Des roys , de leur dévocionj
Qu'eurent à la bêle Marie
Réson requiert que des rois die
Âucuuc chose véritable
A eus et à nous pourlitablc.
Quar qui à roy ne dit vrilé.
ET ÉCLAIRCISSEMENTS. 417
Tiex est plains de malignité.
Ne roy n'iert jà bien conseilié.
Se vrité est mise sous pié.
Vrilé ne quiert point les angles :
Pour ce est déceus li rois Angles.
Noctua l'eust mieux conseilié
Que n'a son avugle clergié ,
Ne si prince ne si baron.
Il resamble au roi Pharaon
Qui dist : € Je ne sai qui est Dieu. »
Tu le saras en autre lieu.
Roy par vrité se doit mener...
A fleur de lis doit resamblcr, etc.
Un dit en fu fait en tel guise
De Philippe un roy de France
Qui d'estre roy fu en balance.
Li règne li vint de costé :
Painne mist qu'en féust osté
Li roys Anglois, mes ne post mie ;
Mainte personne en fu périe.
Rois , tu te dois mult aviser ;
jN'est si puissant que tresbuchier
Ne puist faire Diex quant li plest,
E spéciaument quant meffait
Et quant son déhu pas ne fait
De governer ; mes crie et brait
Li pueples pour le desconfort
Du floivc que raengu le fort.
Dont pour endoctriner cest roy
Un dit fu fait de tele loy.
Vient ici le dit du Roy de notre premier volume. Le chapi-
tre 35 est intitulé de Nostre Dame qui visita frère Pierre à sa
mort; item un ditié de la vertu et puissance de la mort; mais
cette rubrique n'est pas exacte , car au folio 58 , r", à propos de
l'histoire d'un moine de Provence, qui n'est pas mentionnée non
plus dans la rubrique , on trouve ces vers :
Li inoignes qui à guersay boit
Fort est que en paradis voit
Un ditié contre les gloutons ,
En nostre livre si entons.
Qui le dilic fist , je ne scey ;
. II. * 27
I
us NOTES ^^^ Ï3
Mes mult reprent boire au guersay
Que de trop boire. Enten que dist
Ciz qui le ditié tel en fist.
Vient alors le dit de Guersmj, que nous avons imprimé p. 435
du second volume de Rutebeuf , dans nos additions aux œuvres
de ce trouvère ', d'après le Ms. du roi 7218.
Après le dit de Guersay et vers la fin de l'histoire de frère
Pierre qu'il coupe en deux parties, on trouve entore sur la mort
les vers suivants que je crois devoir citiîr, parce qu'ils contien-
nent quelques détails curieux :
La morl tous ravit et acroche :
Il ni a nul si biau pignié
Que la mort n'ait tost despignié.
Âdont la bêle Emmelot
Desdolera son dorenlot,
Et tu qui portes si grant hure
N'iras pas à la hure hure.
Et tu à ces longues manchctes
Qui par sa, par là les dégèles
Et acréu as les grans deblcs,
Or vient la mort qui jus les mêles :
Chevauchié as les grans chevaus
Et dévouré les cras morsiaus,
Or est venu le temps d'iver
Que ton cors rungeront li ver.
Et l'âme que deviendra quoy?
Chascun respondera pour soy.
Prisié n'i seront avocat
Ne plus que la queue d'un chat.
I On ne rencontre pas dans la leçon du Ms. 1132 de variantes impor-
tantes; mais nous profilerons de l'occasion pour relever (juclqucs omissions
causées par l'iniprimeur dans notre première édition de celte pièce. Ainsi,
dans la première strophe (voyez 2e vol. de Rulcbcuf, p. 435), il faut ajou-
ter avant le dernier vers celui-ci :
Bien se gart chescuns endroit soi.
Idem, p. 43(>, dans la première strophe , il faut ajouter ce vers après le
(piatrième :
Et puis rêva vèir l'eslable.
Id., p. 439, strophe première, après le septième vers, il faut placer celui-ci :
Les malades sont respassez.
ET ÉCLAIKCISSEMENTS. 419
Quant au Ditié de la vertu et de la puissance de la mort, an-
noncé par la rubrique, ce sont les vers de la mort imprimés par
M. Crapelet et attribués à Tliibault de Mailli. Ils comptent cin-
quante strophes dans ce manuscrit.
Le chapitre 36 nous offre dès sa seconde page un exemple
remarquable des jeux de mots auxquels , par une malheureuse
facilité , se laissaient souveht aller les poètes du moyen âge.
Voir ci-dessus, page 281 , à la note.
Le reste du premier livre ne contient rien qui soit digne d'une
mention. Le second, qui commence au folio 88 , v°, nous offre
dans son premier chapitre (folio 90, v'') un ditié de Notre-Dame,
emprunté à Rutebeuf (voyez 2^ vol. de ses œuvres, p. 9), et
que précèdent les deux vers qui suivent :
Un clers qui plains est de bon vent
Ainsi la saluoit souvent.
Le chapitre 2, folio 94, r% contient le DU des Paintres; le
chapitre 3, une histoire où sainte Catherine joue un rôle assez
peu intéressant; enfin, au folio 110, v", est une espèce de tenson
sur le paradis , où l'un des interlocuteurs dit à l'autre :
Sire, que savés-vous qu'en fait en paradis ?
I vestent bêles dames ne le ver ne le gris?
Ceus qui volentiers boivent i sont-il bien asis?
Les serl-oh de plouvicrs et de chapons roslis?
Le second interlocuteur répond si bien à son compagnon ,
qu'il le convertit.
Au chapitre 9 , folio 122, v'* , se trouve un dit de lx)n ensei-
gnement dont voici une strophe relative à la coutume d'admet-
tre à sa table tous ceux qui arrivaient :
Sa vostre niengier estes d'aucune gents souspris ,
Qui vignent sans mander çà uit , çà nuef , çà dis ,
Ne devez semblant faire que soiez esbahis,
Mes faites bêle obère, joie, soûlas et ris.
Et leur proraelez niiex quant vous serez garnis.
Le chapitre 10, après Un dit en riionheat de Notre-Dame ^
nous offre, sous le titre de un\Ditté de tous les deffaus de sainte
À^o NOTES oà rri
Église de tous les estas, la pièce de Rutebcuf que nous avons
donnée p. 245 du premier volume des œuvres de ce trquvère,
d'après divers manuscrits, sous le titre de ta Vie du monde ou
ta Complainte de sainte Église. Cette leçon du Ms. 1132 n'a
point l'introduction qui se trouve dans notre édition de Rute-
beuf :
L'aulr'ier par un matin à l'entrée de mai, etc.
Elle n'a que 26 strophes au lieu de 45 qui ont été données
par nous ; mais dans ces 26 strophes en voici deux qu'aucun des
manuscrits dont nous nous sommes servi pour notre édition de
Rutebeuf ne contient :
Or povez bien véoir pourquoy se aucuns prie
La sainte Trinité ou la douce Marie ,
Ce que nous li prions il ne nous donnent mie,
Quar li plusieurs de nous sont de honteuse vie.
Se juste nous estions, de sainte affection
Et pardevant le monde de conversacion
Ilonneste, en tout fcissions en droite entention,
Diex de légier orroit nostre péticion.
Les folios 175 et suiv. contiennent Y Ave Maria Rutebeuf que
nous avons donné dans notre édition, et au folio 178 commence,
sans variante qui mérite d'être relevée , le Mariage Rutebeuf.
Voici quelques uns des vers qui le précèdent :
Se tu vieus qu'essample le doigne ,
Ruthebuef trop bien le tesmoigne
Qui une fois se maria ;
Ne sai dist Ave-Maria
Ne patenoslre ne prière :
Après vousist miex eslre en bière;
Il de soy-mesmes ainsi dist
En un dite que il en fist, etc.
Le chapitre 23 contient un dit des Curiosités et des Conditions
des femmes, qui est emprunté au Testament de Jean de Meung.
C'est à cette pièce qu'appartiennent (mais nous avons oublié de
le dire plus haut ) les vers cités p. 174 et 176, en note , sur la toi-
ET ÉCLAÏRCISSEMEINTS. A2i
lette des femmes. Ils sont précédés dans le manuscrit de ceux-ci :
Fui, chier ami, regart de famé
Se tu ne vieus ocire t'âme...
Aucunes se seulenl farder...
Leur robes sont longues et lées,
A outrage desmesurées.
Eles sont com nioustier parées :
De mantiaus sont emmantelées ,
Et se sont les pances emflées ,
Por ce puéent estre miex celées ,
Et amusent souvent la gent
Par leur alour qui trop est gent.
Le chapitre 26, après nous avoir appris pour quel cause
on dit Salve regina après compile en l'ordre des frères prees-
cheurs, nous offre le dit de Mellin Mellot ou du Villain Asnier,
qui se trouve dans notre premier volume. Ce dit est amené de
la façon suivante :
Pour ce que j'ai fait de fortune
Mencion , vous en diray une
Narracion qui en escrit
Est, mes ne say qui la list,
Ele est bonne et pourfitable
A oïr, assez délitable.
Je la vous conte, si l'oez :
Dieu et sa mère en loez , etc.
Au folio 194 se trouve le dit de Marguet (voyez-en le texte
dans notre premier volume) , au folio 201 celui de Vérité. Ce
dernier est précédé d'un assez grand nombre de vers sur la pré-
dication qui conmiencent ainsi :
J'oi conter mestre Nichole
Qui longuement fu à l'escole
(De Flavigni avoit surnom
Arcevesque de Besençon ),
Que uns religieus estoit.
Qui un sermon faire devoit, etc.
Ces vers sont remarquables à cause du nom propre qiii s'y
422 NOïflS l\-r
trouve. Us sont suivis de ceux-ci , qui montrent bien ce qu'é-
taient les prêchetirs du moyen âge :
Pour ce que j'ai fait mencion
De preschicr, prédicacion
Tous temps doit estre véritable :
S'autrement est, elle est inusable,
Et le prescheur ferme et cstable
Soit , non cum coc à vent muable ;
A désire ne cloche ne à senestrc :
Prescheur ne doit pas clochant estre...
Roy, duc, prince, baron et conte
Quant vérité on leur raconte
D'autre part les oreilles tournent
Et li flateur tiex les atournent
Qu'à leur court n'est point escoutéc.
Vérité mes est hors boutée.
De quoy s'en sieut que mal arrée
Est et la court et la contrée.
Tout est honni par le païs
Et simple gent sont esbahis...
Vérité , qu'es-tu devenue?
Courir souloics par la rue.
Or ies recluse et mise en mue :
Chascun t'assomme et te tue.
Vous que voir dire ne doutés
De vrité un dit escoutez.
Suit le dit (/eFér/fé;, après lequel viennent ces vers pour con-
clusion :
Diex la nous doint si ensuir
Que la puissons aconsuir
Lassus ou ciel où est montée.
Puis que du monde hors boutée
Fu , là fait et fera sa demeure
Aveques la douce meure (picrc) «
Jhésus qui est vrité et voie.
Là verrons la bclc Maroic
Qui gart par sa bénignité
Ccus et ccles qui aiment vrité.
Amen dévotement en d|e
Geste présente compaignie,
1 Ce mot prouve que nos aïeux ne se ^(^naicnl pas pour la rime.
ET ÉCLAIRCISSEMENTS. 423
Le chapitre XXXI , malheureusement très mutilé , contient
le dit des Choses qui (aillent en ménage; le chapitre XXXII ce-
liM de la Chante 'P lettre, que nous avons publié dans nos notes
de Rutebeuf ; le chapitre XLI celui de la Queue de J\egnart.
Enfin, au folio 235 v°, commence le dit de Chastie-Musart
(voyez nos notes de Rutebeuf); ce dernier est suivi des vers
que voici et qui rappellent Molière :
Quant famé a la seigneurie
Sur homme, trop le conlraric.
Por ce doit sages homs sa famé
Humilier, qu'el ne soit dame
Mes d'escueles et de platiaus,
De fusées et de fuisiaus.
Dame je di de choses grandes :
Bien puet appareillier les viandes
Si corn en Lombardie font ,
Où en subjection grant sont ,
Gelines, oées mettre couver.
Les drapiaus as enfans laver ;
Hanas essuier, desvuidier,
Enfans bercier et alaiticr.
Bien apasteler, le bergier :
A famé appartient ce mestier;
La mesnie ordener et duire.
Faire buée , faire pain cuire ;
CEvres face de charité.
Ainsi entrer en la cité
Pourra où famés enterront
Qui très bien se gouverneront.
Si bien gouverner nous doint Diex
Que nous puissons monter es cielx.
La dernière pièce digne d'être mentionnée ici , et que con-
tienne notre manuscrit, est le dit de Martin Hapart, fol. 239 v° ;
c'est une satire religieuse dirigée contre les avares et les incré-
dules. Voijez, plus haut , p. 202 de ce volume.
4Ûâ NOTËè
NOTE C.
( Voyez page 9G , note 1 . }
Lo dit (les Pahitres n'est précédé ni suivi dans le manuscrit
par rien do particulier; il est mémo assez mal amené. Seule-
ment , au folio 97 r", on trouve sur l'origine des métiers les
vers que voici et qui nous ont paru dignes d'être cités :
Pour ce que j'ay fait mencion
De ouvrer, oés l'invention
Des mcstiers comment trouvés furent
Et qui à ouvrer genl esmurent.
Cil rimoiur si ont trouvé
D'aucuns biaus mos et biens rimé
De plusieurs manières de dis
Et de vilains et de gentis ;
Mes encor n'ont de rien parlé
De ce dont me sui avisé ,
Quar je voudrai dire et noncier
Com furent trouvez li mcsticr.
Aucuns meslier furent trouvez
Par aucunes subtilitez.
Si vous voudrai dire comment
Furent trouvez premièrement :
De ce ne vous mentirai mie.
Quant il virent ouvrer la pie
Qui en l'arbre faisoit son ni ,
Si firent leur maison aussi.
Si cstoient si malostrus
Qu'il estoient comme tous nus ;
Ne faisoient dras ne buriaux ,
Mes se vestoient tous de piaus.
Quant virent l'iraigne liler
Pour ce se pristrcnt à lîrapcr.
La lalpe qui fouoit as chans
Qui fait de terre monciaus grans
Si les aprist à labourer
Et à fouir et à semer.
ET ÉCLAIRCISSEMENTS. 425
Aussi l'aronde , ce vous di ,
Qui de la terre fait son ni ,
Si les aprist à maçonner ;
Et si vous sarai bien conter
Qu'à piez de moutons et de buefs
Si trouvèrent les soulers nuefs.
Et si vous di que la limace
Qui va dorant tousjors sa trace
Si nous trouva l'enluminer >
Et foies famés à farder. ■^' "
Par iteles subtilitez
Furent ainsi mestiers trouvez.
Engien humain à soutiver
Se prist et après à gainier.
NOTE D.
( Voyez page 102 , note 1 . )
Ce qui dans le Ms. 1132 amène le Dit des Momùers par une
transition assez brusque selon la manière de son auteur (voir le
premier vers de cette pièce), est l'histoire d'un juif qui blas-
phéma Notre-Dame et qui pour ce fait fut battu par un grand
seigneur auquel, en récompense, la Vierge rendit la vue. Voici
les premiers vers de cette pièce ; ils sont caractéristiques :
II eut jadis un juif en France ;
Au royavoit grant acointance,
Quar il estoit riche et puissant
Et entre sa gent bien vaillant ;
Et tel gent aime-on maintenant ,
Et sont avancié grandement.
Gilz sont acointes des roiaus
Qui leur donnent les biaux jouiaus ,
Et cilz qui ne donne nient
Devant les princes point ne vient.
On ne prise pas un veron
• Cette idée est passablement grotesque.
426 NOTES. ^^ T^f
Qui n'a hui fourré chaperon. s\
Qui la paume puel faire plaine
Il a à court fain et avainne ;
A povre gent la porte est close :
Qui rien ne porte, entrer n'i ose, etc.
NOTE E.
(Voyez page 172.)
Comme nous l'avons dit page 165, l'argent a été souvent
personnifié au moyen âge, et sous le titre de Dan Denier (domi-
nus denarius), qu'on pourrait traduire, ainsi que l'a écrit spirituel-
lement M. Philarète Ghasles à propos de Rutebeuf [Journal des
Débats, 1841), par monseigneur du gros sol, tous les vices qu'il
fait naître lui ont été vivement reprochés. Outre la pièce qui est
l'occasion de cette note , on trouve en effet plusieurs exemples
de cette personnification chez nos anciens poètes. Rutebeuf (voyez
p. 222 du l*^' vol. de ses œuvres), l'auteur inconnu des deiix
Trouvères ribauds (voyez p. 339, aux notes et éclaircissements du
l""'" vol. de Rutebeuf) ; enfin le trouvère auquel on doit la pièce
intitulée de Dan Denier (voyez p. 95 de mes Jongleurs et Trou-
vères) , ont employé cette locution. Les Anglais , sous le titre de
Peny ou Sir Peni, ont plusieurs petits poëmes sur ce sujet (voyez
la 2^ édition de Ritson , Antïent popular poetry). Il en existe
également un en vieil écossais (voyez p. 153 de l'édition des an-
ciens poëmes écossais publiés en 17 70 , à Edimbourg , par lord
Hailes); enfin M. Thomas AVright, pages 223, 227 et 355 de
son Apocalypsis Galiœ episcopi, attribuée à Gauthier Mapes , et
qu'il a donnée pour la Cambden society, cite trois pièces latines
fort anciennes, tirées des manuscrits du Musée britannique , et
intitulées, l'une de Cruce denarii, et les deux autre^ de Nummo.
Voici quelques vers de chacune d'elles :
De Cruce denarii.
Crux est denarii potens in smculo ;
T\ef?cm et principem facît de servulo ;
ET ÉCLAIRCISSEMENTS. 427
Mendicum servulum facit de regulo ;
Rectorem, praesulem de parvo famulo.
Virtutem continet nummus mirabilem, etc.
De Nummo.
Manus fe^ens munera
Pium facit impium ;
Nummus jungit fœdera,
Nummus dat consilium ;
Nummus sedat prœlium ;
Nummus in prelatis
Est pro jure satis ;
Nummo locum datis ,
Vos, qui judicatis, etc. ,
"Il
De Nummo. i
In terris summus rex est hoc tempore nummus :
Nummum mirantur reges et ei famulantur;
Nummo venalis favet ordo pontificalis ;
Nummus in abbatum cameris retinet dominatum , etc.
Enfin le Ms. latin 5129 de la Bibliothèque Royale {Olim co-
dex Tellerianus remensis ) contient une pièce intitulée ; Versus
cynomomensis episcopi de nummo. En voici quelques vers, em-
pruntés au milieu de la pièce :
Sic virtus abiit, terras astrea reliquit,
Tcrga dcdit pietas dando locum sceleri ;
Jus , fas , majeslas regni , curulc tribunal ,
Nummo cesserunt omnia ; solus erit
Publica spes, nummus, nunc rege potentior omni.
Olim philosophi fuerat spernere nummum ,
Nunc nisi nummatus Plato foret fatuus.
Voici les trois derniers : < '■
Fac mediatorem nummum citus alla resolvet.
Ipsa faucc reum mox necis eripiens,
Ipsum se pretor falsum dictasse notabit.
428 NOTES ^^
NOTE F.
( Voyez page 275. )
Un poëte du 12" siècle a composé des vers hexamètres sur
l'A B C qui se trouvent dans le Ms. 5001, fonds latin de la Bi-
bliothèque du Roi , sous le titre : Versus cujusdam Scothi de
Abecedario. La pièce contient vingt et un tercets, qui sont pres-
que autant d'énigmes ; celui qui concerne l'I est un des plus in-
telligibles ; le voici :
I. Sum numerus primus, juvenum contentio magna ;
vSpreta figura mihi est et jam , sed mira potestas ;
Me tamen haud Dominus voluit de lege perire.
L'A B C est un sujet sur lequel les trouvères aimaient aussi
à s'exercer; le seul Ms. 7218 renferme l'A B G Nostre-Dame
(fol. 170), VA B C Plente -Folie (fol. 186) et la Sénefiance
de l'A B C. Une copie de cette pièce que nous trouvons dans le
Ms. 632^, fol. 20 v°, débute par ces vers, qui manquent dans
le texte que nous avons imprimé :
Se li Rois de Cambrai envoie
Son sens et son engin en voie
Là ù tenable n'est la sente,
Drois est ke mellours lius la sente.
Cette leçon offre quelques variantes; nous citerons entre au-
tres ces vers sur le C , qui remplacent les 9 et 10* de la p. 277
ci -dessus :
En itel point lîu H G fais
Que de deus nons soustient le fais :
Moût est li nons petit de crois,
Ostés le C , si ara rois.
Le vers 21« de la page 276 s'y lit ainsi :
Li D qui de douçour fu plains.
ET ÉCLAIRCISSEMENTS. 429
Et le 7« de la page 279 :
Dont vient la mors et si le point.
A la page 288 , après l'avant-dernier vers , ajouter :
Pour chou n'est pas (I'et) ietre nomé
Qu'en moult de lius est fais por É.
>iiy
yd m
TABLE ANAIYTIQIE.
ABC(la SÉNEFiANCE DE L'),i)arRois dfe tattibrâljt. 11,
p. 275 ; vers où lauteur se nomrhe, 289, 428.
Abrael, fils du roi d'Egypte, tue à la Massoute, t. 11,
p. 352.
Adam de la Halle, Ses vers sur la Mort, t. H, p. 273.
Adultère. L'adultère forme le fond du dit des Anelés , t. 1 ,
p. 8 et suiv. Vengeance qu'en prend un chevalier, p. 19 et 20.
Albine , fille d'un roi de Grèce , t. II , p. 355. Elle et ses
sœurs trament la mort de leurs maris , 356 ; le complot est dé-
couvert, 358; elles sont exilées, 360; abordent en Angleterre,
361 ; xVlbine en prend possession , 362 ; lui donne son nom , 365 ;
peuple rile de géants , 367.
Albion. Premier nom de l'Angleterre, t. Il, p. 35i; son
étymologîe, 365.
Alexandre. Nommé, t. I, p. 187; il n'y a plus d'Alexan-
dres, p. 381 ; nomme t. II , p. 55.
Amis et Amiles.Lc roman de ce nom, cité t. II, p. 68, au
dernier vers; note à ce sujet, p. 72, ib.', analyse du poëme,
387 et suiv.
André de Colt anges, auteur du Romanz des Franceis^
t. Il, p. 1; se nomme lui-môme, p. 16; ih., p. 171, str. 1
et 3.
Anelés (le Dit des ), 1. 1, p. 1 ; pourquoi ce dit est ainsi ap-
pelé , ib. — Anelés , petits anneaux retrouvés dans le ventre
d'un poisson, p. 26.
Anges. Apparition des anges, t. I, p. 67.
Anglais. Pensent à recouvrer la Normandie et la Gascogne!^
t. I, p. 74; leur haine contre les Français, p. 75; veulent s'en
venger, t. II , p. 2.
432 TABLE
Angleterre. Le dit de la Rébellion d'Angleterre et de
Flandres, t. I, p. 173; circonstances qui donnent naissance à
cette pièce, ib. ; — premier nom de cette contrée, t. II , 354 ,
365 ; dépourvue d'iiabitants , 361 , 364- ; occupée par des femmes ,
362 ; peuplée de géants , 367 ; change de nom , 369.
Antiochus. Son exemple cité, t. I, p. 2.
Apothicaires. Vers contre eux, t. I, p. 191.
Appelaunde. Ville où l'on retrouve des ossements de
géants, t. II, p. 368.
Aristote. Nommé t. I , p. 187, ih., p. 248.
Arras (la venue de Dieu a). Chanson satirique, t. II ,
p. 377; trait cx)ntre l'échevinage de cette ville, 380 et suiv. ;
plaintes sur son sort , 382 ; sa bourgeoisie est opprimée, 383.
Arthur. Cité comme vainqueur des Français, t. II, p. 3;
du roi Artur, p. 199; sa vaillance, p. 200; nommé dans un
passage grotesque, p. 216.
Artois (sire Rohert de). Cause la défaite de la Mas-
soure, t. II , p. 339 ; conseil imprudent qu'il fait adopter, p.
342; sa mort, p. 343; son âme est en enfer, p. 343.
Auberée de Compiègne. Titre d'un fabliau, 1. 1, p. 199.
AuDAiN ou Aude. Allusion à cette chanson de geste, t. II ,
p. 223, ib. , p. 228.
AuNOY. Le vicomte d' Aunoy, auteur de la Lande dorée, t. II ,
p. 178.
Avarice. Des bacheliers et des chevaliers, t. II, p. 61.
Avocats. Critique des avocats, t. I , p. 190, ib., p. 283; ib.
284; éloge des bons avocats, p. 289.
Babylone d'ÉGYPTE. Assaut donné à l'un de ses châteaux,
t. II , p. 339 et suiv.
Bachelier. Le Dit du Bachelier d'Armes, 1. 1, p. 327; pa-
resse des bacheliers, t. II, p. 61; noblesse des bons bacheliers,
p. 62 ; bacheliers pris dans un sens allégorique , p. 297 ; expli-
cation, p. 300.
Baron. Saint Jacques appelé baron par l'auteur du Dit des
Anelés, t. I, p. 1 , ib. p. 14; ib, p. 242; conseils donnés aux
barons, t. II, p. 142.
Barrois (M. J.). Nommé t. II, p. 412.
Baudoier (la porte). Nommée 1. 1 , p. 187.
ANALYTIQUE. 433
Beder. Sarrasin tué à la Massoure, t. II, p. 345.
BÉGMNES. Mentionnées t. 1, p. 25; critique des Béguines,
p. 185. ifc.; p. 243.
Belial. Son combat allégorique, t. II , p. 310 et suiv.
BÉRA>GER. Analogie d'une de ses chansons avec celle d'un
trouvère t. II, p. 377, note 2.
Beuf (le Dit du), t. I, p. 42.
Bourgeoise. Le Dît de la Bourgeoise de Narbonne, t. I,
p. 33 ; celui de la Bourgeoise de Rome, p. 79 , ib.
Bretagne, V. Albion , Angleterre.
Brosse (Pierre de la). Allusion à la chute de ce favori,
t. I,p. 196; z7». 197, str. 1 et 4.
Brut ou Brutus. S'empare de l'île d'Albion; nom qu'il lui
donne, t. II, p. 369; fait écrire le récit de sa conquête,
p. 371.
Cardinaux. Critiques des cardinaux et jeux de mots sur leur
nom, t. I, p. 182; reproches à eux adressés, p. 239.
Cerf. Le dit de la chasse du cerf, 1. 1 , p. 154 ; détails inté-
ressants sur ce sujet, p. 155 et suiv.
Chabaille ( M. ), mentionné t. I , préface, p. vu ; t. II, id.
à la préface , et p. 208 , 387 et 407.
Chanoine. Mauvaise action d'un chanoine , t. I , p. 177 ; le
Dit des trois Chanoines, p. 266 et suiv.
Chansons. Refrains de chansons terminant chaque strophe
d'une pièce, t. II, p. 235 et suiv.; couplets insérés dans une
autre pièce 244 et suiv. ; contre les prélats, 325 ; chansons sati-
riques , 377 et suiv.
Charlemagne. Nommé t. II , p. 21.
Chasles (M. Philarète). Son article sur Rutebeuf, cité
t. II , p. 425.
Chevalerie. Reproches qui lui sont adressés, 1. 1, p. 188 ;
è6, p. 243; la chevalerie a plus de valeur et de grandeur que
tout autre état, t. II , p. 141.
Chevalier. Le Dit du Chevalier et de l'Écuyer, t. I , p. 118,
celui du povre Chevalier, p. 138; celui des deux Chevaliers,
p. 145; reproche fait aux chevaliers, p. 284; ib. p. 285; éloge
des bons chevaliers, p. 290 ; de l'éducation des jeunes chevaliers,
p. 327 et suiv. ; du chevalier qui devint ermite, p. 352; criti-
if. '28
434 TABLE
que des chevaliers, p. 364- ; leur paresse, t. II , p. 61 ; conseils
donnés aux chevaliers , p. 141 .
Chronique des Rois de France, t. II, p. 18.
Clercs (Critiques des), t. I, p. 183; ils se font avocats,
p. 184; conseils qui leur sont donnés, p. 364.
Complainte douteuse ( la ). Pièce sous ce titre, t. II,
p. 242.
CoRDELiERS. Reproclies à eux adressés , 1. 1 , p. 237 ; accusés
d'orgueil et d'ignorance, t. II , p. 147; deviennent, pour avoir
leur argent, exécuteurs testamentaires des usuriers, p. 148.
Cour. Reproches faits à la vie de cour, t. II, p. 121.
Damiette. Allusion à la reprise de celte ville, t. II,
p. 322.
Denier. Dan denier, personnification du denier, t. II, p.
165.
Denier et de la Brebis (du), fahle, t. II, p. 264.
Dez. Pièce sur le jeu de dés, t. II , p. 229.
Diable (le) apparaît à un jeune homme, t. I, p. 25; con-
seils qu'il lui donne, p. 36; apparition du diable à une bour-
geoise, p. 83; ib. à un écuyer, p. 125; ib. à un chevalier,
p. 139; ib. à une bourgeoise, p. 225; pièce morale intitulée le
Mariaçie des Filles au Diable, \). 283; apparaît à un chevalier,
p. 357.
Dictons et Proverbes, t. II , p. 372.
DisPUTOisoN. Lu Disputoison du Vin et del'Iaue, t. I, p.
293 et suiv. ib. celle de Marguet convertie , p. 315; ih. de Re-
nan et de son Roncin, t. II, p. 23; î'6. de l'Uyver et de l'Esté,
t. Il , p. 40 et suiv.
Doctrinal. Le Doctrinal, par Sauvage, t. II , p. 150; celui
d'Ébrard de Béthune, mentionné, ib., en note.
Droits. Des droiz au Clerc de Voiidai, t. II, p. 132; ce
qu'enseigne le droit, c'est-à-dire la droiture, p. 135.
Ébrard de Béthune, cité, t. II, p. 150.
Edouard Plantagenet. Nommé t. I, p. 74; Edouard IV,
nommé, t. II, p. 39.
Église. Plaintes sur l'état de l'Église, t. I, p. 238.
Enfer (de la Peine d'), par Robert Grosse-Tète, t. II,
p. 304.
ANALYTIQUE. 435
Emmelos. Personnage allégorique, t. II, p. 207; ce que
c'est, p. 300; cité, p. 418.
EspiRANT. Tue le comte Guillaume Longuc-Epce , t. II ,
p. 353.
Fabliaux. Leur importance, t. I, préface, p. m.
Fatrasies. Pièce sous ce titre, t. II, p. 208.
Fauvel. Personnage qui a donné son nom à un roman sati-
rique, t. I, p. 186; nommé, ib. ; id., t. II, p. 91.
Femme et de la Pye (de la). Satire, t. II, p. 326.
Femmes. Critique des femmes, t. I, p. 222; id., p. 287; on
doit honorer les femmes, sans les pincer ni les tàter, t. Il,
p. 143 ; on ne doit pas, quand une femme est mariée, la requérir
d'amour, ib. ; le Dit de la Contenance des Femmes, p. 170; por-
trait des femmes et leur critique, p. 171 ; des Femmes, satire,
t. II, p. 330 ; autre en latin, p. 333, note 1 ; le Dit des Femmes,
apologie, t. II, p. 334; Dit des Curiosités et Conditions des
Femmes, p. 420; vers sur leur toilette, p. 421.
Filles-Dieu. Critiques des Filles-Dieu, 1. 1, p. 185.
Flandre. Les guerres de Flandre donnent naissance à une
pièce de vers, t. I, p. 73; allusion à la révolte des Flamands,
p. 77 ; irf., p. 224. ;.-,--
Flandre ( le comte de ) à la Massoure, t. II, p. 340.
Florence. Le Dit de Florence de Rome, t. I, p. 88; vœu
de virginité fait par Florence , p. 89 ; ses aventures , p. 90 et
suiv.
Folies (les trente-six mestres), t. II, p. 372.
Folle. Pièce de la Foie et de la Sage, t. II, p. 73 ; le siijet
de cette pièce ressemble à celui do Gilote et Joliane, p., 82. l^Ç
Fols. Des sis Manières de Fols, t. II, p. 65; quelles sont
ces manières, ib.
Fortune. Dit de Moniot sur elle, 1. 1, p. 195 et suiv.
Franceis (le Ro.maxz des), t. II, p. 1 ; sujet de ce ro-
man , p. 2.
Galiburne. Nom de l'épée d'Arthur, t. II, p. 200.
Galice. Pèlerinage à Saint-Jacques de Galice, t. ï, p. 5.
Gauthier de Coinsy ou Quensi. Son poëme des Miracles
de Notre-Dame, cité t. II, p. 316; vers où cepoëte est nommé,
ib. ; cité, p. 413.
436 TABLE '
Gautier de Rome. Son A B C, cité t. II, p. 416.
Gauvain. Nom d'un des héros des Romans de la Table-
Ronde, pris comme titre de dignité, t. I, p,155; nommé, p. 423.
GÉANTS (des grands) qui d'abord conquirent la Grande-Bre-
tagne, espèce d'introduction au roman de Brut, t. II, 354.
Gentillece. Le Dit de GenUllece, t. II, p. 50, gentillece
vaut mieux que noblesse, p. 55, note 1.
GiEFFROY, auteur du Dit des Mais. Se nomme lui-même ,
t. I, p. 193; auteur du DU des Patenostres; se nomme égale-
ment à la fin, p. 249; auteur du Martyre de saint Bacckus; se
nomme en le commençant, p. 250; id., à la fin, p. 265.
GiFFARD (Alexandre) à la Massoure, t. Il, p. 340;
mission qu'il reçoit , 348 ; est tué , 350.
Girart de Rossillon. Allusion à la chanson de Girart de
Roussillon , t. II , p. 219.
Guersay (le dit de). Corrigé t. II , p. 418.
Halliwell (M.), auteur des Reliquiœ antiquœ, t. II, p.
333; cité, p. 372.
Hellekin. La mesnie Hellekin , nommée 1. 1 , p. 284; note
à son sujet, ib.
Henry III (d'Angleterre). Nommé t. I, p. 74; t. II,
p. 39.
Horace. Nommé par le trouvère Geiïroy, t. I, p. 248.
Hospitaliers. Critiques qui leur sont faites, t. I, p. 189;
î6.,p. 242.
Hyver. De niyver et de l'Esté, t. II, p. 40 et suiv. ; le Dé-
bat de l'Hyver et de l'Esté, mentionné p. 49.
Jacobins. Reproches à eux adressés, t. I, p. 237 ; leur éloge,
p. 248; leur orgueil et leur ignorance, t. II, p. 147; ils ont
abaissé la droiture, ib. ; deviennent exécuteurs testamentaires
des usuriers pour avoir leur argent, p. 148.
Jean (le patriarche). Mss. qui contiennent sa vie, t. II , p.
415.
Jean XXII. Nommé par un trouvère, t. I , p. 239.
Jean de Saint-Quentin, nom de l'auteur du Dit du Che-
valier et de VÈcwjer, t. I, p. 120.
John de Bretain , chevalier normand , à la Massoure , t. II ,
p. 346.
ANALYTIQUE. 437
Jlgement de Dieu. Combat pour le jugement de Dieu, 1. 1,
p. 2.
Juif. Le Dit du Petit Juif, t. I , p. 231.
Laboureurs. Vers sur eux, t. I, p. 192; ib., p. 291.
Laxcelot du Lac. Nommé t. I , p. 323.
Largesce. Est une des trois vertus nécessaires pour devenir
vavasseur, t. I , p. 62.
Lay. Z7n Laij d'Amour, t. II, p. 190.
Leontius de Chypre. Cité t. II , p. 415.
Louis IX , roi de France. V. Saint-Louis.
Louis VIII , nommé, t. II , p. 22.
Nobles. Reproches à eux adressés par un trouvère, t. I,
p. 188.
Marguet convertie. Disputoison, t. I, p. 317, cité, t. II,
p. 421.
Marie (la Sainte -Vierge). Jeux de mots sur son nom, t. II,
p. 281.
Marie Magdelaine. Son exemple cité, t. I, p. 16.
Martin Hapart. Héros de la pièce qui porte son nom,
t. II, p. 202, très avare; son histoire, p. 203 et suiv.
Massoure. F. Musoire.
Médecins. Vers contre les médecins, t. I , p. 191.
Mellin Mellot (ledit de ). Rectification à son sujet,
1. 1, p,. VII, préface; nommé Merlin Mellot , p. 128 ; n'est autre
que l'enchanteur Merlin, p. 129; son apparition à un bûche-
ron , p. 130 ; vers qui précèdent ce dit , t. II , p. 421 .
Ménage (le Dit du). Choses nécessaires en ménage, t.
Il , p. 162.
Mendiants. Critique des ordres mendiants, t. I, p. 184;
î/'.,p. 241; i6.,-243.
Ménestrels. Vers sur eux , t. I, p. 192, reproches de par-
cimonie à leur égard , p. 381.
Mescadel (le Soudan) à la Massoure, t. II, p. 351.
Métiers. Énumération des métiers, t. II, p. 91, et repro-
ches faits à ceux qui les exercent, ib., autre énumération, p. 99.
Vers sur leur origine, p. 424.
Meun (Jean de). Cité t. II, p. 415, 420.
438 ^l^^TABLE
Michel (Saint). Vœu fait à ce saint, t. I, p. 4-; emporte
l'âme d'un templier en paradis , t. II , p. 344.
Miracle. Miracle opéré par l'intercession de la Vierge, t.
I, p. 41.
Molière. Rapprochement, t. II, p. 423.
Monde. Les Vers du Monde, t. II , p. 124; les promesses
du monde sont trompeuses, p. 125; reproches que lui adresse
un trouvère, p. 126 et suiv.
Moniot. Auteur du Dit de Fortune; se nomme lui-môme ,
t. I,p. 198.
Monmerqué ( M. ). Cité t. II , p. 273.
MoNNOiE (la). Altérée par Philippe-le-Bel , 1. 1, p. 245.
Moralité sur six vers, t. II , p. 297.
Mort (vers sur la), t. II, p. 130; îd., en note, ib.; al-
lusion aux Vers sur la Mort, probablement ceux de Thibaut de
Marly, t. II , p. 210, 419; stances sous le môme titre, par Adam ,
p. 273. L'auteur se nomme à L'explicit, 274. Extrait, p. 415,
418.
MousTiERS (le dit des), t. II, p. 102; ils sont au nombre
de 88, p. 112; cité, p. 425.
MusoiRE. Cause de sa célébrité, t. II, p. 339; les Croisés y
donnent l'assaut, 342; ils entrent dans la place, ib.; y sont dé-
faits, p. 343 et suiv.
Mystères inédits du 15° siècle. Leur importance men-
tionnée, t. I, préface, p. m.
Narbonne (le Dit de la Bourgeoise de), t. I, p. 33.
Naymon de Bavière. Conseiller de Charlemagne, nommé,
t. I , p. 187.
Ogier. Allusion à la Chanson d'Ogier le Danois, t. II,
p. 217. Publié par M. Barrois, 412.
Paintres (le Dit des), t. II, p. 96; tout le monde ap-
prend à devenir peintre, p. 97; époque de la composition de
cette pièce , ib., en note ; les peintres sont nécessaires à tout le
monde, p. 99; cité, p. 419.
Pape (le). Joue un rôle dans le Dit du Beuf, t. I, p. 50
et suiv.; critiques du pape, 181 et suiv.; le pape Jean XXII
nommé p. 239; criticpic des papes, ib.
Paradis (pièces sur le), t. II, p. 291 , 419»
ANAr.YTIQUE. 439
Paresse (le Dit de), t. Il , p. 58, paresse des chevaliers
et des baclieliers pour le bien, 61 ; empêche de devenir vavas-
seur, 62.
Paris (M. Paulin). Cité, t. II, p. 273.
Parlement. Reproches adressés au Parlement, 1. 1, p. 189.
Patenostres, t. I , p. 238 et suiv.
Pèlerins. Leur éloge, t. I, p. 218.
Philippe-Augiste. Nommé, t. II , p. 22.
Philippe-le-Bel. Pièce à laquelle ses guerres avec les Fla-
mands et avec les Anglais donnent naissance, t. I , p. 73.
Philippe de Valois. Nommé, t. I, p. 73; conseils qui lui
sont donnés par un trouvère , ib. et suiv. ; nommé p. 75 ; il
doit agir de manière à ce que la mer sépare l'Angleterre de la
France, p. 76; pièce qui lui est adressée, p. 342 et suiv.
Planètes (le Dit des), 1. 1 , p. 272.
Prêcheurs. Qualités qu'ils doivent avoir, t. II, p. 422.
Prélats. Critique des Prélats, t. I, p. 182 ici., p. 239; irf.,
283 et 284; éloge des bons prélats, p. 289; Des Prélaz qui
sont orendroit, satire, t. II , p. 316. Chanson contre les pré-
lats, p. 325.
Proverbe. Un proverbe du moyen-âge, cité t. I, p. 2, vers
4 et 5. Pièce composée de proverbes, t. II, p 375.
Ràlf de Henefeld ou de Flandre. A la Massoure, t. II,
p. 346; refuse de fuir, p. 349 ; est tué, p. 351.
Reliqui^ antique. Ouvrage cité t. II, p. 333.
Ren. Nom de la lance d'Arthur, t. II , p. 200.
Renart. Pièce où Renart parait, t. II, p. 23; le Dît de la
Queue du Renart, t. II , p. 88, composé par un trouvère pari-
sien, t. II , p. 88; allusion au Roman du Renart, p. 221.
Richard. Probablement Richard Cœur-de-Lion , nommé t.
I,p.74.
Richard (le comte ). Cité t. II , 346.
Richard de Guise, porte-étendard à la Massoure, t. II,
p. 349; blessé , ib.; tué , p. 353.
Robert Grosse-Tète, évoque de Lincoln. Fragment de
son Manuel du Péché , t. II , p. 304.
Robin et Marion. Vers à leur sujet, t. I , p. 295, 320; al-
lusion à la pastorale de Robin et Marion , t. II , p. 237.
440 TABLE
Rois. Critique des rois , t. I , p. 18G; le Dit du Roy, p. 342
et suiv.; les qualités qu'ils doivent avoir, ib.; conseils qu'on leur
donne, p. 364; Chronique des rois de France, t. II, p. 18 et
suiv.
Rois de Cambrai. Pièce de ce trouvère , t, II , p. 275, 428.
Roland. Cité, t. II, p. 346.
RuFFiNE. Emporte l'âme d'un Sarrasin en enfer, t. II, p. 352.
RuTEBELF. Pièce qu'on pourrait lui attribuer, t. II, p. 83,
cité p. 413, 419, 420; addition au Dit de la Vie du Monde, ib.
Saint-Denis (chroniques de). Mentionnées t. I, p. 88.
Saint-Louis. Satire contre sa politique, t. II, p. 83; allu-
sion à sa piété, p. 112, en note; vers sur Saint-Louis, p. 201;
Saint-Louis n'aimait pas les chansons profanes , ib. ; prisonnier
à la Massoure, p. 339 ; cité p. 416.
Salesbrine, Salisbury (le comte de). Surnommé Lon-
gue-Epée, t. II, p. 339, ses exploits à la Massoure , p. 352.
Salut. Pièce intitulée Salut d'Amours, t. II, p. 235, 257.
Seigneurs. Conseils donnés aux seigneurs, t. II , p. 142.
Tapisserie de Bayeux. Mentionnée 1. 1 , p. 12.
Templiers. Allusion à leur destruction, t, I,p.242; le grand-
maître William à la Massoure, t. II , p. 339; sage conseil qu'il
donne, 341; pénètre dans la place, 342; est blessé, 344, 345;
meurt , 345.
Thibaut, roi de Navarre. Vers où son nom est cité, t. II,
p. 414.
Thibaut de Mailli , auteur des Vers sur la Mort , t. II ,
p. 210, 419.
Toilette. Détails de la toilette des honunes, t. I , p. 202;
ib., des femmes, p. 287; ib., p. 292, t. II, p. 421.
Trébutien. a publié un Dit de Ménage, t. II, p. 162.
Triacle. Animal allégorique, t. I , p. 360.
Trouvères. Vivent des bienfaits des gentilshommes, t. II ,
p. 52; singuliers jeux de mots qu'ils se permettaient , t. II , p.
281 ; cités 322, 428.
Unicorne et du Serpent (de l'). Pièce morale sous ce
titre, t. II , p. 113.
Vav ASSORTE. Il y a trois degrés pour y parvenir, et quels ils
sont, t. II, p. 62.
ANALYTIQUE. 441
Venin. Allégorie cachée sous ce nom , t. I , p. 300.
Ver (Robert de), chevalier tué à la Massoure , t. II,
p. 345.
Vergier de Paradis (le). Stances allégoriques, t. II , p,
291.
Vérité. Un Dite de Vérité, t. II, 83; contre qui est dirigée
cette satire politique, ib. , en note.
Vierge (la). Invoquée, t. I, p. 43; son apparition à un
chevalier, p. 149; ib., à un chanoine, p. 278.
ViLLAiN. Le Dit du Villain de Bailleul, t. I, p. 312.
Villon. Cité t. II , p. 413.
Vins. Vers sur différentes espèces de vins, t. I, p. 259 et
260; leur personnification, p. 293; leurs quaHtés, p. 294 et
suiv. Comment on doit priser le vin, t. II , p. 290.
Virgile. Nommé par le trouvère Gieffroy avec Aristote et
Horace, t. I , p. 248.
VouDAi. Pièce intitulée les Drois au Clerc de Voudai, t. II,
p. 132, le Clerc de Voudai, auteur de plusieurs fabliaux et
contes, p. 133.
WiDELE (Robert de), à la Massoure, t. II, p. 346; re-
fuse de fuir, 349 ; est tué , 350.
William Longespée (de). Récit de la bataille de Mas-
soure, t. II, p. 339. William bat les Sarrasins , 339, 340; pé-
nètre dans la Massoure, 342; tue un chef Sarrasin , 345;"com-
bat vaillamment, 346; refuse de battre en retraite, 347, 348;
dispose de ses biens, 348 ; encourage ses compagnons, 349 ; est
blessé, 350; tué, 353.
Wright (M. Thomas), mentionné, t. I, p. iv, préface; ib.,
p. 17; t. II, p. 372,425,426.
Wymound (Richard). Templier, à la Massoure. Pourquoi
surnommé d'Ascalon , t. II , p. 346 ; refuse de fuir, 349 ; est
blessé, 350; tue cinq Sarrasins, 352; est tué, 353.
29
••■
TABLE.
Préface. * ' y
Le Romanz des Franceis. 1
Chronique des Rois de France. 18
Du plait Renart de Dammattin contre Vairon son roncin. fe
r Gilote et Johane. 28
'(^Del'Yver et de l'Esté. 40
Le dit de Gentillece . 50
Le dit de Perece. 58
Des sis Manières de Fols. 65
De la Foie et de la Sage. 73
Un dite de Vérité. ' ttasfeij»! ^
Le dit de la Queue de Renart. 88
Le dit des Paintres. 96
Le dit des Moustiers. 102
De rUnicorne et du Serpent. 113
Les Vers du monde. 124
Des Droiz au clerc de Voudai. 132
Doctrinal le Sauvage. 150
Le dite des Choses qui faillent en ménage et en mariage. 162
La Contenance des Famés. 170
La Lande dorée que le vicomte d'Aunay fist. 178
Un Lay d'amours. 190
Du roi Attl^ et de Saint-Loys. 199
De Martin Ha^part. 202
Fatrasies. _, ^ "* 208
^ ^i)u Jeu de dez. 229
^^§alùs d'amors. . 235
La Complainte douteuse. 242
Salut d'amors. 257
• ■%.»
■-% *»
Du Denier et de la Brebis. ••^^ *" *
Ce sont li Vers de le mort. % ê . % "• .\
204
273
La Sénefîance de l'A B C. ^ ' '^* ^^ \
Le Vergier de Paradis. • * ^ ^V^,
275
291
Moralités sur six vers. - •
297
De la Peine d'Enfer.
304
Du Roy qui avait une amie.
309
Des Prélaz qui sont orendroit.
316
■Jle la Femme et de la Pye. , ^ *j»
Pes Femmes.
326
330
_Le dit des Femmes.
334
Du bon William Longespée.
339
Des grans Jaianz ki primes conquistrent Bretaigne.
354
Dictons et Proverbes.
372
Chansons.
377
Notes et Éclaircissements.
387
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IMPRIMERIES DE PKCQUEREAU ET C"
1.8, RUE DE 1.1 HAIII'K.
PQ
1303
J8
t. 2
Jubinal, Achille
Nouveau recueil de contes
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